Mouvements 2011/4 n° 68

Couverture de MOUV_068

Article de revue

Quelle école voulons-nous ?

Table ronde avec Charlotte Nordmann et Anne Querrien

Pages 100 à 118

Notes

  • [*]
    Tous trois membres du comité de rédaction de la revue Mouvements. Marie-Claire Calmus, retraitée de l’Éducation nationale, est l’auteure d’un essai sur l’école, La mort du grand leurre. Essai sur l’école, éditions Acratie, La Bussière, 1985.
  • [1]
    Philosophe et traductrice, membre du comité de rédaction de la Revue des Livres, éditrice aux éditions Amsterdam. Elle est l’auteure de La fabrique de l’impuissance, 2. L’école, entre domination et émancipation, Amsterdam, Paris, 2008.
  • [2]
    Sociologue et urbaniste, co-directrice de la rédaction de la revue Multitudes. Elle est l’auteure de L’école mutuelle. Une pédagogie trop efficace ?, Le Seuil, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », Paris, 2005.
  • [3]
    Alfred Binet (1857-1911) est l’un des inventeurs et promoteurs de la psychométrie au XIXe siècle et au début du XXe siècle. Il est l’auteur notamment de L’étude expérimentale de l’intelligence (1903) et Les idées modernes sur les enfants (1909).
  • [4]
    Ch. Laval, F. Vergne, P. Clément, G. Dreux, La nouvelle école capitaliste, La Découverte, Paris, 2011.
  • [5]
    Voir : I. Illich, Une société sans école, Le Seuil, Paris, 1971.
  • [6]
    Notamment dans J. Rancière, Le maître ignorant. Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Fayard, Paris, 1987.
  • [7]
    Voir : G. Chambat, Pédagogie et révolution. Questions de classe et (re)lectures pédagogiques, éditions Libertalia, Coll. « Terra incognita », Paris, 2011.
English version

L’école ou les fictions de l’histoire

1Mouvements : Aussi bien dans La fabrique de l’impuissance que dans L’école mutuelle, la dimension historique de ce qu’est l’école semble guider la réflexion. Avec des chronologies un peu différentes : dans un cas, L’école mutuelle, on s’intéresse à la pré-histoire de l’école républicaine, à des expériences ou des chemins qui n’ont finalement pas été retenus. On a là des possibles explorés et partiellement abandonnés en cours de route : une école où la place de l’enseignant n’a pas du tout la même signification que dans l’école de la république puisque, dans le cas de l’école mutuelle, on s’appuie sur une transmission entre égaux, les élèves apprenant aux élèves. Dans La fabrique de l’impuissance, l’analyse insiste sur l’idée que l’école hérite d’une histoire, celle de l’idéal républicain, qui semble se heurter à la réalité du fonctionnement de l’école. Est-ce que vous pouvez nous indiquer comment votre interrogation sur l’école s’inscrit dans ces deux perspectives, pas incompatibles, mais distinctes ?

2Anne Querrien (A.Q.) : Je suis aussi partie de l’idée d’une fabrique de l’impuissance, mais pas à la manière de Charlotte et pas du tout centrée uniquement sur l’école. À l’époque où je faisais cela, je travaillais avec Félix Guattari en particulier et un peu aussi avec Foucault et Deleuze. Une de nos grandes préoccupations était de déjouer la fabrique institutionnelle de l’impuissance dans toutes les institutions, par exemple Guattari a travaillé sur l’institution psychiatrique et médicale. Ce qui m’intéressait, c’était l’école, pour des raisons personnelles, parce que j’étais une très bonne élève qui s’était sentie réprimée dans sa capacité d’apprendre aux autres, capacité que je ne pouvais éprouver éventuellement qu’en dehors de l’école. Il y a des données biographiques personnelles qui font que j’ai été initiée à cette attitude par mon grand-père, puis j’ai été malade durant le CE1 et pendant 3 mois j’ai suivi le programme à la maison. J’avais le droit de travailler 2 heures par jour. Au sortir de cette expérience, j’étais nettement en avance sur les autres. J’estime que toute l’organisation scolaire est faite pour freiner, c’est d’ailleurs ce que j’ai constaté lorsque j’ai travaillé historiquement sur le sujet au Cerfi (Centre d’études, de recherches et de formation institutionnelles dirigé par Guattari).

3À partir d’un travail que nous avions fait sur la psychiatrie, on nous a demandé de réfléchir sur les équipements collectifs, d’où ils venaient, où ils pouvaient aller, comment, dans un contexte qui était déjà celui d’une réflexion sur la réduction des dépenses publiques, on pouvait essayer de faire des équipements plus efficaces avec pas plus d’argent, et expérimenter ces réflexions dans les villes nouvelles. Dans ce cadre-là, comme nous avions assez de liberté pour réfléchir à la généalogie des équipements collectifs, je suis allée lire les archives à la manière de Foucault, pour essayer de comprendre d’où venait cette école qui nous empêchait d’apprendre collectivement. Il faut passer à travers l’école pour arriver à apprendre et ce « passage à travers » va reposer sur les conditions sociales, familiales de chacun, mais aussi sur des éléments subjectifs apportés par les accidents d’une biographie personnelle, comme ce que j’ai connu, d’avoir été malade, qui m’a donné une position complètement différente par rapport à l’école.

4Je suis tombée sur l’école mutuelle par hasard lors de mes recherches. En regardant les sources de cette histoire, j’en suis venue à l’idée que l’école publique obligatoire joue un peu comme le grand enfermement, de manière analogique, il y avait donc un intérêt à regarder ce qu’il y avait avant. J’ai enquêté sans a priori sur les écoles mutuelles. Foucault a su cela et m’a dit de persévérer dans cette recherche. Je me suis aperçue qu’il y avait eu véritablement un combat politique qui était retracé par divers livres, entre les tenants de l’école mutuelle et ceux de ce qui allait devenir l’orthodoxie, avec surtout cette position extraordinaire de Guizot, qui, en tant que protestant, a été pour l’école mutuelle à ses débuts, qui était la forme soutenue par les non catholiques, parce qu’ils voulaient casser le monopole des Frères des écoles chrétiennes. Ce même Guizot, poussé par les notables à partir du moment où il est Premier ministre sous la monarchie de Juillet, s’acharne à détruire l’école mutuelle et à lui substituer la méthode des Frères des écoles chrétiennes, qui est faite pour ralentir. C’est vrai que l’on a beaucoup de documents qui insistent sur les échecs, les difficultés de l’école mutuelle : il n’y a pas les salles, il y a trop d’enfants, il n’y a pas assez de maîtres, ils sont mal formés… Mais ce qui est important c’est le concept, le concept de l’école mutuelle. C’est le concept qui met en mouvement, la réalité n’a jamais mis personne en mouvement, on la décrit, on est très triste, la réalité est souvent très en dessous de ce que l’on veut. Par contre ce concept de « l’école mutuelle » rejoint ce qu’a raconté Rancière, c’est-à-dire l’hypothèse que le mouvement d’apprentissage est un mouvement infini, dont le moteur est l’égalité comme désir. Tout le monde à l’infini est capable d’apprendre tout le temps, bien sûr personne n’aura jamais le temps dans sa propre vie de poursuivre cet infini, on part tous de conditions différentes, personne n’y arrivera, mais la possibilité d’apprendre est posée en principe. L’école de Jules Ferry classe les gens suivant leurs capacités, qui vont être ensuite mesurées grâce aux outils forgés par Binet [3] au début du XXe siècle, outils de mesure « scientifiques » recyclés par les enseignants. C’est vraiment une tout autre philosophie de l’apprentissage, un apprentissage par l’évaluation et la hiérarchisation.

5M. : Malgré tout, c’est ce que nous évoquions en montrant comment vos deux ouvrages s’appuyaient sur deux « modèles » historiquement distincts de l’école, il y a aussi un idéal d’émancipation dans l’école de Jules Ferry, avec une réalité de l’école qui vient souvent contredire cet idéal ?

6Charlotte Nordmann (C.N.) : L’histoire n’est pas immédiatement visible dans mon livre, mais effectivement, je pense qu’à l’intérieur du débat sur l’école tel qu’il se pose aujourd’hui, il est important d’intervenir, comme le disait Bourdieu, pour « tordre le bâton dans l’autre sens ». L’école d’aujourd’hui n’est certes pas la même qu’il y a 60 ans, mais, étant donné qu’on ne cesse de dire que l’école a été ruinée, radicalement transformée, et que la transmission et l’autorité y ont été réduites à néant, il faut bien répondre à ce discours. Pour beaucoup, aujourd’hui, la cause du problème tiendrait à l’oubli de la mission et de la pédagogie historique de l’école républicaine. Face à ce discours qui semble vouloir faire de la crise de l’école une question purement circonstancielle, il me semblait important de dire que le fonctionnement actuel de l’école doit énormément à son histoire, à la façon dont elle a été conçue et à la fonction qu’elle a toujours eue historiquement. De plus, cet héritage ne se perpétue pas simplement par inertie : il est aussi lié au fait que l’école a des fonctions historiques et sociales – notamment de hiérarchisation et de ségrégation des individus – qu’elle a conservées depuis l’origine.

7M. : Quelle est la fonction historique et actuelle de l’école ?

8C. N. : Elle est notamment de hiérarchiser les individus, de faire qu’ils soient adaptés à leur position sociale et l’acceptent, de faire que, très concrètement, ils soient séparés les uns des autres. L’école organise aujourd’hui la ségrégation et a pour fonction de la rendre légitime aux yeux de ceux qui la subissent. C’est ce que décrit très bien Bourdieu, même s’il ne décrit pas toujours la manière dont cela se réalise dans les lieux de l’institution, dont cela se passe concrètement. L’école contribue à l’identification de chacun à sa place sociale. Les élèves de technique pensent qu’ils sont en technique parce qu’ils ne méritent pas mieux, à l’inverse des élèves de classes scientifiques jugés, et qui se jugent, plus intelligents, plus « capables ». Ce sont des choses que les élèves énoncent explicitement, ce n’est pas de l’interprétation de ma part. En réponse au discours constant selon lequel le problème serait que l’école ne serait plus ce qu’elle a été, il est important de rappeler la pérennité de cette fonction sociale de hiérarchisation de l’école.

9Bien sûr l’école subit des mutations importantes aujourd’hui, et il est extrêmement important de chercher à en prendre la mesure, car elles redéfinissent son rôle social, donc sa fonction dans le capitalisme, dans la reproduction. Mais en même temps, contrairement aux analyses en termes de diffusion de la logique néolibérale, on ne peut comprendre ces transformations simplement comme l’effet d’une pression qui s’exercerait de l’extérieur sur l’école. Il ne s’agit pas simplement de reconnaître qu’il y a des relais internes à l’institution de cette logique néolibérale, comme le montre très bien par exemple La nouvelle école capitaliste, paru récemment sur la question [4]. Ce qui est problématique, c’est de penser qu’il y a deux logiques parfaitement hétérogènes : d’une part, celle du néolibéralisme ; de l’autre, celle de l’école telle qu’elle a existé jusque, disons, dans les années 1980. À mon avis, on ne peut comprendre la diffusion de la logique néolibérale dans l’école que si l’on voit qu’il y a une perméabilité de l’école à cette logique, parce que la forme de l’évaluation à l’école, le fait même que le fondement de l’école soit cette idée qu’il faut évaluer, classer, hiérarchiser, etc. rencontre la logique néolibérale. Il faudrait même dire que les principes du gouvernement néolibéral – avec sa responsabilisation des individus, sa façon d’exiger un investissement subjectif et de diriger les conduites par le biais de contrôles de résultats…– doit beaucoup au système scolaire lui-même.

10En même temps, il ne s’agit pas de dire que l’école n’est qu’un lieu de hiérarchisation et de ségrégation, ni qu’elle ne peut par conséquent produire que de l’« impuissance », parce que ce qu’elle inculque avant tout c’est qu’on ne peut rien apprendre sans elle (comme le dénonçait Ivan Illich [5]), ou que les intelligences sont hiérarchisées (comme le suggère Jacques Rancière [6]), et qu’être intelligent, c’est toujours être plus intelligent que d’autres, ce qui conduit à vivre comme une menace l’intelligence des autres, et à avoir tendance à considérer toute pratique intellectuelle comme un lieu de jugement, où il s’agit de prouver sa valeur (différentielle). L’école est aussi, en même temps, un lieu de diffusion d’outils qui peuvent être sources de puissance.

11M. : Pourquoi ces outils nous rendent-ils alors actuellement impuissants ?

12C. N. : Il y a une phrase de Foucault, extraite de Surveiller et Punir, que je cite dans l’essai, qui dit en substance que l’enjeu des disciplines est de parvenir à augmenter la puissance et la productivité des individus, en leur donnant par exemple accès à des savoirs ou à des pratiques intellectuelles comme lire, écrire, etc., tout en s’assurant de leur soumission, c’est-à-dire en s’assurant qu’il en sera fait un bon usage, donc pas un usage trop critique. Comment faire pour transmettre le savoir tout en s’assurant de transmettre avec lui le respect pour ceux qui savent et la croyance que nous en savons moins que d’autres ? C’est un thème que Rancière a beaucoup creusé, notamment dans Le Maître ignorant, cette croyance selon laquelle « j’en sais un peu, mais il y a au-dessus de moi des gens qui en savent plus, et qui sont plus malins ». C’est l’ambiguïté des effets de la scolarisation qui m’intéresse : en sortant de l’école, effectivement on sait faire plus de choses, mais d’un autre coté, on a été habitués à n’en faire usage que dans des circonstances extrêmement limitées. On ne s’ouvre pas à l’infinité de tout ce que permet le fait de savoir lire, et écrire.

13La réflexion d’Ivan Illich – avec toutes les réserves qu’elle doit inspirer – est très utile pour formuler ces questions : ici intervient une dimension historique que nous n’avons pas encore évoquée, car, pour lui, c’est la diffusion du modèle de développement industriel capitaliste qui construit une dépendance des individus aux institutions, et notamment à l’institution scolaire. L’un des effets de l’existence d’un système de scolarisation obligatoire serait de nous faire croire que l’école nous est nécessaire, que ne pas avoir été à l’école est un manque, voire que tout apprentissage doit passer par l’école. C’est une idée que l’on touche souvent du doigt chez les enfants, qui vous lancent des : « Ah non tu ne m’apprends pas ça ! C’est à l’école que je l’apprendrai », enfin toute cette croyance que c’est là que ça se joue et pas ailleurs, qu’on ne peut pas apprendre, ou pas bien, dans d’autres contextes.

À l’école de la domination

14M. : Sur la question du bon usage, on pourrait dire qu’elle touche tous les acteurs : trouver la bonne mesure, donc instiller cette croyance que l’on ne peut apprendre que de ceux qui savent, croyance qui doit être partagée par tous –enseignants comme élèves. Trouver le bon positionnement, en tant qu’élève mais aussi en tant que professeur, à l’intérieur de l’institution est quelque chose qui demande une forme d’effort pour chacun. L’institution ne domine pas seulement ceux qui sont rejetés de l’école, mais aussi ceux qui sont les bons élèves de l’école et ceux qui en sont les maîtres d’œuvre, les professeurs. La question du « bon » usage, c’est-à-dire de l’usage mesuré, modéré, ne renvoie-t-elle pas à une institution qui fonctionne à la domination à tous les étages ?

15C. N. : C’est en effet un renversement de perspective intéressant : c’est toujours « l’échec scolaire » qu’on présente comme le problème de l’école, tous les élèves qui sortent de l’institution sans diplôme, qui ne parviennent pas à satisfaire aux critères de l’institution… Mais on pourrait inverser la question : le « succès » scolaire est-il un modèle désirable ? Lorsqu’on examine ce qu’est un « bon élève », un élève qui « réussit » dans l’école – mis à part le fait qu’il bénéficie d’un avantage social pour la suite, ce qui n’est certes pas négligeable – est-ce vraiment un modèle ? Que sait faire un bon élève ? Que lui a-t-on appris à désirer ? Comment a-t-il appris à se conduire, à travailler, à se comporter vis-à-vis des autres ? On ne peut pas dire, par exemple, qu’il sache écrire « en général » : il sait satisfaire à certains exercices d’écriture, et il sait le faire dans certaines circonstances. Et, sans pouvoir développer ici, comment comprendre l’angoisse qui le saisit dès lors qu’il doit assumer une parole publique ? Comment comprendre qu’écrire – pratique centrale de l’école – soit si souvent le lieu d’une telle violence subjective ? Pour ma part, j’étais bonne élève, mais l’acte même d’écrire était tellement investi, qu’éventuellement en situation d’urgence, lors d’un devoir sur table c’était possible, mais sinon je n’arrivais tout simplement pas à écrire. Si j’évoque cela, c’est que cette situation me semble commune – bien qu’à des degrés variables. Comment comprendre qu’on puisse en arriver à appréhender autant de prendre un stylo pour écrire sur une feuille ? Cela, ça n’a rien de naturel, c’est une production de l’école, et le détour par l’expérience scolaire d’autres pays est intéressant parce que, par exemple, on ne constate absolument pas les mêmes phénomènes aux États-Unis (dont le système scolaire pose évidemment d’autres problèmes).

16A. Q. : Je suis très marquée par mon compagnonnage avec Guattari, je trouve qu’il ne faut pas aborder le problème des institutions par ce que peut en faire un individu, chaque individu, mais en terme d’agencement collectif, d’énonciation ou de fabrication, et l’école est vraiment un lieu typique pour cela. L’idée de rassembler des gens dans des classes, on peut voir ces classes comme des lieux de classement, mais on peut aussi les voir comme des lieux de rassemblement et de fabrication d’une espèce d’être collectif qui va s’entraider à apprendre ce qu’il a à faire ou à passer le bac. Je pense à un exemple concret qui s’est passé au lycée du Temps choisi dans le XIIIe arrondissement de Paris : une année un élève a trouvé chez un libraire un manuel qui enseignait comment faire le devoir qui avait le plus gros coefficient au bac professionnel, manuel qui portait sur le processus et le modèle de création d’entreprise. Aidé par des amis, l’élève fait un projet de création d’entreprise très bon, bien mis en page, innovant ; il a appris à faire de même à toute la classe, ils ont tous eu entre 15 et 19, ils ont tous eu le bac dans ce groupe cette année-là, et comme le meilleur élève en question était très peu allé en classe, le lycée a décidé l’année suivante de faire « le lycée du temps choisi », c’est-à-dire de faire des contrats avec les élèves sur le temps qu’ils veulent passer au lycée, en pensant que c’était la recette, bien sûr ça n’a pas duré très longtemps. C’est une anecdote pour dire que si c’est un lieu pour apprendre ensemble alors il faut que cet apprentissage prenne la forme d’un collectif qui apprend, et non d’une juxtaposition d’individus qui apprennent chacun de leur côté. Ce qui est terrible, c’est cette espèce de fonctionnalisation qui fait croire qu’il s’agit de se classer entre les bons et les mauvais. On voit bien que dans les deux cas on a affaire à une même institution, une même réalité mais que l’on va interpréter de manière différente. Pour pouvoir l’interpréter différemment cela implique de se délester de la supposée volonté de réussite individuelle. Il suffit d’être dans une réunion de parents d’élèves pour s’en apercevoir, il n’y en a plus que pour l’enfant compris comme individualité à produire. Moi qui suis fille de Bretons, l’un de mes grands-pères a appris le français à l’école, faisant partie de ceux qui ont eu une promotion sociale par l’école, sans pour autant avoir développé une stratégie scolaire où l’école aurait été perçue comme le moyen de s’en sortir. À l’époque ce n’était pas cela, on allait à l’école parce que c’était obligatoire. Et puis il y avait une accroche qui se passait on ne sait trop comment et les gens faisaient un trajet. On en est loin aujourd’hui, et effectivement cela fait système. Quand Jules Ferry parle de l’intérêt de produire des associations de parents d’élèves pour qu’elles renforcent le système, à la limite contre les enseignants et contre les mauvais élèves, c’est d’une clairvoyance formidable. Quand Ferry regroupe tout le monde dans la même école, les bourgeois et les ouvriers, pour que les bourgeois entraînent les ouvriers à les imiter, mais en moins bien, il crée l’espace du classement. Un classement complètement territorialisé, du fait que par le lieu même où est située une école, par les caractéristiques du quartier qui lui sont associées, on peut savoir comment le classement va se produire, dans un schéma qui se prétend pourtant unique, et qui est parlé comme unique. Dès Ferry, avec le programme, on veut savoir ce qui est fait à telle heure dans telle classe, comme le boulanger qui enfourne son pain avec la régularité d’un métronome. Voilà le modèle d’un côté, avec de l’autre côté, sa différenciation complète par le milieu local, à travers des institutions très intéressantes que sont les caisses des écoles qui s’occupent de cantines, du fonctionnement des écoles. Il y a tout un développement parascolaire, mais souvent tenu par les notables avec les mairies et qui gère la vie quotidienne à l’école.

17C. N. : Le système scolaire est fondé sur une certaine conception de l’apprentissage comme devant nécessairement aller du plus simple au plus complexe, et s’adapter au niveau des élèves, les plus « doués » se voyant donner des exercices différents des élèves « médiocres ». À chaque fois, on vérifie (ou on est censé vérifier, car dans les faits, ce principe est assez difficile à mettre en œuvre…) que l’étape 1 est bien intégrée pour passer à l’étape 2. Mais ce principe empêche que les élèves apprennent vraiment, parce que la visée réelle des apprentissages n’apparaît jamais, mais c’est à l’inverse un système très efficace pour classer hiérarchiquement les jeunes. C’est en vertu de ce principe qu’il convient de classer les élèves par classes d’âge, d’un niveau aussi homogène que possible – un modèle qui se heurte constamment à l’hétérogénéité irréductible des individus, qu’ils soient 30, 15 ou 5. (On notera aussi que rassembler des élèves supposés être plus ou moins du même niveau revient à organiser une comparaison constante entre individus.)

18Mais si on sort de ce principe d’homogénéité des élèves, et de cette idée de maîtriser l’apprentissage en le décomposant en étapes successives, alors on doit quitter l’école de Jules Ferry, dont Anne vient de décrire le programme. Le problème tient au fait que de cette façon qu’on s’est efforcé jusqu’à maintenant d’assurer une certaine égalité de l’enseignement – avec assez peu de succès, néanmoins… Si on s’efforce de rompre avec ces principes, ce qui, étant donné les problèmes qu’ils posent, peut sembler nécessaire, on se lance dans quelque chose que l’on ne maîtrise plus, on crée des situations où il devient possible d’apprendre, mais –peut-être justement parce qu’il s’agit vraiment d’apprentissage – qu’on ne maîtrise pas.

19A. Q. : L’égalité est toutefois l’horizon et c’est fondamental, il ne faut pas perdre cela de vue.

L’apprentissage de l’égalité

20C. N. : À mon sens il faut peut-être renoncer à l’idée que l’on maîtrise l’apprentissage et s’efforcer plutôt de donner des occasions aux élèves de rencontrer des choses, d’apprendre sans se soucier de vérifier la règle de grammaire numéro 2 ou les trois mots de vocabulaire de la semaine… C’est-à-dire sans que toutes les énergies soient consacrées à vérifier constamment ce qui a été appris. Mais si on accepte de ne plus maîtriser l’apprentissage, il est essentiel qu’il y ait une réflexion assez forte du côté des enseignants, du côté des parents et sans doute du côté des élèves sur le sens de ce que l’on fait dans l’école. C’est seulement à cette condition que l’on y fera quelque chose d’intéressant, qui ait une valeur, sans se laisser enfermer dans le rôle d’institution de maintien (précaire) de la paix sociale. En même temps que l’on rompt avec le fantasme de maîtriser l’apprentissage, qui produit énormément d’impuissance, on doit réfléchir à la façon de réaliser autrement l’égalité – et ce processus ne peut pas être autrement qu’incertain.

21M. : Cependant il y a aussi une crainte parce que les gens croient à cette égalité qui passe par l’homogénéité du programme, par le fait que tout le monde apprend la même chose au même moment dans tous les endroits où il y a une école primaire républicaine, un collège. Le fait que l’on soit attaché à ce point-là à cette égalité de traitement des élèves peut devenir un obstacle, il n’y a plus cette liberté peut-être nécessaire à l’apprentissage authentique, mais en même temps on voit bien que la revendication de relâcher sur l’homogénéité de l’apprentissage, peut être portée avec de tout autres objectifs : une hiérarchisation accrue, l’abandon explicite de tout idéal d’égalité, l’adaptation de l’école aux demandes sociales locales ou régionales, etc.

22A. Q. : L’égalité de traitement est un leurre, on a démontré par des recherches urbaines qu’il y avait une inégalité de traitement totale entre les écoles suivant les endroits où elles étaient situées, et ce même avec la fameuse politique de la ville qui donne de l’argent en plus pour les zones défavorisées. Si on prend en compte tous les facteurs, on ne peut que constater qu’il y a une inégalité. Au Lycée Henri IV, il y a une série d’interventions libres au sein de l’établissement qui sont le fait d’associations de parents actives et d’intervenants sollicités sur leur suggestion. Dans la scolarité obligatoire suivant le milieu local et les diverses interventions philanthropiques (qui peuvent commencer simplement par le versement de certaines sommes par les parents pour alimenter la caisse de l’école), l’argent investi par élève est complètement différent. Cette histoire d’égalité est un miroir aux alouettes dans lequel il ne faut pas se laisser prendre, par rapport auquel l’égalité doit rester une visée. Avec l’analyse des politiques de la ville, on a démontré que plus les classes sont problématiques moins il y a de parents adhérents, d’associations de parents d’élève, donc ces classes ne sont pas représentées dans les conseils d’écoles, où seules les bonnes classes sont représentées. Plus un lycée est huppé, plus il y a de parents membres de l’association de parents d’élève, donc exerçant un pouvoir au conseil d’administration du lycée. L’inégalité est là parce que le territoire est complètement inégal, le rôle du service public est effectivement de construire l’égalité dans ce territoire inégal. L’égalité doit être un principe actif de l’éducation, non un principe des politiques éducatives.

23Ainsi, si l’on poursuit un peu la réflexion autour de cette histoire de maîtriser l’apprentissage, on se rend compte qu’il y a une maldonne complète : il ne s’agit évidemment pas de maîtriser l’apprentissage en termes de contenu, il s’agit de maîtriser l’apprentissage en termes d’être capable de transmettre des attitudes d’apprendre et une autonomie à des enfants aussi petits qu’ils soient. Les aider à apprendre et à transmettre. J’aime beaucoup l’anecdote qui concerne Célestin Freinet. Rien ne le prédestinait à être le célèbre pédagogue, en rupture avec l’institution, qu’il est devenu. Avant la Grande Guerre, Freinet était le professeur modèle, secrétaire du syndicat. Il a été gazé pendant la Première Guerre mondiale, et lorsqu’il est retourné dans son école, il s’est révélé incapable de crier sur les élèves. Dès lors, impossible pour lui de faire entrer les élèves en classe parce qu’il n’arrivait plus à crier ou même à hausser la voix. Freinet s’est trouvé dans la situation d’inventer autre chose, sinon il n’avait plus qu’à quitter l’enseignement. C’est à ce moment-là que Freinet se met à observer attentivement : il regarde ceux qui ne rentrent pas en classe quand il ne crie pas, pour savoir ce qu’ils font. Il demande à un récalcitrant pourquoi il n’entre pas dans la salle de classe au moment voulu et celui-ci lui répond qu’il a un élevage de hannetons dans un trou du mur de l’école et qu’il s’occupe de l’élevage de ses hannetons en priorité. Freinet propose à cet élève de raconter à la classe ce que sont les hannetons et de parler de son élevage. Pendant l’exposé, Freinet écrit un texte dans lequel il reproduit les questions et les réponses des élèves. Puis il décide de faire la dictée sur ce thème. Il invente tout le cadre pédagogique de la journée autour des hannetons. La classe est enfin sage. Il continue les jours suivants et toute la classe a fini par raconter ses passions, qui ont donc servi à apprendre, puis ils sont allés faire une enquête à l’extérieur de l’école pour savoir ce que faisaient les autres gens, notamment les propriétaires de voitures de luxe. Freinet a bien sûr été licencié de l’éducation nationale, parce qu’on s’est plaint que les élèves étaient sortis de la classe pendant les heures de cours. Lorsque l’on innove, on ne met pas de côté pour autant sa pratique pédagogique, on la combine avec un contenu différent, apporté par une nouvelle relation aux élèves.

Contenus ou compétences : un faux débat ?

24C. N. : Il y aurait sans aucun doute du sens à contester ce cadre imposé par les programmes, ou du moins à chercher à réduire la portée de ce cadre – en en réduisant l’ampleur, ou en exigeant qu’il soit défini en termes généraux, par exemple – car on y gagnerait une marge de manœuvre non négligeable. On pourrait par exemple réfléchir à l’articulation de l’enseignement au contexte historique ou géographique des lieux d’enseignement. (C’est d’ailleurs l’un des problèmes de la position des professeurs de collège ou de lycée, particulièrement dans les grandes villes, qui n’ont souvent aucun lien avec le lieu où ils enseignent, et où vivent leurs élèves, qui n’y ont pas grandi, qui n’y vivent pas, qui viennent d’un milieu tout à fait différent – ce qui induit entre eux et leurs élèves une distance qui peut avoir des effets catastrophiques.) L’idée qu’il peut y avoir un sens à construire son enseignement en fonction du lieu, et du moment, où l’on se trouve me paraît importante.

25Mais il ne s’agit pas simplement de ne plus se focaliser sur la définition et la maîtrise des « contenus » pour chercher à maîtriser plutôt des « attitudes » ou des « aptitudes ». Il y a en effet aujourd’hui dans l’institution scolaire un basculement important qui consiste à mettre l’accent sur des « compétences » et non plus sur des contenus de savoir positifs, mais cela permet en fait un surcroît de contrôle. Demander par exemple aux enseignants du primaire de vérifier constamment où chaque élève en est de l’acquisition des dizaines de compétences « au programme », c’est ainsi faire obstacle à tout apprentissage. C’est moins un souci d’efficacité qui s’exprime là – tant ces dispositifs sont évidemment contre-productifs – qu’un souci de contrôle, de maîtrise, des élèves comme des enseignants.

26Face à cela, on ne voit pas bien quelle autre réponse il y a à apporter que le boycott pur et simple de ces dispositifs. Les enseignants peuvent s’y laisser prendre, et tenter de « jouer le jeu » pourtant absurde qu’on veut leur imposer, parce qu’ils pensent que c’est utile aux élèves, que c’est le moyen de s’assurer que tout le monde ait « les mêmes armes », que l’on va ainsi contribuer à accroître l’égalité du système. Si les enseignants tentent, tant bien que mal, de s’adapter à ces nouvelles directives, ce n’est pas simplement parce qu’ils sont soumis à la hiérarchie, ce n’est pas simplement par crainte, mais aussi parce qu’ils croient que cela peut être utile aux élèves. On peut penser par exemple à la position des enseignants en maternelle, qui s’efforcent souvent de se conformer à des directives d’évaluation proprement délirantes, parce que, malgré les doutes qu’ils peuvent avoir quant à leur efficacité, ils s’inquiètent assez pour l’avenir scolaire de leurs élèves pour se sentir obligés de le faire.

27A. Q. : Je ne sais pas comment ça se passe maintenant, n’ayant plus d’enfants scolarisés. Je n’ai pas assisté à cette phase de délire sur les compétences, et qu’on en soit à préciser les choses en matière d’acquisition des compétences à ce point-là, ça me paraît exagéré. Quand à l’évaluation, il y a deux manières de la comprendre : il y a évaluer par rapport à une autorité supérieure, il y a aussi évaluer comme l’expliquent Nietzsche ou Deleuze « évaluer = porter chaque singularité à une puissance supérieure », c’est quasi infaisable, mais ce serait aider chaque enfant à pousser sa compétence propre le plus loin possible, quelle qu’en soit la direction. Ce qui me paraît important c’est qu’il y a un désir d’apprendre qui est fondamental chez n’importe qui, désir qui est stoppé par la représentation que l’encadrement se fait des possibilités, des compétences des enfants et c’est cela que je pourchasse.

Une institution contre les expérimentations alternatives…

28M. : Vous parlez de méthodes expérimentales et alternatives, historiquement avec l’école mutuelle ou Freinet, on a l’impression que l’on a bien les outils, les solutions et qu’on ne les utilise pas. Comment peut-on expliquer que le système, dans sa grande globalité, reste sourd à ces essais, à ces réflexions ? Alors même qu’il semble qu’existent un attrait et un désir pour ce type d’école, depuis quelques années des démarches individuelles sont entreprises par des parents qui veulent mettre leurs enfants dans des écoles privées de type expérimental, avec des pratiques novatrices.

29C. N. : Il y a effectivement déjà beaucoup de choses qui existent : il y a en particulier la pédagogie Freinet et tout le courant de l’éducation institutionnelle. Mais le problème majeur est que l’histoire de ces pédagogies, de ces expériences, n’est pas du tout transmise. Dans la majorité des cas, l’enseignant qui débute (et c’est encore plus vrai pour le secondaire) en a à peine, sinon jamais, entendu parler, à moins qu’il ne s’y soit intéressé par lui-même. Et étant donné que les enseignants arrivent à l’école avec toute leur histoire scolaire, qui leur a légué un certain nombre d’habitudes et de croyances sur ce qui fonctionne ou pas, il est assez logique que la reproduction fonctionne à plein. Quand on a toujours vu des classes avec les élèves assis et l’enseignant debout, seul à pouvoir circuler à son gré, on a évidemment tendance à penser que s’émanciper de cette règle ne peut aboutir qu’au chaos –et encore plus si, en face, les élèves aussi ont développé les mêmes habitudes, et auraient à apprendre à se conduire autrement. La situation d’être face à trente enfants ou adolescents qu’on suppose devoir « tenir » en continu peut bien sûr facilement être source d’angoisse, surtout si l’on y ajoute la distance sociale qui sépare l’enseignant de ses élèves, ce qui n’est pas particulièrement propice à l’expérimentation.

30Par ailleurs, si la pédagogie Freinet ou la pédagogie institutionnelle ont une place si limitée dans l’école, c’est aussi parce qu’elles vont à l’encontre d’un certain nombre de principes fondamentaux du système scolaire, et que par conséquent elles ne peuvent s’y « intégrer » sans heurts. Le système scolaire est ainsi structuré autour de l’évaluation individuelle, et du classement les uns par rapport aux autres des individus. Comme on l’a dit, c’est là l’une des fonctions de l’institution, et elle est précisément contradictoire avec, par exemple, la pédagogie Freinet, qui entend développer la capacité à coopérer avec d’autres en mettant au centre des travaux collectifs, dont la finalité n’est pas l’évaluation précise de chaque individu, mais plutôt l’épreuve de la puissance que chacun se découvre au sein d’un collectif, avec pour visée une véritable réalisation.

31Enfin, dans le détail, l’organisation du cursus en disciplines séparées, ou encore l’organisation physique de la classe, comme la place croissante de « normes de sécurité » de plus en plus strictes, font tous obstacle à la mise en œuvre d’autres façons d’apprendre.

32Marie-Claire Calmus : Il faut ajouter à cela que la société a, dans son ensemble, connu une évolution terrible ces trente dernières années, qui a tué l’imagination. Dans les années 1970-1980 on adaptait sans arrêt le contenu aux élèves, et quelles que soient les classes, j’ai fait des expériences avec des élèves en abordant des thèmes qui leur étaient très chers et qu’ils ne pensaient jamais pouvoir exploiter dans le cadre de l’institution. Mais la période n’était pas du tout la même, on pouvait se permettre ces choses-là parce que nous étions portés par les espoirs de 1968, qui ont été d’une force incroyable, et nous avions été formés. À mon avis on avait été formés à enseigner, nous avions eu une année de stage, la situation n’était pas la même, on choisissait d’être enseignant, on avait une structuration rassurante due à la formation à partir de laquelle on pouvait inventer, on ne peut se lancer dans des expérimentations que si on a cette forme d’assurance. Les élèves en tiraient profit, mais on ne pouvait le faire qu’à partir d’une assurance professionnelle et économique, on se sentait maîtriser son métier, et à partir de cette maîtrise on pouvait inventer. Évidemment on avait la hiérarchie sur le dos, mais on ne pouvait pas nous virer. Cela dit après 1968, des enseignants se sont faits exclure de l’éducation nationale beaucoup plus pour leur approche pédagogique que pour leurs discours politiques. Il y avait ce risque, mais tant pis on le prenait. On avait le sens d’une mission qui était de transmettre plus que peut-être un savoir, la capacité autonome de continuer à apprendre même en dehors de l’école et d’« apprendre à apprendre », de diffuser, c’était notre formule de l’époque qui recèle toutes sortes de choses très très importantes. Quand on parle des compétences dans l’école actuelle, qu’entend-on par là ? Quelles sont ces compétences que l’on évalue à la chaîne ? N’y a-t-il pas moyen de contourner la chose pour faire entrer dans cela, avec un peu de hardiesse et d’invention, quelque chose d’autre ? Mais encore une fois, je suis assez pessimiste car je pense que le contexte sociopolitique est tel que cela laisse peu d’espoir.

…mais qui peut être subvertie

33A. Q. : On prête parfois trop à l’époque. Avant 1968, je trouvais que la France s’ennuyait tellement comme l’a dit un journaliste, que j’avais décidé d’émigrer au Canada, à Montréal. Arrivée là-bas, j’ai trouvé que l’on s’y ennuyait tout autant et je suis donc revenue, et je me suis inscrite à Nanterre en 1967-8 en 3e cycle de sociologie. Dans les années 1970, les rapports sociaux étaient durs. Je suis sidérée par le décalage entre ce que nous racontons tous de l’horreur de la situation actuelle, de la répression, de la dureté du temps, et la gentillesse, c’est le premier mot qui me vient à l’esprit, le délié des relations entre les gens, il y a une société beaucoup plus déliée, beaucoup plus égale, beaucoup plus fraternelle que dans les années 1960. Quand j’étais jeune, les trois-quarts de Paris étaient interdits parce qu’on risquait de croiser des gens du MNA et FLN qui se tiraient dessus. On était enfermés dans les quartiers dans lesquels nous vivions. Les femmes avaient peu de liberté. Le monde n’a pas changé que de manière négative. Il y a une virulence dans la jeunesse, y compris chez les touts petits. Le monde a changé oui, mais pas forcément en mal.

34M. : Comment expliquer alors le déclin ou le sentiment de déclin qui caractérise l’éducation nationale ou le regard que les acteurs (quels qu’ils soient) portent sur elle ?

35A. Q. : Les méthodes originales ont été réprimées. Freinet a été réprimé. Il a été mis en avant sous le front populaire en 1936, mais ensuite cela a été très minoritaire. Le courant principal a semblé bon à tout faire, perçu comme permettant de couvrir toutes les situations. Par ailleurs, on dispose de moyens médiatiques aujourd’hui, pour inculquer les normes, dont on ne disposait absolument pas il y a encore une cinquantaine d’années. Une bonne partie de ce discours social sur le rapport à l’enfance, qui tient dans le souci hyperindividualisé que manifestent les parents à l’égard de leur enfant, est portée par les médias. On a eu des philosophes formidables, porteurs d’une autre vision, dans les années 1960, Deleuze et Guattari par exemple, aujourd’hui on a assisté à une forme de réaction. Les outils pour réfléchir la situation sont pauvres, ils ne nous permettent pas de penser autrement que sous la forme de l’« empirement », mais dans « empirement » il y a empire, et tant que nous acceptons de penser de la sorte nous sommes les valets de l’empire. Rien de plus. Il s’agit de ne pas s’enfermer dans la posture de l’obéissance sous prétexte que pour avoir la maîtrise il faut être maîtrisé…

36C. N. : C’est vrai qu’il y a tout un discours sur le déclin de l’école, qui n’a en fait pas vraiment de sens. (Il n’est d’ailleurs pas inutile de s’intéresser à l’histoire de ces discours, puisqu’on s’aperçoit qu’ils sont à peu près aussi vieux que l’institution elle-même…). Mais il faut comparer ce qui est comparable : quand l’école était conçue – comme c’était le cas jusque dans les années 1970 – avec un cycle primaire pour tous auquel les enfants d’ouvriers étaient cantonnés, et avec parallèlement des enfants de la bourgeoisie, des héritiers, dont la carrière était assurée et qui savaient parfaitement pourquoi ils étaient à l’école, le décalage entre l’idéal républicain et le fonctionnement réel de l’école était entier. Mais dans un tel système, on pouvait avoir l’impression que tout le monde occupait la « bonne place » : les enfants d’ouvriers qui quittaient l’école plus tôt développaient un discours qui valorisait le fait de travailler plus jeune, un discours qui laissait aussi entendre que : « après tout, l’école, ce n’était pas fait pour moi ». Par ailleurs, les professeurs étaient contents, ils avaient des élèves qui leur ressemblaient ; il y avait des mécanismes d’identification réciproque. De temps en temps, il pouvait y avoir des chahuts, mais il fallait que jeunesse se passe, voilà tout, et tout cela était vu avec un certain attendrissement.

37Aujourd’hui, on cherche à maintenir à l’école le plus longtemps possible le plus de gens possible, parce que c’est un moyen d’acheter la paix sociale. En même temps, et de façon très sensible pour les élèves, s’accentuent de plus en plus les processus de hiérarchisation au sein de l’école, processus qui sont en même temps devenus plus flous, plus indistincts (on peut ainsi penser aux noms des filières techniques, qui changent constamment, de façon à brouiller les repères que les moins familiers du système scolaire auraient pu se forger). La hiérarchisation est très claire pour les acteurs, ceux qui sont en Bac Pro sont par exemple tout à fait conscients que leur Bac n’est pas équivalent à celui des filières générales et à l’intérieur des filières générales, on retrouve aussi ces formes de classement. En plus de cela, la conscience du décalage entre les diplômes et ce à quoi ils permettent d’accéder, quoi qu’en dise le discours de l’institution, crée de l’inquiétude et évidemment des tensions.

38Je ne donnerai qu’un exemple : j’ai enseigné deux ans dans un lycée du Val-de-Marne, qui avait un recrutement mixte : HLM, zones rurales et zones pavillonnaires. Mais le processus d’« orientation » des élèves se chargeait de mettre de l’ordre là-dedans : la séparation des élèves selon leur origine sociale était systématique, et se retrouvait jusque dans la division des bâtiments du lycée. D’un côté, un bâtiment entretenu, rénové, où même les surveillants avaient des manières plus civiles, et de l’autre un bâtiment laissé à lui-même, où le ton sur lequel on s’adressait aux élèves était tout différent. On aurait pu reconnaître les filières des différentes classes à 100 m : les classes techniques commerciales étaient celles des garçons (et très minoritairement de filles) Noirs et Arabes ; les classes techniques visant les métiers de la santé et du soin, étaient presque exclusivement féminines, avec une bonne partie d’élèves issus de l’immigration portugaise, cette fois ; tandis que les petits Blancs « en avance » étaient en S, et les Blancs « tourmentés », plus fragiles socialement ou psychologiquement, en L… Quand on voit cela, il n’y a vraiment pas à se demander d’où viennent les tensions – on s’étonnerait plutôt qu’elles soient si limitées…

39A. Q. : C’est vrai que quand on met un peu plus de distance, cela coule mieux…

40C. N. : Ce qui ne veut pas dire que c’est mieux !

41A. Q. : Bien sûr. Je ne suis pas spécialiste de l’Éducation nationale, mais il me semble que la taille relative du secteur technique et professionnel dans l’éducation était très inférieure dans les années 1960 à ce qu’elle est aujourd’hui. Cela, c’est une transformation du système qui est parlé en termes d’horreur mais qui pourrait être perçue autrement. Si on avait un Parti communiste encore digne de ce nom, un discours portant sur l’industrie et la classe ouvrière, les choses pourraient être différentes, on pourrait porter ce développement professionnel vers autre chose.

42C. N. : À deux choses près : de façon évidente, cet enseignement technique est conçu comme un enseignement de seconde zone, comme le montrent par exemple les critères d’évaluation qui sont imposés aux élèves – je pense notamment aux comptes-rendus de stage, qui visent à mesurer d’abord la plus ou moins grande docilité des élèves : s’est-il montré serviable, disponible, etc. De plus, comme on le sait, l’enseignement technique ne remplit pas sa fonction : lorsqu’on a une formation de secrétariat, par exemple, il y a de grandes chances que l’on fasse tout autre chose après. Ce n’est pas ou plus un enseignement dont la technicité a une fonction d’efficacité. La technicité de cet enseignement a pour seule fonction de séparer, d’opérer un tri social.

43A. Q. : Oui et non. Le problème c’est que l’on ne sait pas parler autrement, donc on fait comme cela. Par exemple, les militants de N’Autre École, souvent profs dans l’enseignement technique, notamment l’un d’entre eux à Mantes-La-Jolie, parlent de leur enseignement de façon très différente, mais au niveau de leur classe. S’ils se mettent dans la peau du ministre ou de celle du critique du système, alors ils vont placer leur discours à un niveau qui est celui de la globalité, et la manière globale c’est effectivement avec des cases etc. Mais il se trouve qu’avec un groupe d’élèves, et année après année, on peut produire des choses. Le problème c’est comment nous, revues diverses et variées, on pourrait leur donner des référents, des points d’appui, relayer leurs expériences. J’ai travaillé avec le groupe de N’Autre École, et j’ai proposé, de façon un peu idiote, que l’on se penche sur le discours Darcos suggérant que l’école était une garderie. Évidemment, ils se sont mis à se défendre contre cela, on s’est entremêlés les pieds. Par contre, ils étaient intarissables sur tout ce qu’ils pouvaient faire au sein de l’école et même au-delà de la « mission » censée être là leur vis-à-vis des enfants, par exemple dans les pratiques militantes de soutien aux sans-papiers.

44C. N. : Je ne crois pas qu’il faille opposer les deux, même vis-à-vis des élèves. On peut avoir un discours fort, clair sur la réalité et l’histoire de l’institution, tout en essayant d’en faire autre chose, parce qu’effectivement il y a une marge de jeu. Il faut un peu de hardiesse, comme le disait Marie-Claire, d’inventivité, de confiance aussi, en soi mais aussi dans les capacités des enfants et des jeunes, ou encore une expérience de la force que peut donner le collectif. La pression que les professeurs ressentent, celle de la hiérarchie notamment, n’est pas si objective que cela (en tout cas pour les enseignants qui sont titulaires), elle est pour une part essentielle subjective : elle tient à la manière (et, là, je ne m’exclus pas du lot) dont les professeurs intègrent, intériorisent un certain nombre de normes de l’enseignement et de la transmission.

45M. : Il y a cela, mais il y a aussi la façon dont est structurée la distribution des enseignants sur le territoire en France aujourd’hui. On sait bien que quand il-elle débute, un-e jeune professeur-e est envoyé-e dans des lycées ou collèges de périphéries, où le turnover est important, où les équipes du coup ont du mal à se souder, où la transmission entre « anciens » et « nouveaux » ne joue pas vraiment. Difficile dans ces cas-là de faire le pas de côté par rapport à ces normes que l’on vient d’évoquer, sans parler du problème qui se surajoute aujourd’hui d’une formation minorée.

46A. Q. : On ne doit pas mettre des gens à former et à enseigner sans formation. Un an de stage cela paraît le minimum.

47C. N. : Là encore, on en revient à la question de savoir pourquoi les formes alternatives de pédagogie sont si peu exploitées ou explorées par les jeunes professeurs. Sans doute le fait de devoir découvrir l’enseignement sans bénéficier de la transmission des expériences passées oblige-t-il les enseignants à reproduire immédiatement, sans distance, l’enseignement qu’ils ont eux-mêmes connu. On ne prend pas le temps de réfléchir aux actes ordinaires de l’enseignement : la notation, l’évaluation, le format des cours. Un nombre considérable d’enseignants n’a tout simplement jamais réfléchi au sens que pouvait avoir une pratique comme la notation. On reproduit sans se poser aucune question.

Ouvrons l’école !

48M. : Du coup quelles seraient les choses concrètes, pratiques que l’on pourrait imaginer voir se mettre en place ? Faire connaître des expériences déjà existantes, cela suffirait ?

49A. Q. : Cela existe un peu du côté du syndicat CNT-Éducation. Ils ont un journal, N’autre école, qui est dans cette logique de la transmission des expériences.

50C. N. : C’est sûr, il faut faire connaître, se faire le relais de ces expériences. On a d’ailleurs l’impression que l’Éducation nationale s’inquiète constamment de leur possible diffusion ; il y a presque une logique de containment.

51Il me paraît également essentiel qu’émerge un véritable débat sur l’école, c’est-à-dire un travail collectif de critique de l’école telle qu’elle a existé et de formulation de quelle école nous voudrions. La focalisation souvent exclusive sur les « moyens » et sur la limitation actuelle des budgets consacrés à l’éducation nous fait perdre de vue ces questions, qui pourraient pourtant nous donner le désir – et la puissance – d’imaginer autre chose, et de faire autrement. Il est essentiel ici de prendre conscience que penser l’école – et penser d’autres formes d’apprentissage peut-être que les formes scolaires – est un enjeu intellectuel et politique majeur. À en rester constamment au discours de la « catastrophe » et de la déploration, on s’empêche d’accéder à ce qui pourrait nous donner envie de nous battre pour une autre école, on s’éloigne de la formulation de ce qui nous paraîtrait réellement désirable ici. On pourrait tout de même imaginer meilleur destin à une institution où tant d’enfants passent tant de temps, à laquelle tant de personnes consacrent une telle quantité d’énergie…

52A. Q. : Bien sûr. Arriver à négocier avec l’institution serait essentiel : que ce lieu devienne aussi un espace que l’on peut investir, qu’il devienne le lieu d’autres apprentissages, collectifs, non exclusivement réservé aux enfants, qu’il soit en quelque sorte plus ouvert. Que les cyber-centres deviennent, en dehors des heures scolaires, des lieux investis par les gens du quartier. Réinscrire l’école dans son environnement, le quartier, cela passe par réinscrire le quartier dans l’école. À partir de là, il est possible de repenser.

53C. N. : Effectivement, cela changerait complètement le sens de l’école. Si les cours étaient plus ouverts, si des gens extérieurs, des adultes, pouvaient venir y suivre des cours à l’occasion, ou si les bâtiments et les équipements de l’école pouvaient être utilisés par les habitants du quartier, cela changerait complètement la vision que la société a de l’école, mais aussi, surtout, la vision que les jeunes qui la fréquentent ont d’elle.

54Par ailleurs, si à côté de l’école, se développaient d’autres lieux de diffusion et de création de savoirs, cela changerait aussi le caractère de « monopole » qu’exerce l’école sur le savoir, et que dénonce Ivan Illich. Grégory Chambat, de N’autre École, évoque par exemple les bourses du travail, qui étaient conçues, notamment par leur promoteur Pelloutier, à la fin du XIXe siècle, comme des lieux où l’on pouvait lire, apprendre, transmettre, hors du circuit patron, paroisse, État [7]. Sans fantasmer sur la fin de l’école elle-même, l’existence de lieux alternatifs aurait sans doute des effets en retour sur l’institution scolaire.

55A. Q. : Il y a des expériences qui sont menées aujourd’hui autour de la question de la connaissance du territoire. Cela pourrait se coupler : lieu d’apprentissage et lieu de connaissance de l’environnement. Pour que ces ouvertures sur la ville soient possibles, il faut que les enseignants soient moins enfermés dans leur classe, il faut qu’ils soient déchargés. Le nombre d’heures de cours, la préparation, les corrections, tout cela isole les enseignants, ils ont plus qu’un plein-temps de travail, dont une partie est non reconnue parce qu’elle ne participe pas de la fonction garderie. Autrefois, il y avait des activités de socialisation, par exemple, dans le monde rural, à travers le « jardin » de l’instituteur notamment, autour duquel se nouaient des activités pédagogiques mais ouvertes à d’autres interventions que celles du maître. Le collectif enseignant est en réalité très peu collectif, il existe parfois quand il y a des parents un peu entreprenants qui font jouer le conseil d’école de façon correcte et encore. Là aussi il y a une vraie question sur cette gestion individuelle de la classe. C’est finalement dans les institutions qui accueillent les handicapés que l’on va trouver la mise en œuvre la plus poussée d’un collectif.

56M. : On a l’impression que dans ces espaces où il y a des collectifs qui se mettent en place, les choses se sont faites un peu par hasard, les enseignants veulent rester dans tel collège ou lycée parce qu’ils s’y retrouvent accompagnés, mais cela finalement n’est pas véritablement favorisé ou encouragé de façon structurelle par l’institution.

57A. Q. : Oui et non. Dans le champ de la psychiatrie par exemple, on a bien vu que la psychiatrie institutionnelle, dans les années 1950, a bien mis en avant l’idée que c’était l’institution elle-même qui devait être transformée. Cela vaudrait la peine de faire une mise à plat de toutes ces institutions où le collectif est central, pour comprendre comment cela fonctionne. Pour montrer comment aussi, en jouant sur les règles existantes, sur les outils déjà là, présents sous nos yeux, il est possible d’agir collectivement pour transformer les institutions existantes, et en particulier l’école. ?

Pour prolonger cette table ronde, Mouvements signale :
L’« école », une institution ambiguë – séminaire ouvert organisé par Charlotte Nordmann
Ven. 21 octobre, 25 nov., 16 déc. 2011, 20 janv. 2012, 17 fév., 23 mars, 20 avril, 25 mai, 22 juin
(19h-21h)
La Maison Verte, 127 rue Marcadet, 75018 Paris.
Métro : Lamarck ou Jules Joffrin
L’institution scolaire, potentiellement émancipatrice, est souvent en même temps le lieu de la construction d’une « dépossession », de la légitimation de l’idée qu’il y aurait une « hiérarchie des intelligences », et pour beaucoup de la croyance dans leur illégitimité à parler et à penser. Afin de réfléchir au type de rapport aux savoirs et aux pratiques intellectuelles qui s’y met en place, afin de comprendre la spécificité des effets de l’institution scolaire et le type de sujets qu’elle construit, il importe de la ressaisir dans son historicité, et d’en comprendre l’ambiguïté. La question est brûlante à un moment où l’institution connaît des transformations importantes – qui ne remettent cependant pas en question sa centralité – et où l’on est en droit de se demander où elle va, et comment nous pourrions avoir prise sur son évolution, pour la rendre plus émancipatrice.
(avec notamment Guy Berger, Christian Laval, Bertrand Ogilvie, Grégory Chambat)

Date de mise en ligne : 07/12/2011.

https://doi.org/10.3917/mouv.068.0100

Notes

  • [*]
    Tous trois membres du comité de rédaction de la revue Mouvements. Marie-Claire Calmus, retraitée de l’Éducation nationale, est l’auteure d’un essai sur l’école, La mort du grand leurre. Essai sur l’école, éditions Acratie, La Bussière, 1985.
  • [1]
    Philosophe et traductrice, membre du comité de rédaction de la Revue des Livres, éditrice aux éditions Amsterdam. Elle est l’auteure de La fabrique de l’impuissance, 2. L’école, entre domination et émancipation, Amsterdam, Paris, 2008.
  • [2]
    Sociologue et urbaniste, co-directrice de la rédaction de la revue Multitudes. Elle est l’auteure de L’école mutuelle. Une pédagogie trop efficace ?, Le Seuil, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », Paris, 2005.
  • [3]
    Alfred Binet (1857-1911) est l’un des inventeurs et promoteurs de la psychométrie au XIXe siècle et au début du XXe siècle. Il est l’auteur notamment de L’étude expérimentale de l’intelligence (1903) et Les idées modernes sur les enfants (1909).
  • [4]
    Ch. Laval, F. Vergne, P. Clément, G. Dreux, La nouvelle école capitaliste, La Découverte, Paris, 2011.
  • [5]
    Voir : I. Illich, Une société sans école, Le Seuil, Paris, 1971.
  • [6]
    Notamment dans J. Rancière, Le maître ignorant. Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, Fayard, Paris, 1987.
  • [7]
    Voir : G. Chambat, Pédagogie et révolution. Questions de classe et (re)lectures pédagogiques, éditions Libertalia, Coll. « Terra incognita », Paris, 2011.
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