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Article de revue

Baisse des infections virales et viro-induites pédiatriques pendant les confinements en 2020

Pages 41 à 45

1 La lutte contre l’épidémie à COVID-19 en 2020, c’est-à-dire la lutte contre la transmission du virus SARS-CoV-2, a principalement reposé sur des mesures de prévention pour la population. Ces mesures ont associé des consignes d’éloignement inter-individuel, en particulier dans les magasins et les transports, le port d’un masque, et un renforcement du lavage des mains par les solutés hydro-alcooliques et les savons. Ces mesures ont été renforcées par un confinement populationnel entre le 17 mars et le 11 mai 2020 et du 30 octobre au 15 décembre [1, 2]. Les écoles ont été fermées pendant le premier confinement mais sont restées ouvertes pendant le second avec un protocole sanitaire incluant le port du masque pour les enfants à partir de l’âge de six ans.

2 Pendant les premiers mois de l’épidémie l’inquiétude vis-à-vis des enfants a été importante, renforcée par l’absence de données sur la réalité et la gravité de l’infection avant 15 ans et sur l’impact, à la fois en termes de santé publique, d’hospitalisation et de prise en charge, des autres infections pédiatriques saisonnières, en particulier les bronchiolites et les diarrhées virales.

3 L’hypothèse pessimiste était que, si l’épidémie de COVID-19 impactait les capacités d’hospitalisation, les conditions d’accueil et de prise en charge des autres pathologies automno-hivernales, au décours de la rentrée scolaire de septembre 2020, risquaient d’être problématiques. En effet, l’épidémie de bronchiolites, attendue immanquablement à partir de la 38-39e semaine (= 20 septembre) selon une progression nord-sud, entraîne un afflux hospitalier surtout d’enfants de moins de trois ans, tant aux urgences qu’en hospitalisations et les capacités de prise en charge en charge pédiatriques risquaient d’être débordées.

4 L’hypothèse optimiste, inversement, se basait sur l’efficacité des mesures de protection anti-COVID – qui sont similaires à celles recommandées mais mal suivies – pour la prévention des infections virales, respiratoires et digestives du nourrisson, mesures prises à la fois dans le cadre familial et dans les collectivités d’accueil [3]. Il n’était donc pas impossible que ces mesures appliquées à toute la population aient un impact positif sur la réduction des autres infections virales. Cette évolution avait déjà été notée dans l’hémisphère sud, en particulier en Australie [4].

5 Notre hypothèse était que la fréquence des pathologies virale et viro-induites pédiatriques allaient être impactée par les périodes de confinement et les mesures barrières en 2020.

Méthodes

6 Nous avons mené une analyse à partir d’une base de données de surveillance prospective multicentrique des consultations aux urgences pédiatriques. Le Centre Régional d’Observation et d’Action sur les Urgences e-CERVEAU, Agence Régionale de Santé, est un organisme officiel dédié à la santé publique qui reçoit automatiquement une synthèse des données anonymisées de toutes leurs consultations aux urgences pédiatriques de la région parisienne. La base de données a été approuvée par l’autorité française de protection des données. Ces données incluent le diagnostic de sortie codé par les médecins en charge du patient à l’issue de la consultation selon la classification internationale des maladies et l’admission ou la sortie à l’hôpital. Cette étude porte sur six services d’urgences pédiatriques d’hôpitaux universitaires faisant partie de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, situés à Paris et aux alentours, regroupant 250 000 visites annuelles qui les transmettaient quotidiennement du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020. Nous avons utilisé la base de données e-CERVEAU pour cette recherche. Les données transmises pour cette étude sont anonymes et agrégées, aussi le consentement éclairé du patient n’est pas requis selon les dispositions actuelles. L’évolution des pathologies infectieuses transmises par voie aérienne depuis le début de l’épidémie à coronarovirus (COVID-19) en France a été suivie en 2020 au cours et au décours des confinement. Cinq pathologies ont été suivies du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020 à partir des diagnostics relevés aux urgences pédiatriques de six hôpitaux universitaires : les otites moyennes aigues (OMA), les infections urinaires (IU), les rhinopharyngites, les crises d’asthme et les bronchiolites. Les crises d’asthme ont été associées aux infections saisonnières en raison de l’inter action connue avec les viroses saisonnières, comme cela a déjà été rapporté dans d’autres pays. Les IU ont été retenues comme paramètre de comparaison indépendant des infections saisonnières [5-7].

7 La moyenne des données hebdomadaires collectées en 2017, 2018 et 2019 ont été utilisées pour comparer pour chaque pathologie, les données observées en 2020 ; c’est-à-dire ce qui était attendu en l’absence d’épidémie COVID-19, de mesures de distanciation sociales et de confinement.

8 En 2020, cinq périodes peuvent être distinguées : Une période pré-confinement n̊1 (semaines 1 à 11) ; le confinement n̊1 du printemps 2020 (semaines 12 à 25) avec un déconfinement et une réouverture des écoles très progressive, la période estivale post-confinement (semaines 26 à 35), la rentrée des classes (semaines 36 à 43) avec la mise en place progressives de mesures tels que couvre-feu et fermeture des restaurants, le confinement n̊2 avec les écoles ouvertes (semaines 44 à 49) [1, 2].

Résultats

9 Les diagnostics de 908 887 consultations aux urgences pédiatriques ont été analysés. Les données sur le début de l’année 2020 (semaines 1 à 11) montrent des taux similaires aux années précédentes. En revanche dès le début du premier confinement (semaine 12) on observe un effondrement des consultations aux urgences pédiatriques avec moins 70 % puis moins 50 % (figure 1). Les pathologies virales (rhinopharyngites, bronchiolites) ou viro-induites (OMA, crises d’asthme) ont baissé de 90 % avant de revenir à des taux proches de ce qui était observé les années précédentes fin juin. À partir de septembre 2020 et à mesure du durcissement des règles de distanciation sociale et de confinement, on observe une nouvelle baisse des consultations aux urgences pédiatriques et des pathologies virales et viro-induites. En particulier, on constate une baisse atteignant moins 70 % de ces pathologies virales ou viro-induites lors du second confinement alors même que l’école et les collectivités d’enfants sont restées ouvertes. À l’inverse, tout au long de l’année 2020, en particulier pendant les périodes de confinement, la fréquence hebdomadaire des IU est restée stable, similaire à celle observée les années précédentes.

Figure 1
Consultations par semaine calendaire aux urgences pédiatriques de six hôpitaux de l’AP-HP en 2020 par rapport à la moyenne des consultations en 2017, 2018 et 2019. En 2020, cinq périodes peuvent être distinguées : Un période pré confinement n̊1 (semaines 1 à 11) ; le confinement n̊1 du printemps 2020 (semaines 12 à 25) avec un déconfinement et une réouverture des écoles très progressive, la période estivale post-confinement (semaines 26 à 35), la rentrée des classes (semaines 36 à 43) avec la mise en place progressive de mesures telles que couvre-feu et fermeture des restaurants, le confinement n̊2 avec les écoles ouvertes (semaines 44 à 49).

Discussion et conclusion

10 Le contexte difficile de l’épidémie COVID-19 a permis de mettre en exergue d’autres effets positifs des mesures barrières. Le lavage des mains, le port des masques et plus généralement les mesures de distanciation sociale se sont avérées globalement bénéfiques pour la santé des enfants en réduisant la fréquence des infections respiratoires de l’enfant, qu’elles soient d’origine virale (bronchiolite, rhinite) ou favorisées par ces infections (crises d’asthme, OMA) [8-11].

11 Les messages de prévention ont touché toute la population incluant les familles avec des nourrissons. S’il est difficile d’estimer comment ces mesures d’hygiène ont été poursuivies dans le cercle familial, il est en revanche certain qu’elles ont été efficaces sur les adultes qui restent pauci ou asymptomatiques. L’effondrement des pathologies virales ou viro-induites pendant le second confinement alors que l’école reste ouverte suggère l’importance de la population adulte comme réservoir de ces infections virales. Une réduction similaire de l’incidence des bronchiolites avait d’ailleurs été observée en Ile-de-France lors d’une grève prolongée des transports parisiens [12].

12 La sensibilisation de la population sur les effets bénéfiques des mesures de prévention, tant que l’épidémie actuelle n’est pas terminée, est illusoire. Seule une mise en perspective post-estivale sur l’intérêt de ces mesures en particulier dans les familles avec des nourrissons et des jeunes enfants permettra de retrouver ces effets bénéfiques vis-à-vis des autres infections respiratoires. Pour autant, l’analyse de l’activité des urgences pédiatriques en 2020 révèle aussi des effets néfastes des mesures actuelles, en particulier sur la santé mentale des enfants et des adolescents, avec une explosion des consultations pour ce motif [13].

Points à retenir

Effondrement des pathologies virales ou viro-induites, hors COVID-19, pendant les confinements en France en 2020.Efficacité des mesures barrières sur la transmission des virus hors SARS-CoV-2.Probable rôle réservoir important de la population adulte pour les virus à l’origine des épidémies virales pédiatriques tel que le VRS.

Liens d’intérêts

13 les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

Bibliographie

Références

    • 1. Gouvernement français. Décret n̊ 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 2020 [Available from: https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/3/16/PRMX2007858D/jo/texte (consulté le 26 mai 2020).
    • 2. Gouvernement français. Décret n̊ 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, 2020.
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Mots-clés éditeurs : COVID-19, urgences pédiatriques, confinement, épidémie, virus respiratoires

Mise en ligne 16/09/2024

https://doi.org/10.1684/mtp.2021.0736

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