Le désastre de Seveso a été décrit comme une catastrophe classique et paradoxale. La fuite d’un nuage de 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine (ou TCDD) d’un des réacteurs de l’usine chimique ICMESA, en Italie, le 10 juillet 1976, déclencha une grave crise sanitaire. Elle conduisit à l’adoption, en 1982, de la première législation européenne sur le risque d’accidents industriels majeurs. La directive 82/501/CEE (connue comme Seveso 1) prévoit la délimitation de zones à risques – dites « Seveso » – qui font désormais partie de nos paysages urbains. L’écho international du désastre a transformé une petite ville du nord de l’Italie en un lieu symbole des risques de l’industrialisation. Dans cet article, je souhaite tout d’abord préciser le caractère « paradoxal » de cette catastrophe. Mon pari est que l’analyse des contradictions, impasses et dilemmes qui ont émergé dans la gestion de la crise sanitaire à Seveso peut contribuer à la compréhension de certains des processus qui favorisent, de manière plus générale, la production sociale de l’invisibilité des dommages à l’environnement et de leurs victimes.
En même temps, je souhaite montrer comment l’expérience de la catastrophe, là où elle s’est passée, a été motrice d’une transformation des formes d’engagement politique pour l’environnement. En revenant sur le parcours des militants du groupe écologiste de Legambiente à Seveso, il s’agira de comprendre comment le fait d’avoir relevé le défi de restituer des milieux de vie « ruiné…