Notes
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Professeur de cinéma
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[1]
Sur ce point, voir B. Cailler, « À propos de la co-adaptation des producteurs de cinéma et des diffuseurs dans les années quatre-vingt-dix » dans Le cinéma à l’épreuve du social, CNRS édition, 2002.
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[2]
La chaîne Canal Plus s’est engagée dès sa création à soutenir le cinéma français en pré-achetant uniquement, mais de façon très importante, les films français, jusqu’à environ 90 % de la production certaines années.
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[3]
Quelques dates clés : 1958 : 412 millions de spectateurs ; 1970 : 182 millions ; 1982 : 202 millions, 1992 : 116 millions, 2002 : environ 184 millions.
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[4]
À travers ce premier prisme, on retient ici tout un ensemble de réalisateurs se réclamant plus ou moins clairement d’un cinéma aux accents sociaux, dont : Claire Denis, Bruno Dumont, Robert Guédiguian, Dominique Cabrera, Claire Devers, Mathieu Kassovitz, Karim Dridi, Jean François Richet, Erik Zonka ou encore Laurent Cantet.
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[5]
L’ensemble des remarques qui suivent reposent sur les chiffres fournis annuellement par le CNC ainsi que sur les données de l’ouvrage co-édité par le CNC et le CSA, Le cinéma à la télévision 1996-1997-1998, 2000.
1 La télévision soutient-elle le cinéma social en France ? Telle est la question à laquelle Bruno Cailler tente de répondre en analysant l’évolution de la situation depuis les années quatre-vingt-dix, années représentatives d’une réelle implication de la télévision dans le financement du cinéma. Plus particulièrement, cet article s’interroge sur le rôle des télévisions généralistes « en clair » et sur leur engagement sous la forme d’accord en coproduction.
2 Description des mœurs d’une société, le cinéma social, entre indignation morale et propagande, se donne « traditionnellement » pour objectif d’analyser les rapports de classe en privilégiant le point de vue des plus humbles. Cette définition correspond-elle aujourd’hui à une partie de la production cinématographique française soutenue par les diffuseurs ? Avant de répondre à cette question, il faut rappeler comment se sont nouées les relations entre le cinéma hexagonal et la télévision française [1].
3 L’histoire des rapports du cinéma et de la télévision en France est à la fois simple et extrêmement complexe. Simple dans les motivations qui ont poussé le secteur de la production cinématographique et celui de la diffusion télévisuelle à coopérer. Complexe dans la mise en place des mécanismes de régulation politique et professionnelle qui ont présidé à ce partenariat.
• Cinéma et télévision : une étroite collaboration
4 Ces rapports s’établissent en effet autour de la juste rétribution auprès des producteurs de l’utilisation du programme film de cinéma sur les ondes télévisuelles, et par la suite de la participation des chaînes de télévision non seulement à l’effort financier mais également au risque de la production cinématographique. Ainsi l’établissement de quotas ou de contingentements de films de cinéma sur les ondes sera agrémenté progressivement d’une incitation au financement de la production pour les chaînes publiques. Celle-ci deviendra une obligation en 1990 pour toutes les chaînes hertziennes en clair, en prenant deux formes : le préachat de droit de diffusion et l’apport en co-production [2]. Elle sera par la suite étendue aux chaînes du satellite et du câble, puis renouvelée et modifiée au cours ces dernières années. La large mutation de la distribution et, parallèlement, le désengagement des distributeurs de la production cinématographique renforcent ce phénomène. En effet, l’exploitation du film de cinéma a évolué en fonction de l’émergence de nouveaux marchés. La filière classique de la location aux salles par des distributeurs est devenue obsolète avec l’arrivée de la télévision. Trop souvent désignée comme la responsable de la crise de fréquentation qu’a traversée le secteur de la distribution [3], la télévision représente surtout le symbole de l’accession à de nouveaux loisirs culturels et physiques, que l’augmentation du budget temps pour le plus grand nombre a accentuée. De cette nouvelle concurrence, la plus directe ne se limite pas à la seule télévision sous toutes ces formes (généraliste, payante ou sur abonnement), mais plutôt à un ensemble d’autres marchés audiovisuels rassemblant également la vidéo (VHS et DVD) et l’internet en devenir. Dans son sillage, la mutation de la distribution a entraîné la mutation du financement de la production et l’avènement de la logique de pré-financement. Car si en raison de l’augmentation des coûts de production, les producteurs ont très tôt fait appel à des financements extérieurs (crédits bancaires, à valoir distributeurs entre autres), avec la multivalorisation du film de cinéma sur d’autres supports, les sources de financement ont pu se multiplier et se diversifier. À la coproduction internationale déjà ancienne s’ajoute alors la coproduction intersectorielle, recourant à des investisseurs extérieurs à la filière cinématographique classique : les Soficas en 1985, les télévisions plus largement à partir du décret 90-67. Ainsi la logique de pré-financement s’intensifie, et pour le producteur de cinéma le montage financier devient une part prépondérante de son métier. Dépositaire d’un projet, il va négocier peu à peu avec des investisseurs (filiales cinéma de chaînes créées à la suite du décret 90-67, studios de production cinématographique, sociétés de distribution et d’édition vidéographique, Soficas garanties) souvent plus ou moins affiliés aux mêmes groupes de communication à la suite de la vague de concentration de la fin des années quatre-vingt et des années quatre-vingt-dix. Les réseaux financiers et industriels ainsi créés accentuent l’institutionnalisation du financement d’une partie de la production française : l’avance sur recettes déclenche le préachat de Canal Plus par une sorte de cooptation mutuelle, pour ensuite se poursuivre par les apports des premiers et second diffuseurs, d’une Sofica, etc. L’industrialisation du secteur de la production et la constitution d’une filière audiovisuelle intégrée ont abouti logiquement à la recherche de la maîtrise des contenus par l’adossement des sociétés de production encore indépendantes aux groupes multimédias. Les intérêts et les stratégies des chaînes (de programmation et d’identité ou d’image en particulier) sont en effet à mettre en synergie avec les politiques d’investissement dans les contenus, consenties par les groupes de communication qui les détiennent. C’est dans ce contexte de concentration industrielle qu’il nous faut replacer maintenant le cinéma social, en posant une question fort simple : les filiales de cinéma des chaînes de télévision françaises ont-elles pratiqué des politiques éditoriales susceptibles de faire émerger un cinéma social conséquent dans les années quatre-vingt-dix ?
• Pour une définition plus large du cinéma social
5 Une première constatation s’impose. Celui qui chercherait à discerner, au sein de la coproduction intersectorielle de films de cinéma, un corpus de cinéma social « traditionnel » serait vite amené à en constater la rareté. C’est pourquoi le panorama suivant sur l’implication des télévisions dans la production d’un cinéma social dans les années quatre-vingt-dix s’appuie sur une définition plus large du cinéma social. Au-delà d’un style particulier et de partis pris techniques, il s’agit ici d’élargir la thématique sociale à des questions de société hexagonales récurrentes. Entre autres, ce sont l’immigration (État des Lieux de Jean-François Richet, 1995 ; Vivre au Paradis de Bourlem Guerdjou, 1999), l’exclusion sociale (La Haine de Mathieu Kassovitz, 1995 ; La Vie rêvée des Anges d’Érick Zonka, 1998), le chômage et la vie dans l’entreprise (Ressources humaines de Laurent Cantet, 1999), ou encore la description d’un environnement social inscrit dans une localité très spécifique (La région Nord - Pas de Calais : La vie de Jésus de Bruno Dumont, 1997 ; Marseille : La ville est tranquille de Robert Guédiguian, 2001 - Bye Bye de Karim Dridi, 1995) [4].
6 Ainsi, en reformulant une définition un peu trop stricte, on rend mieux compte des esthétiques et des volontés d’expression, proches du cinéma social, et émanant d’un ensemble de cinéastes confrontés aux tendances d’économies du cinéma pour le moins discriminantes. La structure de la filière cinématographique française actuelle est en effet constituée de trois types d’économies interdépendantes. L’économie de constitution de viviers et de catalogues de titres – initialement celle à partir de laquelle les producteurs indépendants construisent leur notoriété et leur savoir-faire – rejoint l’économie adossée. Celle-ci est représentative de la prise en main de ces sociétés de production par des groupes de communication avides de maîtriser leurs contenus, et d’une remise en cause de leur indépendance. Enfin, l’économie encadrée, reposant sur les aides sélectives et automatiques octroyées par l’État, est transversale aux deux premières, et tente de limiter les excès du marché en soutenant la créativité et l’innovation artistiques. Dès lors, il convient de ne pas plaquer un modèle pour comparaison (comme celui du cinéma social anglais), mais plutôt d’identifier ce qui peut se distinguer dans une cinématographie soutenue par la télévision comme proche du discours social. Ainsi peut-on observer certaines tendances quantitatives chez les télévisions françaises, entre 1990 et 2000 [5] :
7 TF1, avec une quinzaine de films coproduits chaque année, procède à des engagements souvent lourds et stratégiques pour son image. Dès lors, le film social est pour ainsi dire inexistant dans son catalogue de coproductions, car il ne répond pas aux impératifs de programmation en prime time de la chaîne et à une bonne réussite en salles.
8 Produisant une petite douzaine de films par an, M6 a mûri sa politique éditoriale en même temps que sa position économique et financière s’affermissait. En raison de ses moyens modestes jusqu’en 1996, elle a surtout joué les seconds diffuseurs et n’a pu s’engager que dans des projets souvent modestes. Aussi, contrairement à ce que suggèrent certains clichés, M6 a soutenu ces dernières années une dizaine de films sociaux. Toutefois, cela paraît moins prégnant depuis qu’elle a les moyens de ses ambitions : toucher un public jeune et une audience musicale, en accord avec l’image de la chaîne, est devenu sa priorité. De 1990 à 1994, France 2 a coproduit à peine vingt films par an parmi lesquels le cinéma social, même selon notre définition élargie, reste très marginal (un à deux films par an). À partir de 1995, l’augmentation légère du nombre de films coproduits (vingt-cinq films/an en moyenne) profite modestement à ce dernier (deux à quatre films par an). Privilégiant la variété (films comiques, d’auteur et coproductions internationales), la chaîne semble surtout avoir procédé à des engagements ponctuels auprès de réalisateurs « sociaux » déjà reconnus. Sans pour autant renoncer à des engagements dans des films à fort potentiel télévisuel, tout comme France 2, France 3 est la chaîne de l’éclectisme. Dès lors, on peut faire un constat identique à celui de France 2 sur la petite quinzaine de films coproduits par elle chaque année.
9 Arte, quant à elle, a coproduit une dizaine de films en 1990 et en 1991, puis son effort a doublé. En moyenne, 20 % des films qu’elle a coproduits peuvent être considérés comme sociaux, en accord avec une politique éditoriale visant à renouveler la création française et européenne à travers, en particulier, des premiers films et des films d’auteur.
10 Ce premier constat doit être accompagné de deux remarques. En premier lieu, il convient de tenir compte de la manière dont ces politiques éditoriales prennent effet. C’est-à-dire qu’il nous faut évoquer la manière dont les scénarii à soutenir sont sélectionnés, ou l’ont été pendant la période évoquée. Les filiales de coproduction de M6, d’Arte et de TF1 ont ainsi privilégié la décision collégiale, en s’appuyant soit sur la qualité artistique, soit sur la cohérence économique. À titre d’exemple, le directeur de la filiale, le directeur de la chaîne, le directeur de la programmation et le directeur financier ont constitué le comité de sélection de M6. France 2 et France 3 ont fait confiance à leur responsable de filiale pour mener leur politique éditoriale respective, tout en soumettant l’accord définitif de production au président de France Télévision. Ces différentes structures de décisions ont eu, à n’en pas douter, leur importance dans les orientations et dans les choix effectués. Deuxièmement, il semble judicieux d’analyser l’engagement des chaînes auprès des films sociaux soutenus et de le comparer à leurs engagements auprès d’autres genres cinématographiques. La nuance est ici de principe, car les responsables des filiales s’engagent avant tout sur des projets qui relèvent, faut-il encore le préciser, du prototype et de l’aventure économique. Il est alors difficile d’en estimer le succès par avance, et donc d’appliquer une quelconque discrimination de genre. Une analyse statistique rapide confirme notre supposition, puisque l’engagement moyen des chaînes envers les films « sociaux » qu’elles soutiennent est très voisin d’autres types de films. Il s’élève à environ 15 % du devis, préachat et coproduction confondus, sur une fourchette de 8 à 23 %. Ainsi, il ne semble pas que les films « sociaux » retenus bénéficient d’un traitement différent des autres genres.
11 Si ce survol, qui demanderait encore à être approfondi, peut paraître décevant, on doit toutefois en nuancer l’analyse. Bien qu’on soit enclin à conclure que les filiales cinéma des chaînes de télévision ne sont pas les meilleurs soutiens d’un cinéma social, elles ont cependant indubitablement accompagné, bien que de façon modeste, la montée en puissance d’un cinéma à tendance « sociale ». Ceci tendrait à prouver que, en dépit des politiques éditoriales orientées qu’elles développent, elles ne sont pas radicalement discriminantes. Bien au contraire, pour la majorité d’entre elles, il s’agit de parier sur la diversité, le succès s’affranchissant autant des contraintes de genres que de la hauteur des budgets. C’est donc la place du cinéma social au sein de la cinématographie française et de la filière audiovisuelle intégrée qu’il convient plutôt d’interroger. Pour ce faire, puisque notre propos n’est pas d’établir l’histoire du cinéma social français, nous nous proposons maintenant de comparer des modes contemporains d’existence. Bien que ses grandes heures se soient déroulées durant les années quatre-vingt, et que le cas français porte sur les années quatre-vingt-dix, étudier le modèle anglais d’un cinéma social soutenu par la télévision offre cette opportunité. Mais, comme nous l’avons remarqué précédemment, il est impératif d’éviter l’écueil de la comparaison des genres, pour plutôt analyser les conditions d’émergence et de survie économique de chaque modèle.
• Le modèle anglais : la télévision comme condition nécessaire mais non suffisante
12 Aucun autre pays ne semble avoir donné autant d’importance au cinéma social que la Grande-Bretagne dans sa filmographie. Ou tout du moins aucun autre pays n’a vu sa production de films sociaux aussi reconnue internationalement dans les festivals et par la critique. Quelles sont les conditions qui ont permis l’émergence et l’existence d’une telle cinématographie ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord lever une ambiguïté : le cinéma anglais ne produit pas seulement des films sociaux. Il s’agit d’un genre qui rencontre un public national et international, mais qui ne constitue qu’une partie de sa production. Le cinéma social anglais s’est en effet construit sur trois bases économiques, politique et culturelle largement interdépendantes.
13 - En premier lieu, l’école documentaire britannique, née dans les années trente et quarante, est fondatrice de ce cinéma social. Son chef de file, John Grierson (Drifters, 1929), trace une véritable voie nationale en encourageant l’observation directe, qui aboutira à une filiation directe entre cette école, le Free Cinema et le renouveau du film social. Le Free Cinema est un ensemble de programmes de films à l’inscription sociale forte présentés au National Film Theatre entre 1956 et 1959, et où la description du prolétariat des villes du nord tient une place prépondérante. Aux quatre réalisateurs mythiques Lyndsay Anderson (O Dreamland), Karel Reisz et Tony Richardson (Momma don’t allow), Lorenza Mazetti (Together) vient s’ajouter progressivement toute une génération de nouveaux réalisateurs formée à la télévision : Ken Russell, Ken Loach, Mike Leigh, Stephen Frears. Ceux-ci ne connaissent pas la barrière cinéma-télévision qui persiste en France, puisque la législation anglaise prévoit que les téléfilms peuvent être exploités en salles avant diffusion. Ainsi la plupart sont tournés en 35 mm. Cette caractéristique fait lien avec la seconde condition d’existence d’un cinéma social fort en Angleterre.
14 - En second lieu, la suppression en 1984 du British Film Fund, fonds de soutien à l’industrie cinématographique, s’accompagne de la volonté de créer à côté de la BBC (BBC 1 et BBC 2) et de la fédération ITV (Independent television : seize compagnies de télévision privées réparties sur le territoire) une quatrième chaîne : Channel 4. Créée et dirigée en novembre 1982 par Jeremy Isaacs, elle s’engage à respecter une mission de service public, et en particulier à produire des programmes de nature éducative, tout en encourageant l’innovation et l’expérimentation. Elle fait ainsi appel à des producteurs privés et lance sa filiale Film Four International. Sa politique éditoriale est claire : pas de « docudrama » ou de dramatiques classiques mais un soutien annuel à une quinzaine de films à petits ou moyens budgets décrivant la réalité actuelle. Ce modèle de partenariat va faire des émules à la télévision. La BBC lui emboîte le pas, et ITV crée ITC (Central Independent Television) et, en 1984, sa filiale Zenith. Quant au British Film Institute, créé en 1933 pour promouvoir la culture cinématographique, mais finançant également un service de production de films, il se tourne dans les années quatre-vingts vers le soutien à la production de films concurrentiels au domaine commercial, d’où des coproductions fréquentes entre lui et Channel 4.
15 - Enfin, la parcellisation des marchés finit de répartir les acteurs dans les différentes niches d’activité de production cinématographique. En effet, la domination américaine est récurrente tout au long de l’histoire récente du cinéma anglais. Un constant aller-retour des capitaux entre le nouveau continent et l’île rythme cette histoire puisque, après s’être retirés en 1972, les investisseurs américains ont repris en main durablement la distribution et l’exploitation anglaise à partir de 1982. Cette situation a marqué profondément la nature même de la production anglaise. Comme l’indique Philippe Pilard, « Situation précaire liée à un système fragile : les films à petits budgets dépendent de la télévision ; les films à gros budgets dépendent de l’argent américain ».
• Cinéma social ou/et télévision sociale
16 Ainsi, il faut bien plus que la structuration de nouvelles conditions de production, fondé sur les apports financiers, industriels et esthétiques de la télévision, pour que le film social s’impose comme un genre majeur dans une cinématographie nationale. L’histoire politique, économique et culturelle construit patiemment les goûts de chaque peuple, et les produits qui y répondent, autant qu’elle impose une structure légale et industrielle propre à chaque nation.
17 Aussi, ne nous sommes-nous pas trompés sur le lieu d’existence et de pérennité d’un traitement efficace du social par l’image ? À force d’interroger en France l’ancêtre cinéma, ses nouveaux acteurs et prescripteurs (dont bien sûr la télévision), et son impuissance à l’engagement social durable, sans doute avons-nous oublié de noter ce que la télévision apporte au cinéma, ce que la mixité des genres et des gestes engendre ? Car si la majorité des films connaît un destin sur le petit écran, un petit nombre de téléfilms ont connu ces dix dernières années l’ivresse du grand écran. L’on songe évidemment au travail d’Arte et à ses séries de téléfilms/films Tous les garçons et les filles (1994), Gauche, Droite (1999), Les petites caméras (2000), et aux unitaires comme Ressources humaines, qui ont été exploités quasi simultanément sur le petit et le grand écran. Ce positionnement original vise à briser les vieilles frontières françaises entre les filières, pour proposer de nouvelles formes de production et de commercialisation d’une œuvre audiovisuelle. Ce faisant, le traitement du social prend forme au-delà de la question du support et des marchés de valorisation. •
Notes
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Professeur de cinéma
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Sur ce point, voir B. Cailler, « À propos de la co-adaptation des producteurs de cinéma et des diffuseurs dans les années quatre-vingt-dix » dans Le cinéma à l’épreuve du social, CNRS édition, 2002.
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[2]
La chaîne Canal Plus s’est engagée dès sa création à soutenir le cinéma français en pré-achetant uniquement, mais de façon très importante, les films français, jusqu’à environ 90 % de la production certaines années.
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[3]
Quelques dates clés : 1958 : 412 millions de spectateurs ; 1970 : 182 millions ; 1982 : 202 millions, 1992 : 116 millions, 2002 : environ 184 millions.
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À travers ce premier prisme, on retient ici tout un ensemble de réalisateurs se réclamant plus ou moins clairement d’un cinéma aux accents sociaux, dont : Claire Denis, Bruno Dumont, Robert Guédiguian, Dominique Cabrera, Claire Devers, Mathieu Kassovitz, Karim Dridi, Jean François Richet, Erik Zonka ou encore Laurent Cantet.
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[5]
L’ensemble des remarques qui suivent reposent sur les chiffres fournis annuellement par le CNC ainsi que sur les données de l’ouvrage co-édité par le CNC et le CSA, Le cinéma à la télévision 1996-1997-1998, 2000.