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Article de revue

Anti-formalisme et politique dans la doctrine juridique sous la IIIe République

Pages 145 à 165

Notes

  • [1]
    Joseph Charmont, « La socialisation du droit (Leçon d’introduction d’un cours de droit civil) », Revue de métaphysique et de morale, 1903, p. 1.
  • [2]
    René Demogue, Les notions fondamentales du droit privé, Paris, 1911, p. VII-VIII.
  • [3]
    Julien Bonnecase, Science du droit et romantisme, Paris, 1928 ; Georges Ripert, Le régime démocratique et le droit civil moderne, Paris, 1936, p. 63-64. Il faut se garder, toutefois, de réduire le domaine de cette contestation au seul droit privé, contrairement à ce que l’on affirme souvent. La séparation des juristes universitaires entre « publicistes » et « privatistes » à travers la réforme des programmes d’enseignement et surtout l’établissement des concours séparés d’accès à la chaire était encore trop récente. Surtout, un mouvement analogue traversait le droit public, où le contact avec la jeune sociologie universitaire propulsait la construction des théories de l’État plus amples, et l’émergence des concepts comme « service public » ou « gestion administrative », montrant encore une très grande vitalité dans les années trente. Ripert, qui utilise l’expression « publicisation du droit » comme synonyme de « socialisation », voit dans la discipline publiciste, depuis Duguit, les projets les plus systématiques pour transformer le droit en social.
  • [4]
    Paul Cuche, « A la recherche du fondement du droit. Y a-t-il un romantisme juridique ? », Revue trimestrielle de droit civil, 1929, p. 65, 71.
  • [5]
    Pour notre point de vue, voir Carlos M. Herrera, « D’un entre-deux du droit et de la politique », in Droit et gauche. Pour une identification, Québec, Presses de l’Université Laval, 2003, p. 1-7 ; Id., « Doctrine juridique et politique. À la recherche du regard interne ? », in Mathieu Doat et al. (eds.), Droit et complexité. Pour une nouvelle intelligence du droit vivant, Rennes, Pur, 2007, p. 83-92.
  • [6]
    Lettre à Raymond Saleilles du 27 septembre 1896, citée par Christophe Jamin, « François Gény, d’un siècle à l’autre », in Claude Thomasset et al. (eds.), François Gény, mythe et réalités, [Montréal]-[Paris]-Bruxelles, Y. Blais-Dalloz-Bruylant, 2000, p. 27.
  • [7]
    Ferdinand Larnaude, « Le Code civil et la nécessité de sa révision », in Le Code civil 1804-1904. Livre du Centenaire (1904), rééd. Paris, Dalloz, 2004, p. 914. En même temps, Larnaude se détache des propositions dont « l’outrance même de l’attaque en démontre la faiblesse », en faisant explicitement référence au « point de vue politique » d’Émile Acollas et de Maxime Leroy. Sur ces juristes, voir Carlos M. Herrera, « Les constellations juridiques du sorélisme », in Id. (ed.), Georges Sorel et le droit, Paris, 2005 ; Id., « Être socialiste en faculté de Droit », Recherche socialiste, 50-51, janvier-juin 2010, p. 53-70.
  • [8]
    Il regrette l’abandon de la vielle idée de « famille industrielle », qui conduit à présenter le travail et le capital comme des ennemis irréconciliables, un affrontement où la force remplaçait la justice. Voir Ernest Glasson, Le code civil et la question ouvrière, Paris, 1886, p. 8 et 38. Sur « Les juristes et l’école de Frédéric Le Play », voir sous ce titre le numéro spécial des Études sociales, 135-136, 2002.
  • [9]
    Louis Josserand, « Essais sur la propriété collective », in Le Code civil 1804-1904, op. cit., p. 357 et 379.
  • [10]
    Si Hauriou s’oppose aux idées solidaristes, c’est parce qu’elles présupposent l’unité comme quelque chose de naturel, de spontané. Au contraire, pour lui les grandes forces sociales résultent des instincts fondamentaux de l’homme et comme telles, elles resteront immuables. Toute la vie sociale est un équilibre entre des éléments contradictoires, opposés. Maurice Hauriou, La science sociale traditionnelle, Paris, 1896, p. 293 et 390.
  • [11]
    Maurice Hauriou, La gestion administrative, Paris, 1899, p. III.
  • [12]
    Raymond Saleilles, « Le Code civil et la méthode historique », in Le Code civil 1804-1904, op. cit. Face aux doctrines qui prêchent le changement du Code, il croit possible de lui faire abandonner son individualisme trop exclusif « pour prendre dans l’orientation jurisprudentielle et doctrinale de l’avenir un caractère plus nettement social ».
  • [13]
    De la déclaration de volonté (1901), cité par Paul Bureau, « Raymond Saleilles », Correspondance, 15 mars 1913, p. 13.
  • [14]
    Adhémar Esmein, « La jurisprudence et la doctrine », Revue trimestrielle de droit civil, 1902, p. 8.
  • [15]
    R. Saleilles, « Le Code civil et la méthode historique », loc. cit., p. 100.
  • [16]
    Louis Josserand, De l’abus des droits, Paris, 1905, p. 59.
  • [17]
    Louis Josserand, De l’esprit des droits et de leur relativité. Théorie dite de l’Abus du droit (1927), Paris, 1939, 2e éd., p. 394.
  • [18]
    La justification politique de ses thèses apparaît avec une plus grande clarté à la fin de sa vie, lorsqu’il rappelle que « ce n’est pas que les institutions fondamentales du droit des contrats et des obligations aient été bouleversées dans leur esprit même ; ce n’est pas que des buts nouveaux leur aient été assignés ; mais c’est qu’à raison de conjonctures économiques, monétaires, financières et politiques, exceptionnelles autant qu’oppressives, force était de jeter du lest, d’ouvrir ces soupapes de sûreté […] sans le secours desquelles la machine sociale eût risqué de sauter ; la paix sociale était à ce prix » (L. Josserand, De l’esprit des droits et de leur relativité, op. cit., p. 354).
  • [19]
    Georges Ripert « Abus ou relativité des droits », Revue critique de législation et jurisprudence, 1929, p. 37, p. 60-61.
  • [20]
    Emmanuel Lévy, Sur l’idée de transmission de droits (À propos de la preuve de la propriété immobilière), Paris, 1896, p. 112.
  • [21]
    Raymond Saleilles, « Méthode historique et codification », in Atti del Congresso internazionale di scienze storiche, Rome, 1904, p. 19.
  • [22]
    Ernest Glasson, De l’altération de la notion de droit et de la justice au point de vue de l’économie sociale, Paris, 1893, p. 7, 4.
  • [23]
    Sur la genèse du rapport complexe d’Hauriou à la sociologie, voir Frédéric Audren, Marc Milet, « Hauriou sociologue », in Maurice Hauriou, Écrits sociologiques, Paris, Dalloz, 2008.
  • [24]
    Louis Josserand, « Relativité et abus des droits », in Évolutions et actualités. Conférences de droit civil, Paris, 1936, p. 71-72.
  • [25]
    Léon Duguit, Manuel de droit constitutionnel, Paris, 1923, p. 11.
  • [26]
    Léon Duguit, L’État, le droit objectif et la loi positive, Paris, 1901, p. 615.
  • [27]
    Georges Scelle, « Empirisme, science et technique juridiques », in Mélanges d’économie politique et sociale offerts à Edgard Milhaud, Paris, 1934, p. 300.
  • [28]
    Emmanuel Lévy, La paix par la justice. Éléments d’une doctrine du droit, Paris, 1929, p. 14.
  • [29]
    François Gény, Science et technique en droit privé positif, Paris, 1921, p. 62, 65-66.
  • [30]
    Louis Josserand, Cours de droit civil positif français, I, Paris, 1938, p. 8.
  • [31]
    E. Lévy, La paix par la justice, op. cit., p. 4.
  • [32]
    Édouard Lambert, « L’enseignement du droit comme science sociale et comme science internationale » (introduction), in Robert Valeur, L’enseignement du droit en France et aux États-Unis, Lyon, 1928, p. XXXIX sq.
  • [33]
    Ibid., p. CXIV.
  • [34]
    F. Larnaude, « Préface » à Georg Jellinek, La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, 1902, p. X-XII.
  • [35]
    R. Saleilles, « Le Code civil et la méthode historique », loc. cit., p. 117.
  • [36]
    Paul Pic, « Le centenaire du code civil et le droit social de demain », Questions pratiques de législation ouvrière et d’économie sociale, 1904, p. 477.
  • [37]
    Paul Pic, Traité élémentaire de législation industrielle. Les lois ouvrières (1894), Paris, 1903, p. 5.
  • [38]
    Pour Paul Pic, « le plus sûr moyen de provoquer les révolutions étant de chercher à enrayer les évolutions nécessaires » (P. Pic, « Le centenaire du Code civil… », art. cit., p. 479).
  • [39]
    Georges Scelle, « La politique extérieure française et la Société des Nations », l’Année politique française et étrangère, 1935, p. 288.
  • [40]
    Georges Scelle, Précis de législation industrielle, Paris, 1927, p. 2-3.
  • [41]
    Georges Scelle, L’organisation internationale du travail et le BIT, Paris, 1930, p. 307.
  • [42]
    Georges Scelle, « Le problème ouvrier », in Ouvr. coll., La politique républicaine, Paris, 1924. Sur son engagement politique, voir Carlos M. Herrera, « Un juriste aux prises du social. Sur le projet de Georges Scelle », Revue française d’histoire des idées politiques, 21, 2005, p. 113-137.
  • [43]
    Emmanuel Lévy, L’affirmation du droit collectif (1903), repris in Carlos M. Herrera (ed.), Par le droit, au-delà du droit. Textes sur le socialisme juridique, Paris, Kimé, 2003, p. 171.
  • [44]
    Emmanuel Lévy, « Le droit du locataire et sa réalité », le Mouvement socialiste, janvier 912, p. 83 ; Id., « Construction sociale du droit » (1931), in Les fondements du droit, Paris, 1939, p. 152.
  • [45]
    Emmanuel Lévy, « La personne et le patrimoine », la Revue socialiste, juin 1911, p. 549.
  • [46]
    Emmanuel Lévy, Capital et travail, Paris, 1909, p. 9-11, p. 27.
  • [47]
    E. Lévy, L’affirmation du droit collectif, op. cit., p. 171.
  • [48]
    Cette thèse, avancée en Allemagne très tôt par Franz Neumann, est illustrée en France par Marie-Joëlle Redor, De l’État légal à l’État de droit, Paris, Economica, 1992.
  • [49]
    La différence est sensible avec l’Allemagne, notamment après que les majorités socialistes aient pu doter la République d’une nouvelle constitution, en 1919.
  • [50]
    Une opposition bien plus radicale que celle suscitée par le précédent gouvernement du Cartel des gauches, entre 1924 et 1926, qui avait pourtant donné lieu à des réactions très hostiles dans les facultés de Droit. Voir la thèse de Marc Milet, Les professeurs de droit citoyens, Paris, Université de Paris II, 2000.
  • [51]
    Paul Pic, « Les nouvelles lois ouvrières, leurs répercussions économiques et sociales », Revue politique et parlementaire, 1937, p. 215-217, 238 ; Louis Josserand, « Sur la reconstruction d’un droit de classe », Dalloz, 1937, p. 4.
  • [52]
    Louis Josserand, « Un ordre juridique nouveau », Dalloz, H, 1937, p. 42.
  • [53]
    Julien Bonnecase, La pensée juridique française de 1804 à l’heure présente, II, Bordeaux, 1933, p. 238.
  • [54]
    J. Charmont, « La socialisation du droit », art. cit., p. 7-8.
  • [55]
    Représentative d’une telle lecture : Marie-Claire Belleau, « Les juristes inquiets. Classicisme juridique et critique du droit au début du xxe siècle en France », les Cahiers du Droit, XL, 1999, p. 507-544. L’auteur inclut parmi les juristes inquiets des penseurs aussi différents que Bonnecase et Lévy…

1L’essor que connaît la pensée juridique française à l’aube du xxe siècle se confond avec le profond renouvellement des facultés de Droit, tant en ce qui concerne l’organisation des études que les fondements méthodologiques des disciplines, sans oublier les modes d’accès à la chaire, laissant derrière elles la vieille école de droit de racine napoléonienne.

2La reconstruction des fondements intellectuels du droit se déploie à partir d’une triple critique : de l’individualisme juridique sur le plan philosophico-juridique, de la loi comme source du droit sur le plan technique, de l’école de l’Exégèse (ou du moins d’un ensemble de propositions que l’on finit par identifier comme telle) sur le plan doctrinal. Ce rejet du formalisme montre aussi des horizons politiques : non seulement le droit ne pouvait être isolé de la vie sociale, mais était même un facteur puissant de progrès économique, comme l’affirmait Raymond Saleilles en présentant aux Français le nouveau Code civil allemand, paradigme de modernité au même titre que la doctrine juridique Outre-Rhin (en commençant par Rudolf von Ihering).

3Dans cette redécouverte du social, la jurisprudence apparaît comme la source du droit la plus proche, et pour cela même, la plus adaptée à la mutation que la société française était en train de vivre. Pour cerner ce processus, Joseph Charmont parlera de « socialisation du droit » car

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le rendre plus compréhensif, plus large qu’il ne l’était, l’étendre du riche au pauvre, du possédant au salarié, – de l’homme à la femme – du père à l’enfant, pour tout dire, c’est l’admettre au profit de tous les membres de la société[1].

5Un an plus tard, le centenaire du Code civil permet de mesurer l’extension de ce mouvement à l’intérieur des facultés de Droit. Peu après, tirant les conséquences de ces débats, René Demogue soulignait que la doctrine ne doit « en rien dissimuler, les conflits et contradictions qui sans doute agiteront toujours le droit civil ». Il fallait aller vers

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un droit plus près des réalités pratiques, empruntant plus aux données de l’économie politique, voisinant plus avec la jurisprudence qui, malgré les erreurs possibles, est la vie et traduit inconsciemment les besoins pratiques les plus forts[2].

7Mais à la fin des années vingt, l’heure des bilans semble sonner chez les privatistes. Julien Bonnecase parlera de « romantisme juridique » pour désigner un mouvement qui, dans son récit, remontait à Léon Duguit pour retrouver sa projection la plus nette chez Emmanuel Lévy. Georges Ripert sera plus ironique, qualifiant de « juristes prophètes » ces auteurs qui rêvaient d’une grande transformation du droit civil. Dans cette optique, il distinguait des « grands » et des « petits » prophètes, ces derniers étant ces juristes qui se contentent, dans des termes qu’il qualifie de « très vagues », de réclamer le progrès du droit civil [3].

8C’est contre l’interprétation proposée par Bonnecase que Paul Cuche préfère parler de « juristes inquiets », expression qui, dans son esprit, suffisait largement pour déterminer les traits d’un courant moins organique. S’il y avait eu une discordance entre les conceptions individualistes et la réalité, il en voyait l’origine dans la « prodigieuse intensification de la solidarité sociale dans toutes ses formes, politique, économique et morale [4] ». L’extension de la fonction du droit était imposée par les faits et ce droit qui se socialise oblige la doctrine à trouver d’autres explications. C’était plutôt, pour utiliser le titre du livre de Gaston Morin publié en 1920, une « révolte des faits contre le Code », autrement dit, l’idée que la doctrine juridique devait s’adapter inévitablement à une transformation réelle, davantage qu’un projet systématique et positif d’élaborer une théorie alternative, critique du droit.

9Ces débats correspondent en réalité à un moment tardif, où le socle rénovateur commun avait laissé la place à des positions diverses dans un environnement politico-social changeant, notamment avant et après la Première Guerre mondiale. Le fait que l’on parle plus volontiers de juristes que de théories laisse penser au caractère fragmentaire ou, en tout cas, personnel de ces projets intellectuels. Mais les marques politiques des doctrines, devenues de plus en plus explicites, permettent de mieux saisir leurs cohérences internes, du moins pour les plus systématiques.

10Privilégier cette optique dans la reconstruction d’une histoire de la doctrine juridique permet, comme nous espérons pouvoir le montrer dans les pages qui suivent, d’explorer l’ambiguïté que renferme le mouvement anti-formaliste. À l’inverse, donner une priorité au positionnement méthodologique, comme l’ont fait quelques travaux récents, risque d’occulter de fortes divergences entre ces penseurs, mais aussi l’amplitude de toutes ces propositions théoriques et juridiques à l’intérieur de chacune des constructions doctrinales [5]. Insister sur les discontinuités s’avère donc indispensable devant un groupe si hétérogène de juristes. Certes, tous ces juristes, de Saleilles à Lévy, sont iconoclastes par rapport au canon codificateur. Mais une fois ce constat établi, valable surtout pour les positionnements de la fin du xixe siècle, il reste à reconstruire les spécificités théoriques et politiques de chaque conception, et notamment de celles qui cherchent à traduire l’anti-formalisme juridique dans un dessein de transformation sociale. L’entrecroisement, la convergence même, entre théorie anti-formaliste et positionnement politique à gauche produiront – on le devine – une série d’effets spécifiques.

11Le but de cette synthèse est double. Présenter, d’abord, les principaux traits de cette rénovation du droit, de la critique de la loi à la revendication réformiste. Identifier, ensuite – et surtout –, les différents niveaux politiques qui se déploient à l’intérieur du mouvement. Le rejet du formalisme offre promptement un terreau fertile à la naissance d’un concept relativiste du droit, qui apparaît comme l’acquis le plus radical de la rénovation des méthodes (§ 1). Pour saisir ces mutations, il est nécessaire, dans l’esprit de ces juristes, d’infuser dans la science du droit une dimension sociologique (§ 2). Et l’assurance scientifique donnée par ces analyses conduit à expliciter des vues réformistes dans lesquelles ce « nouveau droit » peut déployer toute sa spécificité politique (§ 3).

1 – De la critique de la loi à la relativité des droits

12La préoccupation de saisir le rapport du droit au social est très présente chez François Gény, qui systématise ses idées dans le cadre d’une théorie des sources du droit. Pour Gény, le droit est un mécanisme qui tournerait à vide s’il n’était pas approvisionné de manière constante par la substance économique. Lors de la préparation de son maître livre, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif (1899), il écrivait à son ami Raymond Saleilles :

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Je me suis un peu remis ou plutôt mis à l’économie politique, qui, plus que jamais, me semble appelée à jouer un rôle plus sérieux que jusqu’ici, non seulement dans la législation, mais dans l’interprétation du droit positif. Il me paraît que le nœud de bien des problèmes réside, pour bonne part, dans les éléments économiques qui y donnent lieu[6].

14La découverte de cette dépendance économique du droit constitue l’arrière-fond de toutes les conceptions anti-formalistes, y compris du droit public, discipline qui gagne alors son autonomie. Ferdinand Larnaude, le fondateur de la Revue du droit public, n’hésite pas à souligner la place centrale des « conditions de la vie matérielle et, par la suite, [d]es rapports économiques des hommes entre eux » pour comprendre le droit « qui n’est, en somme, que la forme que prennent ces rapports ».

15C’est dans le domaine du travail que ces rapports dévoilent les limites du Code civil qui, aux dires de Larnaude, « n’est plus en harmonie avec les conditions actuelles de la société ». Ses règles apparaissent

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comme bien insuffisantes quand on réfléchira qu’elles se sont formées à une époque où n’existaient ni le machinisme, ni la grande industrie ni cet amour des humbles, qui est bien pour quelque chose aussi dans les progrès de la législation sociale, sans qu’il faille oublier le sentiment de la dignité et de la force de la classe ouvrière, qui est sûrement l’agent le plus actif de leur émancipation et de l’émancipation nécessaire de leur sort[7].

17Cette vision se développait depuis la fin du xixe siècle dans les cercles attentifs aux analyses sociologiques de l’école leplaysienne. Ernest Glasson notait, dès 1886, l’urgence d’inclure le contrat de louage de services dans un code qui a « presqu’entièrement passé les ouvriers sous silence », une réforme d’autant plus nécessaire que « les relations entre ouvriers et patrons ont, sous certains rapports, changé de nature [8] ».

18Certains juristes jugent même « bienfaisante » une évolution sociale qui donne de plus en plus de place à la propriété collective. Pour Louis Josserand, la forme collective, sociale que prennent les institutions et la propriété répond aux aspirations du moment et, en plus, « seule elle satisfait aux exigences de la raison [9] ». En s’inscrivant dans la rénovation doctrinale, il insiste sur « le caractère mouvant du droit civil contemporain qui […] évolue sans arrêt et échappe à une cristallisation, fût-ce pour un temps limité ».

19Pour Saleilles, le droit « vit d’une adaptation constante aux besoins qui se font jour ». Plus encore, « il n’y a des droits que par l’effet des rapports sociaux » et si la société ne crée pas le droit directement, « elle le conditionne nécessairement au sens historique ». Comme le synthétise plus tard Georges Scelle, c’est le besoin social qui gouverne et contrôle l’économique, poursuivant ensuite vers la sphère politique, pour finir dans le domaine du droit.

20Mais pour Scelle le droit est déjà un ensemble de « procédures pour faire respecter les règles naturelles de la solidarité sociale ». C’est Léon Duguit qui avait cherché à systématiser ces rapports entre droit et solidarité. Mais même un ennemi déclaré du solidarisme comme Maurice Hauriou sait se montrer très attentif aux transformations que l’évolution sociale impose au pouvoir de l’État [10]. Dans son livre sur La gestion administrative, cette notion apparaît justement comme un vecteur de l’intervention sociale :

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Dans tous les cas de gestion, on découvre coopération […], à côté de la puissance publique qui commande, apparaît celle qui gère la vaste entreprise coopérative des services publics ; dans la gestion administrative, le caractère administratif se révèle avec la même évidence que dans la production économique[11].

22Il s’agit, certes, d’un social solidarisé. En effet si ces juristes peuvent intégrer la notion de mutation dans le concept de droit, c’est parce que ce social est conçu comme harmonique, non conflictuel, conduisant à une plus grande solidarité entre les êtres. L’irruption du social appelle à la reconstruction de la théorie des sources du droit. Glasson pouvait encore croire à la supériorité du législateur ; les juristes rénovateurs pensent que c’est la jurisprudence qui est plus à même de se saisir « des évolutions sociales et du conflit entre le droit individuel et le droit social [12] ». Le juge apparaît alors comme « le régulateur de la vie sociale dans ses rapports avec la loi », l’intermédiaire entre le droit et la conscience sociale

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en ce sens qu’il doit mettre la loi incessamment au point de l’évolution morale, juridique et sociale […] De là l’interprétation incessamment progressive et vivante de la loi par le juge [par laquelle] le droit s’intègre à nouveau dans la vie sociale[13].

24Ainsi, Édouard Lambert proclamait en 1900 le rejet du « dogme de l’immobilité de la loi », en reconnaissant « que souvent la loi se trouve éliminée par le jeu de l’évolution de la vie ». Ce qui comptait était moins de connaître la signification de la loi donnée par le législateur que comment les juges l’entendent et l’appliquent. La jurisprudence est imaginée comme un « malaxeur qui pétrit et dose les éléments apportés, d’une part, par le législateur et, de l’autre, par la pratique extrajudiciaire sous ces formes multiples et variées ». La science du droit doit se concentrer sur

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les parties vivantes et mobiles de la jurisprudence contemporaine qui, étant nées du développement de forces économiques agissant sensiblement sous les mêmes formes dans l’ensemble de la société des peuples, reposent à peu près partout sur les mêmes substructures sociales.

26La valorisation sociale du juge ne s’épuise pas dans la méfiance devant le parlement élu au suffrage universel : le républicain Adhémar Esmein soutient que la pratique de la jurisprudence, qui forme « un véritable système, harmonique et consistant », exprime davantage que la loi un « droit vivant ». La jurisprudence est « la loi réelle et positive », et son œuvre devance celle du législateur [14]. D’après Saleilles, si « le droit naît de l’histoire », c’est la jurisprudence qui lui permet de « se cristalliser en formule positive », prête « à évoluer dans un sens progressif [15] ».

27Dès lors, la théorie des sources conduit à des conclusions sur la nature du droit, y compris du droit de propriété qui serait « relatif » du point de vue social. Cette vision fut soutenue très tôt par Duguit, pour qui l’idée même de droit subjectif est une construction métaphysique. Seule l’idée de relativité des droits s’impose d’un point de vue scientifique : « La règle de droit est une règle variable et changeante ; et le rôle du juriste est de déterminer quelle règle s’adapte à la structure d’une société donnée. » La propriété privée apparaît comme « un fait contingent, produit momentané de l’évolution sociale » ; elle peut seulement se justifier (et se limiter) par sa fonction sociale.

28La théorie dite « de l’abus du droit » est peut-être l’expression la plus technique de cette inspiration sociale qui parcourt la doctrine juridique, dans la mesure où elle résulte de la convergence de la théorie des sources et de la vision relativiste. Selon Josserand, elle s’inscrit dans le processus d’humanisation du droit, cette tendance « sociale et moralisatrice » où souffle l’équité. Par sa « flexibilité », cette théorie, qu’il place du côté des faibles, représente « une force évolutive de premier ordre, un instrument de progrès et d’assouplissement qui permet d’adapter aux besoins de la société toujours en marche des institutions vieillies [16] ».

29La relativité des droits s’appuie sur l’intelligence que « toute prérogative, tout pouvoir juridique sont sociaux dans leur origine, dans leur essence et jusque dans la mission qu’ils sont destinés à remplir [17] ». Selon Josserand, si les droits ont un caractère social, ils sont aussi relatifs, « en ce sens qu’ils ne doivent être exercés que socialement ». Du coup, la jurisprudence a un rôle politique, car elle peut

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conjurer ainsi, à grand renfort d’opportunité et de souplesse, la rupture toujours regrettable et parfois dangereuse, entre les nécessités de la vie sociale, morale et économique et la règle juridique obligatoire qui en fixe le cours.

31En particulier, la théorie de l’abus du droit « dénoue les conflits qui surgissent entre le capital et le travail [18] ». Dans son ambition, Josserand pense même qu’elle ne se substitue pas seulement à la lutte de classes, mais aussi à « la lutte des droits », par leur accord, leur juste équilibre ; donnant « l’organisation juridique de la paix sociale ».

32On comprend mieux pourquoi cette conception est attaquée violemment à la fin des années vingt. Selon Ripert, elle mène à la destruction de l’idée de droit individuel, qui « est indispensable pour le maintien de la civilisation menacée par l’étatisme ou le communisme ». Bien qu’il soulignât la proximité des thèses sociales et téléologiques de la théorie avec le nouveau code soviétique, Ripert ne prétendait pas pour autant que Josserand était un « juriste révolutionnaire » ; tout au plus, il pointait chez lui une (grave) faiblesse « pour les fantaisies que les plus hardis proposent comme imposée par l’évolution des mœurs », en allusion au juriste socialiste Emmanuel Lévy [19].

33Josserand n’avait pas de difficulté à admettre que l’idée de relativité du droit se trouvait dans la thèse que Lévy avait soutenue en 1896, où l’on pouvait lire que toutes les prérogatives, même les plus individuelles, sont des produits sociaux, tant sur la forme que sur le fond. Lévy y soutenait que la propriété individuelle « est un droit qui repose sur une croyance légitime » ; le propriétaire ne détient son titre que de soi-même, de sa croyance, qui est limitée par la croyance de la collectivité, autrement dit, de « la société qui renonce à son profit […] au droit qu’elle aurait de jouir en commun du fonds, à la possibilité qui lui appartient de l’en exclure [20] ». Relatif et collectif sont corrélés dans la vision de Lévy, d’où la conclusion plus générale qu’il tire : les droits sont des relations.

2 – Vers une nouvelle science du droit ou la tentation sociologique

34Larnaude avait bien résumé le présupposé de la nouvelle approche du droit : « Il n’y a rien de plus anti-scientifique que de croire à l’immuabilité dans la vie sociale et politique. » Étant donné que c’était bien des faits sociaux qui mettaient en discussion le Code, la sociologie, en voie d’atteindre son autonomie universitaire, pouvait apparaître sinon comme la méthode pertinente pour reconstruire une nouvelle science du droit, du moins comme l’auxiliaire inéluctable. Il fallait, aux dires de Saleilles, que le jurisconsulte « soit un économiste et un sociologue » pour arriver à une interprétation évolutive de la loi sur des bases objectives qui résultent des réalités économiques et sociales [21].

35À vrai dire, les préoccupations socio-scientifiques de la science juridique française précèdent le moment de la rénovation des facultés de Droit. Déjà Glasson, constatant la variabilité des institutions sociales, concluait, sur le plan méthodologique, que l’économie politique et sociale n’est pas seulement utile, mais que « la méthode d’observation » s’impose à toutes les sciences, et tout particulièrement au droit, du moment où les vieilles notions d’équité et de loi naturelle ne peuvent plus répondre « à tous les besoins qu’éprouve, à tous les problèmes que soulève notre état social compliqué [22] ».

36Avec des arrière-fonds non moins conservateurs, mais s’appuyant sur une sociologie plus moderne, celle de Gabriel Tarde, nous retrouvons la même préoccupation chez M. Hauriou [23]. Pour lui, il fallait construire une sociologie qui puisse rendre compte de l’individualisme du droit, sans accepter comme allant de soi ses projections socialistes, qu’il dénonce très tôt dans la théorie de Durkheim. Ce sont ses recherches sociologiques qui lui permettent de distinguer entre le « progrès », qu’il caractérise comme les réformes en vue de la justice, et l’« évolution », qui veut produire un changement par la force.

37Très rapidement, le mouvement anti-formaliste dresse un barrage entre sociologie et socialisme. En effet, si l’affirmation du caractère scientifique de la connaissance du droit semble inséparable du caractère sociologique d’un tel savoir, tout se passe comme si, pour paraphraser Hauriou, un peu de sociologie éloigne du socialisme, beaucoup de sociologie en rapproche. Plutôt que d’une appropriation de la sociologie comme telle, à une époque où ses contours épistémologiques (et sa séparation d’avec la philosophie morale) ne sont pas complètement dessinés, nous assistons à une approche du droit comme science sociale. Comme le dit Saleilles, la sociologie ne peut étudier les relations sociales qu’à travers les institutions juridiques. Josserand va plus loin et affirme que le droit est « la science sociale par excellence, et la première de toutes, par son urgence, par son pouvoir de contrainte et par sa vertu d’organisation [24] ».

38La sociologie de Durkheim retient l’attention des juristes rénovateurs, mais seulement les plus à gauche y adhèrent, peut-être parce que dans La division du travail social on lit que le droit est ce fait extérieur, ce symbole visible qui permet de mesurer la solidarité sociale et de distinguer ses différentes formes. Les conceptions de Le Play ou de Spencer – et des passeurs historiens du droit comme H. Sumner Maine – sont dès lors écartées, mais surtout au bénéfice de « notre illustre Tarde » (Cuche), que l’on juge moins tenté par le « collectif » aux relents germaniques.

39Pour Duguit, le droit apparaît comme une branche de la sociologie (entendue au sens large, c’est-à-dire englobant l’ensemble des sciences sociales), plus exactement, écrit-il en 1893, comme la partie « qui cherche à formuler les lois des phénomènes sociaux de relation ». L’établissement des lois permet d’aller au-delà de l’observation, œuvrant à la prévision des faits futurs. Il reprend alors la conceptualisation de la « solidarité » de Durkheim, qu’il déclare à maintes reprises accepter. En partant de la thèse durkheimienne, il conclut que :

40

Toute société implique une solidarité ; toute règle de conduite des hommes vivant en société commande de coopérer à cette solidarité ; tous les rapports humains ont toujours été et seront toujours des rapports de similitudes ou de division de travail ; d’où la permanence de la règle de droit et de son contenu général[25].

41Au fond, la solidarité « bien comprise » n’est « que la coïncidence permanente des buts individuels et sociaux » ; l’homme ne pouvant que vouloir la solidarité, le droit positif se résumerait dans l’axiome :

42

Ne rien faire qui porte atteinte à la solidarité sociale sous l’une de ses deux formes et faire tout ce qui est de nature à réaliser et à développer la solidarité sociale mécanique et organique[26].

43Georges Scelle radicalise le legs de Duguit, aussi bien sur le plan politique que méthodologique. Sur ce dernier plan, il reconstruit la science juridique sur des bases causales :

44

Les lois scientifiques sont des lois causales et nous croyons que les sciences sociales, dont le Droit est l’une, peut-être même la science sociale d’aboutissement, ont à leur base des lois causales[27].

45Selon Scelle, le droit « est une sécrétion sociale propre à chaque milieu humain solidaire » et, surtout « la règle de droit ne peut assurer les besoins individuels que par la réalisation préalable et préférentielle des finalités sociales », un principe méthodologique que nous allons retrouver ensuite dans sa vision politique. Le principe général de cette théorie est que « tout phénomène de sociabilité comporte un phénomène de juridicité qui en dérive et qui n’est autre que l’expression autonome d’une conception collective de la vie sociale ».

46L’adhésion à la conceptualisation durkheimienne se voit découplée par le compromis politique encore davantage chez Lévy, qui fait partie de son cercle. Dans une sorte d’autobiographie intellectuelle, il place le nom de Durkheim à côté de celui de Jaurès, ce qui comporte aussi la revendication d’un cheminement spécifique, parallèle au mouvement de rénovation des facultés de Droit [28]. Aux dires de Lévy, la méthode durkheimienne « est, particulièrement pour un juriste, une méthode libératrice de tout dogme réactionnaire ».

47Si l’œuvre de Lévy est qualifiée un temps de « sociologie scientifique », elle est vite rétrogradée à un subjectivisme qui veut transformer le droit plutôt que le décrire. Gény y voit même un « danger » ; il ne s’agit pas de dénoncer une méthodologie qui se propose de « découvrir et de révéler les mouvements profonds de la pensée et de l’action économiques sous l’enveloppe des notions juridiques », mais surtout cette forme de « fatalisme »

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qui verrait le but à atteindre dans le sens du mouvement social, dont la direction aurait été reconnue en fait, de telle sorte qu’il s’agirait seulement de constater cette direction pour s’y laisser aller à pleines voiles et incliner plus décidément toutes les forces juridiques vers l’orientation une fois établie.

49Ce que Gény attaque, en définitive, c’est le caractère politique ouvertement assumé par la théorie de Lévy, sa « doctrine clairement socialiste [29] ». Même des juristes proches de Lévy, comme Josserand, se démarquent de cette « imprégnation trop poussée » du droit par l’économie politique, qui « risquerait de le faire sombrer dans un matérialisme sans issue », devenant « un simple règlement d’usine [30] ».

50Avec son style si particulier, Lévy avait ouvertement affirmé ce lien entre science et politique :

51

Je crois à une science du droit, ou, ce qui revient au même, à une science de la paix ; pour construire cette science, il faut que le monde y travaille ; le droit n’est pas un formulaire obscur ; il est la science de nos relations sociales, la connaissance de nous-mêmes vivant et ne pouvant vivre qu’en société, l’art d’y vivre raisonnablement[31].

52Chez Lévy, la sociologie permet de transformer le socialisme en science. Il voit dans le socialisme, non pas le cri de douleur durkheimien, mais « l’esprit sociologique », la « politique scientifique » ou encore une « sociologie passionnée ».

53Du coup, la théorie des sources se voit également radicalisée, c’est-à-dire, politisée. Le juge, conçu comme un arbitre, apparaît comme l’interprète des croyances collectives, comprise comme « la conscience de tous les milieux sociaux ». On est déjà loin de la simple rénovation, et la radicalisation n’opère pas seulement sur le plan politique, mais aussi méthodologique. Édouard Lambert, issu de l’entourage de Saleilles, revenait sur sa conception initiale en 1928, identifiant désormais quatre matrices du droit positif. À la législation et à la juridiction, il ajoute deux nouvelles sources : la « matrice administrative », qui correspond au droit fait par les administrations publiques, leurs commissions et juridictions et, surtout la « matrice corporative », qui renferme des pratiques extrajudiciaires, tant des agents du droit (comme les notaires, la police, etc.) que des acteurs sociaux – les groupements économiques, les syndicats, les agents du commerce, etc. C’est l’importance de cette dernière source vivante qui amenait Lambert à considérer le droit comme science sociale. Car ces sources ne sont plus des simples matériaux pour le juge, elles n’ont plus besoin de passer par le « malaxeur judiciaire » pour faire partie du droit positif, comme il avait soutenu jadis [32]. Lambert se faisait ainsi le chantre de ce qu’on appellera plus tard le « pluralisme juridique », mais nous montre surtout le degré de radicalité auquel était parvenue la rénovation des méthodes.

3 – Rénovation juridique, réformisme politique

54En défendant la portée technique de la notion de « socialisation du droit », Édouard Lambert soulignait aussi sa complexité :

55

Derrière des fins d’observation purement scientifiques elle laisse percer des résultats pratiques d’action sociale auxquels aboutit nécessairement toute orientation du droit vers des voies scientifiques[33].

56Certes, quand Duguit se dit partisan d’une « conception socialiste du droit », il fait référence à la démarche qui part de la société pour arriver à l’individu, ce droit social qui est voué à remplacer dans son esprit la conception individualiste. Mais même Larnaude ne craignait pas d’affirmer, à titre d’hypothèse, que « l’État socialisera peut-être certaines branches de la production, peut-être leur totalité », une société

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où il n’y aura rien de privé, de particulier, de privatif dans l’ordre de la production, le jour où les professions, les métiers, la propriété seront devenus des fonctions comme le sont aujourd’hui celles de la justice ou de l’armée[34].

58Ainsi, comme il l’avait fait avec la sociologie durkheimienne, mais de manière encore plus vive, le mouvement de rénovation méthodologique est prompt à établir des différences avec toute vision socialiste du droit. Les socialistes, comme le dénonce Saleilles, « ne savent pas reconnaître » que le droit « n’est jamais purement social ». C’est pourquoi de la distinction on passe très vite à l’opposition :

59

À l’État supprimant l’individu, qui est le rêve de certains socialistes, opposons le principe de la collectivité prêtant aide et assistance mutuelle aux fidèles de la liberté, pour la défendre par en haut contre ceux qui en abusent et la développer par en bas pour ceux qui n’ont pas assez de ressources pour en user[35].

60Les juristes anti-formalistes penchent de plus en plus vers l’idée d’une organisation de la société sous des formes corporatives ou fonctionnelles. Toutefois, les options politiques de ces hommes sont loin de s’épuiser dans la mouvance du catholicisme social et trouvent même un terreau fertile dans les marges idéologiques du Parti radical, ou du moins dans un espace imaginaire de gauche modérée, façonné par des positions républicaines et laïques, au diapason des élites gouvernantes après 1900.

61Paul Pic, l’un des pères du droit du travail français, exprime bien cette constellation. Ses expectatives réformistes semblent s’incarner dans cette nouvelle discipline, qui compte parmi ses spécificités l’intervention de l’État dans les rapports contractuels afin d’éviter la rupture d’équilibre entre les parties, cette « lutte acharnée » du capital et du travail. Paul Pic se déclare favorable à la substitution du libéralisme par un « ordre légal, moralement et pratiquement supérieur », qui fasse place aux aspirations sociales nouvelles, et notamment à l’émancipation économique des classes travailleuses [36]. Jugeant les revendications ouvrières comme « justifiées », il défend la légitimité du droit de grève, la légalité du contrat collectif et, d’une manière générale, la législation syndicale de la IIIe République « basée sur le respect égal de tous les intérêts engagés ». Selon Paul Pic, en effet, la sujétion des ouvriers aux patrons est inconciliable avec l’organisation démocratique ; il s’agit dès lors de relever progressivement la condition du travailleur par l’intervention de l’État.

62Cette étroite relation progressiste entre droit et politique prend ses racines dans le solidarisme. Dans son Traité élémentaire de législation industrielle, Paul Pic défend explicitement ce point de vue, qui trouve,

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dans la conscience de plus en plus nette de l’interdépendance morale et juridique à la fois, de tous les individus dont se compose la société, la raison d’être, la justification scientifique de toutes les réformes morales et législatives qu’elle préconise.

64Mais son but n’est pas moins clairement affiché… Ces réformes sont « le moyen de préserver la société actuelle de tout bouleversement, par des concessions opportunes aux légitimes revendications de masse, et de faire […] l’économie d’une révolution ».

65Aux yeux de Paul Pic, les doctrines de la solidarité induisent une « atténuation » des inégalités, qui « se concilie avec le maintien de l’ordre social actuel et le respect de la propriété individuelle [37] », une « solution transactionnelle », dans l’esprit radical, « entre les utopies socialistes et l’optimisme individualiste », qu’il juge « également dangereux pour l’ordre social [38] ». Mais cette solution est aussi, et surtout, une ligne de démarcation avec les socialistes, même modérés, qui envisagent « les réformes législatives qu’ils réclament comme une simple étape dans la voie de la socialisation des moyens de production qui est leur but ».

66Si Scelle partage à la fois le domaine du droit du travail et la proximité du Parti radical, il continue à identifier, au milieu de la crise des années trente, l’ennemie des réformes :

67

Une partie de la bourgeoisie française professe une tendresse congénitale pour les méthodes dictatoriales, par crainte de la révolution sociale. Elle s’imagine aveuglément qu’il faut choisir entre la dictature et le communisme[39].

68Le droit ouvrier apparaît « comme une institution née spontanément au sein des rapports sociaux ». Il n’hésite donc pas à le définir comme un droit de classe, non seulement dans le sens d’une reconnaissance de l’existence des classes sociales opposées, mais encore parce que « la mentalité des classes leur sert de ciment moral, comme la similitude de condition leur sert de ciment matériel [40] ». Et d’après lui, aucune classe ne présente une conscience aussi forte de cette solidarité spéciale que la classe ouvrière.

69Des institutions comme le Bureau international du travail, ou le Conseil national économique à la mise en place duquel Scelle participe activement sous le gouvernement du Cartel des gauches, ont pour but d’

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assurer le développement de la justice sociale, de contribuer à l’affermissement des institutions démocratiques, à l’émancipation non seulement matérielle et politique, mais intellectuelle et morale de la partie la plus nombreuse du genre humain, de celle qui travaille mais n’a d’autre capital que sa force de travail[41].

71Il promeut alors une « démocratie industrielle », sur la base des syndicats obligatoires, qui feront des ouvriers des collaborateurs et des égaux du procès de production. Il considère, en effet, que « le véritable problème, le problème essentiel, car c’est celui qui pourra mettre fin à la lutte de classes, c’est le problème de l’égalisation et de l’organisation des classes [42] ». Mais Scelle finit par caractériser le droit ouvrier comme une législation de compromis social. Les syndicats obligatoires, professionnels et paritaires, en réunissant le travailleur, le capitaliste et le technicien, apparaissent comme une arme de paix sociale qui sert à mettre fin à la lutte de classes et à éloigner tout « soviétisme ». La collaboration « doit se substituer graduellement à la lutte de classes », pour éviter qu’elle ne « se transforme à nouveau en une aspiration révolutionnaire vers l’expropriation et la dictature ».

72C’est une vision politique plus tranchée qui s’incarne dans la pensée juridique d’Emmanuel Lévy. Celui-ci se propose de donner à la fois une explication du phénomène juridique et une voie, non moins juridique, de transformation socialiste. Dans une conférence de 1903 sur L’affirmation du droit collectif, la défense du socialisme apparaît solidement soudée à une revendication de la méthode juridique qui prétend « décrire les institutions, […] les constater, renoncer à les légitimer [43] ». Il s’agit de donner une justification juridique du socialisme, en commençant par établir empiriquement que « la forme que prend actuellement le capitalisme est celle du droit de créance ». Et ce qui fait la créance, c’est la croyance de la collectivité, des croyances s’élaborant « autour des situations que les individus ont su prendre et qui les consacrent ». La croyance devient créance par le droit : « Les droits sont les croyances réalisées en créances (croyances mesurées) par des procédures [44]. » Ainsi Lévy prétend rendre la lutte de classe en des termes juridiques.

73Et la transformation de la société touche à la propriété des choses, la possession perd sa matérialité pour se muer en valeur, en capital, illustrant le passage du régime de propriété au régime des valeurs, où les biens ne sont plus considérés en eux-mêmes ou par la jouissance qu’ils offrent, mais par les bénéfices qu’ils procurent. Comme le dit joliment Lévy, « les choses n’y sont plus ce qu’elles sont, mais ce qu’elles valent ». Et cette valeur repose, encore plus que sous le régime de propriété, sur des croyances. Surtout, la valeur ne constitue jamais, contrairement à la propriété des biens, un droit acquis. Pour Lévy, ce nouveau droit, indépendant de toute possession, « n’est plus la propriété, c’est la créance, le droit à des valeurs, le droit qui crée la croyance ».

74Parallèlement à cette première évolution, une nouvelle catégorie de créanciers apparaît dans l’histoire : les ouvriers, c’est-à-dire des non-propriétaires réunis dans des syndicats, qui incarnent « le milieu de la confiance, du crédit, du patrimoine, du capital ouvrier [45] ». C’est l’organisation syndicale et ce qu’elle entraîne sur le champ de l’action – la possibilité de contracter collectivement ou de faire grève – qui enlèvent sa fragilité à la valeur des ouvriers, le travail. La conscience de cette valeur passe par la croyance que la collectivité ouvrière a des droits, des créances à faire valoir face au capital. Le travail est devenu une valeur (et un droit donc) parce que la collectivité ouvrière croit en elle-même, par cette croyance collective. Ainsi, les ouvriers, en contractant avec le patron, « acquièrent un droit qui est une créance collective du travail sur le capital [46] ». La société est alors en présence d’une lutte des croyances, qui équivaut, dans les termes de Lévy, à la lutte des classes. La croyance ouvrière s’affirme contre le capital comme « créance sur le capital », qui se manifeste par le travail (ou plutôt par sa valeur dans la production). C’est la grève qui exprime de la manière la plus puissante l’affirmation du travail comme créance collective. Comme telle, la grève est créatrice de nouvelles croyances, c’est-à-dire de nouveaux droits.

75Droit et socialisme semblent se confondre chez Lévy dans une même vision, la lutte des ouvriers pour le socialisme est en même temps une lutte sociale pour le droit. Dans une logique durkheimienne, le droit devient l’expression symbolisée de la vie sociale, « le monde social calculé ». Mais Lévy semble délaisser la construction d’une science sociologique du droit pour se tourner vers un droit naturel, bien qu’il le présente comme « réel, exercé, pratiqué ». Le droit participe de la religion, à cause des croyances sociales sur lesquelles il s’assoit, parce que sa croyance se construit sur des actes rituels et même par l’existence d’une force supérieure pour dire la justice. Lévy affirme alors que le « droit est une religion », ou du moins un substitut pratique de la religion, dont Dieu est le juge [47]. Si « ce qui caractérise le rapport de droit, ce n’est donc pas la sanction violente, mais la sanction sociale », son socialisme juridique n’hésite pas à parler de « lutte contractuelle des classes ».

76***

77Le renouvellement méthodologique débouche, on l’a vu, sur une idée relativiste du droit, qui met en avant le caractère pluriel des sources formelles en promouvant la figure du juge. Mais cette vision pouvait être intégrée à des projets politiques différents, voire opposés. Les ambiguïtés des thèses anti-formalistes pouvaient finir par prendre une direction conservatrice, notamment après la Première Guerre mondiale, lorsque l’élaboration de la loi se démocratise dans les parlements, grâce à l’extension du suffrage et à l’apparition de nouveaux sujets. Des notions comme la « constitution sociale » chez Hauriou (conçue comme supérieure à la constitution politique) ou comme la suprématie de la règle sociale sur la loi positive chez Duguit sont des exemples de ce renversement [48].

78À la différence de ce qui advient plus tard avec les théories « critiques du droit », il n’y a pas à l’époque chez les juristes français une matrice commune qui puisse lier l’anti-formalisme juridique avec une option politique de transformation sociale, sauf chez le socialiste Lévy [49]. Lors de l’arrivée au pouvoir du Front populaire, en 1936, même des esprits rénovateurs et progressistes témoignent d’une profonde inquiétude [50]. « Gouvernement de classe » utilisant la législation ouvrière comme « une machine de guerre contre le régime capitaliste », selon Paul Pic, ou « projection dans le domaine juridique, des luttes de classes », d’après Josserand qui dénonce « un dynamisme permanent et implacable, qui en fait un instrument, non de paix sociale, mais de guerre civile [51] ».

79C’est peut-être un indice du caractère déterminant du politique dans la rénovation méthodologique, car même les juristes les plus ouverts abandonnent les velléités sociologiques sous le Front populaire, pour dénoncer un cadre juridique qui est essentiellement un ordre économique et matérialiste :

80

Le droit tend à devenir, plus que la science du juste et de l’injuste, le code de la richesse et des phénomènes économiques ; ou, si l’on veut, le juste est devenu ce qui cadre avec les postulats et les nécessités économiques[52].

81Déjà le socialisme juridique, pourtant modéré, était qualifié de pur et simple « socialisme révolutionnaire » par Bonnecase, puisqu’il ne chercherait rien d’autre qu’une révolte des magistrats contre l’ordre social [53].

82Dès 1903, Charmont avait noté que « l’évolution du droit vers l’observation sociale », qu’il décrivait sur un plan méthodologique, n’a jailli qu’après que l’émergence du socialisme scientifique ait produit une cassure de la vision du droit [54]. Le mouvement de rénovation du droit gardera cette fêlure interne ; dès lors, parler d’une « tradition critique du droit » pour qualifier sans plus ses représentants semble une opération qui absolutise un critère dans la reconstruction, en obscurcissant du coup d’autres enjeux, y compris méthodologiques, comme la place de certaines théories sociologiques [55]. Peut-être faudrait-il alors garder l’appellation critique pour la seule théorie qui prétend porter la radicalité sur les deux plans, celui de la méthode et celui du compromis politique.


Date de mise en ligne : 27/01/2012.

https://doi.org/10.3917/mnc.029.0145

Notes

  • [1]
    Joseph Charmont, « La socialisation du droit (Leçon d’introduction d’un cours de droit civil) », Revue de métaphysique et de morale, 1903, p. 1.
  • [2]
    René Demogue, Les notions fondamentales du droit privé, Paris, 1911, p. VII-VIII.
  • [3]
    Julien Bonnecase, Science du droit et romantisme, Paris, 1928 ; Georges Ripert, Le régime démocratique et le droit civil moderne, Paris, 1936, p. 63-64. Il faut se garder, toutefois, de réduire le domaine de cette contestation au seul droit privé, contrairement à ce que l’on affirme souvent. La séparation des juristes universitaires entre « publicistes » et « privatistes » à travers la réforme des programmes d’enseignement et surtout l’établissement des concours séparés d’accès à la chaire était encore trop récente. Surtout, un mouvement analogue traversait le droit public, où le contact avec la jeune sociologie universitaire propulsait la construction des théories de l’État plus amples, et l’émergence des concepts comme « service public » ou « gestion administrative », montrant encore une très grande vitalité dans les années trente. Ripert, qui utilise l’expression « publicisation du droit » comme synonyme de « socialisation », voit dans la discipline publiciste, depuis Duguit, les projets les plus systématiques pour transformer le droit en social.
  • [4]
    Paul Cuche, « A la recherche du fondement du droit. Y a-t-il un romantisme juridique ? », Revue trimestrielle de droit civil, 1929, p. 65, 71.
  • [5]
    Pour notre point de vue, voir Carlos M. Herrera, « D’un entre-deux du droit et de la politique », in Droit et gauche. Pour une identification, Québec, Presses de l’Université Laval, 2003, p. 1-7 ; Id., « Doctrine juridique et politique. À la recherche du regard interne ? », in Mathieu Doat et al. (eds.), Droit et complexité. Pour une nouvelle intelligence du droit vivant, Rennes, Pur, 2007, p. 83-92.
  • [6]
    Lettre à Raymond Saleilles du 27 septembre 1896, citée par Christophe Jamin, « François Gény, d’un siècle à l’autre », in Claude Thomasset et al. (eds.), François Gény, mythe et réalités, [Montréal]-[Paris]-Bruxelles, Y. Blais-Dalloz-Bruylant, 2000, p. 27.
  • [7]
    Ferdinand Larnaude, « Le Code civil et la nécessité de sa révision », in Le Code civil 1804-1904. Livre du Centenaire (1904), rééd. Paris, Dalloz, 2004, p. 914. En même temps, Larnaude se détache des propositions dont « l’outrance même de l’attaque en démontre la faiblesse », en faisant explicitement référence au « point de vue politique » d’Émile Acollas et de Maxime Leroy. Sur ces juristes, voir Carlos M. Herrera, « Les constellations juridiques du sorélisme », in Id. (ed.), Georges Sorel et le droit, Paris, 2005 ; Id., « Être socialiste en faculté de Droit », Recherche socialiste, 50-51, janvier-juin 2010, p. 53-70.
  • [8]
    Il regrette l’abandon de la vielle idée de « famille industrielle », qui conduit à présenter le travail et le capital comme des ennemis irréconciliables, un affrontement où la force remplaçait la justice. Voir Ernest Glasson, Le code civil et la question ouvrière, Paris, 1886, p. 8 et 38. Sur « Les juristes et l’école de Frédéric Le Play », voir sous ce titre le numéro spécial des Études sociales, 135-136, 2002.
  • [9]
    Louis Josserand, « Essais sur la propriété collective », in Le Code civil 1804-1904, op. cit., p. 357 et 379.
  • [10]
    Si Hauriou s’oppose aux idées solidaristes, c’est parce qu’elles présupposent l’unité comme quelque chose de naturel, de spontané. Au contraire, pour lui les grandes forces sociales résultent des instincts fondamentaux de l’homme et comme telles, elles resteront immuables. Toute la vie sociale est un équilibre entre des éléments contradictoires, opposés. Maurice Hauriou, La science sociale traditionnelle, Paris, 1896, p. 293 et 390.
  • [11]
    Maurice Hauriou, La gestion administrative, Paris, 1899, p. III.
  • [12]
    Raymond Saleilles, « Le Code civil et la méthode historique », in Le Code civil 1804-1904, op. cit. Face aux doctrines qui prêchent le changement du Code, il croit possible de lui faire abandonner son individualisme trop exclusif « pour prendre dans l’orientation jurisprudentielle et doctrinale de l’avenir un caractère plus nettement social ».
  • [13]
    De la déclaration de volonté (1901), cité par Paul Bureau, « Raymond Saleilles », Correspondance, 15 mars 1913, p. 13.
  • [14]
    Adhémar Esmein, « La jurisprudence et la doctrine », Revue trimestrielle de droit civil, 1902, p. 8.
  • [15]
    R. Saleilles, « Le Code civil et la méthode historique », loc. cit., p. 100.
  • [16]
    Louis Josserand, De l’abus des droits, Paris, 1905, p. 59.
  • [17]
    Louis Josserand, De l’esprit des droits et de leur relativité. Théorie dite de l’Abus du droit (1927), Paris, 1939, 2e éd., p. 394.
  • [18]
    La justification politique de ses thèses apparaît avec une plus grande clarté à la fin de sa vie, lorsqu’il rappelle que « ce n’est pas que les institutions fondamentales du droit des contrats et des obligations aient été bouleversées dans leur esprit même ; ce n’est pas que des buts nouveaux leur aient été assignés ; mais c’est qu’à raison de conjonctures économiques, monétaires, financières et politiques, exceptionnelles autant qu’oppressives, force était de jeter du lest, d’ouvrir ces soupapes de sûreté […] sans le secours desquelles la machine sociale eût risqué de sauter ; la paix sociale était à ce prix » (L. Josserand, De l’esprit des droits et de leur relativité, op. cit., p. 354).
  • [19]
    Georges Ripert « Abus ou relativité des droits », Revue critique de législation et jurisprudence, 1929, p. 37, p. 60-61.
  • [20]
    Emmanuel Lévy, Sur l’idée de transmission de droits (À propos de la preuve de la propriété immobilière), Paris, 1896, p. 112.
  • [21]
    Raymond Saleilles, « Méthode historique et codification », in Atti del Congresso internazionale di scienze storiche, Rome, 1904, p. 19.
  • [22]
    Ernest Glasson, De l’altération de la notion de droit et de la justice au point de vue de l’économie sociale, Paris, 1893, p. 7, 4.
  • [23]
    Sur la genèse du rapport complexe d’Hauriou à la sociologie, voir Frédéric Audren, Marc Milet, « Hauriou sociologue », in Maurice Hauriou, Écrits sociologiques, Paris, Dalloz, 2008.
  • [24]
    Louis Josserand, « Relativité et abus des droits », in Évolutions et actualités. Conférences de droit civil, Paris, 1936, p. 71-72.
  • [25]
    Léon Duguit, Manuel de droit constitutionnel, Paris, 1923, p. 11.
  • [26]
    Léon Duguit, L’État, le droit objectif et la loi positive, Paris, 1901, p. 615.
  • [27]
    Georges Scelle, « Empirisme, science et technique juridiques », in Mélanges d’économie politique et sociale offerts à Edgard Milhaud, Paris, 1934, p. 300.
  • [28]
    Emmanuel Lévy, La paix par la justice. Éléments d’une doctrine du droit, Paris, 1929, p. 14.
  • [29]
    François Gény, Science et technique en droit privé positif, Paris, 1921, p. 62, 65-66.
  • [30]
    Louis Josserand, Cours de droit civil positif français, I, Paris, 1938, p. 8.
  • [31]
    E. Lévy, La paix par la justice, op. cit., p. 4.
  • [32]
    Édouard Lambert, « L’enseignement du droit comme science sociale et comme science internationale » (introduction), in Robert Valeur, L’enseignement du droit en France et aux États-Unis, Lyon, 1928, p. XXXIX sq.
  • [33]
    Ibid., p. CXIV.
  • [34]
    F. Larnaude, « Préface » à Georg Jellinek, La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, 1902, p. X-XII.
  • [35]
    R. Saleilles, « Le Code civil et la méthode historique », loc. cit., p. 117.
  • [36]
    Paul Pic, « Le centenaire du code civil et le droit social de demain », Questions pratiques de législation ouvrière et d’économie sociale, 1904, p. 477.
  • [37]
    Paul Pic, Traité élémentaire de législation industrielle. Les lois ouvrières (1894), Paris, 1903, p. 5.
  • [38]
    Pour Paul Pic, « le plus sûr moyen de provoquer les révolutions étant de chercher à enrayer les évolutions nécessaires » (P. Pic, « Le centenaire du Code civil… », art. cit., p. 479).
  • [39]
    Georges Scelle, « La politique extérieure française et la Société des Nations », l’Année politique française et étrangère, 1935, p. 288.
  • [40]
    Georges Scelle, Précis de législation industrielle, Paris, 1927, p. 2-3.
  • [41]
    Georges Scelle, L’organisation internationale du travail et le BIT, Paris, 1930, p. 307.
  • [42]
    Georges Scelle, « Le problème ouvrier », in Ouvr. coll., La politique républicaine, Paris, 1924. Sur son engagement politique, voir Carlos M. Herrera, « Un juriste aux prises du social. Sur le projet de Georges Scelle », Revue française d’histoire des idées politiques, 21, 2005, p. 113-137.
  • [43]
    Emmanuel Lévy, L’affirmation du droit collectif (1903), repris in Carlos M. Herrera (ed.), Par le droit, au-delà du droit. Textes sur le socialisme juridique, Paris, Kimé, 2003, p. 171.
  • [44]
    Emmanuel Lévy, « Le droit du locataire et sa réalité », le Mouvement socialiste, janvier 912, p. 83 ; Id., « Construction sociale du droit » (1931), in Les fondements du droit, Paris, 1939, p. 152.
  • [45]
    Emmanuel Lévy, « La personne et le patrimoine », la Revue socialiste, juin 1911, p. 549.
  • [46]
    Emmanuel Lévy, Capital et travail, Paris, 1909, p. 9-11, p. 27.
  • [47]
    E. Lévy, L’affirmation du droit collectif, op. cit., p. 171.
  • [48]
    Cette thèse, avancée en Allemagne très tôt par Franz Neumann, est illustrée en France par Marie-Joëlle Redor, De l’État légal à l’État de droit, Paris, Economica, 1992.
  • [49]
    La différence est sensible avec l’Allemagne, notamment après que les majorités socialistes aient pu doter la République d’une nouvelle constitution, en 1919.
  • [50]
    Une opposition bien plus radicale que celle suscitée par le précédent gouvernement du Cartel des gauches, entre 1924 et 1926, qui avait pourtant donné lieu à des réactions très hostiles dans les facultés de Droit. Voir la thèse de Marc Milet, Les professeurs de droit citoyens, Paris, Université de Paris II, 2000.
  • [51]
    Paul Pic, « Les nouvelles lois ouvrières, leurs répercussions économiques et sociales », Revue politique et parlementaire, 1937, p. 215-217, 238 ; Louis Josserand, « Sur la reconstruction d’un droit de classe », Dalloz, 1937, p. 4.
  • [52]
    Louis Josserand, « Un ordre juridique nouveau », Dalloz, H, 1937, p. 42.
  • [53]
    Julien Bonnecase, La pensée juridique française de 1804 à l’heure présente, II, Bordeaux, 1933, p. 238.
  • [54]
    J. Charmont, « La socialisation du droit », art. cit., p. 7-8.
  • [55]
    Représentative d’une telle lecture : Marie-Claire Belleau, « Les juristes inquiets. Classicisme juridique et critique du droit au début du xxe siècle en France », les Cahiers du Droit, XL, 1999, p. 507-544. L’auteur inclut parmi les juristes inquiets des penseurs aussi différents que Bonnecase et Lévy…
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