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Article de revue

Télévision : au-delà du miroir !

Pages 53 à 61

Notes

  • [1]
    Merci à Yves Citton et Ariel Kyrou pour leurs relectures.
  • [2]
    Everyware / Ubiware / Nowhere, malgré l’orthographe capricieuse de l’anglais, riment. Everyware et Ubiware font écho au software. On a donc fait écho à logiciel en forgeant un partou(t)ciel qui évoque – non a caso – la partouze visuelle et relationnelle dans le couple téléspectateur/producteur de contenu. N’ayant pas trouvé l’équivalent pour No-where satisfaisant – nulle-part-iciel ? – nous avons préféré le part nulle-ciel, nous souvenant que les parts de marché constituent l’obsession des marketeurs TV. Adam Greenfield a accepté la traduction française d’ Ubimédia pour son livre de 2006 Everyware, the dawning age of ubiquitous computing, New Riders, Berkeley.
English version

1À l’ère des réseaux sociaux et des moteurs de recherche planétaires, des téléphones mobiles intelligents et des « iPads », le petit écran n’a jamais aussi bien porté son nom. Qu’il se réfugie sur des écrans plats superlatifs (déformant au passage la perception d’une façon qui devrait influencer durablement le dessin de la perspective) ne change rien à l’affaire. La petitesse du « petit écran » est d’un autre ordre [1].

2Dans une samba des années 1960, on trouve cette formule superbe : Televisäo do povo è janela (« La télévision du pauvre, c’est sa fenêtre »), quelque part entre Orfeu Negro de Marcel Camus (1955) et l’ère des telenovelas. Aujourd’hui que l’électricité a pénétré tous les moros, que la télévision a remplacé le réveil et côtoie la brosse à dents, O Globo au Brésil, les réseaux murdochiens ailleurs ont réécrit les choses : « La télévision, c’est la fenêtre sur les foyers », l’œil de l’État, l’œil de la publicité, et finalement l’œil du marché. Vous êtes en or, serinent-ils toute la journée, comme le Vous le valez bien de l’Oréal. On les comprend : l’enjeu est de constituer un capital-téléspectateurs, dont l’astronomique rémunération de ses présentateurs donne la mesure. Des gens en or, on vous dit, conviés à tous les Colisées mondiaux, dont le dernier fut la Coupe du Monde de football, à participer à tout prix, y compris pornographiquement, et qui de plus payent redevance alors que depuis un siècle l’éducation est obligatoire, mais un brin gratuite. Mânes adornesques, Sainte École de Francfort, auriez-vous vaincu ?

Nouvelles fenêtres, nouvelles vues

3Pas tout à fait. Car elle continue de tourner, cette TV, sur une drôle de trajectoire des désirs : du périgée de l’inventivité collective à l’apogée du pouvoir. Entre l’abject, le déject, entre la fascination du serpent pour un enfant de deux ans (Bernard Stiegler a raison de s’intéresser à cette énorme pan du pré-formatage perceptif et affectif) et le dernier lien reliant le vieillard solitaire plus regardé que regardant. Et il en va d’elle, puissante TV, comme du molaire. En masse, elle est indigeste, impossible à réformer, comme l’État, l’entreprise. Continuellement zappée, détournée, kaléidoscope, molécularisée, elle parvient pourtant à défragmenter le disque dur mental. Félix Guattari avec son agilité qui lui tenait lieu de nature, en faisait un discriminant. On repère dans ses effets un agir au cœur même de la plus effarante passivité. Circule quelque chose malgré elle, malgré nous. Invitus, invitam, nous la quittons toujours avant de l’avoir allumée.

4Mais ces relations, aussi vieilles que des attachements amoureux qui décevraient sans fin, se sont ré-animées avec la révolution numérique. La boîte ORTF, dont l’architecture dit tellement sur la télévision d’État du gaullisme (qui a fait école en Afrique), ou le suppositoire Bouyguien TF1 de Bologne, à quelques encablures sur la morne Seine – avec ses clones à peine moins laids sur l’innommable Front de Seine emblématique du privé-État new look confondus – sont tous deux bousculés sans qu’il soit besoin de trop les opposer. Le dragon numérique les rappelle tous deux à leur mortelle condition.

5Le petit écran est petit malgré sa taille dans les cafés ou les riches foyers. L’écran, à force d’écrémer le lait du monde (screen-tamis), sert un beurre rance ou Coca-Cola zéro de l’information-jeu-reality show. Métro/boulot/télé, et plus du tout dodo… Oui, bien sûr, mais ces lamentations finissent par ressembler à des variations sur figure imposée. Quelle que soit leur virtuosité, elles lassent. Plus intéressants sont l’usage et les formes de réappropriation qui s’inventent quand on force l’attention à s’y intéresser.

6Par exemple un changement fondamental s’est produit dans le partage du temps, creusant un vrai gap de génération, et pour une fois un fossé positif : les moins de 25 ans passent plus de temps sur d’autres écrans que celui de la messe familiale. Les Français passaient plus de 3 heures par jour en moyenne par an devant le petit meuble. C’était au total énorme, cela le demeure, presque plus que le temps de travail étalé sur toute la vie. Pour les enfants et adolescents, l’écran est un nouveau tamis, une fenêtre sur des jeux. Mais cet écran n’est plus le meuble télé.

7Les dinosaures microsoftiens (qui avaient tout compris à l’Internet !) avaient prévu de faire du couple télévision/système d’exploitation XP l’intégrateur général (TV d’État/porno privé après minuit/DRM pour Sacémiens à gogo). Las, l’indiscipliné ordinateur portable a quitté le salon. La télévision dans la chambre des enfants est devenue le grenier dont on force la porte interdite par les verrouillages enfantins. Et la reconversion précipitée sur des dispositifs de captation autour des PC était à peine amorcée que le téléphone portable (Lilliput contre le gargantuesque écran plat) rebattait les cartes. Les temps sont durs pour les restructurations des médias, y compris dans le domaine de la téléphonie mobile (Blackberry bousculé par I-phone et le coup de maître de ce dernier dans son rôle d’intégrateur et capteur d’applications à son tour concurrencé par le format libre de l’Androïd de Google).

8Les doigts de la technologie bougent et les commentateurs parlent d’éclipse de la lune – ils se trompent. Pas sur l’éclipse, bien réelle, mais sur ses raisons. La crise de l’écran est encore plus profonde. La petitesse triste de la télévision tient probablement à trois autres raisons :

91. L’écran n’est plus dans l’écran, il est « tout » où je suis (« everyware ou ubiware » en quelque sorte) pour reprendre la phrase de Corneille dans Sertorius à propos de Rome.

102. À l’école contagieuse de l’Internet, le public a fait sa déclaration d’indépendance avec les réseaux sociaux (Facebook, etc..), mais aussi avec les réseaux alternatifs (n-1 par exemple), déclenchant une crise de mesure du public, et par conséquent du concept économique de public.

113. Le modèle économique de financement des canaux de télévision, pris entre l’étau de l’aspiration du méga-portail par les moteurs de recherche et la production directe de contenu par les fournisseurs d’accès (et parfois même de tuyaux), se voit enjoint d’assurer le service public ou commun de l’information et du divertissement (panes et circenses à l’ère McLuhan), tout en perdant une à une la spécificité de ses ressources (les redevances territorialisées, les bouquets d’abonnés face au streaming en continu, au « podcasting »). Oui, l’industrie culturelle est en crise. Celle-là même dont l’École de Francfort avait douloureusement enregistré l’irrésistible ascension.

L’écran n’est plus dans l’écran, il est tout où je suis

12Si la consommation d’images-sons, c’est « comme on veut, quand on veut » (pour reprendre une célèbre publicité pour le fromage), il en découle quelque chose de redoutable : les spectateurs sont toujours là, plus nombreux, divers et ondoyants que jamais. Le problème est qu’ils ont disparu des filets de captation de l’audience. L’audimat cesse d’être mesurable. Consommation Ubiware ou Everyware (partou(t)ciel) = traçabilité pour une diffusion Nowhere (partnulle) [2]. Ou plus exactement, la multiplication des données de visionnage ayant perdu l’unité de lieu et de temps, on ne peut plus proposer aux publicitaires de concentrer leurs mises de fond sur les premiers et aux premières loges (prime time). Comme si, dans ce Colisée moderne, il n’y avait plus ni poulailler, ni tribune. Un travelling permanent du public sans rail prévisible.

13Le résultat de la dissolution tendancielle du concept même d’audience – territorialisée, assignée, identifiée – est en effet un effondrement et des parts de marché et du concept même de partage du marché. Le marché du gratuit cannibalise non seulement l’autre marché (celui classique qui joue le jeu), mais aussi le marché tout court. D’où l’affolement dans les écuries de l’audio-visuel.

14Pire : la notion même de programmation des chaînes perd son sens au profit du théâtre que chacun se constitue pour soi, à ses horaires, à son rythme. Ce n’est plus du zapping entre plusieurs chaînes au même instant, saisissable comme une tranche de vie ou d’audience. C’est du zapping sur l’organisation même du temps. Qui peut saisir cette activité pollinisatrice ?

15Certainement pas l’archaïque meuble dont on prendrait le pouls comme ces quelques milliers de ménage qui acceptent d’être auscultés par l’audimat. Non, c’est l’opérateur de téléphone intelligent devenu un « iPod » permanent de notre icono-phagie permanente (pêle-mêle : photo d’excursion de famille, morceaux téléchargés, auto-montage mentaux adressés par messagerie) qui commence à collecter ces informations. Dire qu’il s’agit d’un compost en fermentation d’où surgiront les nouveaux services et produits (les bases de données relationnelles), c’est rester en deçà de la vérité. Tout ce chaos se retrouve dans les nuages de l’Internet, tandis que le data mining et le mapping de cette géographie mentale deviennent le sésame de l’innovation et surtout de la recherche du consensus sémantique, en marketing comme en politique. La télévision du futur sera une petite fenêtre sur le cloud computing. Voilà la nouvelle carte du tendre de l’audience, à méditer par les stratèges en chambre des chaînes de feu « le petit meuble de votre salon ».

Nouvelles déclarations d’indépendance et d’interactions

16Pleurerons-nous l’ORTF et les quelques productions-phares, celles de Claude Santelli ou de Jean Prat (Les Perses), ou l’emblématique Belphégor de Claude Barma ? La bonne vieille télévision publique ? Pas vraiment. Le DVD a rendu à ces productions le statut cinématographique qui était le leur et dont elles furent privés par le « petit » écran. À l’opposé, regretterons-nous Dynasty, Dallas, Lost, les feuilletons à relents de reality show et de sociologie sauvage comme la Star Academy ? La vidéo et YouTube partout singularisent, éphémèrisent la lucarne sur la réalité qu’elles ouvrent furtivement, sans esprit de suite, à leur insu le plus souvent, une réalité purgée des généralisations pédantes.

17Le concept de chaîne généraliste à identité fixe se brouille. Et c’est tant mieux. Cent chaînes captant chacune pas plus de 1% d’audience, et si ce sont mille chaînes, un millième d’audience pour chacune serait l’idéal. De quoi rendre chèvre la répartition paresseuse des budgets publicitaires. Car ceux-ci sont les plus grands pousse-au-crime de la course à l’audience, et les grands responsables de l’uniformisation des programmes (par une rivalité mimétique girardienne).

18Car l’Ubiware (n’importe quand, n’importe où, n’importe quoi) constitue sans doute le chemin détourné que prend la réémergence de la noo-diversité, comme sa ligne de fuite. La déterritorialisation est le gage du transculturel et de l’invention de la culture contemporaine, sur laquelle il est grand temps que les télévisions « nationales », comme les désuètes équipes « nationales » de football, ouvrent la fenêtre ! Après le « black, blanc, beur » de 1998, encore un effort camarade ! Queer-isons un peu la couleur, le trop sage métissage ! Rimbaldisons l’identité ! Gagnera la nouvelle course de chars à l’Olympie moderne, la minorisation de la Nation. Le devenir majeur de la TV est mort. Le petit meuble est mort, comme le petit chat. Nous sommes tous mortels. Vive son devenir mineur !

19La multiplication des supports, des plates-formes d’intégration de contenus numériques s’accompagnent en effet – n’en déplaise aux grincheux (avec un zeste d’Habermas et un bon verre d’Adorno) – d’une sécession permanente qui vaut bien celle du Musée de Vienne. Il fut de bon ton de railler la déclaration d’indépendance du cyberespace formulée en 1996 par John Perry Barlow, ce cyber-libertarien. « Combien de divisions ? », demandaient perfidement les thuriféraires staliniens de la religion de l’État, aujourd’hui plus répandue que la religion d’Église. Pourtant l’examen des législations, ou plutôt des tentatives de législation des États – depuis la Loi de décence sur la Toile (1996), à laquelle répondit précisément Barlow, jusqu’à Acta, en passant par le florilège européen et français des lois sur la défense de la « création » (Davsi / Hadopi) – montre une créativité des usages de cette désormais vieille technologie. Télévision gramophone, 78 tours de vision. Nous préférons le 360 degrés, mais remasterisé, l’enregistrement TV est désormais intégré à des performances artistiques. Le 5e pouvoir a vécu. Place au musée du 9e art !

Quel modèle économique face à l’impératif du gratuit ?

20Google est-il en guerre ? Pas vraiment, mais la guerre est bel et bien déclarée contre la firme de Mountain View. Après celle des bibliothèques, celle du livre, celle des portails des titres de presse aspirés et furieux de voir baisser d’autant leurs recettes de publicité. Le référencement direct par les moteurs de recherche puissants (particulièrement Google) permet de se dispenser d’accéder au contenu en visitant préalablement le site référencé. La fréquentation de ce dernier baissant, les recettes publicitaires baissent elles aussi. C’est la raison pour laquelle Ruppert Murdoch a décidé de faire passer les titres qu’il contrôle à une mise en ligne payante de l’information. Nombre de journaux avaient déjà rendu leurs archives payantes après une semaine d’accès gratuit.

21C’est ce qu’on appelle la gestion patrimoniale de l’investissement dans l’information. Est-elle efficace ? On peut en douter : les professionnels de l’information ont besoin d’un accès très large à des sources multiples (dont leurs propres enquêtes) qui ne se règle pas par quelques abonnements payants limités. L’appauvrissement des journaux écrits, trop souvent bornés à un rewriting des mêmes dépêches d’agence, montre que l’homogénéisation a fait insensiblement le lit de la presse gratuite. Le tissu des amateurs et informateurs, des blogs où les professionnels puisent en partie leur sujet, est indispensable, et ce fonds commun renouvelé sans cesse suppose tant de connexions qu’à raison de 50 centimes d’euro l’information, c’est un budget journalier de 75 à 150 euros qui serait nécessaire. Qui pourrait disposer d’un tel budget ? Le pay per page est ruineux quand on s’en sert systématiquement.

22Très récemment, on a assisté à une nouvelle croisade contre Google du côté de la production de scénarios et d’émissions calquées sur la captation systématique (comprenons à coup d’algorithmes) des interactions sur la Toile. Des entreprises voulant renouveler et rationaliser le fonctionnement du secteur ont commencé à bâtir des émissions de télévisions à partir d’un web mining extrayant l’information déjà structurée. Cela permet de capter les externalités positives engendrées par le réseau et de faire l’économie des scénaristes, des adaptateurs de romans. Ce nouveau business était à peine né qu’il a été menacé dans sa viabilité économique par les grands moteurs de recherche. Comme dans le cas des portails numériques de la presse écrite, Google ou Yahoo sont capables d’aspirer ces synthèses de contenu ou d’en produire de meilleures à partir de l’indexation.

23On retrouve le statut particulier des biens informations ou connaissances tirés du nouveau fonds commun de la Toile : leur efficacité, leur inventivité tient à leur libre diffusion et à l’absence d’entraves pour les interactions. Du coup, le bien marchandisable qu’on peut en tirer ne peut plus être vendu sur un marché comme une marchandise lambda (B to C). Il doit passer par la médiation des moteurs de recherche, sans que la réalisation marchande de ces nouvelles émissions (leur succès) soit garantie.

24La réduction du Web à une nouvelle sphère marchande, de même nature que le marché du capitalisme industriel, ne s’avère pas davantage possible dans le Web 2.0 que dans le Web 1.0 sans constitution et consolidation d’un nouveau fonds commun qui se traduit par une extension des espaces de gratuités.

25Autrement dit, pour vendre ses livres en version numérique sur iTunes à des tarifs plus bas que ceux des livres papiers, il faut se servir des milliers de livres numérisés par Feeds Books et par le projet Gutenberg, ou par Google Books, afin d’attirer les clients potentiels et exploiter la révélation de leurs goûts. L’amateur de livres et de savoir ne met pas longtemps à démêler les attrape-nigauds qui ne jouent pas le jeu. Si les télévisions veulent consolider une audience fugueuse qui ne se définit plus par une programmation uni-localisée et uni-modale, elles devront décloisonner et mettre dans le domaine public de plus en plus de contenu culturel sans contrepartie marchande.

Television : Beyond the Mirror

26A popular samba in the 1960s sang that the poor man’s TV is his window. In the decades afterwards this relation has turned over: Nowadays TV replaces the alarm clock, accompanies the act of brushing one’s teeth and has become in many respects the properly window to the world. A tiny window, and getting tinier, as ever smaller screens move out of our living rooms to accompany us “everyware” (on our iPads, iPhones and other ubiware gadgets). It would be wrong, however, to consider the ubiquity of TV screens as the final triumph of mass mediocrity, as the Frankfurt school would have us believe. Major changes are happening—not necessarily for the worse.

27One such transformation has taken place in the way younger generations allocate their time: people under 25 spend more time on other screens than TV screens. An average French person still spends more than 3 hours per day in front of a screen, which, over a lifetime, amounts to as much as the time spent at work. The difference is that this TV time is less and less spent in front of TV sets. The critics are right: television is going through an eclipse. But the eclipse is not where most people see it. The crisis is deeper, fuelled by three sets of transformations:

281. The screen is no longer in the screen: it is not only everyware, but rather everything where I am, since my screen is my telephone, my computer, my notepad, my book and, occasionally, my TV. Our new relation to TV is based on an as-you-like-it, where-you-like-it, when-you-like-it principle. Viewers may well be more numerous than ever. But, since they too are everywhere, it becomes impossible to capture them in the traditional nets. As they watch TV everywhere, there is nowhere to mass-capture them. It is the end of (captive) audience as we knew it: no more prime time (since I can record and watch when I please), no more forced exposure to commercials (since delay devices allow me to skip the ads). The very notion of “market share” is undermined by these new ways of watching our tiny screens. Add to this the availability of a lot of content (legally or illegally) free online, and you’ll understand the growing sense of panic spreading through the mass media economy.

292. As it becomes familiar with the possibilities of the Internet, the public is making its declaration of independence. Along with the development of social networks (Facebook) and alternative networks (n-1), the public enters into a crisis due to the impossibility accurately to measure it, which results in the collapse of the traditional media economy. New forms of capture (through data mining and mapping) are needed, opening new windows of opportunity and new risks—windows showing a still hazy landscape made of cloud computing. The identity of the major networks (BBC, ABC, NBC) is bound to become increasingly muddled and fragmented. A thousand channels may bring a thousand points of light, but each will see its market share come dangerously close to one thousandth of the targeted “masses”. Mass media is (soon to be) dead—along with the majors! Long live the fragmented minorities—along with their multifarious creativity!

303. As people get used to free access and free use of an increasing number of resources, it becomes increasingly difficult to squeeze a penny out of their behaviour. The economic models on which old style television relied are strangled between, on one side, the aspiration of mega-portals provided (for free) by search engines and, on the other side, the direct production of content by service providers. Yet TV is still expected to provide a “public service” of information and entertainment (panem et circenses of the McLuhan era), while it simultaneously loses its income base (TV tax and subscriptions eroded by the joint assaults of the free market and free podcasting). Here too, the irresistible ascension of TV as a mass media––as forecasted by the Frankfurt school in the dawn of a new totalitarian age––is biting the dust.

31The demise of mass TV is the consequence of the specific status of information and knowledge as immaterial goods, fuelled from their common ground on the worldwide web: their power, their productivity and their inventiveness rely on their availability, on free access. The commodity which can be extracted from this common ground can no longer be sold on traditional markets along the usual B to C channels promoted by dominant business models. If televisions want to consolidate their increasingly fleeting audiences, they will need to overcome traditional enclosures and release to the public domain more and more cultural content, without marketable counterpart. Free TV? An old concept, since “public broadcasting” has long been provided “free to the public”. TV free—from State and Market monopolies? Now, there’s something new…

Fernsehen: Hinter dem Spiegelbild

32Ein bekannter Sambaschlager der sechziger Jahre besingt den Blick aus dem Fenster als das Fernsehen der Armen. In den Jahrzehnten darauf hat sich dieses Verhältnis umgekehrt, der Fernseher ersetzt den Wecker, begleitet das Zähneputzen und ist in vielerlei Hinsicht das eigentliche Fenster zur Welt geworden. Heute wird dieses Fenster immer kleiner: Kleinstbildschirme verlassen mit uns das Wohnzimmer und folgen uns überall hin (in Form von iPads, iPhones und anderer Gimmicks). Es wäre allerdings ein Fehlschluss zu glauben, dass die Vielfältigkeit der TV-Bildschirme den endgültigen Triumph der Massenverdummung bedeutet, wie es uns die Frankfurter Schule wohl gerne weismachen würde. Globale Veränderungen finden statt – was nicht unbedingt schlecht ist.

33Einer dieser Transformationsprozesse betrifft die Art und Weise wie junge Menschen unter 25 mit ihrer Zeit umgehen. Ein französischer Durchschnittsbürger verbringt mehr als 3 Stunden vor dem Bildschirm, was – auf ein Menschenleben hochgerechnet – etwa der Lebensarbeitszeit entspricht. Neu ist, dass diese Zeit immer weniger vor dem häuslichen Fernseher verbracht wird. Die Kritiker haben also Recht, das „Fernsehen“ wandelt sich, aber die Wende findet nicht dort statt, wo man sie vermuten würde. Die Krise steckt tiefer und nährt sich aus drei Transformationsprozessen.

341. Der Bildschirm verlässt den Bildschirm: Er ist nicht nur überall, sondern steckt auch in allem, was wir herumtragen: in unserem Telefon, in unserem Computer, unserem E-Buch und nebenbei auch noch in unserem Fernseher. Unsere neue Beziehung zum Fernsehen lautet wann immer und wo immer ich will. Die Zahl der Zuschauer war noch nie so groß wie heute, aber da sie an jedem Ort schauen, haben die traditionellen Sendeanstalten keinen Zugriff mehr. Es gibt keinen Ort mehr, an dem der Massenzugang kontrolliert werden kann. Daher wird auch die Vorstellung von Marktanteilen hinfällig. Nimmt man den kostenlosen Zugang hinzu, wird die wachsende Panik der Medienwirtschaft verständlich.

352. Nachdem sich das Publikum die Möglichkeiten des Internets angeeignet hat, verkündet es nun seine eigene Unabhängigkeitserklärung. Gemeinsam mit der Entwicklung sozialer Netzwerke (Facebook) und alternativer Netzwerke (n-1), beteiligt sich das Publikum am Kollaps der traditionellen Medienindustrie. Neue Formen der Messbarkeit werden benötigt (data mining and mapping), die mit neuen Risiken und Chancen einhergehen. Die großen Medienunternehmen (BBC, ABC, NBC) wählen verschiedene Kompensationsstrategien, die letztlich zu einer größeren Unübersichtlichkeit und Aufsplitterung führen. Die Massenmedien sind schon so gut wie tot – genau wie die Majors! Es leben die fragmentierten Minderheiten und ihre vielfältige Kreativität!

363. Da immer mehr Menschen freien und kostenlosen Zugang zu den Medienangeboten haben, wird es schwer, aus ihrem Nutzungsverhalten Profit zu schlagen.

37Die alten Geschäftsmodelle der Fernsehindustrie werden durch kostenlose Megaportale der großen Suchmaschinen und die eigenständige Herstellung von Inhalten durch die Benutzer selbst regelrecht ausgetrocknet. Das Fernsehen soll immer noch seinen „öffentlichen Dienst“ in den Bereichen Information und Unterhaltung leisten (Brot und Spiele hätte McLuhan gesagt), während gleichzeitig seine herkömmlichen Finanzierungsquellen versiegen (Gebühren und Werbeeinnahmen). Auch dies widerspricht der Frankfurter Schule, die das Fernsehen zu einem, im Zuge einer totalitären Entwicklung, unaufhaltsamen Massenmedium hochstilisiert hat.

38Der Untergang des Massenfernsehens beruht auf der besonderen Stellung von „Information“ und „Wissen“ als immaterielle Güter, die sich nun auf dem gemeinsamen Gebiet des weltweiten Webs entfalten: Ihre Macht, Produktivität und Kreativität sind heute mit freiem Zugang verknüpft. Der Marktwert, der auf dieser Grundlage gewonnen werden kann, läuft nicht länger über die etablierten Wirtschaftsbereiche und ihre entsprechenden Geschäftsmodelle. Wenn die Fernsehsender ihr umherschweifendes Publikum einfangen wollen, müssen sie traditionelle Grenzen überwinden und ohne direkte finanzielle Gegenleistung immer mehr Kulturgüter frei zur Verfügung stellen. Freies Fernsehen? Das wäre ein alter Hut, da öffentliche Sender dem Publikum seit jeher suggerieren kostenlos zur Verfügung zu stehen. Aber ein freies Fernsehen – unabhängig von Staat und Markt…? Das wäre etwas ganz Neues.


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Date de mise en ligne : 01/11/2010

https://doi.org/10.3917/mult.hs02.0053

Notes

  • [1]
    Merci à Yves Citton et Ariel Kyrou pour leurs relectures.
  • [2]
    Everyware / Ubiware / Nowhere, malgré l’orthographe capricieuse de l’anglais, riment. Everyware et Ubiware font écho au software. On a donc fait écho à logiciel en forgeant un partou(t)ciel qui évoque – non a caso – la partouze visuelle et relationnelle dans le couple téléspectateur/producteur de contenu. N’ayant pas trouvé l’équivalent pour No-where satisfaisant – nulle-part-iciel ? – nous avons préféré le part nulle-ciel, nous souvenant que les parts de marché constituent l’obsession des marketeurs TV. Adam Greenfield a accepté la traduction française d’ Ubimédia pour son livre de 2006 Everyware, the dawning age of ubiquitous computing, New Riders, Berkeley.

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