Notes
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[1]
Hippolyte Taine, Histoire de la littérature anglaise (1864), Paris, Hachette, 1881-1882, 5e éd., 5 vol., vol. 1, p. XLV.
-
[2]
Les origines de la France contemporaine, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1986, 2 vol. Le vol. 1 réunit L’Ancien régime (1875), La Révolution, I, L’anarchie (1878), La Révolution, II, La conquête jacobine (1881) ; le vol. 2 comprend La Révolution, III, Le gouvernement révolutionnaire (1884), Le Régime moderne (1890 et 1893).
-
[3]
Éric Gasparini, La pensée politique de Taine : entre traditionalisme et libéralisme, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1993, notamment partie 3, « L’influence de Taine ».
-
[4]
Christophe Charle, Paris fin de siècle. Culture et politique, Paris, Éd. du Seuil, coll. « L’Univers historique », 1998, p. 97-123.
-
[5]
Parmi ces révisions récentes, Antonella Codazzi, Taine e il progetto filosofico di una storiografia scientifica, Florence, La Nuova Italia Editrice, 1985 ; E. Gasparini, op. cit. ; Regina Pozzi, Hippolyte Taine. Scienze umane e politica nell’ottocento, Venise, Marsilio, 1993.
-
[6]
Voir par exemple, Émile Littré, « De la condition essentielle qui sépare la sociologie de la biologie », Philosophie positive, 2, 1868, p. 186-207.
-
[7]
John Stuart Mill constitue une source majeure d’inspiration pour Taine, qui lui a consacré une étude et qui a emprunté de nombreux développements qui figurent dans De l’intelligence au Système de logique déductive et inductive. La dernière partie de cet ouvrage est consacrée à la « logique des sciences morales » ; deux chapitres traitent de la « science de l’histoire ». Cf. H. Taine, Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill, Paris, Germer Baillière, 1864, repris dans Histoire de la littérature anglaise, op. cit., vol. 5, Les contemporains, p. 328-418 ; John Stuart Mill, Système de la logique déductive et inductive : exposé des principes de la preuve et des méthodes de recherche scientifique (1843), Paris, Alcan, trad. fr. de Louis Peisse, 2 vol., 1889.
-
[8]
Cf. Nathalie Richard, « Histoire et psychologie : quelques réflexions sur la spécificité de l’histoire au xixe siècle », Romantisme, 104, 2, 1999, p. 69-83.
-
[9]
H. Taine, De l’intelligence (1870), Paris, Librairie Hachette et Cie, 4e éd. corrigée et augmentée, 1883, 2 vol. ; Histoire de la littérature anglaise, op. cit. ; Essais de critique et d’histoire (1858), Paris, Librairie Hachette, 17e éd., 1920.
-
[10]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », Revue des deux mondes, 44, mars-avril 1881, p. 536-559.
-
[11]
H. Taine, Les Origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 1, p. 567-586. Le livre premier, dont l’article constitue un extrait, est intitulé « Les Jacobins ».
-
[12]
Ce volume paraît en 1881. La préface de l’édition in 8° est datée du mois d’avril.
-
[13]
La formule, « Psychologie du Jacobin », était reprise dans la table des matières détaillée qui figurait en tête du chapitre premier dans le volume.
-
[14]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 536.
-
[15]
Ibid., p. 537.
-
[16]
Ibid., p. 539.
-
[17]
Ibid., p. 540-541.
-
[18]
Ibid., p. 542.
-
[19]
Ibid., p. 557.
-
[20]
Ibid., p. 558.
-
[21]
H. Taine, Les Origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 1, p. 565.
-
[22]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 546.
-
[23]
Ibid., p. 549.
-
[24]
Ibid., p. 551.
-
[25]
Ibid., p. 552.
-
[26]
Ibid., p. 541.
-
[27]
Pour plus de précisions sur la pensée politique de Taine, voir E. Gasparini, op. cit.
-
[28]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 548.
-
[29]
Le texte fut publié d’abord sous forme séparée dans la Revue germanique sous le titre « L’histoire, son présent, son avenir », le 1er décembre 1863 ; repris dans H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., « Introduction », p. III-XLIX.
-
[30]
Ibid., p. XV.
-
[31]
Ibid., p. XLI.
-
[32]
Ibid., p. XLIII et XXXIV.
-
[33]
H. Taine, Essais de critique et d’histoire, op. cit., « Préface de la seconde édition » (mars 1866), p. XXIII.
-
[34]
J. Stuart Mill, Système de logique, op. cit., p. 543-561.
-
[35]
H. Taine, Essais de critique et d’histoire, op. cit., « Préface de la seconde édition » (mars 1866), p. XIII.
-
[36]
H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., « Introduction », p. XV.
-
[37]
Ibid., p. XV-XVI.
-
[38]
Ibid., p. XXVII-XXVIII.
-
[39]
Ibid., p. XXIX.
-
[40]
Ibid., p. XLIV.
-
[41]
Voir A. Codazzi, op. cit. ; Pascale Seys, Hippolyte Taine et l’avènement du naturalisme. Un intellectuel sous le Second Empire, Paris, L’Harmattan, coll. « L’ouverture philosophique », 1999.
-
[42]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 543.
-
[43]
H. Taine, L’Ancien régime, in Les origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 1, p. 3-309.
-
[44]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 549.
-
[45]
Ibid., p. 536.
-
[46]
Ibid., p. 558.
-
[47]
Ibid., p. 557.
-
[48]
Ibid., p. 558-559.
-
[49]
Ibid., p. 536.
-
[50]
Ibid., p. 542.
-
[51]
Ibid., p. 546. Je souligne.
-
[52]
H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., « Introduction », p. VIII et V.
-
[53]
Ibid., p. IX.
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[54]
Ibid., p. IX-X.
-
[55]
Ibid., p. X.
-
[56]
Ibid., p. XI.
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[57]
Ibid., p. XI et X.
-
[58]
Ibid., vol. 5, p. 228-328.
-
[59]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 550-551.
-
[60]
H. Taine, Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill, op. cit., p. 384. Voir aussi Id., De l’intelligence, op. cit., vol. 2, p. 428-429.
-
[61]
H. Taine, Les philosophes classiques du xixe siècle en France, Paris, Librairie Hachette et Cie, 8e éd., 1901, p. 340. Le titre de la première édition, en 1857, était Les philosophes français du xixe siècle.
-
[62]
H. Taine, De l’intelligence, op. cit., vol. 1, p. 19.
-
[63]
Ibid., p. 20.
-
[64]
Ibid., p. 21.
-
[65]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 547.
-
[66]
H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., « Introduction », p. XLVII.
-
[67]
Ibid., p. XLVI.
-
[68]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 554, n. 4.
-
[69]
Le terme est employé à plusieurs reprises dans la « Psychologie du Jacobin ». Voir « Préface », in La Révolution, III, Le gouvernement révolutionnaire (1884), Les origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 2, p. 9-10.
-
[70]
Aucun saut de paragraphe, aucun guillemet, aucun tiret ne viennent signaler le passage d’un registre à un autre.
-
[71]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 536-537.
-
[72]
Ibid., p. 542, n. 1.
-
[73]
H. Taine, « Stendhal », Nouvelle revue de Paris, 1er mars 1864, repris dans Nouveaux essais de critique et d’histoire, Paris, Librairie Hachette, 1920 (1865), p. 223-257, 239.
-
[74]
Victor Egger, La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive, Paris, Germer Baillière, 1881.
-
[75]
Jacqueline Carroy, « Le langage intérieur comme miroir du cerveau : une enquête, ses enjeux et ses limites », Langue française, 132, La parole intérieure, Gabriel Bergounioux dir., 2001, p. 48-56.
-
[76]
Cité par J. Carroy, ibid., p. 51.
-
[77]
Cf. Hilary Nias, The Artificial Self : The Psychology of Hippolyte Taine, Oxford, Legenda, 1999.
-
[78]
H. Taine, De l’intelligence, op. cit., vol. 1, p. 7.
-
[79]
Ibid., vol. 2, p. 10.
-
[80]
Ibid., p. 35-65.
-
[81]
H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., vol. 2, p. 159.
-
[82]
H. Taine, De l’intelligence, op. cit., vol. 2, p. 466.
-
[83]
Ibid., vol. 1, p. 17.
-
[84]
Ibid., p. 15.
-
[85]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 542.
-
[86]
Ibid., p. 543 et 547.
-
[87]
Ibid., p. 547.
-
[88]
Ibid., p. 555.
-
[89]
Ibid., p. 542-543.
-
[90]
H. Taine, Les origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 2, p. 10.
-
[91]
Cf. Patrizia Lombardo, « Hippolyte Taine between Art and Science », Yale French Studies, 77, 1990, p. 117-133.
-
[92]
H. Taine, « Préface de la première édition » (janvier 1858), in Essais de critique et d’histoire, op. cit., p. V et VII.
-
[93]
Ibid., p. VIII-IX.
-
[94]
Ibid., p. IX.
-
[95]
H. Taine, Les philosophes classiques du xixe siècle en France, op. cit., p. 336-337.
-
[96]
Ibid., p. 340-341. Je souligne.
-
[97]
Taine le développe dans le texte qu’il a consacré à Michelet : « M. Michelet », Revue de l’instruction publique, 27 mars 1856, repris dans Essais de critique et d’histoire, op. cit., p. 84-129.
-
[98]
H. Taine, Les philosophes classiques du xixe siècle en France, op. cit., p. 341.
-
[99]
Émile Littré critique son rejet par Auguste Comte dans « De la méthode en psychologie », Philosophie positive, 1, 1867, p. 274-288, 280. Taine revendique l’introspection comme méthode de la psychologie et rapporte de multiples auto-observations dans De l’intelligence. Par exemple, op. cit., p. 13, 19.
-
[100]
H. Taine, De l’intelligence, op. cit., vol. 1, p. 19 ; « Préface de la seconde édition » (mars 1866), in Essais de critique et d’histoire, op. cit., p. XV.
-
[101]
Charles Seignobos et plus encore Alphonse Aulard critiquèrent ainsi les inexactitudes et les lacunes érudites des Origines de la France contemporaine. Cf. François Léger, « Introduction », in H. Taine, Les origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 1, p. XLIV-XLV.
1« De même qu’au fond l’astronomie est un problème de mécanique et la physiologie un problème de chimie, de même l’histoire au fond est un problème de psychologie », écrivait Taine dans la célèbre introduction à l’Histoire de la littérature anglaise consacrée à l’histoire et à ses méthodes [1]. Quelques années plus tard toutefois, les volumes des Origines de la France contemporaine [2] ne furent pas principalement perçus comme relevant d’une psychologie appliquée à l’histoire. Certains, tels Cesare Lombroso, Gabriel Tarde ou Gustave Le Bon, interprétèrent l’ouvrage en ce sens. Mais le message politique complexe qu’il portait suscita l’essentiel des commentaires et polémiques, jusqu’aux réévaluations engagées depuis les années 1970 [3].
2Sans nier la pertinence des lectures politiques, prendre au sérieux l’affirmation de Taine selon laquelle l’histoire est avant tout un problème de psychologie autorise à lire autrement son analyse de la révolution française. Une telle approche permet de mettre en lumière des continuités dans une œuvre qui paraît, à nos yeux modernes, relever des genres distincts de la critique littéraire, de la philosophie, de la psychologie et de l’histoire [4], mais qui pour son auteur pouvait avoir une cohérence théorique forte. Elle autorise en conséquence, comme l’ont fait de nombreux commentateurs récents de Taine [5], à remettre en question l’hypothèse longtemps avancée d’une radicale rupture biographique et intellectuelle liée aux événements de 1870 et de 1871, rupture qui se manifesterait tout à la fois dans la conversion de Taine à l’histoire et dans un engagement affirmé sur la scène publique. Mais, par-delà, une telle lecture introduit une réflexion plus générale sur la place de l’histoire dans la cartographie complexe des savoirs sur l’homme au xixe siècle, sur sa position dans ce que Taine et ses contemporains appellent les sciences morales, sur son rapport à la psychologie et à la philosophie, sur sa relation aux modèles historiques que développent alors les sciences naturelles. En ce sens les réflexions de Taine sur l’histoire font écho à celles de nombreux auteurs du xixe siècle, qu’ils soient aujourd’hui identifiés comme philosophes – tel Littré [6] ou Stuart Mill [7] – ou comme historiens [8].
3Rechercher les modes d’une approche psychologique dans les Origines de la France contemporaine implique de considérer ensemble l’ouvrage historique et les textes philosophiques et critiques antérieurs ; d’enquêter sur la mise en œuvre concrète d’outils méthodologiques élaborés de manière théorique avant 1870. En d’autres termes, il s’agit, autant que faire se peut, de chercher dans les Origines de la France contemporaine ce qui fait écho à De l’intelligence, à l’Histoire de la littérature anglaise ou aux Essais de critique et d’histoire [9]. Une telle lecture ne prend sa valeur que pour autant qu’elle entre véritablement dans le détail des modalités d’écriture de l’histoire. Aussi est-ce sur un fragment qu’elle sera ici tentée.
La « Psychologie du Jacobin »
4La Revue des deux mondes du 1er avril 1881 donnait à lire un article intitulé « Psychologie du Jacobin » [10]. Sous ce titre étaient rassemblées les premières pages [11] du troisième volume des Origines de la France contemporaine consacré à la « conquête jacobine » [12]. Par son titre, l’article mettait plus nettement l’accent sur l’approche psychologique que ne le faisait l’ouvrage, puisque dans ce dernier le chapitre qui formait l’essentiel du texte était intitulé « Formation du nouvel organe politique » et semblait annoncer une étude en termes principalement socio-politiques de la constitution du parti jacobin [13]. Le contenu des deux versions était toutefois le même. Taine y exposait comment, dans une société dont le volume précédent, L’anarchie, avait décrit la désorganisation, s’était formée la doctrine des Jacobins, comment celle-ci avait évolué en un véritable fanatisme et comment s’était constitué autour d’elle un parti.
5Dans un premier temps, Taine décrivait le « long travail de la philosophie antérieure », celle de Rousseau notamment, aboutissant au « dogme de la souveraineté du peuple » [14]. Fondé sur une définition abstraite de l’homme par les droits naturels et poussé jusqu’à l’extrême, ce dogme légitimait la démocratie directe, telle qu’elle s’était expérimentée depuis 1789 dans les clubs et dans les assemblées [15]. Il justifiait l’émeute au nom du droit du peuple à se gouverner lui-même [16]. Dans un deuxième temps, Taine s’attachait à comprendre comment une telle doctrine avait pu séduire un nombre suffisant d’acteurs politiques. Il s’agissait là, dénonçait-il, d’une « aberration », que seules des circonstances exceptionnelles rendaient compréhensible [17]. Ces circonstances étaient caractérisées par l’effondrement des « barrières vermoulues » de la société d’ancien régime sous le coup des premiers événements de la Révolution. Aussi dans une « société dissoute », devenue « un pêle-mêle », une « cohue » où tout principe d’ordre avait disparu, les défauts ordinairement bénins de la jeunesse, l’esprit dogmatique et l’amour-propre excessif, pouvaient se développer sans plus trouver d’obstacle [18]. S’emparant de la doctrine de la souveraineté du peuple, les esprits ainsi déréglés sombraient dans le fanatisme. Au lieu de peser leur dogme politique à l’aune du pragmatisme, les Jacobins adoptaient un système abstrait et extrémiste, fondé sur une conception de l’homme qui ne tenait pas compte de la diversité des situations concrètes. Emportés par un amour-propre débridé devenu orgueil, ils étaient à ce point persuadés d’avoir raison qu’ils ne pouvaient entendre les arguments de leurs contradicteurs et désignaient ceux-ci comme des ennemis à combattre. Après avoir exposé ainsi les mécanismes de la naissance du fanatisme, Taine s’attachait à déterminer l’origine sociale des Jacobins. La grande majorité, défendait-il, était issue de catégories intermédiaires entre le peuple et la bourgeoisie. Les cadres se recrutaient parmi les jeunes issus de la « couche inférieure de la bourgeoisie », suffisamment éduqués pour aspirer à l’exercice de la pensée philosophique et politique, mais pas assez pour en saisir toute la difficulté et, de ce fait, aptes à se laisser séduire par des idées simplificatrices. De plus, leur position professionnelle subalterne était un puissant levier pour leur ambition, tandis que le « bouleversement universel » des premiers mois de la Révolution les avait « déracinés » [19]. Les troupes jacobines étaient quant à elles issues des catégories supérieures du peuple. Ouvriers des villes, artisans ou commerçants insatisfaits de leur position sociale, leur éducation les rendait capables de comprendre les discours simplistes des meneurs. Séduits par ces derniers, ils pouvaient « prêter à qui de droit leurs poumons, leurs bras et leurs sabres » [20].
6L’analyse « psychosociologique » du Jacobin s’accompagnait d’un message explicitement politique. Ainsi que le rappelait Taine dans la préface de La conquête jacobine précédant immédiatement cet extrait dans la publication en volume, il avait entrepris son livre pour chercher dans le passé des principes politiques qui lui permettraient de mieux comprendre le présent [21]. Aussi le portrait du Jacobin autorisait-il la construction en miroir de la figure d’un « homme d’État […] pas tout à fait indigne de ce grand nom », caractérisé par la modération et le pragmatisme, doué tout à la fois d’un « tact exquis » et d’un « rare talent d’observation » [22] et capable par cela même de « faire des lois durables, c’est-à-dire d’approprier la machine sociale aux caractères, aux conditions, aux circonstances » [23]. Allusions au modèle britannique, définition des libertés politiques comme « sentinelles » ou comme « gardiennes », « précieuses garanties » qui défendent la personne et la propriété « contre toute oppression ou exaction publique ou privée » [24], condamnation de la vision jacobine d’un « État-maître » pouvant « légitimement imposer de force à ses membres l’éducation, le culte, la foi, les opinions » [25] formulaient les contours d’un idéal libéral ; tandis que l’analyse des effets pervers de la dissolution de la société sur les esprits autorisait à défendre les bienfaits de la tradition et à dénoncer les dangers de toute révolution [26]. Libéralisme et traditionalisme associés étaient ici mis au service d’un propos qui pouvait aisément, en 1881, sonner comme une mise en garde adressée aux républicains contre la séduction d’un réformisme exagéré et contre les méfaits d’une intervention de l’État dans des domaines relevant de l’initiative privée et de la liberté individuelle.
7Mais la « Psychologie du Jacobin » ne se résume pas à ce message plus nuancé qu’il n’y paraît [27]. L’article est aussi l’occasion d’une mise en œuvre des catégories de la race, du milieu et du moment bien connues chez Taine. Plus encore, dans le prolongement de cette démarche, Taine se lance, ainsi que l’annonce le titre, dans une exploration de la psychologie du jacobin qui mobilise des processus originaux d’écriture et qui est légitimée par plusieurs arguments philosophiques.
Race, milieu, moment
8L’histoire que Taine souhaite construire est scientifique. Elle se fabrique sous l’égide des normes savantes de l’érudition et du recours aux sources originales : ainsi le rappellent la dédicace des Origines de la France contemporaine à « M. les archivistes et bibliothécaires de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales », l’appareil de notes qui accompagne la « Psychologie du Jacobin » et l’introduction, au détour d’une phrase, du personnage de « l’historien qui cherche des renseignements précis » dans les « kilomètres » de textes laissés par les témoins de la Révolution [28]. Mais là n’est pas sa seule ambition scientifique.
9Ainsi que Taine le plaidait dans l’introduction de l’Histoire de la littérature anglaise [29], l’histoire ne pouvait se contenter d’être une collection de faits, un « cahier de remarques ». Elle devait s’attacher à relier les données entre elles et s’engager résolument dans la « recherche des causes » [30]. Alors seulement elle accéderait au plein statut de science, capable de déceler non plus les conditions particulières de chaque fait singulier, mais des lois générales régissant des classes entières d’événements [31]. Ainsi conçue, l’histoire aurait « prise aussi bien sur l’avenir que sur le passé » [32]. Autorisant les prédictions, elle permettrait aux hommes de modifier « jusqu’à un certain degré les événements de l’histoire » [33]. La découverte de lois générales était donc la garantie de la validité des principes politiques que Taine avouait chercher dans le passé. Elle était le fondement, comme l’avait affirmé Stuart Mill dans des termes très similaires, d’un art politique devenu efficace car fondé sur la science [34].
10La recherche des lois de l’histoire était légitime, affirmait Taine en suivant Stuart Mill sur ce point, parce les actions et les sentiments humains, quelque complexes qu’ils fussent, étaient soumis comme tous les autres faits à la loi de la causalité. « Les choses morales ont, comme les choses physiques, des dépendances et des conditions » [35], soulignait Taine, ou encore, sous une forme plus polémique, « le vice et la vertu sont des produits comme le vitriol et le sucre » [36]. Les grands ordres de causes qui régissaient les faits du passé se rangeaient sous les trois catégories devenues dès lors célèbres de la race, du milieu et du moment, ainsi que l’exposait l’introduction à l’Histoire de la littérature anglaise. La race était le déterminant le plus fondamental. Elle était en rapport avec les dispositions du corps et avec sa relation au milieu naturel ; mais elle se définissait plus encore comme un « tempérament », comme un « caractère » transmis héréditairement. Mémoire collective, traits déterminants d’une psychologie commune, héritage culturel, la race constituait pour Taine « un poids […] disproportionné au reste et presque impossible à soulever » [37]. Dans l’ordre des causes, le milieu venait en deuxième. Le terme, auquel les travaux de Claude Bernard donnaient alors une actualité nouvelle, était emprunté à la tradition des sciences naturelles et médicales, mais la définition de Taine laissait peu de place aux déterminants naturels. Il s’agissait principalement des « circonstances politiques » et des « conditions sociales » dans lesquelles la race était plongée [38]. Quant au moment, il renvoyait à la fois à la mécanique classique et à la dialectique hégélienne. Taine le définissait comme « vitesse acquise » [39], résultante de l’interaction des deux forces que constituaient la race et le milieu.
11Avec ces trois ordres de causalité, Taine aspire à révéler la formule du développement de tous les phénomènes de l’histoire humaine, à identifier la « faculté maîtresse » ou encore la « force maîtresse » dont découlent aussi bien les pensées et les actes d’un individu que l’ensemble des faits qui caractérisent un événement ou une époque. Il ne doute pas de pouvoir ainsi expliquer, non plus seulement les événements singuliers, mais des « classes d’événements » et de pouvoir mettre au jour « les lois de la végétation humaine » [40]. Point n’est besoin sans doute de s’attarder plus longuement sur ces catégories et sur l’ambition qu’elles fondent d’une histoire devenue pleinement science des faits [41], si ce n’est pour observer leur mise en œuvre dans la construction de la « Psychologie du Jacobin ». Le texte est parcouru de métaphores qui font écho à l’ambition de révéler les lois de la végétation humaine. « Tout régime est un milieu qui opère sur les plantes humaines pour en développer certaines espèces et en étioler d’autres » y écrit Taine, comparant l’atmosphère des premiers temps de la Révolution à celle d’une « serre chaude » [42].
12Dans la « Psychologie du Jacobin », la race est caractérisée par un rappel allusif aux développements proposés dans le premier volume des Origines de la France contemporaine [43]. Il s’agit avant tout d’un tempérament intellectuel hérité, caractérisé, soutient Taine, par le « moule classique » [44] auquel se conforme la pensée des acteurs de la période révolutionnaire. Le milieu est quant à lui décrit en termes de dissolution des cadres sociaux et politiques d’ancien régime. Taine parle de « société dissoute » [45] et propose une analyse subtile de la situation de catégories intermédiaires dans le contexte des débuts de la révolution française. Situées entre le peuple et la bourgeoisie, elles n’appartiennent à aucune de ces deux classes et sont porteuses de multiples insatisfactions sociales et politiques. Elles se caractérisent avant tout par l’« ébauche d’éducation » qu’elles ont reçue, suffisante pour les faire aspirer à la culture des philosophes, mais insuffisante pour leur permettre d’en maîtriser les notions. Elles sont ainsi constituées « d’esprits mal cultivés » [46] qui ne retiennent qu’une version radicalisée et caricaturée des réflexions des Lumières. Occupant dans la hiérarchie professionnelle des emplois d’un rang secondaire et subalterne, elles aspirent à une promotion, désir que la société bloquée d’ancien régime n’a pu satisfaire et que les désordres révolutionnaires exaspèrent [47]. « Avocats, notaires, huissiers », « petits juges et procureurs de province », « chirurgiens ou médecins de petite ville » forment ainsi les cadres du jacobinisme, tandis que les commis, clercs, maîtres menuisiers et autres maîtres d’école en constituent majoritairement les troupes [48]. Le moment quant à lui est plus difficile à identifier, mais de multiples expressions indiquent que la conjonction de la race et du milieu est dès 1790 particulièrement dynamique. Le fragment s’insère dans l’histoire d’une « conquête jacobine » à laquelle rien ne résiste. Les passions déchaînées par l’ambition sociale et politique des catégories intermédiaires semblent alors la « seule force effective » [49].
13De la race, du milieu et de leur résultante dynamique se déduit la faculté maîtresse qui informe l’ensemble de la psychologie du Jacobin et explique chacune de ses pensées et de ses actions. Il s’agit, défend Taine, de « l’esprit dogmatique » et de l’orgueil démesuré qui l’accompagne [50]. Ils fondent, dans des esprits incapables de subtilité et de pragmatisme, les bases du « fanatisme » qui caractérise la doctrine jacobine et dont peuvent se déduire les modalités de la conquête progressive du pouvoir et les grands traits de la Terreur.
L’historien psychologue
14Si le dogmatisme orgueilleux constitue la faculté maîtresse qui organise la psychologie du Jacobin, alors, en analysant les formulations concrètes du dogme, il devient possible de dévoiler sa « structure intime ». Une voie est tracée pour l’historien : il s’agira de « suivre le dogme [des Jacobins] à fond, comme une sonde, pour descendre en eux jusqu’à la couche psychologique où l’équilibre normal des facultés et des sentiments s’est renversé » [51].
15Par cette démarche l’histoire pourra pleinement remplir la mission que Taine lui avait assignée dans ses écrits antérieurs : dépasser le visible de l’événement pour atteindre l’invisible des causes, entendues avant tout comme les motivations psychologiques qui font agir les hommes. « L’histoire au fond est un problème de psychologie » : la formule résume à elle seule toute une conception de l’histoire, rassemblée pour l’essentiel dans l’introduction à l’Histoire de la littérature anglaise. Taine y présente l’état des recherches historiques et désigne les directions dans lesquelles elles doivent désormais s’engager. Il y crédite Lessing, Walter Scott, Augustin Thierry ou Michelet d’avoir effectué le premier pas dans la construction d’une historiographie moderne en partant en quête de « la chose complète », de « l’homme corporel et visible », de « l’homme vivant, agissant, doué de passions » [52] derrière les mots abstraits dont sont constituées les sources. Ils ont ainsi rendu le passé présent, écrit Taine rappelant ce qu’il doit à l’idéal de résurrection du passé défendu par Michelet [53]. Une seconde étape a consisté à chercher, sous l’homme rendu visible, « l’homme invisible », « l’homme intérieur caché sous l’homme extérieur » [54]. Car les dehors observables renvoient l’historien à un centre commun, à « l’homme véritable » entendu comme le « groupe de facultés et de sentiments » qui produit ses actions dans l’histoire [55]. Alors se dévoile le « monde souterrain » qui est, précise Taine, « l’objet propre de l’historien » [56]. Le territoire de l’histoire s’ouvre dans sa pleine dimension : il s’agira de restituer et d’expliquer le « drame intérieur » qui se joue en chacun des personnages du passé, d’en retrouver les « sentiments évanouis » depuis longtemps, en un mot, d’en faire la psychologie [57]. Deux historiens déjà ont montré la voie en ce domaine : ce sont Carlyle et le Sainte-Beuve de Port-Royal. L’œuvre que le premier a consacrée à Cromwell, analysée dans l’Histoire de la littérature anglaise [58], est ainsi érigée en modèle d’une histoire psychologique, synthèse presque parfaite de l’histoire et de la philosophie, fournissant au lecteur les clés d’une psychologie du puritain sur laquelle Taine prendra exemple lorsqu’il s’efforcera à son tour de circonscrire la « psychologie du Jacobin » [59].
16Pour Taine, la marque de l’historiographie moderne est ainsi la prise en compte des déterminations psychologiques des événements du passé. C’est en se faisant psychologique que l’histoire devient pleinement science explicative, car les lois qui déterminent les sentiments ou les pensées, qui eux-mêmes déterminent les actions, constituent les grands fondements de la causalité en histoire. Chez Taine, la psychologie constitue ainsi le niveau explicatif fondamental de l’histoire : « C’est par la déduction des lois mentales qu’on exprimera les phénomènes historiques », écrit-il en suivant sur ce point Stuart Mill [60].
17Les textes philosophiques insistent sur les relations entre histoire et psychologie. Dans Les philosophes classiques du xixe siècle, la première est érigée en voie privilégiée pour l’établissement d’une psychologie moderne, enfin émancipée des spéculations métaphysiques et fondée sur l’observation des faits :
Art, littérature, philosophie, religion, famille, société, gouvernement, tout établissement ou événement extérieur nécessite et dévoile un ensemble d’habitudes et d’événements intérieurs. Le dehors exprime le dedans, l’histoire manifeste la psychologie [61].
19Portant signe « au dehors » de ce qui est « en dedans », l’histoire est définie comme un mode d’accès à l’invisible. Par l’analyse des événements, elle « ajoute le monde moral au monde physique », écrit Taine ; elle autorise à saisir l’intériorité des hommes par ses indices extérieurs. En 1881, alors qu’il publie la « Psychologie du Jacobin », Taine ajoute une préface à De l’intelligence et précise la nature de la relation entre psychologie et histoire. Cette dernière s’efface devant une approche plus directement philosophique, dans la lignée critique de l’analyse condillacienne et de la logique positiviste de Stuart Mill, appuyée sur des données physiologiques et médicales. Taine énumère toutefois les recherches qui permettraient de réduire la « part notable de conjecture » encore présente dans l’ouvrage. Il réclame la réalisation de monographies sur le développement de l’enfant, sur les états mentaux sous l’effet de stupéfiants, sur la création artistique, sur les maladies mentales, sur le somnambulisme, l’hypnotisme et le spiritisme, etc. Il ajoute à cette liste que des « sciences voisines » de la psychologie doivent aussi venir l’étayer, citant la physiologie, la linguistique et l’histoire [62]. Cette dernière est présentée comme une « application de la psychologie », et serait vis-à-vis d’elle dans le même rapport que la météorologie à la physique. La première est une science qui étudie les mêmes phénomènes que la seconde, mais « en grand » et « sur des cas plus compliqués ». Contrairement à la physique, elle ne procède pas en laboratoire sur « de petits exemples choisis » [63]. De même l’histoire étudie les hommes ou les groupes humains concrets dans leur diversité, alors que le psychologue étudie l’homme au singulier. Les études historiques sont ainsi définies comme des « psychologies particulières », alors que De l’intelligence expose une psychologie générale. Séparés par ce point de vue, l’historien et le psychologue ont pourtant le même objectif, « comprendre les transformations » que subit l’être humain. Et Taine de citer en exemple de ces psychologies particulières la psychologie du puritain de Carlyle et sa propre psychologie du Jacobin [64].
20Dans l’œuvre de Taine, histoire et psychologie n’appartiennent donc pas à des champs séparés de la science. La première apparaît comme une branche de la seconde et toutes deux participent d’un projet de rénovation philosophique. Plus spécifiquement, la psychologie constitue le niveau où se situent les causes plus simples d’où peuvent se déduire les phénomènes plus complexes de l’histoire. Ainsi s’éclairent les enjeux de la rédaction de la « Psychologie du Jacobin ». Il s’agit, en prolongeant les résultats obtenus par la mise en œuvre des catégories de la race, du milieu et du moment, de donner à l’étude de la Terreur révolutionnaire sa dimension véritablement explicative. Et si le fragment introduit le volume consacré à la « conquête jacobine », c’est qu’il en constitue le niveau causal le plus fondamental.
La parole intérieure du Jacobin
21Descendre dans les Jacobins jusqu’à la couche psychologique où se situent les causes, pour ce faire, utiliser leur dogme comme une sonde : telle est l’improbable démarche historienne qu’entreprend Taine. Il s’agit bien, par l’histoire, de « descendre » dans l’autre, d’effectuer une forme paradoxale d’introspection de l’autre !
22D’une telle ambition découlent en premier lieu une sélection et une lecture spécifique des sources. Archives parlementaires, presse, mémoires sont traités comme l’avaient été les œuvres étudiées dans les Essais de critique et l’histoire : ces textes sont convoqués avant tout en tant que « monuments authentiques de la pensée » des acteurs du passé [65]. Aussi la source historique ne se distingue-t-elle pas par nature du document artistique qu’étudie le critique. Parmi toutes les traces du passé dont dispose l’historien, ce sont bien les sources littéraires qui sont les plus riches avait même soutenu Taine en un autre lieu, entendant littéraire au sens de psychologique, puisque « plus un livre rend les sentiments visibles, plus il est littéraire » [66]. Au regard de l’ambition explicative de l’histoire, plus le talent de l’auteur est « grand » plus la source à de valeur : « À cet égard un grand poème, un beau roman, les confessions d’un homme supérieur sont plus instructifs qu’un monceau d’historiens et d’histoires. » Qui sait les interpréter y trouvera « la psychologie d’une âme, souvent celle d’un siècle, et parfois celle d’une race » [67]. Critique littéraire et histoire ressortissent à cet égard d’une même visée scientifique et c’est en psychologue que Taine aborde les mémoires de Madame Roland dans lesquels il voit un « chef-d’œuvre » de l’orgueil démesuré des Jacobins [68].
23Ainsi examinées, les sources font l’objet d’un traitement stylistique, lui-même littéraire, qui permet de les mettre en scène pour ce qu’elles sont véritablement : des documents rendant visibles les sentiments. Ainsi s’explique, dans la « Psychologie du Jacobin », le recours à l’artifice d’un étrange monologue intérieur. Rédigé à la première personne du pluriel, il renvoie à un locuteur collectif, « les Jacobins ». Il introduit dans le même temps, par un artifice purement rhétorique, un personnage – « le Jacobin » – qui est une construction de l’historien et qui a pour mission, en quelque sorte, d’exprimer plus clairement que chaque Jacobin individuel les caractéristiques majeures de ce qu’il est. Le Jacobin de Taine est un « type ». Semblable à celui du naturaliste, il résume les traits les plus spécifiques de l’espèce [69]. Rapporté à ce personnage inventé, le monologue est lui-même fictif puisqu’il s’agit d’un collage de fragments empruntés à plusieurs sources, entre lesquels s’intercalent des formulations librement inspirées des textes d’époque. Ce montage a pour fonction de dire le vrai mieux que les documents authentiques, de permettre au lecteur de suivre « en direct », ou in vivo, le cheminement de la pensée du Jacobin. L’artifice autorise à restituer la logique d’une pensée qui, en poussant l’abstraction jusqu’à son terme le plus extrême, aboutit au fanatisme ; il permet de faire comprendre ce qui, au premier regard, semblait incompréhensible.
24La première section de la « Psychologie du Jacobin » fournit une parfaite illustration de la mise en œuvre de ces procédés d’écriture. Elle s’inaugure par la parole de l’historien : « Dès l’origine, pour justifier toute explosion et tout attentat populaire, une théorie s’est rencontrée […] : c’est le dogme de la souveraineté du peuple. – Pris à la lettre, il signifie que le gouvernement est moins qu’un commis, un domestique. » À cette analyse succède, sans transition graphique [70], la pensée restituée du Jacobin :
C’est nous qui l’avons institué, et, après comme avant son institution, nous restons ses maîtres. Entre nous et lui, « point de contrat » indéfini ou durable « qui ne puisse être annulé que par un consentement mutuel ou par l’infidélité d’une des deux parties ». Quel qu’il soit et quoi qu’il fasse, nous ne sommes tenus à rien envers lui, il est tenu à tout envers nous ; nous sommes toujours libres « de modifier, limiter, reprendre quand il nous plaira, le pouvoir dont nous l’avons fait dépositaire » [71].
26Ainsi alternent, sans que rien vienne le signaler, l’analyse de l’historien situé en surplomb et la parole inventée du Jacobin, parole dans laquelle s’intercalent des citations fragmentaires qui ne sont pas toujours rapportées à une source spécifique et des phrases construites par l’historien qui a renoncé à sa position distanciée pour se mettre à la place du locuteur. L’écriture devient ainsi le procédé même de l’introspection de l’autre, l’outil par excellence d’une histoire psychologique qui se fait littéraire par nécessité, pour remplir pleinement les buts qu’elle s’est fixés. La fiction dirait mieux le réel du passé que les traces mêmes que ce passé donne à voir, semble prétendre Taine. Et la « Psychologie du Jacobin » renvoie explicitement au modèle que constituent en la matière les romans de Flaubert [72]. De même, dans les Nouveaux essais de critique et d’histoire, l’historien philosophe avait fait de Stendhal l’exemple même du psychologue, l’écrivain par excellence d’une « psychologie en action » [73], capable par son style de rendre comme aucun autre la variabilité et la rapidité des pensées qui passent dans l’esprit des hommes. Le Jacobin de Taine est un autre Julien…
27Si le procédé du monologue intérieur réfère à un contexte littéraire, il renvoie tout autant à un contexte philosophique. En 1881, Victor Egger publiait un ouvrage sur la parole intérieure [74], lançant un débat qui allait se prolonger durant plusieurs décennies sur les usages et sur les interprétations de cette introspection provoquée et traduisible par l’écrit [75]. Certains médecins et psychologues virent en elle « une sorte de phrénologie destinée à ouvrir, par des procédés scientifiques, de mystérieux aperçus sur le cerveau des hommes », ainsi que le rappelait le médecin Georges Saint-Paul en 1907 [76]. La mise en scène de la parole intérieure du Jacobin participait de cette ambition.
28Par ailleurs, le Jacobin ainsi construit devenait illustration de la définition antispiritualiste et provocatrice du moi qu’avait proposée De l’intelligence [77]. Taine y dénonçait la notion d’une individualité transcendante, liée – quel que fût le nom qu’on lui donnât – à une « âme », pour défendre l’identification du moi au seul ensemble des sensations ressenties par un individu. « On s’aperçoit, écrivait-il, qu’il n’y a rien de réel dans le moi, sauf la file de ses événements ; que ces événements, divers d’aspect, sont les mêmes en nature et se ramènent tous à la sensation » [78]. Donner à voir dans toute sa réalité un personnage du passé impliquait donc de saisir, au moins pour partie, cette individualité résumée dans une succession « d’événements moraux ». L’artifice de la parole intérieure restituée du Jacobin autorisait un tel portrait. Mais plus encore, ainsi conçu comme « flux » de sensations et d’impulsions mentales, le moi rationnel était par nature instable. La définition de la perception extérieure comme « hallucination vraie » [79] n’établissait aucune différence essentielle entre l’illusion et la connaissance. La première ne différait de la seconde que par une sensation qui permettait d’identifier l’image mentale suscitée dans les deux cas comme liée ou non au monde extérieur et ainsi de « rectifier » l’hallucination [80]. Entre raison et folie, entre normal et pathologique, la frontière était fragile, et dans le rêve, dans l’exaltation de la création artistique, sous l’effet de l’opium, chacun la franchissait fréquemment. « À proprement parler, écrivait Taine, l’homme est fou, comme le corps est malade par nature ; la raison comme la santé n’est en nous qu’une réussite momentanée et un bel accident [81]. » Il suffisait en effet que soit suspendu, par la maladie, par l’hypnose ou bien encore dans le rêve, le mouvement de rectification, pour que la raison s’abolisse ou pour que le moi se transforme en autre. Dans une note « sur les éléments et la formation du moi », Taine revenait ainsi sur certaines maladies cérébrales perturbant les sensations, dans lesquelles le malade ne les reconnaissant plus et ne pouvant plus les interpréter arrivait à la conclusion étrange de « Je suis un autre » [82]. De même, dans le spiritisme, on observait la manifestation simultanée, dans un même individu, de deux pensées ou de deux volontés, et l’on constatait la possibilité d’un « dédoublement du moi » [83]. Il s’en fallait ainsi de presque rien pour que le « roman intérieur » [84] de l’hallucination devienne prépondérant et se déroule sans répression.
Sympathie et introspection : « l’œil intérieur » de l’historien
29Tel était bien le cas du Jacobin. L’esprit dogmatique et l’orgueil qui le caractérisaient n’avaient en tant que tels rien d’extraordinaire. Tous les jeunes gens, écrivait Taine, « surtout ceux qui ont leur chemin à faire, sont plus ou moins jacobins au sortir du collège » [85]. Mais « dans les sociétés bien constituées », ces défauts étaient rapidement canalisés. Les jeunes contestataires ambitieux, après avoir murmuré en vain contre le système, y trouvaient leur place. Tel n’était pas le cas des Jacobins puisque depuis 1789 les « barrières vermoulues » de la société avaient craqué toutes à la fois. Leurs défauts avaient pu se donner librement carrière, et les esprits remuants s’agiter dans un « monde idéal » où « le contrepoids des faits manque pour balancer le poids des formules » [86]. Le fanatisme jacobin était donc le résultat d’une « imagination » qui n’avait pas trouvé d’obstacle. Il était décrit en terme de pathologie mentale, comme une « infirmité », une « monstruosité » liée à l’hypertrophie de la raison [87], comme une folie logique. Robespierre apparaissait ainsi sous les traits d’un « fou qui a de la logique », d’un « monstre qui se croit de la conscience » [88].
30« Maladie de croissance » ordinairement « bénigne », le jacobinisme avait pris des « proportions monstrueuses » dans l’atmosphère échauffée des premiers mois de la Révolution [89]. La « Psychologie du Jacobin » était ainsi construite comme une de ces « études de cas » que Taine avait rassemblées en fréquentant les aliénistes. Elle illustrait l’ambition de scruter en « pur savant », en « naturaliste de l’esprit », le passé de la France [90] et poussait à son plus extrême degré un genre historiographique identifiant maladie et instabilité sociale.
31Mais si le thème de la pathologie sociale n’est pas original, la définition de la folie sur laquelle il est fondé lui donne une réelle spécificité. Car la folie du Jacobin ne le désigne pas chez Taine comme radicalement autre et incompréhensible. Tout au contraire, elle autorise l’identification de l’historien à son objet et la mise en œuvre d’une sympathie venant légitimer l’introspection de l’autre et, de ce fait, garantir la véracité de la parole intérieure restituée. Il y a un Jacobin en puissance en chacun de nous, laisse en quelque sorte entendre Taine, lorsqu’il affirme que tous les jeunes gens ont été un temps jacobins. Aussi, pour comprendre la psychologie du Jacobin, l’historien doit-il plonger dans ses souvenirs et retrouver le jeune homme ambitieux et insatisfait qu’il était. Alors joue pleinement une sympathie fondée sur l’identité, sur laquelle Taine s’est expliqué.
32L’histoire, pour devenir science explicative des faits, doit se faire psychologie. À cet effet, elle doit faire feu de tout bois jouant, lorsque nécessaire, du balancement entre intuition et procédures de l’observation savante, entre imagination et raison. Plus exactement encore, elle doit intégrer l’intuition comme instrument légitime d’une méthode expérimentale propre aux sciences morales. Aussi pour Taine l’histoire n’est-elle pas simplement en tension entre art et science [91], mais elle aspire bien plutôt à en réaliser la synthèse. Dans les deux préfaces aux Essais de critique et d’histoire, Taine rappelle que l’historien ne peut avoir pour unique but de « peindre », mais qu’il doit « philosopher ». Il ne peut se satisfaire de « faire voir » le passé, mais il doit le « comprendre » [92]. Semblable au naturaliste moderne qui ne se contente plus de décrire avec l’œil de l’artiste, mais qui « ouvre l’animal » pour rendre compte des lois qui régissent l’organisme, l’historien doit engager une « anatomie historique » [93]. Or, dans cette démarche anatomique, l’intuition constitue un outil essentiel qui autorise le délicat passage de « l’homme extérieur » que les sources donnent à voir à « l’homme intérieur ». Car c’est l’imagination de l’historien qui vient ici suppléer « à l’observation directe et sensible » [94]. Son usage introduit une différence entre les sciences expérimentales et les sciences morales, mais ne met pas en péril l’aspiration de ces dernières à la positivité. Ainsi Taine le développe-t-il dans Les philosophes classiques du xixe siècle. Le physicien et le naturaliste possèdent des instruments qui leur permettent de suppléer aux sens, de voir l’invisible dont est composé le phénomène observable, de le décomposer et de comprendre les lois de son fonctionnement. Le microscope, le télescope ou encore les outils de mesure sont leurs alliés [95]. Rien de tel toutefois pour l’historien ou pour le psychologue. C’est l’intuition qui viendra pallier ce manque : « Comme dans les sciences physiques, pour multiplier les faits, il a fallu transformer l’instrument observateur. L’historien s’est créé un thermomètre de son âme », écrit Taine [96]. L’imagination et la sensibilité sont ainsi les instruments des sciences morales. Elles autorisent à éprouver les émotions rencontrées chez les sujets étudiés, de ce fait à les évaluer comme le chimiste mesure le degré d’acidité d’une solution grâce aux colorants.
33Chez Taine comme chez Michelet et par la suite chez Gabriel Monod, la sympathie est ainsi érigée en outil fondamental de l’historien [97]. Elle implique une attention aux indices des émotions des hommes du passé, mais elle implique tout autant de bien se connaître soi-même pour identifier ces traces avec exactitude. Aussi est-ce en étudiant les hommes, mais tout autant « en s’observant, […] en écrivant, en agissant que [l’historien] a fini par découvrir les divers genres de sentiments qui produisent les divers genres de phrases, de formes, d’attitudes et d’actions » qu’il rencontre dans le passé [98]. À la sympathie et à la sensibilité s’ajoute la connaissance intime de soi que procure l’introspection, méthode par excellence de la psychologie, dont même les adversaires des spiritualistes reconnaissent alors la légitimité [99].
34Sympathie, intuition et introspection sont désignées par Taine comme un « œil intérieur », outil d’enquête propre au psychologue et à l’historien [100]. C’est bien cet œil intérieur qui est mis en action dans la « Psychologie du Jacobin », lorsqu’il s’agit de descendre en lui jusqu’à la couche psychologique, de restituer la logique d’une pensée politique qui apparaît au premier abord comme une folie fanatique et de mettre ainsi à jour les causes les plus fondamentales de la Terreur révolutionnaire.
Conclusion
35La « Psychologie du Jacobin » dessine ainsi les contours d’une écriture de l’histoire plus complexe qu’il n’y paraît, non seulement dans son message politique, mais aussi dans ses démarches. Elle définit une approche dont les ambitions dépassent largement la seule mise en œuvre des catégories explicatives de la race, du milieu et du moment. Il s’agit bien ici d’atteindre le niveau le plus fondamental des causes agissant dans l’histoire, la « couche psychologique » où naissent les impulsions qui font agir les hommes.
36Dans cette histoire, la « positivité » ne se définit pas, loin de là, par le simple respect des procédures de l’érudition critique. Aussi les critiques qui furent faites par la suite aux Origines de la France contemporaine, accusant Taine de manque de rigueur dans l’identification et dans l’utilisation des sources, ne frappent-elles pas, pourrait-on dire, à l’essentiel [101]. Car l’érudition n’est qu’un préalable dont l’importance méthodologique est, en fin d’analyse, secondaire. L’histoire ne se fait « science positive », véritable science des faits, que pour autant qu’elle met au jour les grandes causes qui les organisent, causes psychologiques que les seules méthodes des sciences d’observation ne peuvent atteindre. Aussi, paradoxalement, l’histoire devient-elle science explicative lorsqu’elle fait usage de procédures – l’imagination, l’intuition – qui rapprochent l’historien de l’artiste.
37L’historien ne peut comprendre son sujet que pour peu qu’il s’efforce d’être à la fois en position de surplomb critique et en position d’identification sympathique. La posture, sans doute, est intenable ; elle résume tout le paradoxe de l’histoire psychologique telle que la concevait Taine.
Notes
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[1]
Hippolyte Taine, Histoire de la littérature anglaise (1864), Paris, Hachette, 1881-1882, 5e éd., 5 vol., vol. 1, p. XLV.
-
[2]
Les origines de la France contemporaine, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1986, 2 vol. Le vol. 1 réunit L’Ancien régime (1875), La Révolution, I, L’anarchie (1878), La Révolution, II, La conquête jacobine (1881) ; le vol. 2 comprend La Révolution, III, Le gouvernement révolutionnaire (1884), Le Régime moderne (1890 et 1893).
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[3]
Éric Gasparini, La pensée politique de Taine : entre traditionalisme et libéralisme, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1993, notamment partie 3, « L’influence de Taine ».
-
[4]
Christophe Charle, Paris fin de siècle. Culture et politique, Paris, Éd. du Seuil, coll. « L’Univers historique », 1998, p. 97-123.
-
[5]
Parmi ces révisions récentes, Antonella Codazzi, Taine e il progetto filosofico di una storiografia scientifica, Florence, La Nuova Italia Editrice, 1985 ; E. Gasparini, op. cit. ; Regina Pozzi, Hippolyte Taine. Scienze umane e politica nell’ottocento, Venise, Marsilio, 1993.
-
[6]
Voir par exemple, Émile Littré, « De la condition essentielle qui sépare la sociologie de la biologie », Philosophie positive, 2, 1868, p. 186-207.
-
[7]
John Stuart Mill constitue une source majeure d’inspiration pour Taine, qui lui a consacré une étude et qui a emprunté de nombreux développements qui figurent dans De l’intelligence au Système de logique déductive et inductive. La dernière partie de cet ouvrage est consacrée à la « logique des sciences morales » ; deux chapitres traitent de la « science de l’histoire ». Cf. H. Taine, Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill, Paris, Germer Baillière, 1864, repris dans Histoire de la littérature anglaise, op. cit., vol. 5, Les contemporains, p. 328-418 ; John Stuart Mill, Système de la logique déductive et inductive : exposé des principes de la preuve et des méthodes de recherche scientifique (1843), Paris, Alcan, trad. fr. de Louis Peisse, 2 vol., 1889.
-
[8]
Cf. Nathalie Richard, « Histoire et psychologie : quelques réflexions sur la spécificité de l’histoire au xixe siècle », Romantisme, 104, 2, 1999, p. 69-83.
-
[9]
H. Taine, De l’intelligence (1870), Paris, Librairie Hachette et Cie, 4e éd. corrigée et augmentée, 1883, 2 vol. ; Histoire de la littérature anglaise, op. cit. ; Essais de critique et d’histoire (1858), Paris, Librairie Hachette, 17e éd., 1920.
-
[10]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », Revue des deux mondes, 44, mars-avril 1881, p. 536-559.
-
[11]
H. Taine, Les Origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 1, p. 567-586. Le livre premier, dont l’article constitue un extrait, est intitulé « Les Jacobins ».
-
[12]
Ce volume paraît en 1881. La préface de l’édition in 8° est datée du mois d’avril.
-
[13]
La formule, « Psychologie du Jacobin », était reprise dans la table des matières détaillée qui figurait en tête du chapitre premier dans le volume.
-
[14]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 536.
-
[15]
Ibid., p. 537.
-
[16]
Ibid., p. 539.
-
[17]
Ibid., p. 540-541.
-
[18]
Ibid., p. 542.
-
[19]
Ibid., p. 557.
-
[20]
Ibid., p. 558.
-
[21]
H. Taine, Les Origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 1, p. 565.
-
[22]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 546.
-
[23]
Ibid., p. 549.
-
[24]
Ibid., p. 551.
-
[25]
Ibid., p. 552.
-
[26]
Ibid., p. 541.
-
[27]
Pour plus de précisions sur la pensée politique de Taine, voir E. Gasparini, op. cit.
-
[28]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 548.
-
[29]
Le texte fut publié d’abord sous forme séparée dans la Revue germanique sous le titre « L’histoire, son présent, son avenir », le 1er décembre 1863 ; repris dans H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., « Introduction », p. III-XLIX.
-
[30]
Ibid., p. XV.
-
[31]
Ibid., p. XLI.
-
[32]
Ibid., p. XLIII et XXXIV.
-
[33]
H. Taine, Essais de critique et d’histoire, op. cit., « Préface de la seconde édition » (mars 1866), p. XXIII.
-
[34]
J. Stuart Mill, Système de logique, op. cit., p. 543-561.
-
[35]
H. Taine, Essais de critique et d’histoire, op. cit., « Préface de la seconde édition » (mars 1866), p. XIII.
-
[36]
H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., « Introduction », p. XV.
-
[37]
Ibid., p. XV-XVI.
-
[38]
Ibid., p. XXVII-XXVIII.
-
[39]
Ibid., p. XXIX.
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[40]
Ibid., p. XLIV.
-
[41]
Voir A. Codazzi, op. cit. ; Pascale Seys, Hippolyte Taine et l’avènement du naturalisme. Un intellectuel sous le Second Empire, Paris, L’Harmattan, coll. « L’ouverture philosophique », 1999.
-
[42]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 543.
-
[43]
H. Taine, L’Ancien régime, in Les origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 1, p. 3-309.
-
[44]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 549.
-
[45]
Ibid., p. 536.
-
[46]
Ibid., p. 558.
-
[47]
Ibid., p. 557.
-
[48]
Ibid., p. 558-559.
-
[49]
Ibid., p. 536.
-
[50]
Ibid., p. 542.
-
[51]
Ibid., p. 546. Je souligne.
-
[52]
H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., « Introduction », p. VIII et V.
-
[53]
Ibid., p. IX.
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[54]
Ibid., p. IX-X.
-
[55]
Ibid., p. X.
-
[56]
Ibid., p. XI.
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[57]
Ibid., p. XI et X.
-
[58]
Ibid., vol. 5, p. 228-328.
-
[59]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 550-551.
-
[60]
H. Taine, Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill, op. cit., p. 384. Voir aussi Id., De l’intelligence, op. cit., vol. 2, p. 428-429.
-
[61]
H. Taine, Les philosophes classiques du xixe siècle en France, Paris, Librairie Hachette et Cie, 8e éd., 1901, p. 340. Le titre de la première édition, en 1857, était Les philosophes français du xixe siècle.
-
[62]
H. Taine, De l’intelligence, op. cit., vol. 1, p. 19.
-
[63]
Ibid., p. 20.
-
[64]
Ibid., p. 21.
-
[65]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 547.
-
[66]
H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., « Introduction », p. XLVII.
-
[67]
Ibid., p. XLVI.
-
[68]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 554, n. 4.
-
[69]
Le terme est employé à plusieurs reprises dans la « Psychologie du Jacobin ». Voir « Préface », in La Révolution, III, Le gouvernement révolutionnaire (1884), Les origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 2, p. 9-10.
-
[70]
Aucun saut de paragraphe, aucun guillemet, aucun tiret ne viennent signaler le passage d’un registre à un autre.
-
[71]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 536-537.
-
[72]
Ibid., p. 542, n. 1.
-
[73]
H. Taine, « Stendhal », Nouvelle revue de Paris, 1er mars 1864, repris dans Nouveaux essais de critique et d’histoire, Paris, Librairie Hachette, 1920 (1865), p. 223-257, 239.
-
[74]
Victor Egger, La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive, Paris, Germer Baillière, 1881.
-
[75]
Jacqueline Carroy, « Le langage intérieur comme miroir du cerveau : une enquête, ses enjeux et ses limites », Langue française, 132, La parole intérieure, Gabriel Bergounioux dir., 2001, p. 48-56.
-
[76]
Cité par J. Carroy, ibid., p. 51.
-
[77]
Cf. Hilary Nias, The Artificial Self : The Psychology of Hippolyte Taine, Oxford, Legenda, 1999.
-
[78]
H. Taine, De l’intelligence, op. cit., vol. 1, p. 7.
-
[79]
Ibid., vol. 2, p. 10.
-
[80]
Ibid., p. 35-65.
-
[81]
H. Taine, Histoire de la littérature anglaise, op. cit., vol. 2, p. 159.
-
[82]
H. Taine, De l’intelligence, op. cit., vol. 2, p. 466.
-
[83]
Ibid., vol. 1, p. 17.
-
[84]
Ibid., p. 15.
-
[85]
H. Taine, « Psychologie du Jacobin », loc. cit., p. 542.
-
[86]
Ibid., p. 543 et 547.
-
[87]
Ibid., p. 547.
-
[88]
Ibid., p. 555.
-
[89]
Ibid., p. 542-543.
-
[90]
H. Taine, Les origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 2, p. 10.
-
[91]
Cf. Patrizia Lombardo, « Hippolyte Taine between Art and Science », Yale French Studies, 77, 1990, p. 117-133.
-
[92]
H. Taine, « Préface de la première édition » (janvier 1858), in Essais de critique et d’histoire, op. cit., p. V et VII.
-
[93]
Ibid., p. VIII-IX.
-
[94]
Ibid., p. IX.
-
[95]
H. Taine, Les philosophes classiques du xixe siècle en France, op. cit., p. 336-337.
-
[96]
Ibid., p. 340-341. Je souligne.
-
[97]
Taine le développe dans le texte qu’il a consacré à Michelet : « M. Michelet », Revue de l’instruction publique, 27 mars 1856, repris dans Essais de critique et d’histoire, op. cit., p. 84-129.
-
[98]
H. Taine, Les philosophes classiques du xixe siècle en France, op. cit., p. 341.
-
[99]
Émile Littré critique son rejet par Auguste Comte dans « De la méthode en psychologie », Philosophie positive, 1, 1867, p. 274-288, 280. Taine revendique l’introspection comme méthode de la psychologie et rapporte de multiples auto-observations dans De l’intelligence. Par exemple, op. cit., p. 13, 19.
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[100]
H. Taine, De l’intelligence, op. cit., vol. 1, p. 19 ; « Préface de la seconde édition » (mars 1866), in Essais de critique et d’histoire, op. cit., p. XV.
-
[101]
Charles Seignobos et plus encore Alphonse Aulard critiquèrent ainsi les inexactitudes et les lacunes érudites des Origines de la France contemporaine. Cf. François Léger, « Introduction », in H. Taine, Les origines de la France contemporaine, op. cit., vol. 1, p. XLIV-XLV.