Notes
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[*]
Chargée de recherche et enseignante contractuelle, Université Pierre-et-Marie-Curie, Sorbonne Universités. Chercheure associée au Centre population et développement (ceped, unité mixte de recherche 196), Université Paris-V-Descartes/Institut de recherche pour le développement.
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[2]
Version actualisée de l’article suivant : VERMOT, Cécile, “Guilt: A Gendered Bond Within the Transnational Family”, Emotions, Space and Society, vol. 16, August 2015, pp. 138-146.
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[3]
Voir PROBYN, Elspeth, Outside Belongings, London : Routledge, 1996, 181 p. ; ANDERSON, Kay ; SMITH, Susan J., “Emotional Geographies”, Transactions of the Institute of British Geographers, n° 26, 2001, pp. 7-10. ; ROWE, Dorothy, “The Meaning of Emotion”, Journal of Health Organisation and Management, vol. 19, n° 4-5, 2005, pp. 290-296 ; SVAŠEK, Maruška, “Who Care? Families and feeling in movement”, Journal of Intercultural Studies, vol. 29, n° 3, 2008, pp. 213-230 ; YUVAL DAVIS, Nira, “Belonging and The Politics of Belonging”, vol. 40, n° 3, 2006, pp. 197-214 ; ANTHIAS, Floya, “Belongings in a Globalising and Unequal World: Rethinking Translocations”, in : YUVAL-DAVIS, Nira ; KANNABIRAN, Kalpana ; VIETEN, Ulrike ; (sous la direction de), The Situated Politics of Belonging, London : Sage Publications, 2006, pp. 17-31.
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[4]
Voir BUTLER, Judith, Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, Hove : Psychology Press, 1990, 256 p. ; BELL, Vikki, “Performativity and Belonging. An Introduction”, Theory Culture & Society, vol. 16, n° 2, 1999, pp. 1-11 ; FORTIER, Anne-Marie, Migrant Belongings. Memory, Space, Identity, Oxford : Berg, 2000, 209 p. ; FENSTER, Tovi, “The Right to The Gendered City: Different Formations of Belonging in Everyday Life”, Journal of Gender Studies, vol. 14, n° 3, 2005, pp. 217-231 ; SKRBIS, Zlatko ; BALDASSAR, Loretta ; POYNTING, Scott, “Introduction - Negotiating Belonging: Migrations and Generations”, Journal of Intercultural Studies, vol. 28, n° 3, 2007, pp. 261-269.
-
[5]
WEST, Candace ; ZIMMERMAN, Don H., “Doing Gender”, Gender and Society, vol. 1, n° 2, June 1987, pp. 125-151.
-
[6]
Voir MEAD, Margaret, Mœurs et sexualité en Océanie, Paris : Éd. Pocket, 1980 (1ère éd. 1935), 606 p. ; LOIS, Jennifer, 2001, “Peaks and Valleys: The Gendered Emotional Culture of Edgework”, Gender and Society, vol. 15, n° 3, June 2001, pp. 381-406 ; LOIS, Jennifer, “Gender and Emotion Management in The Stages of Edgework”, in : LYNG, Stephen (sous la direction de), Edgework: The Sociology of Risk-taking, New-York : Routledge, 2005, pp. 117-152.
-
[7]
NUSSBAUM, Martha C., Upheavals of Thought: The Intelligence of Emotions, Cambridge : Cambridge University Press, 2003, 768 p. ; ELSTER, Jon, Las uvas amargas. Sobre la subversión de la racionalidad, Barcelona : Edición 62, 1989, 264 p.
-
[8]
LE GALL, Josiane, “Familles transnationales : bilan des recherches et nouvelles perspectives”, Les Cahiers du Gres, vol. 5, n° 1, printemps 2005, pp. 29-42.
-
[9]
ZONTINI, Elizabetta, Transnational families, Boston College Encyclopedia [En ligne], 2007, http://wfnetwork.bc.edu/encyclopedia_entry.php?id.6361&area.All.
-
[10]
ARANDA, Elizabeth M., Emotional Bridges to Puerto Rico: Migration, Return Migration, and the Struggles of Incorporation, Lanham : Rowman & Littlefield Publishers, 2006, 210 p. ; BALDASSAR, Loretta, “Transnational Families and The Provision of Moral and Emotional Support: The Relationship Between Truth and Distance”, Identities, vol. 14, n° 4, 2007, pp. 385-409, HONDAGNEU-SOTELO, Pierrette ; AVILA, Ernestine, “‘I’m Here, but I’m There’: The Meanings of Latina Transnational Motherhood”, Gender and Society, vol. 11, n° 5, October 1997, pp. 548-571 ; PARRENAS, Rachel Salazar, Children of Global Migration: Transnational Families and Gendered Woes, Redwood City : Stanford University Press, 2005, 220 p.
-
[11]
Nous utiliserons dans cet article le terme anglais « care », car la définition que nous en faisons va bien plus loin que la simple notion de « sollicitude » qui est parfois utilisée comme traduction en français.
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[12]
BUBECK, Diemut Elisabet, Care, Gender, and Justice, Oxford : Oxford University Press, 1995, 128 p.
-
[13]
DI LEONARDO, Micaela, “The Female World of Cards and Holidays: Women, Families and The Work of Kinship”, Signs: Journal of Women in Culture and Society, vol. 12, n° 3, Spring 1987, pp. 440-453.
-
[14]
BAUMEISTER, Roy F. ; STILLWELL, Arlene M. ; HEATHERTON, Todd F., “Guilt: An Interpersonal Approach”, Psychological Bulletin, vol. 115, n° 2, 1994, pp. 243-267.
-
[15]
RIVERA, Joseph, “Introduction: Emotions and Justice”, Social Justice Research, vol. 3, 1989, pp. 277-281.
-
[16]
SHIELDS, Stephanie A., Garner, Dallas N., Leone, Brooke, Hadley, Alena M., Gender and emotion. IN: STETS, Jan E., TURNER, Jonathan H. (Eds.), Handbook of the Sociology of Emotions. Springer US, Boston, MA, 2007, pp. 63-83.
-
[17]
Le terme « corralito » est, en espagnol, le diminutif de corral, qui signifie « enclos à animaux d’élevage ». Ce terme fût utilisé pour la première fois par le journaliste économique Antonio Laje.
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[18]
Voir IRIAT, Celia ; WAITZKIN, Howard, “Argentina: No Lesson Learned”, International Journal of Health Services: Planning, Administration, Evaluation, vol. 36, n° 1, 2006, pp. 177-196.
-
[19]
Voir le site internet de l’Institut national des statistiques espagnol (ine) : http://www.ine.es et le site internet du recensement américain, https://www.census.gov.
-
[20]
Voir HOCHSCHILD, Arlie R., “Travail émotionnel, règles de sentiments et structure sociale”, Travailler, vol. 1, n° 9, 2003, pp. 19-49 (voir p. 21).
-
[21]
L’intérêt du sociologue ou de l’anthropologue n’est pas d’analyser les différences entre les émotions, les sentiments, ou les affects au niveau physiologique, mais surtout de saisir leur pertinence en fonction des contextes, des pratiques, des cultures, d’un temps historique donné ; c’est-à-dire décrypter les théories vernaculaires à leur propos, comprendre la manière dont elles sont perçues et conceptualisées par la population étudiée. En effet, la sémantique et la symbolique qui accompagnent ces différences ne sont pas universelles. Voir LUTZ, Catherine A., Unnatural Emotions: Everyday Sentiments on a Micronesian Atoll and Their Challenge to Western Theory, Chicago : University of Chicago Press, 1988, 281 p. ; LEAVITT, John, “Meaning and Feeling in the Anthropology of Emotions”, American Ethnologist, vol. 23, n° 3, 1996, pp. 514‑539).
-
[22]
Voir le site internet de l’Institut national des statistiques argentin, http://www.indec.gov.ar.
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[23]
Voir le site internet de l’Institut national des statistiques espagnol : http://www.ine.es.
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[24]
Voir IRIAT, Celia ; WAITZKIN, Howard, “Argentina: No Lesson Learned”, art. cité.
-
[25]
Voir le site internet du recensement américain, https://www.census.gov.
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[26]
En 2007, 25 659 Argentins vivaient à Miami, selon le site internet de l’Institut national des statistiques argentin : http://www.indec.gov.ar.
-
[27]
En 2007, 20 000 Argentins vivaient à Barcelone, selon le site internet de l’Institut national des statistiques argentin : http://www.indec.gov.ar.
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[28]
D’un point de vue législatif, les langues coexistent de manière différente à Miami et à Barcelone. En effet, la Catalogne est reconnue comme une région bilingue où l’usage du catalan est favorisé par des politiques volontaristes, alors qu’en Floride, comme dans le reste des États-Unis, il n’y a pas de langue officielle.
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[29]
MUXEL, Anne, Individu et mémoire familiale, Paris : Éd. Nathan, 2000, 226 p.
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[30]
Dans une perspective linguistique, la pragmatique est un domaine dans lequel sont étudiés les rapports de la langue et de son usage.
-
[31]
LE GALL, Josiane, “Familles transnationales : bilan des recherches et nouvelles perspectives”, art. cité.
-
[32]
BENSKI, Tova ; FISHER, Eran, “Introduction: Investigating Emotions and The Internet”, in : BENSKI, Tova ; FISHER, Eran (sous la direction de), Internet and Emotions, New York : Routledge, 2014, pp. 1-17.
-
[33]
LEVITT, Peggy, The Transnational Villagers, Berkeley : University of California Press, 2001, 281 p.
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[34]
En Argentine, la division des rôles selon le sexe des individus voit l’homme comme le pourvoyeur financier principal, fort et autoritaire, et la femme comme une épouse et une mère empreinte d’affectivité, de tendresse et d’amour. Voir BARRANCOS, Dora, Mujeres en la sociedad argentina. Una historia de cinco siglos, Buenos Aires : Sudamericana, 2010, 352 p. ; JELIN, Elizabeth, “La familia en la Argentina : Modernidad, crisis económica y acción política”, in : VALDÉS, Teresa E. ; VALDÉS, Ximena S. (sous la direction de), Familia y vida privada : transformaciones, tensiones, resistencias y nuevos sentidos?, Santiago : FLASCO, 2005, pp. 41-77.
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[35]
Dans cette perspective, lorsque les parents vieillissent et que leurs enfants ont émigré, ces derniers peuvent faire l’expérience de la culpabilité du fait de ne pas pouvoir prendre soin de leurs parents. La culpabilité peut ainsi dépendre de l’âge des parents des migrants.
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[36]
PROBYN, Elspeth, Outside Belongings, Routledge, op. cit. (voir p. 1).
-
[37]
BOURDIEU, Pierre, “L’identité et la représentation”, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, vol. 35, n° 1, novembre 1980, pp. 63-72.
-
[38]
HOCHSCHILD, Arlie R., The Managed Heart: Commercialization of Human Feeling, Twentieth Anniversary Edition, With a New Afterword, Berkeley : University of California Press, 1983, 330 p.
-
[39]
CRESSWELL, Tim, In Place/Out of Place: Geography, Ideology and Transgression, Minneapolis : University of Minnesota Press, 1996, 201 p.
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[40]
Ibidem (voir p. 8).
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[41]
HOCHSCHILD, Arlie R., The Managed Heart: Commercialization of Human Feeling, Twentieth Anniversary Edition, With a New Afterword, op. cit. (voir p. 1).
-
[42]
OLSTEAD, Riley, “Gender, Space and Fear: A study of Women’s Edgework”, Emotion Space and Society, n° 4, 2011, pp. 86-94.
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[43]
HOCHSCHILD, Arlie R., The Managed Heart: Commercialization of Human Feeling, Twentieth Anniversary Edition, With a New Afterword, op. cit. (voir p. 1).
-
[44]
PETERSEN, Alan, Engendering emotions, New York : Palgrave Macmillan, 2005, 208 p.
-
[45]
SHIELDS, Stephanie A., Speaking from the Heart: Gender and the Social Meaning of Emotion, Cambridge : Cambridge University Press, 2002, 230 p.
-
[46]
BUTLER, Judith, Gender Trouble: Feminism and The Subversion of Identity, op. cit. (voir p. 1) ; GOODEY, Jo, “Boy Don’t Cry. Masculinities, Fear of Crime and Fearlessness”, The British Journal of Criminology, vol. 37, n° 3, 1997, pp. 401-418.
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[47]
L’Argentine a connu une succession de régimes dictatoriaux au cours du XXe siècle. Durant les deux dernières dictatures, qui se déroulèrent de 1966 à 1973 et de 1976 à 1983 et qui furent dirigées par différentes juntes militaires, de nombreux Argentins ont été contraints de s’exiler en direction de l’Espagne. Voir MIRA DELLI-ZOTTI, Guillermo ; OSVALDO ESTEBAN, Fernando, “El flujo que no cesa : aproximación a las razones, cronología y perfil de los argentinos radicados en España (1975-2001)”, art. cité.
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[48]
En quelques années, la loi de la convertibilité et la privatisation d’une partie de l’économie du pays firent qu’une partie de la classe moyenne (les ingénieurs, les enseignants, les commerçants de quartier, les petits fabricants de textiles, les médecins hospitaliers) se transforma en une nouvelle catégorie sociale en Argentine, celle des « nouveaux pauvres ». Voir MINUJIN, Alberto ; ANGUITA, Eduardo, La clase media : seducida y abandonada, Buenos Aires : Edhasa, 2004, 340 p.
-
[49]
VERMOT, Cécile, “Capturer une émotion qui ne s’énonce pas” [En ligne], Terrains/Théories, n° 2, janvier 2015, http://teth.revues.org/224.
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[50]
MASSEY, Doreen, Space, Place, and Gender, Minneapolis : University of Minnesota Press, 1994, 279 p.
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[51]
Ibidem (voir p. 10).
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[52]
Tous les enquêtés nous ont affirmé ne pas envoyer d’argent à leur famille, leurs proches n’en ayant pas besoin. L’expression de la culpabilité ne semble pas ici liée avec le fait d’aider financièrement la famille restée dans le pays d’origine.
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[53]
Selon William I. Thomas, avant d’agir, tout individu procède à une définition de la situation, c’est-à-dire à son examen. Les individus tendent en général à favoriser les activités hédonistes, (faire passer leur plaisir avant tout), alors que la société privilégie l’optique utilitariste (être en sécurité avant tout). La définition de la situation sociale est guidée par la morale, c’est-à-dire un ensemble de lois ou de normes comportementales régulant les expressions et les désirs. Ces deux définitions de la situation, l’une individuelle, l’autre sociale, peuvent ainsi entrer en rivalité. Dans cette perspective, afin de faire respecter une définition de la situation, la famille a intérêt, premièrement à supprimer les désirs et les activités de l’individu qui entre en conflit avec l’organisation existante, ou qui semble marquer le point de départ d’une disharmonie sociale, et deuxièmement à encourager les désirs et les actions qui sont exigés par le système social existant. Voir THOMAS, William I., The Unadjusted Girl With Cases and Standpoint for Behavior Analysis, Boston : Little Brown & Co, 1923, 261 p.
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[54]
HOCHSCHILD, Arlie R., The Managed Heart: Commercialization of Human Feeling, Twentieth Anniversary Edition, With a New Afterword, op. cit. (voir p. 1).
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[55]
Nous avons montré par ailleurs que les Argentins vivant à Miami voient s’accomplir leurs aspirations après la migration, ce qui n’est pas le cas pour les Argentins ayant migré à Barcelone. Voir VERMOT, Cécile, “Los sentimientos de pertenencia a la nacion de los inmigrantes argentinos en Miami y Barcelona” [En ligne], Boletín Onteaiken, n° 17, 2014, http://onteaiken.com.ar. Dans cette perspective, « se sentir mieux » peut être lié au fait d’exprimer moins de culpabilité. Des recherches complémentaires seraient nécessaires pour confirmer cette hypothèse.
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[56]
BERNALDO GONZALES, Pilar ; JEDLICKI, Fanny, Representations of Europe among Argentine migrants in Europe [En ligne], 2011, 52 p., https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00648754/document.
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[57]
Avant 2001, les Argentins n’avaient pas besoin de visa pour entrer aux États-Unis. Face à l’effondrement économique de leur pays, un nombre important d’entre eux essayèrent de rester au-delà des 90 jours permis par le « US Visa Waiver Program » (vwp). En 2001, lorsque l’immigration argentine a considérablement augmenté, les États-Unis furent frappés par les attentats terroristes du 11 Septembre, à la suite desquels les contrôles aux frontières furent renforcés par les autorités américaines. De nombreuses lois furent également adoptées dans le but de « lutter » contre la migration irrégulière. En février 2002, l’Argentine a été retirée de la liste des pays participant au programme vwp, obligeant les citoyens argentins à avoir un visa pour se rendre aux États-Unis.
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[58]
BOURDIEU, Pierre, Esquisse d’une théorie de la pratique, Paris : Éd. du Seuil, 2000, 429 p.
1Ce texte [2] propose de contribuer à l’intelligibilité des phénomènes migratoires en opérant un déplacement du regard habituellement porté dessus. Si de nombreuses théories ont été élaborées afin de comprendre pourquoi un individu migre, avec qui, où, et d’analyser les conséquences que la migration implique pour les migrants et les non-migrants, ces théories ne prennent pas forcément en compte les émotions comme objet de compréhension sociologique de l’expérience migratoire. Or, considérer les émotions nous permet de porter un autre regard sur les raisons de la migration — qu’elle soit économique, politique et/ou sociale — et les relations familiales transnationales qui s’instaurent après la migration selon le genre des individus.
2L’appartenance à un genre étant un processus émotionnel [3] qui résulte d’interactions fluides entre les représentations autour du genre et leur « performation » (à savoir l’intériorisation individuelle à travers les pratiques qu’elles supposent) [4], « faire genre » [5] implique par conséquent de performer les actions et les émotions correspondant à un genre donné [6]. En effet, les modalités d’expression des émotions — aspirations, schèmes actions, corps et langage [7] — sont toujours liées à l’identification des individus à un genre ou à un autre dans une culture et une société données. Ainsi, prendre en compte l’interrelation entre « genre, émotions, représentations, actions » nous permet de faire le lien entre certaines pratiques transnationales et l’expression des émotions selon le genre des individus comme nous le verrons.
La migration : une expérience émotionnelle et genrée
3Certaines recherches ont souligné que les femmes entretiennent plus de relations familiales transnationales que les hommes [8] ; les filles et les petites-filles des migrants maintenant en outre des contacts plus soutenus que pour leurs homologues masculins [9]. D’autres travaux [10] ont noté que les femmes migrantes expriment de la culpabilité face à leur impossibilité de performer « traditionnellement » le care [11]. Le care est ici décrit comme une « disposition » féminine qui comporte à la fois une dimension affective et morale, mais aussi une pratique de soin qui nécessite une proximité physique [12]. Il implique ce que Micaela Di Leonardo appelle le « travail de parenté » [13], qui fait référence aux démarches nécessaires au maintien de la vie de famille, telles que la connexion de ses membres ou encore la transmission des traditions familiales. Il inclut ainsi un nombre important d’activités comme les appels téléphoniques, les lettres, les visites, etc. La culpabilité, quant à elle, est une émotion qui pousse les individus à une certaine bienveillance. Comme l’ont souligné Roy F. Baumeister et ses collègues, elle « renforce les liens sociaux en suscitant une affirmation symbolique de compassion et d’engagement » [14] et survient lorsqu’un individu arrive à la conclusion qu’il a violé un code moral [15]. Par ailleurs, cette émotion a un lien avec les regrets et les remords, puisqu’elle peut déboucher sur des actes de réparation. Dans cette perspective, le sentiment de culpabilité exprimé par les femmes migrantes et les actions qui en découlent peuvent être interprétés comme une performation du genre et comme une réponse émotionnelle à l’ajustement de leur rôle genré durant la migration.
4Afin d’analyser les effets performatifs liés à l’appartenance du genre au sein des familles transnationales et la manière dont les identifications au genre se reconfigurent [16] selon le lieu de la migration, nous avons mené au cours de notre doctorat une enquête empirique entre 2009 et 2013 qui a porté sur l’expression du courage, de la peur et de la culpabilité dans le récit des Argentins ayant migré à Miami et à Barcelone entre 1999 et 2003.
5Durant cette période, les Argentins ont vécu une crise économique, politique et sociale, qui a atteint son point culminant durant le corralito [17] en 2001. Au cours de cette période, le taux de chômage s’élevait à 25 %, tandis que 57,5 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté [18]. Cette situation catastrophique a entraîné indignation, déception, frustration et incertitude ; sentiments face auxquels certains Argentins ont pris le parti de répondre par des actions de mobilisations collectives, alors que d’autres ont choisi d’émigrer, principalement à Miami aux États-Unis et à Barcelone en Espagne [19].
6Dans ce texte, les émotions sont définies comme des constructions sociales qui sont « le résultat d’une coopération entre le corps, une pensée, une image, un souvenir » [20]. Nous utilisons une définition large des émotions qui inclue les sentiments et les affects [21]. Nous chercherons ici à comprendre le vécu migratoire des Argentins à Miami et à Barcelone à travers les émotions qu’ils éprouvent en fonction de leur genre. Ainsi, nous envisageons la migration comme une « expérience émotionnelle » générant des négociations, des changements d’identification pour les individus qui peuvent être éprouvés et exprimés à travers les émotions.
7Après nous être intéressée au contexte de la migration des Argentins lors de la crise économique, politique et sociale de 2001, nous aborderons les relations qui existent entre genre et émotions en nous appuyant sur la théorie des « règles de sentiments » d’Arlie R. Hochschild, la théorie de l’habitus de Pierre Bourdieu et la théorie du genre de Stephanie A. Shields. Cette partie sera suivie d’une description de la méthode utilisée dans cette recherche pour prendre en compte les émotions dans le discours des migrants. Nous développerons ensuite notre analyse des matériaux empiriques qui nous permettra de démontrer que les émotions exprimées par les migrants selon leur genre leur permettent temporairement de rester attachés à leur famille durant l’expérience migratoire et de performer leur identité du genre.
Contexte et déroulement de l’enquête de terrain : étudier les Argentins à Miami et à Barcelone
8En l’an 2000, le nombre de personnes nées en Argentine recensées sur le territoire américain était de 100 864, pour s’élever en 2005 à 185 618 [22]. En Espagne, l’immigration argentine a également augmenté de manière considérable durant la période du corralito. Ainsi, en 1999, l’on comptait 60 020 personnes nées en Argentine et vivant sur le territoire espagnol, dont 40 767 avaient la nationalité espagnole. En 2001, elles étaient 84 872, dont 47 247 étaient des citoyens espagnols. En 2005, cette présence s’élevait à 260 887 personnes, dont 75 010 avaient la nationalité espagnole [23]. Si la communauté argentine est plus importante en Espagne qu’aux États-Unis, des similitudes peuvent être soulignées. Tout d’abord, la part d’hommes et de femmes y est équivalente, ainsi que leur âge moyen : 33 ans et demi [24]. De même, on retrouve une certaine symétrie quant à la répartition géographique des Argentins sur le territoire étatsunien et sur le territoire espagnol, puisqu’ils se concentrent uniquement dans quelques pôles urbains. En effet, 60 % des Argentins séjournant de manière régulière aux États-Unis se regroupaient dans trois États seulement : 52 682 en Floride, 33 529 en Californie et 22 869 à New York [25]. Le choix de la Floride, et en particulier de la ville de Miami [26], peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Miami est l’une des villes des États-Unis les plus proches de Buenos Aires en avion, une important communauté latino-américaine y réside, et la pratique de l’anglais n’y est pas nécessaire dans la vie quotidienne, puisque l’espagnol y est très largement parlé. En Espagne, les Argentins se concentrent à Barcelone [27] et à Madrid. Si Miami et Barcelone peuvent sembler différentes historiquement et géographiquement, elles ont en commun le fait d’être des villes côtières, où l’économie touristique est importante et où deux langues coexistent, l’espagnol et le catalan pour Barcelone, l’espagnol et l’anglais pour Miami [28].
9Notre enquête vise à comprendre l’interconnexion entre les émotions, les représentations et les actions selon le genre des individus durant l’expérience migratoire. Nous avons donc relevé les émotions exprimées dans les discours des enquêtés afin d’être au plus près de leurs états cognitifs, pour ainsi comprendre pourquoi un individu aspire à émigrer, avec qui, où, et pour analyser les conséquences de la migration pour les migrants, mais aussi pour leur famille restée dans le pays d’origine. Nous avons réalisé 52 entretiens semi-directifs en espagnol avec des Argentins ayant quitté leur pays entre 1999 et 2003. 30 entretiens ont eu lieu à Miami avec 18 femmes (dont 12 parties avec leur conjoint) et 12 hommes (dont six ont émigré avec leur conjointe). 22 entretiens ont été menés à Barcelone avec 10 femmes (dont cinq parties avec leur conjoint) et 12 hommes (dont cinq ont émigré avec leur conjointe). On note une certaine homogénéité parmi ces enquêtés au niveau de l’âge, (28-45 ans), de la classe sociale (classe moyenne argentine) et de l’origine géographique (grandes villes argentines, notamment Buenos Aires et sa région). Ces deux terrains d’enquête ne se sont pas déroulés simultanément, puisque trois ans séparent le début de notre recherche à Miami (2008) et la fin de nos travaux à Barcelone (2010). En se basant principalement sur des entretiens et non sur une observation directe de l’expérience migratoire, nous avons dû tenir compte du fait que les émotions exprimées sont le résultat d’une reconstruction mémorielle ; elles se basent sur des souvenirs qui sont, comme le rappelle Anne Muxel, des « fictions vraies » [29]. La temporalité fait ainsi partie intégrante des résultats obtenus.
10Les entretiens ont été retranscrits et codifiés par le biais d’un logiciel nous permettant de faire des comparaisons automatisées, par thématique ou par la recherche de termes se référant à des émotions (« mot-émotion ») spécifiques, pour ainsi limiter les biais interprétatifs que peut générer un simple regroupement des lectures des entretiens retranscrits. En outre, notre travail ne s’est pas limité à une recherche de mots-émotions ; le discours humain ayant un effet pragmatique [30], les individus peuvent parfois utiliser des termes vagues pour décrire les émotions. Ceux-ci ont été pris en compte au cours des entretiens et codifiés en mots-émotions. De plus, nous avons regroupé les émotions similaires exprimées par des termes différents et ignoré les degrés d’intensité des émotions qui peuvent être culturels.
Genre, émotions et communications transnationales
11La formation des liens familiaux transnationaux est genrée et émotionnelle. Ces liens permettent aux membres d’une même famille d’apporter un support émotionnel et de se sentir appartenir à un même groupe malgré la distance géographique. Si les pratiques transnationales ne sont pas nouvelles, les migrants ayant toujours essayé de garder le contact avec leur famille restée dans leur pays d’origine, ce qui a changé pour les migrants et leur famille, parfois qualifiée de « multi-située », « binationale », « multi-locale », « transcontinentale » ou « internationale » [31], ce n’est pas le désir de rester en contact en dépit de la distance géographique, mais surtout la facilité à le faire grâce aux nouvelles technologies.
12Les nouvelles technologies ont facilité la communication transnationale. Elles permettent des échanges émotionnels entre les membres d’une famille [32] et changent ou influencent le rôle du genre des individus [33]. Ces échanges permettent ici de réactiver la culpabilité. Certaines femmes interrogées ont souligné le fait que lors des communications transnationales, leur famille leur reprochait d’avoir émigré. C’est le cas de Violeta, qui vit désormais à Miami : « Ma mère regrette beaucoup que je sois partie. Elle s’en est rendue malade. Elle a fait une dépression, une dépression physique. Elle est malade. Donc, non, pour ma mère, ce ne fût pas facile. Jour après jour, grâce à Dieu, elle ne me le dit pas directement parce qu’elle sait que cela me fait du mal. Mais jusqu’à aujourd’hui, encore ce matin, elle m’a dit : “Ah, j’ai rêvé que j’étais avec tous mes petits-enfants”. Mais c’est impossible. En plus, maintenant, mon frère est également parti de la maison [de leur mère], alors à chaque fois, cela devient de moins en moins possible ».
13La mère de Violeta ne cherche peut-être pas volontairement à faire culpabiliser sa fille, mais cette dernière se sent coupable depuis cette conversation. Sa mère lui reproche un manque de coprésence, la transgression de certaines normes sociales, mais aussi le fait que cette migration l’a empêchée de remplir son rôle de grand-mère. Étant la seule fille, Violeta se sent responsable des souffrances de sa mère. En effet, selon la caractérisation des rôles de genre prédominants en Argentine [34], les femmes doivent s’occuper non seulement de leur mari et de leurs enfants, mais aussi de leurs parents [35]. La culpabilité peut alors être considérée comme une réaction à la désapprobation sociale lorsque les femmes s’éloignent de la représentation dominante que chacun se fait d’une « bonne mère », d’une « bonne sœur » ou encore d’une « bonne fille ». D’une certaine façon, c’est comme si les migrantes ne faisaient plus partie de leur famille restée en Argentine en raison de la distance géographique. Ici, l’expression de la culpabilité permet à Violeta de gérer, à sa manière, le conflit entre les attentes de sa mère à son endroit et sa propre interprétation de son rôle.
14Les communications transnationales peuvent accentuer le “désir” (longing) des migrants, qui est défini par Elspeth Probyn comme « l’expérience de l’absence à travers la distance » [36]. Les membres d’une même famille ne sont pas « là », au même endroit ni au même moment. Les familles des migrants peuvent exprimer ce manque de coprésence durant les communications transnationales, ce qui peut réactiver la culpabilité. Les émotions sont en effet incarnées dans les relations de pouvoir de genre à travers « l’habitus ». L’habitus nécessite l’incorporation individuelle dans une structure sociale, la construction spécifique d’une disposition vers un schème d’action et de représentation ainsi qu’une émotion spécifique [37] vécue selon le genre des individus. Par ailleurs, à travers l’interrelation des schèmes sociaux, les émotions sont des outils de contrôle qui justifient les rôles du genre et contraignent les individus à les performer. En blâmant les migrants, et en réactivant la culpabilité, il est ainsi possible que les membres d’une famille essaient de les influencer afin qu’ils envisagent un retour. Durant son entretien, Violeta a exprimé le désir de rentrer en Argentine. D’autres femmes ont exprimé le souhait de rentrer afin de réparer ce qu’elles conçoivent comme une « faute ». En effet, les critiques sont des rappels des normes et des valeurs qui ne s’appliquent pas forcement aux actions, mais qui sont plutôt précurseurs d’actions [38]. En outre, Violeta étant l’aînée, il est donc attendu d’elle qu’elle prenne soin de sa mère et de « tout bien faire », mais aussi d’être « au bon endroit ». Or, ici, la mère de Violeta semble lui dire qu’elle n’est « pas à sa place » [39]. La distance géographique ne permet pas aux femmes de remplir leur rôle du genre de manière « traditionnelle » ; en émigrant, les femmes sont « en dehors du lieu » [40]. L’expression de la culpabilité est aussi utilisée par ces femmes de manière argumentative pour légitimer leur décision d’agir (de migrer) et de performer leur rôle du genre.
Migration et performation du rôle du genre
15En exprimant de la culpabilité vis-à-vis de leur émigration, certaines migrantes suivent les « règles de sentiments » [41] et performent leur sens moral des responsabilités familiales [42]. En effet, la position hiérarchique des genres dans la structure sociale détermine la nature des émotions qui peuvent être extériorisées, le lieu où elles s’expriment, la raison qui les motivent les personnes en présence et le contexte. C’est ce qu’Arlie R. Hochschild appelle les « règles de sentiments » [43]. Pour cette auteure, l’expression des émotions vis-à-vis d’un objet ou d’une situation particulière est plus ou moins légitimée, obligatoire, ou perçue comme irrationnelle selon le genre des individus. Dans cette perspective, au sein de certaines cultures, il peut être attendu des femmes qu’elles expriment certaines émotions comme la peur, la honte, l’embarras, la détresse, la tristesse, etc. [44], qui sont liées à la vulnérabilité, alors qu’il peut être attendu que les hommes expriment des émotions associées à un statut social supérieur. L’expression d’émotion spécifique permet aux individus d’appartenir socialement à un genre ou à un autre. « Faire genre », « exprimer des émotions pour faire genre » [45] apparaît donc comme socialement gratifiant, alors que ne pas exprimer la « bonne » émotion ou ne pas pratiquer les rôles de genre peut entraîner des sanctions sociales pour les individus considérés comme déviants. Les individus auront de ce fait tendance à performer leur rôle du genre avec leur famille et aussi devant les enquêteurs.
16Ainsi, au cours de nos entretiens, les femmes ayant migré avec leur mari décrivent la migration comme étant avant tout une aspiration de leur époux. Selon elles, c’est leur mari qui a eu le courage de prendre la décision de migrer, comme l’affirme Jimena, vivant à Miami : « Si j’avais été un homme, avec mon caractère, je pense que je n’aurais pas pris la décision de déménager. [...] Je n’aurais pas décidé de migrer seule. Je n’en aurais pas eu le courage ».
17En décrivant la migration comme une décision prise par les hommes, les femmes ayant migré en couple performent leur rôle de genre. En effet, elles décrivent la migration comme un défi relevé par les hommes qui ont été courageux en bravant leur peur (de l’inconnu notamment). Cette dernière est intrinsèquement liée au courage, puisque c’est une émotion qui est mobilisée afin de contrer le danger [46].
18Pour les hommes interrogés au cours de cette enquête, la migration implique l’honneur et une certaine gloire sociale. Leurs propos montrent qu’ils ont pris le risque de partir, initialement seuls dans la majorité des cas, afin de trouver un endroit sûr leur permettant d’envisager un futur plus prometteur pour eux et, plus tard, pour leur famille. La décision de migrer semble donc relever de leur responsabilité sociale, ce faisant ils ont performé leur rôle masculin.
19La majorité des hommes qui ont migré vers Miami appartenaient à la catégorie socioprofessionnelle des entrepreneurs et des petits commerçants, alors que ceux qui se sont dirigés vers Barcelone exerçaient pour la plupart une profession libérale. Ces différences de catégories socioprofessionnelles peuvent influencer les choix des individus quant à leur destination. Les entretiens ont mis en lumière le fait que certains Argentins ayant émigré à Miami ont fait le choix du « rêve américain », tandis que ceux qui ont opté pour Barcelone l’ont fait parce que l’Espagne avait accueilli de nombreux intellectuels et réfugiés politiques argentins durant les dictatures [47]. Le choix de Miami apparaît plus comme la résultante d’un choix économique, alors que les migrations vers Barcelone semblent plus relever d’un choix politique. Les enquêtés argentins que nous avons rencontrés à Barcelone et à Miami avaient en Argentine soit perdu leur emploi, soit percevaient un salaire qui n’était plus suffisant pour subvenir aux besoins de leur famille en raison de l’hyperinflation qui avait cours à cette période-là [48]. Face à cette crise économique majeure, les enquêtés nous ont affirmé avoir ressenti de la honte de ne pas pouvoir remplir le rôle habituellement dévolu à leur genre en Argentine [49]. Ce pays, comme lieu de vie, ne faisait plus sens pour eux [50].
20L’attachement aux lieux est lié aux identités du genre, c’est-à-dire aux émotions et aux effets normatifs des actions selon le genre des individus. Durant la crise en Argentine à la fin des années 1990, les hommes n’étaient pas capables de remplir leur rôle du genre. Ils ont perdu leur « sens du lieu » [51]. Dans cette perspective, ils ont vu la migration comme la « bonne » chose à faire. Quelques années après avoir fait le choix d’émigrer, ils n’expriment pas de culpabilité à propos de la séparation familiale et évoquent un fort rejet de l’Argentine, pays dans lequel ils ne souhaitent plus revenir. En effet, contrairement aux femmes, les hommes, qu’ils aient migré en étant mariés ou célibataires, expriment un rejet violent de l’Argentine, ce qui se traduit pour certains par la volonté de rompre tout lien avec leur pays d’origine. Ce rejet est toujours lié à leur impossibilité d’évoluer professionnellement. Au cours de nos entretiens, certains nous ont confié ne plus rien ressentir pour l’Argentine, ou encore qu’ils ne comptaient plus jamais y retourner. Ils se sentent dans leur droit d’avoir émigré [52], éprouvant le sentiment d’avoir fait « ce qu’ils avaient à faire » face à la situation désespérée dans laquelle ils se trouvaient. Même si leur famille restée en Argentine exprime certaines critiques à leur égard, la socialisation masculine leur permet de les ignorer, de rationaliser ou de justifier leur acte migratoire, comme c’est le cas de Marcelo, qui vit désormais à Barcelone : « Ma mère m’a demandé : “Pourquoi tu es parti ?” Et moi, j’ai répondu quelque chose d’horrible, je lui ai dit que je ne pouvais pas vivre la tête, le corps et le cœur tiraillés de tous les côtés. Je lui ai répondu : “Parce que je n’ai pas de motif pour rester”. Alors elle a continué : “Et moi ?”. C’est, je crois la douleur de… Mais bon. Elle a fini par accepter ».
21Nos données d’enquête ne permettent pas de déterminer si ces hommes ressentent de la culpabilité même s’ils ne l’expriment pas devant nous. En effet, l’expression ou la non-expression de la culpabilité peut également être une stratégie pour les migrants de performer leur rôle du genre durant nos entretiens. Le genre de l’enquêtrice peut peut-être influer sur la réponse des enquêtés, c’est pourquoi une étude comparative serait nécessaire afin de déterminer si ce facteur est prépondérant dans les réponses obtenues. Néanmoins, Marcelo ne semble pas interpréter et vivre cette conversation avec sa mère de la même manière que Violeta avec la sienne. Le fait que Marcelo minimise la distance géographique avec sa mère est peut-être dû au fait que sa sœur vit près d’elle. De plus, les « règles de sentiments » correspondant à la masculinité et relatives à la séparation de la famille ne sont pas les mêmes pour les femmes. L’expression de la culpabilité peut aussi permettre aux femmes de montrer socialement leur appartenance à un genre spécifique à travers l’expression de certaines émotions et d’actions qui y correspondent.
22Les femmes rencontrées ont, quant à elles, souvent décrit la migration comme un sacrifice, qu’elles aient émigré en étant mariées ou célibataires. Cependant, celles qui ont migré seules voient leur migration comme une opportunité de travail au même titre que les hommes. Leur statut de célibataire leur permet de considérer la migration différemment, parce que la migration est aussi perçue comme une « aventure », un moyen de « tenter sa chance », d’aller plus loin. Si l’acte de migrer est ici vu comme typiquement masculin et sa performation socialement valorisée, la migration des femmes est généralement assimilée à une transgression de leur rôle de genre. Cette situation peut amener ces femmes, ainsi que leur famille, à effectuer un « travail émotionnel ».
L’ajustement des rôles de genre
23Certaines femmes interrogées à Barcelone n’exprimaient plus de sentiment de culpabilité au moment de l’entretien, contrairement aux Argentines ayant émigré à Miami. Les vives réactions que suscitaient chez les familles la migration et le non-retour de leur proche appartiennent désormais au passé, comme l’exprime ici Cecilia, vivant à Barcelone : « Quand j’ai décidé de migrer, ma famille a mal, très mal réagi. Ils pensaient que c’était une folie. Ils me disaient que c’était une folie. Je te le dis, il n’y en a aucun qui m’a suivie dans mon projet. J’ai un frère, il est venu me voir après cinq ans [passés à Barcelone] et il m’a dit : “Comment tu peux vivre là-dedans ?”. Et après, plus personne. Personne. Même pas ma mère, quand j’ai eu ma fille. Personne. Ils me regardent toujours comme si j’étais, comme si j’étais... Ils me disent que je suis super froide, que je ne suis pas là avec mes frères, que la petite [sa fille] est loin de ses grands-parents et, à un moment, ils pensaient que j’allais rentrer. Mais maintenant, ils ne me le demandent plus. Les cinq premières années, oui. Mais, maintenant, non. Ils ne me le demandent plus ».
24La migration de Cecilia peut être analysée comme un défi lancé à sa famille, une position idéologique, une rébellion vis-à-vis de ses proches restés en Argentine, voire une fuite. Ses parents lui reprochent d’avoir des sentiments inappropriés, ou plutôt de ne pas avoir de sentiments, puisqu’ils jugent Cecilia « froide ». Ils la « punissent » à travers leurs paroles et la rappellent à l’ordre sur les sentiments qu’elle devrait exprimer. Il semblerait que sa famille tente de contrôler la direction de ses sentiments. Par ailleurs, le fait qu’ils lui demandent sans cesse la date de son retour est une manière de lui signifier qu’elle doit impérativement rentrer.
25Marcelo n’a pas connu une telle situation, comme nous l’avons constaté précédemment à travers ses propos, d’autant plus qu’il semble être capable de dépasser les reproches que lui fait sa mère. Il a une sœur qui vit en Argentine, près de sa mère, ce qui n’est pas le cas de Cecilia et de Violeta, qui sont les seules filles de la famille. Un certain devoir du travail du care semble être l’une des causes de l’expression de la culpabilité chez les femmes. Néanmoins, comme l’a décrit Cecilia dans son récit, sa famille a fini par arrêter de lui reprocher sa migration au bout des cinq premières années passées à l’étranger.
26La prise en compte d’une possible redéfinition de la situation familiale et des émotions en tant qu’état transitoire permet de comprendre pourquoi les femmes rencontrées à Barcelone considèrent la culpabilité comme un sentiment passé. En effet, lorsqu’une disjonction apparaît entre la construction de la subjectivité du genre et la pratique des rôles du genre, un individu peut expérimenter une émotion qui le contraint à remplir son rôle de genre à travers ce qu’Arlie R. Hochschild nomme le « travail émotionnel ». Selon cette auteure, les individus peuvent réaliser ce travail cognitivement et/ou à travers le corps afin d’essayer de modifier le degré ou la nature de leurs émotions et de leurs sentiments. D’un côté, le travail cognitif implique un changement des émotions ressenties par un individu en changeant les « images, les pensées, les souvenirs ». De l’autre, le travail corporel est une tentative des individus pour changer leur état physiologique.
27Il peut s’effectuer par le biais des gestes de surface et/ou des gestes de profondeur. Les gestes de surface permettent d’exprimer des émotions sans que les individus ne les expérimentent, tandis que les gestes profonds définissent deux actions émotionnelles : l’une permet à un individu d’exprimer les émotions qu’il ressent au moment présent, l’autre de ressentir une émotion éprouvée par le passé. Il ressort de nos entretiens que ce travail émotionnel est effectué par les enquêtés selon deux modalités. Soit les migrants et leur famille effectuent une redéfinition de la situation familiale [53], c’est-à-dire des représentations de la « famille imaginée », qui génère un changement des émotions exprimées et/ou ressenties par rapport à la migration. Soit les migrants et leur famille expérimentent certaines émotions qui les amènent à redéfinir la situation familiale à la suite de la migration. Dans les deux cas, les émotions ressenties par les individus vis-à-vis de l’expérience migratoire ne sont pas fixes dans le temps.
28Les émotions sont en effet des états transitoires qui impliquent des droits et des devoirs de sentiments, établis selon trois facteurs : « l’étendue (on peut ressentir “trop” de colère ou “pas assez”), la direction (on peut ressentir de la tristesse alors que l’on devrait ressentir de la joie) et la durée d’un sentiment, compte tenu de la situation dans laquelle il se présente » [54]. Le temps permet donc à la famille d’un individu d’effectuer un « travail émotionnel », ses proches se sont habitués à la séparation géographique et ont changé leur représentation de la « famille imaginée ». En outre, trois années se sont écoulées entre le début de notre terrain à Miami et la fin de notre enquête à Barcelone, ce qui peut expliquer pourquoi les femmes interrogées à Barcelone évoquent la culpabilité comme un sentiment passé, ce qui n’est pas le cas des femmes rencontrées à Miami, même si elles ont toutes migré au même moment. En effet, les émotions et l’identification aux rôles du genre ne sont pas statiques, elles sont malléables selon les circonstances. Les représentations de la « famille imaginée » peuvent ainsi changer à travers le temps, comme le sentiment de culpabilité.
29Le contexte de départ et d’arrivée peut également influer sur le travail émotionnel des familles [55]. Au cours de notre enquête de terrain, la situation économique s’est améliorée en Argentine, alors qu’au même moment les États-Unis et l’Espagne subissaient les premiers effets de la crise économique de 2008. Toutefois, les personnes interrogées ne voient pas de comparaison possible entre la crise économique qu’ils ont connue en Argentine et celle qu’ils ont pu vivre à Miami ou à Barcelone. Ils se sentent plus protégés économiquement par les gouvernements respectifs de leur pays d’immigration que par le gouvernement argentin. Néanmoins, les Argentins qui vivent à Miami et ceux qui vivent à Barcelone n’ont pas le même statut juridique puisque les premiers, pour la plupart, séjournent irrégulièrement sur le territoire, ce qui n’est pas le cas pour les seconds. En effet, la majorité des Argentins vivant à Barcelone ont pu bénéficier de la naturalisation grâce à la réintégration dans la nationalité espagnole de leurs parents ou de leurs grands-parents. La réintégration dans la nationalité implique un retour sur l’histoire familiale afin de trouver une filiation européenne d’un des membres de la famille afin d’accéder au « passe de mobilité ». Cette recherche de « nationalité de secours » peut s’effectuer sur plusieurs générations [56] avant même le départ. Les Argentins résidant en Espagne peuvent ainsi rendre visite à leur famille plus souvent que les Argentins séjournant à Miami, puisque ces derniers sont pour la plupart en situation irrégulière. Par ailleurs, lorsque la famille des migrants argentins résidant à Miami souhaite venir rendre visite à ces derniers, ces membres font face, dans beaucoup de cas, à un rejet de leur demande de visa par les autorités des États-Unis [57]. Le statut des migrants argentins à Miami fait qu’il est plus compliqué pour les femmes et les hommes de se retrouver avec leur famille, contrairement à ceux qui résident à Barcelone.
30De plus, il existe une relation dialectique entre la situation et l’habitus considéré comme un système durable et une disposition transposable qui intègrent toutes les expériences passées. L’acte de migrer se conçoit comme un « à venir » tout en résultant d’expériences accumulées [58]. La pratique de la migration comme partie intégrante de l’histoire familiale rend possible des transferts de schèmes analogiques de la migration et permet donc de changer l’expression de la culpabilité durant l’expérience migratoire.
31Lorsque la migration est une pratique familiale, les migrants et leur famille n’éprouvent pas les mêmes sentiments à l’égard de la séparation géographique. Ils n’ont pas les mêmes représentations de la « famille imaginée ». Un antécédent migratoire (national ou international) peut faire de la migration une pratique « normale ». Ainsi, une première séparation peut faire que la migration de ces Argentins à l’étranger soit acceptée, comme le démontre le récit d’Andrea, qui vit à Miami : « [Quand j’ai décidé de migrer,] ils [ma famille] furent très contents. Je ne vivais déjà plus à Córdoba [ville du centre-nord de l’Argentine]. Je me suis mariée à Cordoba, mais nous sommes partis nous installer à Sale, dans le nord du pays. Ce n’était pas facile de venir nous rendre visite. On était déjà séparés. Ce fût la première fois, la première séparation. Quand on a décidé de venir ici [à Miami], ils l’ont tout de suite accepté. Ils ont accepté notre décision ».
32Il arrive toutefois que certains proches ayant eux-mêmes expérimenté la migration blâment ceux qui partent à l’étranger. Avant leur départ, ces derniers peuvent également être mis en garde par des oncles ou des parents sur l’éventualité qu’ils ne reviendront peut-être jamais au pays, comme ce fût le cas pour eux, qui ont déjà quitté l’Argentine.
Conclusion
33Prendre en compte l’interconnexion « du genre, des représentations, des émotions et des actions » nous permet d’approfondir la compréhension de la migration en tant qu’expérience genrée et émotionnelle. Nous avons vu tout d’abord que les communications transnationales entre les migrants et la famille restée en Argentine permettent de réactiver le sentiment de culpabilité chez les femmes et pas chez les hommes. En effet, les femmes et les hommes ne perçoivent pas de la même manière les reproches familiaux et les critiques face au manque de coprésence. Les femmes rencontrées vivent la migration avec un sentiment de culpabilité, alors que les hommes se sentent et se disent être dans leur droit. Néanmoins, exprimer ou non de la culpabilité peut également être une stratégie de performation des rôles de genre pour les hommes et les femmes à l’égard de leur famille en Argentine, mais aussi durant nos entretiens.
34Ce texte souligne également le travail émotionnel effectué par ces individus puisque, comme nous l’avons constaté, le temps qui s’est écoulé entre le moment du départ du pays d’origine et nos entretiens a permis aux migrants et à leurs proches de modifier leurs représentations de la « famille imaginée » et/ou leurs émotions par rapport à la transformation de la famille à un niveau transnational.
35Finalement, en s’intéressant aux Argentins vivant à Miami et à Barcelone, cette recherche souligne que la culpabilité est un état transitoire, qui dépend de quatre facteurs interconnectés : les représentations des rôles de genre par les migrants ; les représentations de la famille que s’en font ses membres, qu’il s’agisse des migrants ou de ceux restés au pays ; les transformations de ces représentations qui interviennent durant l’expérience migratoire en particulier et du fait de la distance géographique ; le contexte de départ et le contexte d’arrivée. L’ensemble de ces facteurs devrait être testés dans le cadre d’une étude comparative afin de comprendre l’expression de la culpabilité, mais pas seulement. En effet, l’expression d’autres émotions telles que la joie, la nostalgie, la tristesse, par exemple, devrait également être pris en compte afin de comprendre dans toute sa richesse et sa complexité cette expérience émotionnelle qu’est la migration.
Notes
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[*]
Chargée de recherche et enseignante contractuelle, Université Pierre-et-Marie-Curie, Sorbonne Universités. Chercheure associée au Centre population et développement (ceped, unité mixte de recherche 196), Université Paris-V-Descartes/Institut de recherche pour le développement.
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[2]
Version actualisée de l’article suivant : VERMOT, Cécile, “Guilt: A Gendered Bond Within the Transnational Family”, Emotions, Space and Society, vol. 16, August 2015, pp. 138-146.
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[3]
Voir PROBYN, Elspeth, Outside Belongings, London : Routledge, 1996, 181 p. ; ANDERSON, Kay ; SMITH, Susan J., “Emotional Geographies”, Transactions of the Institute of British Geographers, n° 26, 2001, pp. 7-10. ; ROWE, Dorothy, “The Meaning of Emotion”, Journal of Health Organisation and Management, vol. 19, n° 4-5, 2005, pp. 290-296 ; SVAŠEK, Maruška, “Who Care? Families and feeling in movement”, Journal of Intercultural Studies, vol. 29, n° 3, 2008, pp. 213-230 ; YUVAL DAVIS, Nira, “Belonging and The Politics of Belonging”, vol. 40, n° 3, 2006, pp. 197-214 ; ANTHIAS, Floya, “Belongings in a Globalising and Unequal World: Rethinking Translocations”, in : YUVAL-DAVIS, Nira ; KANNABIRAN, Kalpana ; VIETEN, Ulrike ; (sous la direction de), The Situated Politics of Belonging, London : Sage Publications, 2006, pp. 17-31.
-
[4]
Voir BUTLER, Judith, Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, Hove : Psychology Press, 1990, 256 p. ; BELL, Vikki, “Performativity and Belonging. An Introduction”, Theory Culture & Society, vol. 16, n° 2, 1999, pp. 1-11 ; FORTIER, Anne-Marie, Migrant Belongings. Memory, Space, Identity, Oxford : Berg, 2000, 209 p. ; FENSTER, Tovi, “The Right to The Gendered City: Different Formations of Belonging in Everyday Life”, Journal of Gender Studies, vol. 14, n° 3, 2005, pp. 217-231 ; SKRBIS, Zlatko ; BALDASSAR, Loretta ; POYNTING, Scott, “Introduction - Negotiating Belonging: Migrations and Generations”, Journal of Intercultural Studies, vol. 28, n° 3, 2007, pp. 261-269.
-
[5]
WEST, Candace ; ZIMMERMAN, Don H., “Doing Gender”, Gender and Society, vol. 1, n° 2, June 1987, pp. 125-151.
-
[6]
Voir MEAD, Margaret, Mœurs et sexualité en Océanie, Paris : Éd. Pocket, 1980 (1ère éd. 1935), 606 p. ; LOIS, Jennifer, 2001, “Peaks and Valleys: The Gendered Emotional Culture of Edgework”, Gender and Society, vol. 15, n° 3, June 2001, pp. 381-406 ; LOIS, Jennifer, “Gender and Emotion Management in The Stages of Edgework”, in : LYNG, Stephen (sous la direction de), Edgework: The Sociology of Risk-taking, New-York : Routledge, 2005, pp. 117-152.
-
[7]
NUSSBAUM, Martha C., Upheavals of Thought: The Intelligence of Emotions, Cambridge : Cambridge University Press, 2003, 768 p. ; ELSTER, Jon, Las uvas amargas. Sobre la subversión de la racionalidad, Barcelona : Edición 62, 1989, 264 p.
-
[8]
LE GALL, Josiane, “Familles transnationales : bilan des recherches et nouvelles perspectives”, Les Cahiers du Gres, vol. 5, n° 1, printemps 2005, pp. 29-42.
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[9]
ZONTINI, Elizabetta, Transnational families, Boston College Encyclopedia [En ligne], 2007, http://wfnetwork.bc.edu/encyclopedia_entry.php?id.6361&area.All.
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[10]
ARANDA, Elizabeth M., Emotional Bridges to Puerto Rico: Migration, Return Migration, and the Struggles of Incorporation, Lanham : Rowman & Littlefield Publishers, 2006, 210 p. ; BALDASSAR, Loretta, “Transnational Families and The Provision of Moral and Emotional Support: The Relationship Between Truth and Distance”, Identities, vol. 14, n° 4, 2007, pp. 385-409, HONDAGNEU-SOTELO, Pierrette ; AVILA, Ernestine, “‘I’m Here, but I’m There’: The Meanings of Latina Transnational Motherhood”, Gender and Society, vol. 11, n° 5, October 1997, pp. 548-571 ; PARRENAS, Rachel Salazar, Children of Global Migration: Transnational Families and Gendered Woes, Redwood City : Stanford University Press, 2005, 220 p.
-
[11]
Nous utiliserons dans cet article le terme anglais « care », car la définition que nous en faisons va bien plus loin que la simple notion de « sollicitude » qui est parfois utilisée comme traduction en français.
-
[12]
BUBECK, Diemut Elisabet, Care, Gender, and Justice, Oxford : Oxford University Press, 1995, 128 p.
-
[13]
DI LEONARDO, Micaela, “The Female World of Cards and Holidays: Women, Families and The Work of Kinship”, Signs: Journal of Women in Culture and Society, vol. 12, n° 3, Spring 1987, pp. 440-453.
-
[14]
BAUMEISTER, Roy F. ; STILLWELL, Arlene M. ; HEATHERTON, Todd F., “Guilt: An Interpersonal Approach”, Psychological Bulletin, vol. 115, n° 2, 1994, pp. 243-267.
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[15]
RIVERA, Joseph, “Introduction: Emotions and Justice”, Social Justice Research, vol. 3, 1989, pp. 277-281.
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[16]
SHIELDS, Stephanie A., Garner, Dallas N., Leone, Brooke, Hadley, Alena M., Gender and emotion. IN: STETS, Jan E., TURNER, Jonathan H. (Eds.), Handbook of the Sociology of Emotions. Springer US, Boston, MA, 2007, pp. 63-83.
-
[17]
Le terme « corralito » est, en espagnol, le diminutif de corral, qui signifie « enclos à animaux d’élevage ». Ce terme fût utilisé pour la première fois par le journaliste économique Antonio Laje.
-
[18]
Voir IRIAT, Celia ; WAITZKIN, Howard, “Argentina: No Lesson Learned”, International Journal of Health Services: Planning, Administration, Evaluation, vol. 36, n° 1, 2006, pp. 177-196.
-
[19]
Voir le site internet de l’Institut national des statistiques espagnol (ine) : http://www.ine.es et le site internet du recensement américain, https://www.census.gov.
-
[20]
Voir HOCHSCHILD, Arlie R., “Travail émotionnel, règles de sentiments et structure sociale”, Travailler, vol. 1, n° 9, 2003, pp. 19-49 (voir p. 21).
-
[21]
L’intérêt du sociologue ou de l’anthropologue n’est pas d’analyser les différences entre les émotions, les sentiments, ou les affects au niveau physiologique, mais surtout de saisir leur pertinence en fonction des contextes, des pratiques, des cultures, d’un temps historique donné ; c’est-à-dire décrypter les théories vernaculaires à leur propos, comprendre la manière dont elles sont perçues et conceptualisées par la population étudiée. En effet, la sémantique et la symbolique qui accompagnent ces différences ne sont pas universelles. Voir LUTZ, Catherine A., Unnatural Emotions: Everyday Sentiments on a Micronesian Atoll and Their Challenge to Western Theory, Chicago : University of Chicago Press, 1988, 281 p. ; LEAVITT, John, “Meaning and Feeling in the Anthropology of Emotions”, American Ethnologist, vol. 23, n° 3, 1996, pp. 514‑539).
-
[22]
Voir le site internet de l’Institut national des statistiques argentin, http://www.indec.gov.ar.
-
[23]
Voir le site internet de l’Institut national des statistiques espagnol : http://www.ine.es.
-
[24]
Voir IRIAT, Celia ; WAITZKIN, Howard, “Argentina: No Lesson Learned”, art. cité.
-
[25]
Voir le site internet du recensement américain, https://www.census.gov.
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[26]
En 2007, 25 659 Argentins vivaient à Miami, selon le site internet de l’Institut national des statistiques argentin : http://www.indec.gov.ar.
-
[27]
En 2007, 20 000 Argentins vivaient à Barcelone, selon le site internet de l’Institut national des statistiques argentin : http://www.indec.gov.ar.
-
[28]
D’un point de vue législatif, les langues coexistent de manière différente à Miami et à Barcelone. En effet, la Catalogne est reconnue comme une région bilingue où l’usage du catalan est favorisé par des politiques volontaristes, alors qu’en Floride, comme dans le reste des États-Unis, il n’y a pas de langue officielle.
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[29]
MUXEL, Anne, Individu et mémoire familiale, Paris : Éd. Nathan, 2000, 226 p.
-
[30]
Dans une perspective linguistique, la pragmatique est un domaine dans lequel sont étudiés les rapports de la langue et de son usage.
-
[31]
LE GALL, Josiane, “Familles transnationales : bilan des recherches et nouvelles perspectives”, art. cité.
-
[32]
BENSKI, Tova ; FISHER, Eran, “Introduction: Investigating Emotions and The Internet”, in : BENSKI, Tova ; FISHER, Eran (sous la direction de), Internet and Emotions, New York : Routledge, 2014, pp. 1-17.
-
[33]
LEVITT, Peggy, The Transnational Villagers, Berkeley : University of California Press, 2001, 281 p.
-
[34]
En Argentine, la division des rôles selon le sexe des individus voit l’homme comme le pourvoyeur financier principal, fort et autoritaire, et la femme comme une épouse et une mère empreinte d’affectivité, de tendresse et d’amour. Voir BARRANCOS, Dora, Mujeres en la sociedad argentina. Una historia de cinco siglos, Buenos Aires : Sudamericana, 2010, 352 p. ; JELIN, Elizabeth, “La familia en la Argentina : Modernidad, crisis económica y acción política”, in : VALDÉS, Teresa E. ; VALDÉS, Ximena S. (sous la direction de), Familia y vida privada : transformaciones, tensiones, resistencias y nuevos sentidos?, Santiago : FLASCO, 2005, pp. 41-77.
-
[35]
Dans cette perspective, lorsque les parents vieillissent et que leurs enfants ont émigré, ces derniers peuvent faire l’expérience de la culpabilité du fait de ne pas pouvoir prendre soin de leurs parents. La culpabilité peut ainsi dépendre de l’âge des parents des migrants.
-
[36]
PROBYN, Elspeth, Outside Belongings, Routledge, op. cit. (voir p. 1).
-
[37]
BOURDIEU, Pierre, “L’identité et la représentation”, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, vol. 35, n° 1, novembre 1980, pp. 63-72.
-
[38]
HOCHSCHILD, Arlie R., The Managed Heart: Commercialization of Human Feeling, Twentieth Anniversary Edition, With a New Afterword, Berkeley : University of California Press, 1983, 330 p.
-
[39]
CRESSWELL, Tim, In Place/Out of Place: Geography, Ideology and Transgression, Minneapolis : University of Minnesota Press, 1996, 201 p.
-
[40]
Ibidem (voir p. 8).
-
[41]
HOCHSCHILD, Arlie R., The Managed Heart: Commercialization of Human Feeling, Twentieth Anniversary Edition, With a New Afterword, op. cit. (voir p. 1).
-
[42]
OLSTEAD, Riley, “Gender, Space and Fear: A study of Women’s Edgework”, Emotion Space and Society, n° 4, 2011, pp. 86-94.
-
[43]
HOCHSCHILD, Arlie R., The Managed Heart: Commercialization of Human Feeling, Twentieth Anniversary Edition, With a New Afterword, op. cit. (voir p. 1).
-
[44]
PETERSEN, Alan, Engendering emotions, New York : Palgrave Macmillan, 2005, 208 p.
-
[45]
SHIELDS, Stephanie A., Speaking from the Heart: Gender and the Social Meaning of Emotion, Cambridge : Cambridge University Press, 2002, 230 p.
-
[46]
BUTLER, Judith, Gender Trouble: Feminism and The Subversion of Identity, op. cit. (voir p. 1) ; GOODEY, Jo, “Boy Don’t Cry. Masculinities, Fear of Crime and Fearlessness”, The British Journal of Criminology, vol. 37, n° 3, 1997, pp. 401-418.
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[47]
L’Argentine a connu une succession de régimes dictatoriaux au cours du XXe siècle. Durant les deux dernières dictatures, qui se déroulèrent de 1966 à 1973 et de 1976 à 1983 et qui furent dirigées par différentes juntes militaires, de nombreux Argentins ont été contraints de s’exiler en direction de l’Espagne. Voir MIRA DELLI-ZOTTI, Guillermo ; OSVALDO ESTEBAN, Fernando, “El flujo que no cesa : aproximación a las razones, cronología y perfil de los argentinos radicados en España (1975-2001)”, art. cité.
-
[48]
En quelques années, la loi de la convertibilité et la privatisation d’une partie de l’économie du pays firent qu’une partie de la classe moyenne (les ingénieurs, les enseignants, les commerçants de quartier, les petits fabricants de textiles, les médecins hospitaliers) se transforma en une nouvelle catégorie sociale en Argentine, celle des « nouveaux pauvres ». Voir MINUJIN, Alberto ; ANGUITA, Eduardo, La clase media : seducida y abandonada, Buenos Aires : Edhasa, 2004, 340 p.
-
[49]
VERMOT, Cécile, “Capturer une émotion qui ne s’énonce pas” [En ligne], Terrains/Théories, n° 2, janvier 2015, http://teth.revues.org/224.
-
[50]
MASSEY, Doreen, Space, Place, and Gender, Minneapolis : University of Minnesota Press, 1994, 279 p.
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[51]
Ibidem (voir p. 10).
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[52]
Tous les enquêtés nous ont affirmé ne pas envoyer d’argent à leur famille, leurs proches n’en ayant pas besoin. L’expression de la culpabilité ne semble pas ici liée avec le fait d’aider financièrement la famille restée dans le pays d’origine.
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[53]
Selon William I. Thomas, avant d’agir, tout individu procède à une définition de la situation, c’est-à-dire à son examen. Les individus tendent en général à favoriser les activités hédonistes, (faire passer leur plaisir avant tout), alors que la société privilégie l’optique utilitariste (être en sécurité avant tout). La définition de la situation sociale est guidée par la morale, c’est-à-dire un ensemble de lois ou de normes comportementales régulant les expressions et les désirs. Ces deux définitions de la situation, l’une individuelle, l’autre sociale, peuvent ainsi entrer en rivalité. Dans cette perspective, afin de faire respecter une définition de la situation, la famille a intérêt, premièrement à supprimer les désirs et les activités de l’individu qui entre en conflit avec l’organisation existante, ou qui semble marquer le point de départ d’une disharmonie sociale, et deuxièmement à encourager les désirs et les actions qui sont exigés par le système social existant. Voir THOMAS, William I., The Unadjusted Girl With Cases and Standpoint for Behavior Analysis, Boston : Little Brown & Co, 1923, 261 p.
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[54]
HOCHSCHILD, Arlie R., The Managed Heart: Commercialization of Human Feeling, Twentieth Anniversary Edition, With a New Afterword, op. cit. (voir p. 1).
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[55]
Nous avons montré par ailleurs que les Argentins vivant à Miami voient s’accomplir leurs aspirations après la migration, ce qui n’est pas le cas pour les Argentins ayant migré à Barcelone. Voir VERMOT, Cécile, “Los sentimientos de pertenencia a la nacion de los inmigrantes argentinos en Miami y Barcelona” [En ligne], Boletín Onteaiken, n° 17, 2014, http://onteaiken.com.ar. Dans cette perspective, « se sentir mieux » peut être lié au fait d’exprimer moins de culpabilité. Des recherches complémentaires seraient nécessaires pour confirmer cette hypothèse.
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[56]
BERNALDO GONZALES, Pilar ; JEDLICKI, Fanny, Representations of Europe among Argentine migrants in Europe [En ligne], 2011, 52 p., https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00648754/document.
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[57]
Avant 2001, les Argentins n’avaient pas besoin de visa pour entrer aux États-Unis. Face à l’effondrement économique de leur pays, un nombre important d’entre eux essayèrent de rester au-delà des 90 jours permis par le « US Visa Waiver Program » (vwp). En 2001, lorsque l’immigration argentine a considérablement augmenté, les États-Unis furent frappés par les attentats terroristes du 11 Septembre, à la suite desquels les contrôles aux frontières furent renforcés par les autorités américaines. De nombreuses lois furent également adoptées dans le but de « lutter » contre la migration irrégulière. En février 2002, l’Argentine a été retirée de la liste des pays participant au programme vwp, obligeant les citoyens argentins à avoir un visa pour se rendre aux États-Unis.
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[58]
BOURDIEU, Pierre, Esquisse d’une théorie de la pratique, Paris : Éd. du Seuil, 2000, 429 p.