Notes
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[*]
School of Social Policy, Sociology and Social Research, University of Kent, Medway, United Kingdom, ME4 4AG.
-
[**]
Drug Policy Modelling Program, National Drug and Alcohol Research Centre, UNSW, NSW, Australia, 2052.
-
[1]
W. Sipp, The Portuguese Approach and the International Drug Control Conventions. Statement of the President of the International Narcotics Control Board, Vienna, 2015. https://www.incb.org/documents/Speeches/Speeches2015/statement_reconvened_CND_side_event_portugal.pdf
-
[2]
C. Hughes & A. Stevens, « What can we learn from the portuguese decriminalization of illicit drugs ? », British Journal of Criminology, 50(6), 2010, p. 999-1022 ; C. Hughes & A. Stevens, « A resounding success or a disastrous failure : Re-examining the interpretation of evidence on the Portuguese decriminalisation of illicit drugs. » Drug and Alcohol Review, 31(1), 2012, p. 101-113 ; C. Hughes & A. Stevens, The effects of the decriminalization of drug use in Portugal, Beckley Foundation, Oxford, 2007.
-
[3]
Le processus de la réforme est naturellement complexe. Une description exhaustive du contexte, des motivations et des impressions initiales peut être trouvée dans C. Hughes, Overcoming obstacles to reform? Making and shaping drug policy in contemporary Portugal and Australia, thèse de doctorat, département de criminologie, Université de Melbourne, 2006.
-
[4]
Pour un aperçu des deux points de vue les plus divergents, voir C. Hughes, C., & A. Stevens, « A resounding success or a disastrous failure : Re-examining the interpretation of evidence on the Portuguese decriminalisation of illicit drugs », Drug and Alcohol Review, 31(1), 2012, p. 101-113.
-
[5]
J. Qunitas, Portuguese drug use decriminalisation and law enforcement : Impacts and perceptions of its effectiveness, Annual Conference of the European Society of Criminology, Porto, 2015.
-
[6]
A. S. Santos & Ó. Duarte, Portugal : New Developments, Trends, National Report by the Reitox Focal Point, EMCDDA, Lisbonne, 2014.
-
[7]
M. Moreira, B. Hughes, C. Storti & F. Zobel, Drug policy profile : Portugal. Lisbon : European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, 2011. M. Moreira, F. Trigueiros & C. Antunes, « The evaluation of the Portuguese drug policy 1999-2004 : the process and the impact on the new policy », Drugs and Alcohol Today, 7(2), 2007, p. 14-25.
-
[8]
A. S. Santos & Ó. Duarte (2014). op. cit.
-
[9]
C. Hughes & A. Stevens, « What can we learn from the portuguese decriminalization of illicit drugs ? » British Journal of Criminology, 50(6), 2010, p. 999-1022.
-
[10]
K. Krajewski, « The Tale of Two Drug Policy Approaches – Polish and Portuguese drug policies during 2000s and their effects », in A. Kuhn, P. Margot, M.F. Aebi, C. Schwarzenegger, A. Donatsch, & D. Jositsch (Eds.), Criminology, Criminal Policy and Criminal Law in an International Perspective. Essays in Honour of Martin Killias on the occasion of his 65th birthday, Stämpfli Verlag, Berne, 2013, p. 233-246.
-
[11]
G. Negreiros & A. Magalhães, « Estimativas da prevalência de consumidores problemáticos de drogas em Portugal com base em dados sobre o tratamento », Revista Toxicodependências 15(1), 2009, p. 19-32.
-
[12]
SICAD, Relatório Anual 2013 : A Situação do País em Matéria de Drogas e Toxicodependências, Serviço de Intervenção nos Comportamentos Aditivos e nas Dependências, Lisbonne, 2014.
-
[13]
ONS, Statistical Bulletin Deaths Related to Drug Poisoning in England and Wales, 2014 Registrations, Office for National Statistics, Londres, 2015.
-
[14]
C. Hughes & A. Stevens, « A resounding success or a disastrous failure : Re-examining the interpretation of evidence on the Portuguese decriminalisation of illicit drugs », Drug and Alcohol Review, 31(1), 2012, p. 101-113.
-
[15]
OEDT/EMCDDA, Portugal : Country Overview, 2015. http://www.emcdda.europa.eu/countries/portugal
-
[16]
A. S. Santos & Ó Duarte (2014). op. cit.
-
[17]
A. S. Santos & Ó Duarte (2014). op. cit.
-
[18]
Conseil d’Europe/Council of Europe. (2007). « SPACE I (Council of Europe Penal Statistics) ».
-
[19]
A. Torres (2009). Drogas e Prisões – Portugal 2007. Lisbon, Institute on Drugs and Drug Addiction (IDT).
-
[20]
H. Laqueur, « Uses and Abuses of Drug Decriminalization in Portugal », Law & Social Inquiry (40), 2014, p. 746-781.
-
[21]
J. Qunitas (2015), op. cit.
-
[22]
Direcção centrale de Investigação faire Tráfico de Estupefacientes, 2004.
-
[23]
R. Gonçalves, A. Lourenço, & S. N. da Silva, « A social cost perspective in the wake of the Portuguese strategy for the fight against drugs », The International Journal on Drug Policy, 26(2), 2015, p. 199-209. http://doi.org/10.1016/j.drugpo.2014.08.017.
-
[24]
G. Greenwald (2009). Drug Decriminalization in Portugal : Lessons for Creating Fair and Successful Drug Policies. Washington, D.C., USA, CATO Institute.
-
[25]
M. Pinto Coelho (2010). The “resounding success” of Portuguese drug policy : The power of an attractive fallacy. Lisboa : Associação para uma Portugal livre de drogas.
-
[26]
C. Hughes & A. Stevens (2012). op. cit.
-
[27]
C. Hughes & A. Ritter (2008). A summary of diversion programs for drug and drug-related offenders in Australia. Sydney : National Drug and Alcohol Research Centre; A. Rosmarin & N. Eastwood (2012). A Quiet Revolution: Drug Decriminalisation Policies in Practice Across the Globe. London : Release; A. Stevens (2011). Drugs, Crime and Public Health: The Political Economy of Drug Policy. Abingdon: Routledge.
1La situation au Portugal suscite une immense attention internationale depuis l’adoption en 1999 de la nouvelle stratégie nationale sur la drogue. Cette dernière comprend une nouvelle loi de dépénalisation de la possession de drogues illicites, entrée en vigueur en juillet 2001 (loi n˚30/2000, du 29 novembre 2000). Elle s’appuie aussi sur une extension des politiques de santé publique en termes de prévention et de soins. L’approche portugaise a récemment été décrite comme un modèle de bonnes pratiques par le président de l’Organe international de contrôle des stupéfiants [ 1].
2Cet article décrit la mise en œuvre de cette politique et fournit des données pour en évaluer les effets. Il s’appuie sur les résultats de plusieurs recherches antérieures [ 2] ainsi que sur des données plus récentes [ 3]. Ces recherches s’appuient sur des analyses secondaires de données ainsi que sur des interviews menées auprès de personnes centrales à la mise en œuvre de cette politique entre 2007 et 2009. Il convient de préciser d’emblée que les avis divergent quant aux résultats de cette réforme [ 4]. Il reste également difficile de déterminer si les tendances récentes dans l’usage de drogues et leurs conséquences sont liées à cette nouvelle stratégie, d’autant plus qu’il existe peu de données sur la situation antérieure à 2001. Il est encore plus difficile d’identifier quelle mesure spécifique de cette stratégie a pu conduire à quel résultat précis. L’approche portugaise doit être considérée comme un ensemble global de mesures, sans que l’on puisse attribuer tel ou tel changement observé à la seule dépénalisation.
Le plan portugais de dépénalisation et de prise en charge des toxicomanies
3En 1998, une commission d’experts nommée par le gouvernement a proposé de dépénaliser l’usage personnel de drogues illicites et d’introduire la première stratégie nationale antidrogue du Portugal. Le rapport de la commission visait à abandonner la vision idéaliste d’une société sans drogue au profit d’une approche plus globale de l’usage de drogues, axée sur la santé publique et appuyée sur des données empiriques (Comissão para a Estratégia Nacional de Combate à Droga 1998). La réforme législative (loi n°30/2000 du 29 novembre 2000) et la nouvelle stratégie nationale antidrogue sont directement issues de ces propositions. La dépénalisation a fourni un cadre juridique plus humain pour proposer des interventions dans les domaines de la prévention, des soins, de la réinsertion sociale et de la réduction de l’offre. La dépénalisation a été conduite de manière à privilégier une réponse sociale et sanitaire, y compris en orientant les auteur.trice.s d’infractions mineures vers les structures de soin de la toxicomanie. La nouvelle loi n’a en effet pas supprimé les peines pour possession de drogue, mais elle les a transformées en infractions administratives et non plus pénales. Les personnes arrêtées en possession de drogues illicites sont maintenant obligées de suivre une formation dans des structures dédiées appelées Commissions pour la dissuasion de la toxicomanie (CDT).
4Les CDT sont des commissions régionales composées de trois personnes : un avocat, un travailleur social et un professionnel de santé. Ces commissions établissent avec le ou la délinquant.e les motivations et les circonstances entourant son infraction. Elles sont mandatées pour appliquer toute une gamme de sanctions administratives : travail d’intérêt général, amende, suspension de licence professionnelle ou interdiction de fréquenter certains lieux désignés. Le principal objectif des commissions est cependant de décourager la consommation de drogues et d’encourager les usager.ère.s dépendant.e.s à suivre un traitement. Dans cette perspective, elles doivent évaluer si les personnes concernées sont dépendantes ou non. Pour les usager.ère.s dépendant.e.s, elles peuvent préconiser la participation à un programme de soin ou d’éducation au lieu d’une sanction. Pour les utilisateur.trice.s non-dépendant.e.s, elles peuvent acter un certain nombre de sanctions comme une peine avec sursis, l’obligation de pointer au poste de police, d’accepter un suivi psychologique ou éducatif, ou de payer une amende. Les CDT jouent également un rôle important permettant de diagnostiquer les difficultés sociales et sanitaires éventuelles rencontrées par la personne en infraction, en termes de santé mentale, de parcours scolaire, d’emploi ou de logement. Elles peuvent alors la référer aux services sociaux appropriés.
5Ce dispositif s’applique à l’utilisation ou à la possession de toutes les drogues illicites, dont le cannabis, l’héroïne et la cocaïne, dans les limites d’une réserve de dix jours de consommation (loi n°30/2000 du 29 novembre 2000). Cela revient en pratique à la possession d’un gramme d’héroïne, de MDMA ou d’amphétamines, de deux grammes de cocaïne ou de 25 grammes de cannabis (décret-loi n°15/93 du 22 janvier 1993 ; ordonnance n°94/96 du 26 mars 1996). En revanche, les individus en possession d’une quantité supérieure (ou convaincus d’être directement impliqués dans une opération de trafic) sont inculpés et déferrés devant les tribunaux où ils peuvent être poursuivis soit pour trafic, soit pour le délit de trafic/consommation (lorsque le/la prévenu.e est en possession d’une quantité de drogues supérieure au maximum autorisé pour la consommation personnelle, mais qu’on estime qu’elle s’est procuré des plantes, des substances ou des préparations uniquement pour son usage personnel) (décret-loi n°15/93 du 22 janvier 1993).
6Il est très important de souligner que la dépénalisation n’est pas le seul élément de cette stratégie. L’investissement de fonds publics dans le développement des soins, de la prévention, de l’éducation et de la réinsertion constitue l’autre versant de cette politique qui s’inscrit plus largement dans un ensemble de réformes sociales menées au Portugal au cours de cette période visant à améliorer le niveau des prestations sociales et les conditions de logement pour les personnes vivant dans les zones défavorisées. Cette approche qui combine la dépénalisation et les investissements dans la santé publique s’est poursuivie malgré les difficultés économiques provoquées par la crise financière de 2007-2008. Elle constitue toujours le socle du Plan national pour la Réduction des Pratiques Addictives et Narco-dépendantes, 2013-2020 (SICAD, 2013).
La mise en œuvre de la nouvelle stratégie
7Entre 2002 (première année complète d’application de la nouvelle stratégie) et 2006, les CDT ont engagé environ 6 000 procédures par an. En 2012 et 2013, ce nombre est monté jusqu’à 9 000 procédures par an. Le profil des prévenu.e.s a changé : au début, la part des usager.ère.s dépendant.e.s à l’héroïne était plus importante, tandis qu’au cours des dernières années il y a eu moins d’usager.ères dépendantes et davantage d’usager.ère.s occasionnel.le.s, principalement de cannabis. En 2014, sur les 8 843 personnes renvoyées devant ces commissions, 5 417 (61 %) ont été considérés comme non-dépendantes à la drogue, et la majorité des cas a concerné la consommation de cannabis. La réponse pénale la plus fréquente a été la prononciation de peines avec sursis : elle a été appliquée dans 87 % des cas entre 2001 et 2013 [ 5]. Si le.la prévenu.e ne se retrouve pas à nouveau devant une CDT, les poursuites s’arrêtent là. Le changement de profil des prévenu.e.s a peu à peu fait évoluer les pratiques de certaines CDT (notamment à Lisbonne et Porto), qui ont développé de brèves formations éducatives destinées aux usager.ère.s occasionnel.le.s de cannabis.
8Pour les usager.ère.s considérés comme dépendant.e.s, les CDT recommandent généralement l’entrée dans un dispositif de prise en charge et de soin. Les chiffres montrent que si ces entrées n’ont cessé d’augmenter après 2001, le nombre de primo-entrants (c’est-à-dire de personnes accédant pour la première fois à un protocole de soin de la toxicomanie) est en baisse depuis 1999. Le nombre global de personnes qui suivent un traitement a également baissé au cours des dernières années. Les médecins considèrent que cette baisse est liée à la réduction du nombre d’usager.ère.s dépendant.e.s, en particulier à l’héroïne.
9Les personnes centrales de la stratégie que nous avons interrogées entre 2007 et 2009 s’accordent sur le fait que les CDT présentent de nombreux avantages : un délai d’intervention plus court auprès des toxicomanes par un panel d’experts ; un éventail de réponses élargi ; un accent placé davantage sur la prévention pour les utilisateur.trice.s occasionnel.le.s et sur les soins et la réduction des risques pour les usager.ère.s dépendant.e.s. Ces avantages dépendent bien entendu d’une expansion et d’une collaboration accrue avec les services sanitaires et sociaux, mais la politique de dépénalisation, et les CDT en particulier, ont néanmoins été jugés fondamentaux dans la mise en place d’une approche de la consommation de drogues axée sur la santé publique.
10Parallèlement à la dépénalisation et à la mise en place des CDT, l’offre de services de prévention, de traitement, de réduction des risques et de réinsertion sociale a fortement augmenté. Par exemple, le nombre d’unités de traitement ambulatoire examiné dans les rapports de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) est passé de 50 en 2000 à 79 en 2009. Par ailleurs, un ensemble de mesures de prévention ont été mises au point, destinées soit à la population en général, soit à certains publics spécifiques. Au cours de l’année scolaire 2012-2013, le programme « Ecoles Sûres » a par exemple été mis en œuvre dans 6 406 écoles et a ainsi touché 765 778 élèves [ 6].
11Les actions de réduction des risques ont inclus notamment une augmentation des programmes d’échange et de distribution de seringues, une hausse des traitements de substitution aux opiacés et un ensemble de services gratuits : places d’hébergement, opérations de vaccination contre l’hépatite B ou analyse des pilules de drogues de synthèse [ 7]. En 2013, 16 401 personnes ont reçu un traitement de substitution aux opiacés, essentiellement à la méthadone et à la buprénorphine. La même année, 950 652 seringues ont été distribuées (28 694 dans les centres de santé de soins primaires, 899 662 par 35 organisations non gouvernementales et 22 296 par des unités mobiles). Des initiatives plus ponctuelles ont été développées, comme la création de Kosmicare. Ce dispositif mis en place durant le festival de Boom, plus grand festival de musique trance du monde qui se déroule au Portugal tous les deux ans, a permis d’ouvrir des stands d’analyse de pilules, de définir une procédure d’alerte en cas de produits dangereux et de prévoir les modalités d’intervention en cas de crise due à des substances psychotropes [ 8].
Quelques tendances depuis 2001
Prévalence de l’usage de drogues
12La crainte la plus forte vis-à-vis de la dépénalisation est l’augmentation potentielle de l’usage de drogues. En 2010, les principales parties prenantes de cette politique s’accordaient à considérer que l’augmentation du nombre recensé d’usager.ère.s dans la population adulte avait été faible ou modérée. Après 2010, les données montrent que la consommation globale de drogue a diminué. Cependant, l’interprétation des données peut donner lieu à des divergences légitimes. L’enjeu est de déterminer si les tendances observées sont (1) réelles, (2) significatives et (3) attribuables à la « réforme ».
13Pour les opposants à cette politique, la dépénalisation, en augmentant l’acceptabilité des drogues, a entraîné une augmentation de la consommation de drogues illicites, en particulier du cannabis. Pour ses partisans, en revanche, l’augmentation initiale de la consommation est largement illusoire et a été suivie quoi qu’il en soit par une baisse. L’augmentation initiale pourrait être due davantage à une meilleure déclaration de l’usage de drogues (ces pratiques étant moins stigmatisées) qu’à une réelle hausse de la consommation. Ces évolutions peuvent aussi être davantage le reflet de tendances internationales ou régionales plutôt que spécifiquement attribuables à la réforme portugaise.
14En l’absence d’enquêtes en population générale menées avant 2001, les effets de la dépénalisation restent difficiles à mesurer. Des données existent cependant sur l’évolution de trois catégories de la population : la population dans son ensemble, les adolescent.e.s et les usager.ère.s problématiques de drogues. Nous considérons que les chiffres qui concernent ces usager.ère.s problématiques sont particulièrement importants car une augmentation de cette population est potentiellement beaucoup plus dommageable et coûteuse.
15Les taux d’utilisation de la drogue au cours des douze derniers mois (pour l’ensemble des personnes âgées de 15-64 ans) ont légèrement augmenté entre 2001 et 2007, avant de diminuer en 2012 pour atteindre des niveaux inférieurs à ceux de 2001. L’essentiel de cette baisse est lié à la réduction de la consommation de cannabis, ce dernier étant, au Portugal comme dans la plupart des autres pays, la drogue illicite la plus populaire. Toutefois, on observe aussi une baisse des taux de consommation de la cocaïne, de la MDMA et de l’héroïne entre 2001 et 2012. Les enquêtes en population générale ne permettent pas vraiment de suivre l’évolution de la consommation d’héroïne, celle-ci étant un phénomène exceptionnel et les usager.ère.s les plus vulnérables risquant d’échapper à ces enquêtes. Il est néanmoins intéressant de noter que la consommation d’héroïne est devenue si peu fréquente en 2012 que dans l’enquête, le nombre de personnes qui en prennent est arrondi à zéro.
Prévalence déclarée de consommation de certaines drogues au cours l’année précédente pour l’ensemble de la population portugaise (15-64 ans), 2001, 2007 et 2012
Prévalence déclarée de consommation de certaines drogues au cours l’année précédente pour l’ensemble de la population portugaise (15-64 ans), 2001, 2007 et 2012
16Des données existent également sur les adolescent.e.s. L’enquête ESPAD (European School Project on Alcohol and other Drugs) montre (Tableau 2) que la consommation de cannabis chez les adolescents portugais âgés de 15 à 16 ans a augmenté un peu avant et immédiatement après la dépénalisation, puis a diminué jusqu’en 2007, avant de repartir à la hausse en 2011. La légère augmentation de la consommation du cannabis pourrait être considérée comme une conséquence de la réforme, peut-être parce que la consommation de drogues illicites est devenue moins stigmatisée. On observe cependant les mêmes tendances dans d’autres pays européens, dont l’Espagne et l’Italie [ 9]. La Pologne, notamment, a connu une variation similaire de cet indicateur en dépit de politiques beaucoup plus punitives [ 10]. Il est donc difficile d’établir un lien de cause à effet entre la réforme et l’évolution des usages chez les adolescent.e.s.
Taux déclarés d’usage de cannabis au cours de l’année précédente chez les 15-16 ans
Taux déclarés d’usage de cannabis au cours de l’année précédente chez les 15-16 ans
17La consommation de drogues par la population en général, y compris la consommation occasionnelle de cannabis par des jeunes, ne constitue pas nécessairement un risque de santé publique majeur. En revanche, l’usage problématique de drogues (c’est-à-dire l’utilisation fréquente ou la dépendance à l’héroïne ou à la cocaïne) était la préoccupation numéro un lorsque la nouvelle stratégie nationale antidrogue a été mise en place. Or, depuis l’adoption de la réforme, on estime que la prévalence de l’Usage Problématique de Drogues (PDU), en particulier par voie intraveineuse, a diminué. En utilisant une méthode d’estimation basée sur le nombre d’usager.ère.s de drogues en traitement, Negreiros et Magalhães ont calculé qu’entre 2000 et 2005, le nombre total d’usager.ère.s problématiques au Portugal est passé de 7,6 à 6,8 pour 1 000 habitants [ 11] (chez les 15-64 ans). Cette baisse semble s’être poursuivie depuis : la proportion de nouveaux entrants dans les services de traitement de « la » toxicomanie qui déclaraient s’injecter des drogues est tombée à seulement 3 % en 2013 [ 12].
18En résumé, si la consommation de cannabis par les adolescent.e.s a sans doute augmenté depuis 2001 (comme dans beaucoup d’autres pays européens), la consommation de drogues dans la population adulte et l’usage problématique de drogues ont tous les deux diminué depuis cette même année.
Conséquences sur la santé
19Le succès principal de la réforme portugaise est la réduction des problèmes de santé publique. La baisse est notable pour la mortalité, le VIH, le VHC et la tuberculose. Le nombre de décès liés à la drogue, selon la Classification internationale des maladies, a chuté de manière spectaculaire malgré une petite hausse entre 2005 et 2009 (Tableau 3). Il est possible que le nombre de décès augmente à nouveau, lorsque la cohorte de personnes devenues usagères d’héroïne dans les années 1990 auront vieilli et seront devenues plus vulnérables. Cette tendance a été récemment observée en Angleterre pour les personnes qui ont commencé à consommer de l’héroïne dans les années 1980 [ 13]. Cependant, la baisse spectaculaire des décès liés à la drogue depuis 2001 est considérée, au Portugal, comme l’un des grands succès de la stratégie nationale.
Décès dus à la consommation de drogues au Portugal, 2001-2012
Décès dus à la consommation de drogues au Portugal, 2001-2012
20Certains commentateurs ont contesté ces résultats, mais comme nous l’avons expliqué ailleurs [ 14], ils s’appuient sur des indicateurs moins fiables. En 2013, le Portugal avait un taux de mortalité liée à la drogue très faible par rapport aux autres pays européens : trois décès par million, alors que la moyenne européenne est de 17,2 [ 15]. Un autre indicateur important est la baisse du nombre de personnes infectées par le VIH à cause de l’usage de drogues par voie intraveineuse. Ce chiffre a également connu une baisse spectaculaire, passant de plus de 1000 nouveaux diagnostics en 2001 à moins de 100 en 2013 [ 16].
21Il faut cependant noter que ces évolutions ne sont pas exclusivement liées à la nouvelle stratégie. Diverses enquêtes au Portugal ont conclu que les nouvelles mesures de prévention ont permis d’éviter des milliers de nouvelles contaminations au VIH [ 17]. Cependant, aussi bien les épidémies de consommation de drogues que les épidémies d’infections virales ont leur propre dynamique, et l’on observe toujours une tendance à la baisse après un pic épidémique, même en l’absence de prévention ou de traitement. Le fait que le nombre de nouveaux entrants en traitement est en baisse depuis 1999 (c’est-à-dire avant l’introduction de la nouvelle stratégie) suggère que le pic épidémique de la consommation d’héroïne au Portugal a dû se produire à la fin des années 1990 au Portugal. Il reste donc difficile de distinguer les effets des politiques de santé publique de la tendance naturelle à la baisse du nombre de décès et d’infections.
Le poids sur le système de justice pénale
22Pour la plupart des personnes interrogées, la dépénalisation a permis de réduire la charge de travail pesant sur le système pénal portugais et a permis à la police de recentrer ses actions sur les infractions plus graves, notamment liées au trafic de drogue. Ces impressions sont confirmées par l’analyse des données montrant une nette diminution de la quantité de travail imposé à la justice pénale, y compris au niveau des tribunaux et des prisons. Le nombre total de personnes arrêtées pour des infractions relatives aux drogues est beaucoup plus faible qu’avant la réforme. Par contre le nombre de trafiquants arrêtés avant et après la réforme est resté similaire.
Nombre de personnes arrêtées pour des délits liés à la drogue au Portugal, par type de délit, 1996-2012
Nombre de personnes arrêtées pour des délits liés à la drogue au Portugal, par type de délit, 1996-2012
23L’un des effets immédiats de la dépénalisation a été de réduire le nombre de personnes incarcérées pour des infractions liées à la drogue. Cette évolution a été très bienvenue, compte tenu de la surpopulation historique des prisons portugaises : le taux d’occupation (c’est-à-dire le nombre de détenus pour 100 places) des prisons portugaises est passé de 119 en 2001 à 101,5 en 2005 [ 18]. Comme le montre le Tableau 5, il y a eu une baisse durable du nombre de personnes incarcérées pour des infractions liées aux stupéfiants. Par ailleurs, une enquête sur la consommation de drogues en prison et les problèmes qui y sont associés a montré qu’entre 2001 et 2007, le nombre d’usager.ère.s et le taux de consommation de drogues en prison ont significativement baissé [ 19]. Par exemple, le taux de personnes incarcérées ayant consommé de l’héroïne avant la prison est passé de 44 % à 30 %, et la consommation à l’intérieur des prisons est passée de 27 % à 13 %. On a également constaté une baisse pour les injections intraveineuses avant et à l’intérieur de la prison, tout comme pour la prévalence du VIH parmi les personnes incarcérées.
24La population carcérale augmente de nouveau depuis 2009, mais cette hausse est due à des infractions sans lien avec les stupéfiants : en 2000, 43 % des détenu.e.s au Portugal avaient été condamnés pour infractions à la législation sur les stupéfiants, contre 20 % en 2013.
Nombre de personnes incarcérées au Portugal pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et pour les autres délits au 31 décembre, 1997-2013
Nombre de personnes incarcérées au Portugal pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et pour les autres délits au 31 décembre, 1997-2013
25Dans un article récent, un analyste états-unien a mis en doute l’ampleur du changement opéré par la dépénalisation au Portugal en s’appuyant sur le fait que le nombre de personnes incarcérées pour simple possession ou usage de drogue (sans trafic) était déjà faible avant la nouvelle loi de 2001 [ 20]. Cependant, les données présentées dans le tableau 5 suggèrent que la nouvelle stratégie – dont la loi de dépénalisation – a conduit les tribunaux portugais à recourir moins souvent à la prison pour l’ensemble des infractions liées aux stupéfiants. Comme le souligne Jorge Qunitas, après la dépénalisation, la proportion de délinquants incarcérés pour simple possession ou usage est passée de 8 % à 0 %, tandis que la proportion de personnes condamnées à de la prison ferme pour trafic est passée de 70 % à 43 % [ 21]. La baisse des taux d’incarcération a bien concerné l’ensemble des infractions liées aux stupéfiants.
Saisies de drogues
26Certaines des personnes interrogées nous ont affirmé que l’une des ambitions de la dépénalisation était de permettre à la police de ne plus gaspiller ses ressources en faisant la chasse aux petit.e.s consommateur.trice.s pour se concentrer sur de plus gros poissons du marché de la drogue. Les personnes interrogées ont exprimé plusieurs points de vue sur le sujet : d’un côté, on peut considérer que la dépénalisation a contribué à une croissance du marché, mais de l’autre, qu’elle a fourni des outils légaux plus efficaces pour le déstabiliser. La police par exemple avait d’abord craint que la dépénalisation ne réduise sa capacité à lutter contre le trafic de drogue, mais a finalement trouvé d’autres moyens apparemment efficaces pour cibler les trafiquants. Les meilleurs indicateurs pour vérifier ces hypothèses sont les données concernant les saisies de drogue (nombre et poids des saisies) ainsi que les prix des stupéfiants au détail.
27De 1997 à 2008, le nombre de saisies de drogues illicites au Portugal est resté à peu près constant. Les saisies d’héroïne sont la principale exception, elles ont baissé depuis leur pic en 1999 pour se stabiliser en 2004. En revanche, la quantité globale de drogues illicites saisies a augmenté, en particulier celles destinées aux marchés extérieurs. Comme l’a montré l’un des rapports d’évaluation, entre 1995-1999 et 2000-2004, la quantité de substances saisies a augmenté de 499 %, soit 116 % pour la cocaïne, 134 % pour le haschisch, 219 % pour l’héroïne et 1 526 % pour l’ecstasy [ 22].
28Cette augmentation très nette des saisies de drogues peut être rapportée à la relative stabilité de la prévalence de l’usage de stupéfiants au Portugal : il semble ainsi que l’objectif de réorientation de l’action de la police vers le trafic et les infractions plus lourdes a été atteint.
Discussion
29Il reste difficile de dire avec certitude si les tendances observées depuis 2001 sont le résultat de la dépénalisation et de la nouvelle stratégie nationale. Néanmoins, les indicateurs statistiques et les entretiens avec les personnes impliquées dans cette politique suggèrent que, depuis 2001, les changements suivants ont eu lieu :
- Une réduction des niveaux déclarés de consommation de stupéfiants pour la population dans son ensemble.
- Une augmentation de la consommation de cannabis chez les adolescent.e.s, comme dans d’autres pays européens.
- Une baisse du nombre d’usager.ère.s problématiques de drogues.
- Une réduction du poids des délits liés aux stupéfiants dans le système de justice pénale.
- Une augmentation du nombre de personnes qui s’engagent dans des procédures de soin.
- Une réduction du nombre de décès et des cas de maladies infectieuses liés à la drogue.
- Une augmentation des quantités de drogues saisies par les autorités.
30Une récente étude portugaise a estimé que les coûts sociaux liés à la consommation de drogues [ 23] ont diminué de 18 % au cours des onze années qui ont suivi la mise en place de la nouvelle stratégie, baisse due à une réduction des coûts juridiques et de santé. Mais les considérations financières ne sont pas les seules à devoir être prises en compte. Pour les acteur.trice.s de cette politique, l’objectif de la stratégie était aussi de créer de la solidarité sociale, de combler le fossé existant entre les personnes souffrant de problèmes de drogue et le reste de la société. En diminuant les peines et en réduisant le recours à l’emprisonnement pour les délits liés aux stupéfiants, en intégrant les usager.ère.s de drogues dans les services de traitement et de réinsertion, en réduisant la mortalité et les infections virales, et en diminuant la stigmatisation qui touche la consommation de drogues, la stratégie semble aussi avoir atteint ce but.
31Il est possible de proposer des lectures divergentes des résultats de cette stratégie : si pour certains il s’agit d’un « succès retentissant » [ 24], d’autres la voient comme un « échec désastreux » [ 25] (voir notre article récent pour une critique de ces études [ 26]). Le point de vue proposé ici est plus nuancé : il est impossible de prouver que les évolutions décrites ci-dessus ont été directement causées par la politique de dépénalisation. La dépénalisation seule ne semble pas avoir d’effet sur les taux de consommation de drogues illicites [ 27]. Mais les résultats présentés suggèrent clairement que la combinaison de la dépénalisation, de l’extension des dispositifs de prévention et de traitement, de la réduction des risques et de la réinsertion permet d’améliorer la solidarité sociale et de réduire les risques de santé publique. Le Portugal semble pouvoir ainsi servir de modèle pour d’autres pays qui souhaitent fournir des réponses moins punitives, plus globales et plus efficaces à l’usage de drogues.
Notes
-
[*]
School of Social Policy, Sociology and Social Research, University of Kent, Medway, United Kingdom, ME4 4AG.
-
[**]
Drug Policy Modelling Program, National Drug and Alcohol Research Centre, UNSW, NSW, Australia, 2052.
-
[1]
W. Sipp, The Portuguese Approach and the International Drug Control Conventions. Statement of the President of the International Narcotics Control Board, Vienna, 2015. https://www.incb.org/documents/Speeches/Speeches2015/statement_reconvened_CND_side_event_portugal.pdf
-
[2]
C. Hughes & A. Stevens, « What can we learn from the portuguese decriminalization of illicit drugs ? », British Journal of Criminology, 50(6), 2010, p. 999-1022 ; C. Hughes & A. Stevens, « A resounding success or a disastrous failure : Re-examining the interpretation of evidence on the Portuguese decriminalisation of illicit drugs. » Drug and Alcohol Review, 31(1), 2012, p. 101-113 ; C. Hughes & A. Stevens, The effects of the decriminalization of drug use in Portugal, Beckley Foundation, Oxford, 2007.
-
[3]
Le processus de la réforme est naturellement complexe. Une description exhaustive du contexte, des motivations et des impressions initiales peut être trouvée dans C. Hughes, Overcoming obstacles to reform? Making and shaping drug policy in contemporary Portugal and Australia, thèse de doctorat, département de criminologie, Université de Melbourne, 2006.
-
[4]
Pour un aperçu des deux points de vue les plus divergents, voir C. Hughes, C., & A. Stevens, « A resounding success or a disastrous failure : Re-examining the interpretation of evidence on the Portuguese decriminalisation of illicit drugs », Drug and Alcohol Review, 31(1), 2012, p. 101-113.
-
[5]
J. Qunitas, Portuguese drug use decriminalisation and law enforcement : Impacts and perceptions of its effectiveness, Annual Conference of the European Society of Criminology, Porto, 2015.
-
[6]
A. S. Santos & Ó. Duarte, Portugal : New Developments, Trends, National Report by the Reitox Focal Point, EMCDDA, Lisbonne, 2014.
-
[7]
M. Moreira, B. Hughes, C. Storti & F. Zobel, Drug policy profile : Portugal. Lisbon : European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, 2011. M. Moreira, F. Trigueiros & C. Antunes, « The evaluation of the Portuguese drug policy 1999-2004 : the process and the impact on the new policy », Drugs and Alcohol Today, 7(2), 2007, p. 14-25.
-
[8]
A. S. Santos & Ó. Duarte (2014). op. cit.
-
[9]
C. Hughes & A. Stevens, « What can we learn from the portuguese decriminalization of illicit drugs ? » British Journal of Criminology, 50(6), 2010, p. 999-1022.
-
[10]
K. Krajewski, « The Tale of Two Drug Policy Approaches – Polish and Portuguese drug policies during 2000s and their effects », in A. Kuhn, P. Margot, M.F. Aebi, C. Schwarzenegger, A. Donatsch, & D. Jositsch (Eds.), Criminology, Criminal Policy and Criminal Law in an International Perspective. Essays in Honour of Martin Killias on the occasion of his 65th birthday, Stämpfli Verlag, Berne, 2013, p. 233-246.
-
[11]
G. Negreiros & A. Magalhães, « Estimativas da prevalência de consumidores problemáticos de drogas em Portugal com base em dados sobre o tratamento », Revista Toxicodependências 15(1), 2009, p. 19-32.
-
[12]
SICAD, Relatório Anual 2013 : A Situação do País em Matéria de Drogas e Toxicodependências, Serviço de Intervenção nos Comportamentos Aditivos e nas Dependências, Lisbonne, 2014.
-
[13]
ONS, Statistical Bulletin Deaths Related to Drug Poisoning in England and Wales, 2014 Registrations, Office for National Statistics, Londres, 2015.
-
[14]
C. Hughes & A. Stevens, « A resounding success or a disastrous failure : Re-examining the interpretation of evidence on the Portuguese decriminalisation of illicit drugs », Drug and Alcohol Review, 31(1), 2012, p. 101-113.
-
[15]
OEDT/EMCDDA, Portugal : Country Overview, 2015. http://www.emcdda.europa.eu/countries/portugal
-
[16]
A. S. Santos & Ó Duarte (2014). op. cit.
-
[17]
A. S. Santos & Ó Duarte (2014). op. cit.
-
[18]
Conseil d’Europe/Council of Europe. (2007). « SPACE I (Council of Europe Penal Statistics) ».
-
[19]
A. Torres (2009). Drogas e Prisões – Portugal 2007. Lisbon, Institute on Drugs and Drug Addiction (IDT).
-
[20]
H. Laqueur, « Uses and Abuses of Drug Decriminalization in Portugal », Law & Social Inquiry (40), 2014, p. 746-781.
-
[21]
J. Qunitas (2015), op. cit.
-
[22]
Direcção centrale de Investigação faire Tráfico de Estupefacientes, 2004.
-
[23]
R. Gonçalves, A. Lourenço, & S. N. da Silva, « A social cost perspective in the wake of the Portuguese strategy for the fight against drugs », The International Journal on Drug Policy, 26(2), 2015, p. 199-209. http://doi.org/10.1016/j.drugpo.2014.08.017.
-
[24]
G. Greenwald (2009). Drug Decriminalization in Portugal : Lessons for Creating Fair and Successful Drug Policies. Washington, D.C., USA, CATO Institute.
-
[25]
M. Pinto Coelho (2010). The “resounding success” of Portuguese drug policy : The power of an attractive fallacy. Lisboa : Associação para uma Portugal livre de drogas.
-
[26]
C. Hughes & A. Stevens (2012). op. cit.
-
[27]
C. Hughes & A. Ritter (2008). A summary of diversion programs for drug and drug-related offenders in Australia. Sydney : National Drug and Alcohol Research Centre; A. Rosmarin & N. Eastwood (2012). A Quiet Revolution: Drug Decriminalisation Policies in Practice Across the Globe. London : Release; A. Stevens (2011). Drugs, Crime and Public Health: The Political Economy of Drug Policy. Abingdon: Routledge.