Notes
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[1]
Géographe, maître de conférences, Université de Bordeaux, membre de l’umr Les Afriques dans le monde (lam), Sciences-Po Bordeaux. Contact : anthonygoreau@yahoo.fr
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[2]
Anthropologue sociale, professeure assistante, Département de sociologie, Université de Gediz, Izmir (Turquie). Contact : Ester.gallo@gediz.edu.tr
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[3]
GOLINI, Antonio ; BONIFAZI, Corrado ; RIGHI, Alessandra, “A general framework for the European migration system in the 1990s”, in : KING, Russell (Ed.), The new geography of European migrations, London : Belhaven Press, 1993, pp. 67-82 (voir p. 81). La traduction est de notre fait.
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[4]
Cf. JUGÉ, Tony ; PEREZ, Michael, “The modern colonial politics of citizenship and whiteness in France”, Social Identities, vol. 12, n° 2, 2006, pp. 187-212 ; GUILLAUMIN, Colette, L’idéologie raciste : genèse et langage actuel, Paris : Éd. La Haye, 1972, 247 p. ; BALIBAR, Étienne ; WALLERSTEIN, Immanuel, Race, nation, classe : les identités ambiguës, Paris : Éd. La Découverte, 1988, 310 p.
-
[5]
Cf. MUCCHIELLI, Laurent, Le scandale des tournantes, Paris : Éd. La Découverte, 2005, 124 p. ; FASSIN, Didier, “Questions sexuelles, questions raciales”, in : FASSIN, Didier ; FASSIN, Éric (sous la direction de), De la question sociale à la question raciale ?, Paris : Éd. La Découverte, 2006, pp. 230-248.
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[6]
Cf. SCIORTINO, Giuseppe ; COLOMBO, Asher, “The flows and the flood : the public discourse on immigration in Italy, 1969-2011”, Journal of Modern Italian Studies, n° 1, 2004, pp. 94-113.
-
[7]
Cf. STOLCKE, Verena, “Talking culture : new boundaries, new rhetorics of exclusion in Europe”, Current Anthropology, vol. 36, n° 1, 1995, pp. 1-24 ; SCHNEIDER, Jane ; SCHNEIDER, Peter, “The anthropology of crime and criminalisation”, Annual Review of Anthropology, vol. 7, 2008, pp. 351-373.
-
[8]
Cf. GUÉNIF-SOUILAMAS, Nacira ; MACÉ, Éric, Les féministes et le garçon arabe, La Tour d’Aigues : Éd. de l’Aube, 2004, 106 p. ; HANCOCK, Claire, “Le corps féminin, enjeu géo-politique dans la France postcoloniale”, L’espace politique, n° 13, 2011, https://espacepolitique. revues.org/1882
-
[9]
TODOROV, Tzetan, The fear of Barbarians : beyond the clash of civilizations, Chicago : University of Chicago Press, 2010, 248 p.
-
[10]
Cf. BAUMANN, Gerd, “Body politics or bodies of culture ? How Nation-State practices turn citizens into religious minorities”, Cultural Dynamics, vol. 10, n° 3, 1998, pp. 263-280 ; GALLO, Ester, “Introduction : South Asian migration and religious pluralism in Europe”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 1-28 ; SINHA, Mrinalini, Colonial masculinity : the “manly Englishman” and the “effeminate Bengali” in the late nineteenth century, Manchester : Manchester University Press, 1995, 191 p.
-
[11]
Cf. MODOOD, Tariq, “Muslims and European multiculturalism”, in : MICHALSKI, Krzysztof (Ed.), Religion in the New Europe, Budapest : Central European University Press, 2006, pp. 97-110.
-
[12]
Cf. GRILLO, Ralph ; SOARES, Benjamin, “Transnational islam in Western Europe”, ISIM Review, n° 15, Spring 2005, p. 11.
-
[13]
Cf. BETZ, Hans-Georg, Radical right-wing populism in Western Europe, New York : St. Martin’s Press, 1994, 240 p. ; MASSETTI, Emanuele, “Mainstream parties and the politics of immi-gration in Italy : a structural advantage for the right or a missed opportunity for the left ?”, Acta Politica, 2014, http://www.palgrave-journals.com/ap/journal/vaop/ncurrent/abs/ap201429a.html
-
[14]
Cf. MASSETTI, Emanuele, “Mainstream parties and the politics of immigration in Italy : a structural advantage for the right or a missed opportunity for the left ?”, art. cité ; GALLO, Ester, “Migration, politics and catholicism : state of the art and future lines of enquiry”, communication présentée à la table ronde “Migrations and catholicism”, Université catholique de Brescia, 6-7 mai 2015.
-
[15]
VERTOVEC, Steven ; WESSENDORF, Susanne, “Introduction : Assessing the backlash against multiculturalism in Europe”, in : VERTOVEC, Steven ; WESSENDORF, Susanne (Eds.), The multiculturalism backlash : European discourses, policies and practices, London : Routledge Press, 2010, pp. 1-35.
-
[16]
ORGANISATION FOR ECONOMIC CO-OPERATION AND DEVELOPMENT, “International migration and the economic crisis : understanding the links and shaping policy responses”, in : ORGANISATION FOR ECONOMIC CO-OPERATION AND DEVELOPMENT, International migration outlook 2009, Paris : OECD Publishing, 2009, http://dx.doi.org/10.1787/migr_outlook-2009-3-en
-
[17]
Cf. BEETS, Gijs ; WILLEKENS, Frans, “The global economic crises and international migration : an uncertain outlook”, Vienna Yearbook of Population Research, 2009, pp. 19-37.
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[18]
Trois conséquences parmi d’autres des politiques migratoires répressives sur les migrants économiques, réfugiés et exilés, sont insuffisamment présentes dans les analyses. D’abord, à la lutte contre un “risque migratoire” imaginaire correspond une prise de risque, croissante, par les candidats au voyage : plus les frontières se ferment et plus les migrants empruntent des voies dangereuses et souvent mortifères. Ensuite, indissociable de cela, on assiste à un renforcement et à une concentration du rôle des intermédiaires, souvent désignés comme “passeurs”, quoiqu’ils ne constituent pas un groupe homogène. Si nous ne remettons pas en cause l’existence de réseaux mafieux, cette économie est en partie le produit d’une politique de fermeture aux migrations. Par ailleurs, les pratiques criminelles associées aux voyages, en forte expansion, sont à mettre en rapport avec les décisions xénophobes qui en sont le terreau. Enfin, encore dans le même sens d’une fragilisation accrue des voyages, on voit partout une floraison de prédateurs, mêlés auxdits intermédiaires ou non, qui pillent les épargnes des personnes, les renvoient souvent à la case départ et obligent à leur tour les migrants à se livrer à des trafics ou à accepter de se faire exploiter, les femmes à se prostituer, tout cela en vue de reconstituer une épargne dérobée qui leur permettra de reprendre la route.
-
[19]
Le secteur des technologies de l’information s’est développé en Inde en trois étapes qui se superposent plus qu’elles ne se succèdent. Après une première phase dite de body shopping où les entreprises indiennes se sont fait connaître en louant les services d’informaticiens indiens partis travailler dans des entreprises étrangères (onsite), l’Inde se positionne, à partir des années 1990, comme un lieu de délocalisation (offshore) pour des activités de services simples qui peuvent être effectuées à distance grâce aux nouveaux réseaux de communication. Puis, par effet de remontée de filière, les entreprises indiennes convainquent leurs clients, essentiellement occidentaux, de leur confier des tâches de plus en plus sophistiquées au fil des années 2000.
-
[20]
Cf. GOREAU-PONCEAUD, Anthony, “Ganesha Caturthi and the Sri Lankan Tamil diaspora in Paris : inventing strategies of visibility and legitimacy in a plural monocultural society”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 211-230 ; CHOPRA, Radhika, Militant and migrant : the politics and social history of Punjab, New Dehli : Routledge Press, 2011, 168 p.
-
[21]
Cf. GALLO, Ester, “A suitable faith : catholicism, domestic labour and identity politics among Malayalis in Rome”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 249-265.
-
[22]
Cf. CHARSLEY, Katharine, “Unhappy husbands : masculinity and migration in transnational Pakistani marriages”, Journal of the Royal Anthropological Institute (N.S.), vol. 11, n° 1, March 2005, pp. 85-105.
-
[23]
Cf. MOLINER, Christine, “Frères ennemis ? Relations between Panjabi sikhs and muslims in the diaspora”, South Asian Multidisciplinary Academic Journal, 2006, http://samaj.revues.org/ 135?lang=fr
-
[24]
La définition de l’hindouité (hindutva) est un sujet politique plus que religieux. Pour Vinayak Damodar Savarkar (1883-1966), auteur de la brochure Hindutva : Who is a Hindu ?, est hindou celui qui considère le territoire indien comme sa patrie, mais aussi qui partage une culture dont font partie les bouddhistes, les sikhs et les jaïns, mais ni les musulmans ni les chrétiens. Nation-génie plutôt que nation-contrat, l’Inde doit être peuplée d’hindous plutôt que de citoyens. Comme d’autres mouvements religieux nationalistes, l’hindutva repose sur un rapport de symétrie entre la terre, le peuple et la religion, faisant de l’Inde (Bharat Mata) la terre des hindous. Ce nationalisme ethnique s’oppose au nationalisme universaliste de Nehru et de Gandhi. Le principal mouvement nationaliste hindou, né en 1925, est le Rashtriya Swayamsevak Sangh (rss, Organisation volontaire nationale). En plus d’une branche poli-tique, le Bharatiya Janata Party (bjp), le rss se compose d’une branche religieuse très active, le Vishva Hindu Parishad (vhp, Association hindoue universelle) qui s’appuie sur toute une nébuleuse d’organisations transnationales. À l’étranger comme en Inde, il s’agit de faciliter la mobilisation hindoue en effaçant les plus fortes disparités internes à cette religion.
-
[25]
Cf. MADSEN, Stig-Toft ; NIELSEN, Kenneth-Bo, “The political culture of factionalism among Hindu nationalists in Denmark”, Critical Asian Studies, vol. 41, n° 2, 2009, pp. 255-280 ; GOREAU-PONCEAUD, Anthony, “Ganesha Caturthi and the Sri Lankan Tamil diaspora in Paris : inventing strategies of visibility and legitimacy in a plural monocultural society”, art. cité.
-
[26]
Cf. FERRARIS, Frederica ; SAI, Silvia, “Sikhs in Italy : Khalsa identity from mimesis to display”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 171-190.
-
[27]
Cf. MOLINER, Christine, Invisible et modèle : première approche de l’immigration sud-asiatique en France, rapport d’étude pour la Direction de l’Accueil, de l’Intégration et de la Citoyenneté, Paris, 2009, 97 p.
-
[28]
Cf. JACOBSEN, Knut ; RAJ, Selva, “Introduction : making an invisible diaspora visible”, in : JACOBSEN, Knut ; RAJ, Selva (Eds.), South Asian Christian diaspora, Farnham : Ashgate Publishing, 2008, pp. 1-16 ; QURESHI, Kaveri, “Sikh associational life in Britain : gender and generation in the public sphere”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 92-110.
-
[29]
Cf. AHMAD, Ali-Nobil, Masculinity, sexuality and illegal migration : human smuggling from Pakistan to Europe, Farnham : Ashgate Publishing, 2011, 230 p.
-
[30]
Cf. GIBB, Robert ; GOOD, Anthony, “Do the facts speak for themselves ? Country of origin information in French and British refugee status determination procedures”, International Journal of Refugee Law, vol. 25, n° 2, 2013, pp. 291-322 ; MANTOVAN, Giacomo, “Les récits de vie des demandeurs d’asile tamouls : vers une mémoire collective ?”, Hommes & Migrations, n° 1291, mai-juin 2015, pp. 40-50.
-
[31]
Cf. RICHARD, Clémence ; FISCHER, Nicolas, “A legal disgrace? The retention of deported migrants in contemporary France”, Social Science Information, vol. 47, n° 4, 2008, pp. 581-603.
-
[32]
Voir à cet égard FRIGOLI, Gilles (dossier coordonné par), “Mineur isolé étranger : une nouvelle figure de l’altérité ?”, Migrations Société, vol. 22, n° 129-130, mai-août 2010, pp. 91-278 ; MAZIZ, Linda, “Synthèse du colloque Mineur isolé étranger : une nouvelle figure de l’altérité ?”, Migrations Société, vol. 23, n° 136, juillet-août 2011, pp. 13-54 [ndlr].
-
[33]
Cf. VUDDAMALAY, Vasoodeven, “Présence indienne en France. Les facettes multiformes d’une immigration invisible”, Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 5, n° 3, 1989, pp. 65-77 ; ROBUCHON, Gérard, “Tamouls sri-lankais réfugiés en France. Quelques considérations sur la scolarité et les représentations linguistiques”, Migrants-Formation, n° 101, juin 1995, pp. 61-73 ; ASHOK, B., La présence des Indiens du Nord en Île-de-France, thèse de doctorat en géographie, Université Paris-Sorbonne IV, 1997, 485 p. ; ÉTIEMBLE, Angélina ; SIMON-BAROUH, Ida, Les Sri-Lankais dans la région Île-de-France. De l’accueil à l’installation : le rôle du communautaire, Paris : ADERIEM – FAS, 2000, 12 p. ; SERVAN-SCHREIBER, Catherine ; VUDDAMALAY, Vasoodeven (dossier coordonné par), “Diaspora indienne dans la ville”, Hommes & Migrations, n° 1268-1269, juillet-octobre 2007, pp. 3-194 ; DEQUIREZ, Gaëlle, Nationalisme à longue distance et mobilisations politiques en diaspora : le mouvement séparatiste tamoul sri lankais en France (1980-2009), thèse de doctorat en sciences politiques, Université Lille-2, 2011, 378 p. ; GOREAU-PONCEAUD, Anthony, La diaspora tamoule : trajectoires spatio-temporelles et inscriptions territoriales en Île-de-France, thèse de doctorat en géographie, Université de Bordeaux 3, 2008, 426 p. ; GOREAU-PONCEAUD, Anthony (dossier coordonné par), “Diasporas sri lankaises entre guerre et paix”, Hommes & Migrations, n° 1291, mai-juin 2011, pp. 3-136 ; MOLINER, Christine, Invisible et modèle : première approche de l’immigration sud-asiatique en France, op. cit.
-
[34]
Cf. BUTLER, Judith, Ce qui fait une vie : essai sur la violence, la guerre et le deuil, Paris : Éd. Zones, 2010, 176 p.
-
[35]
Cf. MOLINER, Christine, Invisible et modèle : première approche de l’immigration sud-asiatique en France, op. cit.
-
[36]
Cf. MADAVAN, Delon, Les populations d’origine sud-asiatique à Paris et le non-recours aux droits sociaux, Paris : Délégation de la politique de la ville et de l’intégration de la mairie de Paris, 2014, 67 p.
-
[37]
Province de l’Empire des Indes britanniques, le Bengale oriental a d’abord rejoint le Pakistan lors de la décolonisation et de la partition de 1947, avant de gagner son indépendance par les armes en 1971 et devenir le Bangladesh.
-
[38]
La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.
Immigrer en Europe en période de crises
1 Dès le début des années 1990, plusieurs auteurs notaient le lien crucial qui se noue entre, d’une part, l’adoption de lois discriminantes portant sur les migrations au sein des États européens et, d’autre part, le risque d’affaiblissement des démocraties : « Outre la nécessité de garder les portes ouvertes à une immigration modérée, il est également indispensable d’encourager et de favoriser un environnement de pleine acceptation et d’intégration des migrants. Si cela n’a pas lieu, la structure démocratique des pays occidentaux est en danger. Il semble qu’il n’y ait pas d’autre choix : l’intégration ou une situation conflictuelle. Si une société veut rester démocratique, elle doit traiter et penser les étrangers de la même manière qu’elle traite et pense ses propres citoyens, en leur donnant les mêmes droits, sans distinction. L’objectif est donc de garantir des droits égaux aux migrants tout en protégeant pleinement leur identité culturelle et faire en sorte qu’ils ne soient pas poussés en marge de la société. Si les immigrés sont marginalisés tels des étrangers incompris, la régression vers une démocratie affaiblie serait inévitable. Des tensions politiques et sociales croissantes seraient provoquées, d’un côté, par des citoyens « indigènes » qui tenteraient de préserver à tout prix leurs « droits », et de l’autre, par des étrangers qui essaieraient d’éviter d’avoir à vivre une vie de privation sociale, économique et politique » [3].
2 Plus de deux décennies plus tard, ces mots sonnent comme un avertissement et prennent une dimension toute prophétique. La constitution progressive d’une « forteresse Europe » s’est accompagnée d’une réaffirmation, dans beaucoup d’États européens, d’attitudes racialisantes envers les migrants et les minorités, les premiers incarnant une altérité indépassable face à une identité européenne réifiée et essentialisée [4]. Dans ce contexte, la distinction idéologique promue dans la sphère publique entre citoyens légitimes, migrants désirables et migrants indésirables s’est entrelacée avec la force homogénéisante du discours portant sur la panique morale qui serait liée à cette immigration qualifiée de « massive ». Rappelons, comme le notent Laurent Mucchielli et Didier Fassin, que ces discours relayés par les médias sont soutenus dans les arènes du pouvoir [5].
3 De façon décisive, quelques études nous invitent à considérer comment, depuis les années 2000, les représentations des immigrés dans les médias, dans divers contextes nationaux, ont été moins concernées par la participation active des étrangers au marché du travail que par les effets supposés bouleversants de ces flux irréguliers et non contrôlés sur la « culture nationale » et son intégrité morale perçues comme immuables [6]. La description des migrants comme une présence menaçante en Europe dessine aussi les contours sombres de toute une rhétorique de criminalisation selon laquelle les étrangers sont réputés pour leur comportement potentiellement perturbateur pour la sécurité et l’intégrité de la société du pays d’accueil [7].
4 Tout porte à croire que le discours institutionnel s’infléchit imperceptiblement et inexorablement vers un refus d’accueillir les migrants, les demandeurs d’asile et les étrangers en général, si encombrants parce que notamment résistants au fantasme de l’assimilation de l’Autre et au pays d’arrivée où, pour être digne d’accueil, on devrait se réduire à sa part acceptable, rééducable, ré-insérable sur le plan social, c’est-à-dire existant comme l’objet d’un projet. Souvent l’immigration est pensée comme une pathologie sociale à traiter. L’immigration produit des altérités inédites et ses incidences ne concernent pas uniquement les migrants (ce sur quoi se focalisent, en partie, les contributions du présent dossier), mais le lien social dans son ensemble par l’épreuve de l’étranger, de l’étrangeté et de l’hétérogène auquel l’immigration le soumet.
5 Les représentations des étrangers sont souvent racialisantes et genrées. Rappelons que les questions raciales et sexuelles sont souvent intriquées dans les formes de domination et d’altérisation. Le migrant — et particulièrement le migrant musulman issu de groupes populaires — est pensé par la majorité comme incarnant des valeurs hypermasculines, traditionnelles et arriérées, et il est le détenteur exclusif de comportements sexistes et agressifs [8]. Parce que visible, sa présence est donc pensée comme illégitime. Au total, plutôt que l’échec de l’universalisme, c’est l’immolation du pluralisme traditionnel européen sur l’autel du discours du « choc des civilisations » [9] — et la description de l’Autre comme « un barbare » — qui semble habiter le discours politique sur l’immigration aujourd’hui, lequel véhicule l’idée d’une incompatibilité culturelle, économique et sociopolitique entre une modernité européenne (d’inspiration chrétienne) et le traditionalisme genré de l’Autre (pensons à l’instrumentalisation des représentations des corps féminins et en particulier des corps voilés). Les façons dont la différence culturelle, ethnique et religieuse est construite et représentée en Europe contemporaine plongent leurs racines dans la politique coloniale et dans la construction orientaliste de la différence culturelle [10]. Ces représentations alarmistes et essentialisées des migrants s’inspirent largement des effets mêlés de la crise économique en cours, de la montée des partis radicaux de droite en Europe et des suspicions envers les musulmans dans un monde de l’après-11 septembre.
6 L’islam et les migrants musulmans ont de plus en plus été identifiés non seulement comme représentant la quintessence de l’antithèse d’une identité européenne supposée, mais également comme représentant (l’islam en particulier) un obstacle majeur dans l’intégration des migrants dans les sociétés d’accueil [11]. Comme tels, la visibilité religieuse en Europe, le développement persistant d’affiliations multiples par le biais de réseaux migratoires transnationaux et l’attachement des migrants à ce qui est compris comme une notion non différenciée de « pays musulman » sont mal perçus par beaucoup d’États et constituent la preuve d’une présence étrangère dans le continent [12].
7 L’impact de ce discours doit également être analysé dans le contexte du changement des scénarios politiques à travers toute l’Europe. Au cours de la dernière décennie, les partis que l’on qualifie généralement de radicaux de droite ont pris une influence considérable dans la promotion de positions anti-immigration : ils ont non seulement développé un modèle axé sur la sécurité de la société et la défense de politiques de contrôle des frontières, mais ils ont aussi façonné leur discours politique et leur orientation sur l’immigration par mimétisme sur d’autres partis (la limite entre partis radicaux de droite et républicains devenant de plus en plus poreuse) [13]. Ces partis politiques de droite ont joué un rôle-clé dans l’utilisation exaspérante de la différence religieuse — et de l’antagonisme assumé entre le christianisme et l’islam — dans l’établissement des critères d’opposition entre la civilisation européenne et la présence mal tolérée d’étrangers musulmans, souvent avec la complicité — claire ou non — de quelques institutions religieuses catholiques [14].
8 Il apparaît dès lors comme une certitude que plus d’études sont nécessaires afin de démêler dans quelle mesure le discours anti-pluraliste a un impact sur la politique locale et les sociétés ou si, comme au Royaume-Uni, l’opposition contre le multiculturalisme est plus le fruit d’une rhétorique publique nationale et moins celui de revendications au niveau de « la société locale » [15]. La crise économique en cours a eu des implications profondes sur le durcissement des politiques, qui se traduisent par un raidissement des politiques migratoires et une réduction générale des droits à travers l’Europe [16]. Ces conséquences peuvent être plus inattendues et porter sur le modèle genré de l’emploi, avec des hommes qui sont plus affectés dans leur statut professionnel et se trouvent dès lors fragilisés [17]. Les études menées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (ocde) estiment également que la crise économique en cours aura pour effet d’exacerber le racisme institutionnel et quotidien envers les migrants et les minorités dans divers pays d’Europe. Rappelons pour mémoire la fragilisation des individus et la déstabilisation constante qui pèse sur eux, toutes conditions confondues : demandeurs de visa, demandeurs d’asile, demandeurs d’une autorisation provisoire de séjour (aps), de renouvellement d’un titre de séjour, de regroupement familial, etc.
9 Le terme « demandeurs » fédère bien des désordres psychiques par le fait même qu’il les met en permanence dans un étau vis-à-vis des autorités (mais aussi des associations censées les secourir, sinon les aider) entre la suspicion et une dépendance infantilisante. Les enquêtes font ressortir la dimension d’un tel phénomène, indiquant que ces personnes ne sont pas vues comme des personnes. La constitution structurelle d’une classe de sans-papiers, aisément corvéables mais sans cesse sur le qui-vive, y contribue. Pour autant, face à cette situation de crises multiples, ni la migration de travail ni l’afflux de réfugiés en Europe n’ont cessé. Bien au contraire, la migration vers l’Europe continue de se développer. Cette migration se diversifie et s’accompagne de nouvelles formes d’exploitation [18], de nouveaux profils (des réfugiés et des demandeurs d’asile, mais aussi des migrants économiques qualifiés) et d’une mobilité d’individus qui étaient jusque-là relativement moins impliqués dans le passé (comme les femmes, les adolescents ou les enfants), posant aux États européens le défi de développer de nouvelles politiques adéquates de réception, d’aide, d’intégration et de gestion du pluralisme et de la diversité culturelle et religieuse.
L’importance de questionner l’immigration sud-asiatique
10 C’est dans le contexte d’une tension sous-jacente entre, d’une part, des politiques d’immigration restrictives et des positions anti-pluralistes et, d’autre part, la diversification des parcours et routes migratoires ainsi que la demande croissante de visibilité et de reconnaissance de la part des migrants qu’il est crucial d’analyser les migrations sud-asiatiques en Europe. Les flux migratoires sud-asiatiques illustrent en effet à bien des égards la diversification progressive des profils des immigrés et des trajectoires qui caractérisent cette nouvelle migration : migration de travail, migration de transit, migration forcée, réfugiés et demandeurs d’asile, migrants qualifiés, tous sont représentés dans les flux de migrants sud-asiatiques en Europe, à des degrés divers. En effet, des liens coloniaux de longue date connectant des pays comme le Royaume-Uni ou la France avec le sous-continent ont persisté à côté du développement de nouveaux parcours dans le sud de l’Europe et en Europe continentale : migration qualifiée liée au développement des industries des technologies de l’information dans le sous-continent [19], flux de réfugiés produits par des conflits passés ou en cours comme ceux impliquant les sikhs indiens ou les Tamouls hindous et musulmans au Sri Lanka [20], migrations religieuses liées à des réseaux institutionnels transnationaux [21] ou encore migrations liées à des alliances matrimoniales transnationales [22].
11 Dans le même ordre d’idées, les constructions coloniales ont une influence renouvelée dans la façon avec laquelle la religion, la caste et la différence ethnique sont jouées par les migrants sud-asiatiques dans la sphère publique européenne [23] et dans la façon avec laquelle les diasporas se sont appropriées ces composantes dans notre période contemporaine. Pourtant, la politique identitaire sud-asiatique (mais également en diaspora) est aussi profondément — et de façon prévisible — informée par l’histoire politique et sociale post-coloniale, avec par exemple l’hindutva [24] et le militantisme politique, à l’instar des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (Liberation Tigers of Tamil Eelam, ltte) ou le Sikh Khalsa. Ils jouent un rôle renouvelé dans l’élaboration des modèles d’intégration pour les migrants concernés, à la fois dans les sociétés d’accueil et le pays d’origine, ainsi que dans l’activation de réseaux transnationaux [25].
12 Des études pionnières dans cette direction ont montré comment la présence sud-asiatique en Europe déplace progressivement des modèles étonnamment généraux de mimétisme (mimésis plus exactement) vers des réclamations progressives de reconnaissance dans la sphère publique [26]. De minorités modèles, silencieuses et invisibles [27], les populations sud-asiatiques sont progressivement devenues visibles, par le biais notamment des festivals religieux, par leur participation à la vie politique locale et à la vie associative ainsi que par un activisme multidimensionnel [28].
13 Au-delà de certaines similitudes, l’immigration sud-asiatique dans les divers pays d’accueil n’est pas homogène. Cette hétérogénéité est à relier à la grande variabilité des contextes et des parcours migratoires. Par ailleurs, il existe un certain nombre de particularismes liés à des clivages religieux et ethno-linguistiques importants. Cependant, la longue invisibilité de la présence sud-asiatique en Europe et souvent le manque de connaissances concernant ce qui apparaît comme des phénomènes rapidement changeants appellent à une attention renouvelée de la part des chercheurs et professionnels sur les différentes façons dont prennent place les migrants sud-asiatiques dans les multiples sociétés d’accueil ainsi qu’à leur mobilité dans et à travers les États européens.
14 Les contributions rassemblées dans le présent dossier, en développant un dialogue original à travers des disciplines différentes, principalement la psychologie, l’anthropologie, la géographie et la sociologie, visent une compréhension détaillée et critique de la présence sud-asiatique en Europe, particulièrement en concentrant leurs analyses sur les nombreux défis auxquels sont confrontés les migrants sud-asiatiques dans leur circulation migratoire. La migration n’est plus vécue comme une rupture ou une parenthèse, mais est partie intégrante d’une organisation sociale bricolée ou tout au moins réinventée dans laquelle interviennent l’avant, le pendant et l’après, de même que des espaces repères que l’on pourrait nommer là-bas, ailleurs, ici. Notons au passage que la notion de circulation a l’avantage de ne pas restreindre le déplacement au simple acte de migrer et permet d’englober l’ensemble des espaces (de départ, de transit — le voyage — d’arrivée, d’établissement) liés entre eux par le mouvement des personnes, des objets (biens médiatiques, littérature, musique, cinéma...) et des idées. Même si les analyses développées dans ce dossier se concentrent exclusivement sur la France, les nombreuses questions soulevées par les auteurs dépassent largement le cas des migrants sud-asiatiques pour s’étendre à l’ensemble des flux migratoires touchant l’Europe.
15 Premièrement, toutes les contributions nous invitent à adopter une perspective et une posture transnationales dans la compréhension de la présence sud-asiatique en France, en liant les nombreux dilemmes et les défis auxquels sont confrontés les migrants, entre ici et là-bas, le pays d’origine et la société d’accueil. À cet égard, les contributions de Delon Madavan, de Giacomo Mantovan et d’Estelle d’Halluin analysent de manière originale la mécanique selon laquelle des conflits ethniques en cours et la violence contre des minorités en Asie du Sud ont un impact sur les relations souvent tendues entre l’individu, la communauté et l’État en France et sur la participation politique des migrants dans ce nouveau contexte.
16 Deuxièmement, les contributions de Florence Halder, de Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky et de Nisha Kirpalani montrent l’importance de la prise en compte de manière plus étendue de la spatialité et de la temporalité des parcours migratoires : l’utilisation d’une économie du passage longue et risquée pour se rendre en Europe a un impact décisif sur la santé physique et mentale du sujet et a de profondes implications dans son désir de s’établir au sein de la société d’accueil. En outre, ces contributions montrent comment les modalités et les temporalités de l’entrée sur le territoire national — du dépôt de la demande à la décision de reconnaissance (ou non) de la qualité de réfugié — sont rendues plus difficiles par l’ombre écrasante qui pèse sur les individus de devenir des « clandestins ».
17 La « clandestinité » en est venue à représenter un type spécifique d’exclusion sociale des institutions traditionnelles, des services sociaux ainsi que des perspectives d’avenir liées à la mobilité, et elle pourrait amener le sujet à subir une perte ou une négation de son identité aux côtés de nouvelles formes de racisme. Dans cette optique, les contributions de Christine Moliner, de Raffaela Cucciniello et d’Anne-Cécile Hoyez mettent en évidence le lien complexe et subtil qui sous-tend la stigmatisation juridique et sociale résultant du fait d’être un migrant en situation irrégulière au regard du séjour en France, avec la difficulté subséquente d’accéder à des établissements de santé et d’être informé sur les droits des migrants, phénomènes qui impliquent non seulement une exacerbation des traumatismes précédents, mais aussi l’émergence de nouvelles formes de souffrance mentale et corporelle. Ces contributions permettent de prendre en considération les façons dont la migration irrégulière — et en particulier le stigmate de la « clandestinité » — génèrent un impact négatif sur les migrants masculins, spécifiquement sur les jeunes hommes fragilisés qui éprouvent de grandes difficultés à œœuvrer en tant que soutien pour leur famille restée dans le pays d’origine [29].
18 Troisièmement, la fragilité juridique, socio-économique et sanitaire des nouveaux migrants en provenance d’Asie du Sud doit être comprise en se référant au processus bureaucratique complexe et souvent contradictoire de la reconnaissance juridique, en particulier dans le cas des demandeurs d’asile et des réfugiés. Comme les travaux pionniers sur cette question l’ont montré [30], être un réfugié est loin de représenter un critère allant de soi pour recevoir une protection institutionnelle de la part de l’État : cette qualité doit être prouvée, validée et rendue compréhensible aux autorités par un long processus qui ne permet pas toujours au réquérant d’être en mesure de rendre compte de son expérience.
19 Comme les contributions d’Estelle d’Halluin et de Florence Halder le démontrent, les temporalités des procédures juridiques sont souvent incompatibles avec les nécessités de survie des migrants et ont également pour effet de marginaliser les questions économiques et sanitaires, pourtant essentielles. Trouver un emploi (formel ou non), gagner de l’argent ou bénéficier de soins afin de réduire l’incidence des événements traumatiques est source de stabilité pour le sujet. En outre, les individus vivent aussi dans l’angoisse du risque d’être expulsés du territoire français s’ils ne parviennent pas à remplir les conditions nécessaires pour être acceptés comme des demandeurs d’asile, puis reconnus réfugiés, l’expulsion devenant de plus en plus l’une des manières dont la France — comme d’autres États européens — gère la situation des migrants en situation irrégulière au regard du séjour [31].
20 Quatrièmement, les contributions d’Anne-Cécile Hoyez, de Florence Halder et de Raffaela Cucciniello nous invitent à prendre en compte des dimensions et des temporalités souvent peu explorées dans l’étude des migrations et des migrations forcées : l’enfance et l’adolescence. Cette omission dans les études actuelles est à mettre en lien avec une tendance plus large des sciences sociales qui consiste à faire des mineurs mobiles des personnes invisibles dans les déterminants et les résultats de la migration, et implicitement à les considérer comme des sujets passifs de la mobilité.
21 Le présent dossier montre de quelle façon les étapes du cycle de vie et les migrations mondiales s’entrelacent et se combinent et comment l’enfance et l’adolescence sont aujourd’hui activement imbriquées dans les projets futurs de mobilité socio-géographique des familles. En outre, les différentes contributions mettent également en évidence le rôle ambivalent des relations de parenté — et en particulier les relations intergénérationnelles — dans l’élaboration de l’expérience migratoire des jeunes : les mineurs sont souvent placés en tête de pont de la migration, subissant des pressions sociales la plupart du temps écrasantes pour devenir un élément actif permettant un « retour sur investissement », ce qui entraîne fréquemment des effets déstabilisateurs sur les enfants si ceux-ci sont incapables de réaliser les exigences des parents et de se conformer en même temps aux exigences sociales [32].
22 Cinquièmement, les contributions de Raffaela Cucciniello, de Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, de Nisha Kirpalani et de Florence Halder témoignent également de l’expérience de travail dans des structures de première ligne, ce qui plonge les professionnels des soins dans une situation paradoxale, contraints de devoir être à la fois en position de représenter l’État tout en continuant à représenter l’étranger au regard de ce même État. Quelle position peut alors occuper un psychologue dont la fonction est de tenter de faire exister un espace qui permette que la parole circule dans l’institution ?
23 De manière générale, le travail contenu dans le présent dossier permet de faire dialoguer des expériences de recherche ethno-graphiques et géographiques sur l’immigration sud-asiatique en France, menées sur la longue durée, avec le travail de professionnels du domaine de la psychologie clinique et de la thérapie ethno-psychiatrique. Ce dialogue permet de porter un regard nouveau et original sur les nombreuses facettes, défis et dilemmes auxquels sont confrontés les migrants sud-asiatiques en France à travers le genre, la question des générations, la caste et la différence religieuse. Il fournit aux chercheurs et aux professionnels un contexte rigoureux pour comprendre la présence sud-asiatique en France et en Europe. En effet, si l’histoire des trajectoires migratoires des différents segments constituant le groupe de population sud-asiatique en France est connue et bien documentée [33], peu d’informations ont été développées concernant leur insertion professionnelle et sociale ainsi que leurs divers parcours de santé, de vie et de soin.
24 Par ailleurs, concernant les migrants sud-asiatiques, c’est souvent une approche par communauté nationale ou ethnique qui a été privilégiée. Il est souvent difficile d’avoir une vue d’ensemble de ce courant migratoire. Un des objets de ce dossier est de tenter de fournir un tel regard en questionnant l’existence, au-delà de l’hétérogénéité de ce groupe, des invariants en termes de parcours de santé, de pathologie, de traumatismes, de trajectoires migratoires et de dynamiques d’insertion. À cet égard, toutes les contributions illustrent la mise en précarité du sujet en focalisant une grande partie de leur analyse sur le demandeur d’asile dont l’existence et la visibilité, même dans le champ social, restent intimement liées à ses rapports à l’institutionnel et au politique. Ces contributions font de la précarité — à l’instar de ce qu’en dit Judith Butler [34] — un concept soumis à la régulation politique active du pouvoir contemporain qui, en distribuant les inégalités (de statut et de droit), organise l’altérité dans le champ social, avec à terme une rupture du lien et l’apparition de la figure de l’Autre radical, de l’ennemi (de l’intérieur), figure dont la perte et le deuil ne sont plus problématiques et contre laquelle se constitue le corps social.
L’immigration sud-asiatique en France
25 Le présent dossier part d’un constat : celui de la méconnaissance des populations sud-asiatiques en France. Méconnaissance qui, dans le cas français en particulier, interpelle les services de l’État [35], les collectivités territoriales [36], les associations et les travailleurs sociaux. On ne compte plus le nombre d’interventions d’universitaires auprès des Centres nationaux de la fonction publique territoriale (cnfpt) afin de donner une formation sur ces « Autres » de plus en plus visibles dans l’espace public. Cette visibilité, à la fois économique et religieuse, est parfois pensée comme problématique.
26 Les parcours des populations liées à la France par un passé colonial commun (Pondichériens et Indo-Vietnamiens) se distinguent nettement de ceux des migrants originaires de l’Inde, du Sri Lanka, du Pakistan et du Bangladesh : ancienne puissance coloniale et destination « naturelle » pour les premières, la France n’est devenue une terre d’accueil pour les secondes que très récemment, dans les années 1970, lorsque la Grande-Bretagne a fermé ses portes à l’immigration en provenance du Commonwealth. Au sein de cette migration, les Tamouls forment le groupe ethnique le plus nombreux en France. Ils sont majoritairement hindous, avec d’importantes minorités chrétiennes (surtout chez les Pondichériens) et musulmanes. Les Pendjabis constituent le deuxième groupe sud-asiatique présent en France. Ils sont d’origine pakistanaise pour une majorité d’entre eux, les autres étant des sikhs indiens. Les Bengalis (originaires de l’État indien du Bengale occidental ou de l’actuel Bangladesh, pour ceux nés avant la partition de 1947) forment une petite communauté. Les Gujaratis, tous d’origine indienne, appartiennent à des castes marchandes et comptent une majorité d’hindous, avec une importante minorité musulmane (Bohras, Khojas, Karanas et ismaéliens). Un problème se pose concernant l’immigration sud-asiatique en France : l’énorme écart entre les données du recensement et les estimations proposées par la littérature existante.
27 Les ports ont été les premiers points d’ancrage des migrants sud-asiatiques en métropole. Au cours des xvii e et xviii e siècles, des Lascars, des marins indiens de l’East India Company, s’installent en France, au détour d’escales portuaires telles que Bordeaux, Nantes ou La Rochelle. À ce premier courant migratoire s’ajoutent les domestiques, hommes et femmes (les ayahs), originaires des comptoirs, que des Français — négociants, nobles et négriers — ramènent avec eux. Au xix e siècle, la présence indienne en France prend de nouveaux visages : outre des marins et des domestiques, des artistes, des hommes d’affaires et des maharajahs viennent y séjourner. Les spectacles de danseurs/danseuses, saltimbanques et artistes de cirque venus du sous-continent connaissent un succès grandissant, en particulier à Paris pendant les expositions coloniales et universelles. En même temps, la France devient un lieu de passage ou de séjour plus ou moins long pour l’intelligentsia indienne, écrivains (Rabindranath Tagore, notamment), peintres, mystiques et hommes politiques nationalistes, qui engagent un dialogue fécond avec les milieux intellectuels de l’Hexagone. Plus particulièrement, la maison de l’indologue Sylvain Lévi devient un lieu de rencontre pour la communauté indienne en voie de structuration.
28 À la fin du xix e siècle, la France reçoit de plus en plus d’étudiants bengalis. La présence française à Chandernagor, comptoir situé dans la province britannique du Bengale, conduit l’élite bengalie à nouer des liens avec les milieux intellectuels français. Ils ouvrent la voie aux quelques étudiants, universitaires, cadres et fonctionnaires des organisations internationales qui se sont installés en France depuis l’indépendance.
29 L’implantation des marchands et hommes d’affaires est plus tardive, à la toute fin du xix e siècle. Gujaratis pour la plupart, ils s’illustrent à Paris et à Anvers dans le négoce des perles de culture en provenance du golfe Persique, des diamants, des pierres colorées et de la soie. Ces premiers marchands gujaratis sont pour la plupart hindous ou jaïns. Une cinquantaine de familles indiennes très aisées vivent à Paris pendant l’entre-deux-guerres et un embryon de vie communautaire se développe autour de quelques grandes figures du monde des affaires tel l’industriel Jehangir Ratanji Dadabhai (connu comme jrd Tata), fondateur d’Air India, né et enterré à Paris.
30 Le 9e arrondissement constitue l’épicentre de cette communauté d’affaires. Durement touchée par la crise de 1929, elle diversifie ses activités, avec, par exemple, l’installation à Marseille de négociants karanas de Madagascar, qui importent en métropole des produits agricoles, en particulier l’huile et le savon. Il faut ensuite attendre les années 1970 pour voir d’autres Gujaratis immigrer en France, des hindous et des musulmans (des sunnites, à la différence des Gujaratis de Madagascar, tous chiites), originaires du milieu rural ou de petites villes. En même temps, une poignée de Bangladais arrivent en France au lendemain de la sanglante guerre d’indépendance de 1971 (jusqu’à cette date, le Bangladesh faisait partie du Pakistan, constituant le Pakistan oriental) [37].
31 Un autre mouvement migratoire important est celui qu’alimentent les rapatriés indo-vietnamiens, qui quittent l’Indochine en plusieurs vagues, au lendemain des indépendances, puis plus massivement en 1975, lors de la prise du pouvoir par les communistes. Parmi eux, outre des commerçants figurent des fonctionnaires et des militaires. Fonctionnaires de l’administration coloniale, militaires et étudiants sont également bien représentés chez les Pondichériens, qui émigrent en nombre en 1962, après l’entrée en vigueur du traité de rétrocession des comptoirs français à l’Union indienne. Parmi les Pondichériens, ceux que l’on nomme les Indo-Vietnamiens ont suivi un parcours migratoire particulier et, quoique peu nombreux, ont joué un rôle essentiel dans l’établissement des communautés sud-asiatiques en France. Ils furent ainsi les premiers commerçants indiens à développer, dès les années 1960, une activité commerciale dans le quartier du faubourg Saint-Denis.
32 À ce titre, les Pondichériens et les Indo-Vietnamiens, plus particulièrement les Marécars, ont joué un rôle fondamental dans le développement des courants migratoires sud-asiatiques en France en mettant en place des réseaux d’entraide dont vont bénéficier les vagues suivantes de migrants, et qui ont contribué à l’édification d’une infrastructure commerçante sud-asiatique à Paris. L’arrivée ultérieure des Pakistanais et des Indo-Mauriciens s’est effectuée dans le Sentier grâce à l’hébergement fourni par les Marécars, premiers employeurs ethniques et notables Indiens en France. Maîtrisant mieux les rouages administratifs et économiques, ces derniers ont développé des réseaux d’import-export qui fournissent l’ensemble des produits ethniques indiens aux commerçants d’Asie du Sud à Paris.
33 Néanmoins, il faut attendre les années 1980 pour que l’immigration sud-asiatique en France franchisse un seuil démographique plus important, avec l’apport des Pakistanais, des Bangladais, des sikhs et surtout des Tamouls sri lankais.
34 À partir des années 1970, l’immigration sud-asiatique, qu’elle soit sikhe, pakistanaise, sri lankaise ou bangladaise, suit le même modèle : la France est une destination de second choix, qui s’impose lorsque la Grande-Bretagne ferme ses portes, et la figure du migrant indien, pakistanais ou bangladais reste essentiellement masculine. À leur arrivée, les migrants sud-asiatiques ne passent ni par le foyer de travailleurs ni par le biais du logement social. Le rôle joué par l’entraide communautaire dans les parcours individuels comme ressource, mais aussi comme contrainte, est important pour comprendre cette similitude dans les trajectoires résidentielles. En effet, cette entraide qui tient parfois de l’exploitation (appartements insalubres loués à des compatriotes au prix fort) permet au migrant de trouver un logement, mais aussi un travail, puis d’acheter un premier appartement où il va loger des cousins et amis à la fois pour des raisons d’ordre économique et par obligation morale. Ce schéma type est à la base de la singularité de l’insertion socio-spatiale des migrants sud-asiatiques marquée par une dissociation entre lieux de résidence et lieux d’activité professionnelle.
35 Les secteurs d’activité qui recrutent traditionnellement de la main-d’œuvre immigrée, tels que l’industrie sidérurgique et automobile, sont déjà entrés en crise lorsque des migrants sud-asiatiques arrivent. Ceux-ci vont donc investir l’économie urbaine, en grande partie informelle, basée sur le travail non déclaré (vente de fleurs, de fruits et de légumes dans les stations du métro parisien) : les liens étroits entre économie informelle, travail clandestin et immigration sud-asiatique se mettent en place et vont se perpétuer avec les vagues migratoires suivantes. Seuls les Bangladais échappent à ce modèle. Si dans les années 1970, l’élite très éduquée et politisée de Dhaka recrée en France un entre-soi, se retrouvant pour des spectacles de danse ou de musique ou au sein du club bengali animé par des Bengalis indiens, les nouveaux arrivants ont peu de contacts avec elle. Ils vont alors s’appuyer dans un premier temps sur les structures d’entraide et de solidarité déjà mises en place par les autres migrants sud-asiatiques. Ils trouvent à s’employer principalement dans la restauration, dans le quartier de Strasbourg-Saint-Denis à Paris qui, au cours des années 1980, devient un quartier commerçant indo-pakistanais.
36 Les réfugiés constituent la troisième composante de l’immigration bangladaise en France : ce sont essentiellement des minorités religieuses (bouddhistes, hindous et chrétiens) qui obtiennent l’asile en vertu des persécutions religieuses dont elles sont victimes au Bangladesh. Aujourd’hui, les six principaux secteurs d’activité investis par les migrants sud-asiatiques sont le service direct aux particuliers relevant de l’hygiène et les services domestiques, le textile, la restauration, le commerce et l’hôtellerie, le bâtiment et les travaux publics, les services urbains (sociétés de nettoyage, gardiennage, coursiers, manutentionnaires).
37 Malgré tout, une identité sud-asiatique — ou une identité deshi — prend forme en France. En effet, la cuisine, le cinéma, le sport (le cricket en particulier) et la musique bhangrâ — en dessinant les contours incertains d’un ensemble métissé où chacun est à la fois de plusieurs lieux et de plusieurs milieux — permettent peu à peu le gommage des frontières résultant de la partition de 1947 et soutiennent un imaginaire diversifié qui amène à relativiser sa terre natale. Enfin, l’acception très large du terme « indien » vient renforcer la confusion terminologique qui règne en France, dans l’usage courant, entre les termes « Indien » et « hindou ». Ces deux termes sont en outre utilisés de manière interchangeable pour désigner des Sud-Asiatiques originaires en fait de l’Inde, du Pakistan, du Sri Lanka ou du Bangladesh. Le caractère flou de ces étiquettes a son importance : il contribue à brouiller la perception sociale de ces populations et joue un rôle dans les phénomènes d’assignation identitaire et sur la manière dont ils peuvent être réappropriés dans les processus de constructions identitaires.
Questionner les relations entre immigration et santé
38 Deux questions importantes animent ce dossier : la première est celle du caractère potentiellement pathogène de l’immigration placée en situation d’irrégularité en matière de séjour ; la seconde est épistémologique et vise à questionner l’apport de la question migratoire pour éclairer d’autres objets, d’autres disciplines. Dans cette période du tout migratoire, il semble que, contrairement aux problématiques migratoires qui ont été largement exploitées par l’ensemble des disciplines des sciences humaines et sociales, le questionnement autour du couple santé/migration soit récent. Et pour cause : ce qui s’énonce comme une catégorie homogène — les pathologies mentales des migrants, axées notamment sur les questions du traumatisme et des « troubles de l’adaptation » — ne l’est nullement. La diversité et la singularité des trajectoires migratoires, la complexité des situations rencontrées, la confusion entre réalité socio-économique et fait clinique et la ramification des dispositifs satellisant le phénomène migratoire rendent l’objet difficile à penser.
39 Précisons, si cela était encore nécessaire, que l’immigration n’est pas une pathologie sociale à traiter. Certes, elle produit des altérités inédites. Cependant, les migrations sont une affaire d’histoires singulières qui n’ont ni les mêmes causes ni les mêmes effets et qui ne produisent pas les mêmes symptômes. Lorsqu’il s’agit de santé mentale, les contributions rassemblées dans ce dossier ne tombent pas dans l’écueil de l’assimilation du psychologique au sociologique. Si l’on fait l’hypothèse que l’expérience migratoire peut constituer un phénomène déclencheur de troubles psychiques, c’est bien la part subjective du discours et la trajectoire singulière du sujet qui sont mis en avant dans les objets de recherche et non les déterminations socio-culturelles les occultant.
40 Plus globalement, si la migration n’est pas pathogène de façon intrinsèque, elle s’avère néanmoins être une expérience risquée. Elle l’est encore plus lorsqu’elle est involontaire et forcée. En particulier parce que la personne qui émigre n’y est alors prête ni psychologiquement, ni sociologiquement, ni économiquement. N’oublions pas que la migration, entendue comme un déplacement/emplacement/ replacement, génère toute une série de bouleversements et modifications : l’environnement, la langue, le langage et les styles de communication, la perte de réseau social, la modification des rôles sociaux, la modification des rôles familiaux, les possibilités de pratiques religieuses, le respect des interdits religieux, les règles et les lois en vigueur. L’émigré quitte et perd l’enveloppe des lieux, des sons, des odeurs, des sensations de toutes sortes qui constituaient les premières marques sur lesquelles s’était établi le codage de son fonctionnement psychique.
41 Dans un processus comme la migration forcée, où les migrants vivent des expériences stressantes à chacune de ses phases, le réseau de soutien social et les stratégies d’adaptation (coping) apparaissent comme des facteurs d’analyse importants. C’est pourquoi un grand nombre de contributions rassemblées dans ce dossier essaient de déterminer les évolutions du réseau de soutien social des migrants et l’impact de ces évolutions sur leur santé. Les contributions rassemblées ici analysent également les stratégies d’adaptation, utilisées par une population qui a connu beaucoup de pertes : dépression, anxiété, isolation, manque d’estime de soi.
42 C’est donc dans une acception large de la santé, au sens de l’Organisation mondiale de la santé [38], que les auteurs travaillent le lien à la migration. Un dossier qui pose la question des pathologies de l’exil, et au-delà, qui dessine l’émergence d’une nouvelle clinique de l’asile dans un monde globalisé.
Organisation du numéro
43 Bien que les contributions qui composent ce dossier aient toutes en commun d’approcher de façon multiple les questions du trauma, de l’exil, de la santé mentale et physique et celle des parcours de santé, nous avons voulu organiser ce numéro en trois parties.
44 La première partie questionne les relations entre conflits, déplacements et traversée des océans. La contribution originale de Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky plonge dans la nature symbolique, émotionnelle et sociale du voyage à travers l’océan et nous invite à considérer l’impact sous-estimé de la traversée dans la compréhension psychologique des traumatismes liés à la migration. L’auteure tire de la compréhension anthropologique du concept hindou de kalapani — la traversée des eaux noires, généralement associée à l’acte impur de la transgression des lois de caste qui garantissent le statut — et indique comment le kalapani devrait être conçu en tant qu’espace-temps du traumatisme. Ce n’est pas seulement la nature métaphorique du kalapani en tant que cadre interprétatif du voyage qui retient notre attention ici, mais également la suggestion de l’auteur de convoquer ce motif métaphorique dans une consultation de psycho-traumatologie : en accompagnant le patient à travers l’expérience de kalapani, il est possible de passer de la mort symbolique à la régénération et de transformer le chaos en ordre renouvelé.
45 La contribution de Giacomo Mantovan prépare le terrain pour la compréhension des dynamiques historique, politique et sociale qui sous-tendent la migration d’une des composantes les plus importantes par son poids démographique, des flux de population sud-asiatique en France et en Europe : les Tamouls du Sri Lanka. Leurs parcours migratoires sont à mettre en lien avec une guerre civile de plus de trois décennies qui a vu s’opposer la majorité cinghalaise bouddhiste à la minorité hindouiste. La fin officielle du conflit en mai 2009 avec la défaite du ltte et les accusations de violations des droits de l’homme n’a pas mis fin à la demande d’asile sri lankaise en France et en Europe.
46 La grande originalité de la contribution de Giacomo Mantovan est de concentrer son analyse sur les anciens combattants du ltte. L’auteur examine d’abord comment les institutions d’accueil françaises traitent les demandes d’asile des anciens combattants, pour observer ensuite les rapports entre ces derniers et leurs compatriotes de la diaspora installée en France. Loin du militantisme, c’est la recherche d’une identité civile renouvelée, tiraillée entre la difficulté de vivre à l’ombre de la critique possible de la communauté tamoule (en France et en diaspora) et d’être pleinement accepté par la collectivité (à la fois française, mais également tamoule) qui est au centre de son analyse.
47 La question de la persistance de l’impact du conflit ethnique sur la déterritorialisation et la mobilité des migrants est reprise et développée par Delon Madavan dans son analyse des nombreux traumatismes vécus par les demandeurs d’asile tamouls. Les traumatismes psychologiques liés à la guerre et à la violence accompagnent les trajectoires des migrants et leur mobilité internationale. L’analyse développée par l’auteur montre surtout comment les traumatismes entraînent souvent des relations difficiles que les demandeurs d’asile entretiennent avec l’État, l’administration publique locale, les fonctionnaires et les travailleurs sociaux, et comment ces difficultés aggravent à leur tour le sentiment d’isolement et de marginalisation sociale qui caractérise cette population. En outre, il ouvre également au débat l’analyse de la nature sexuée de la demande d’asile et le traumatisme subi par les femmes abandonnées et divorcées : ici le fardeau d’être une minorité ethnique discriminée se combine à la condition de femme expulsée des réseaux sociaux et familiaux issus de la conjugalité.
48 La seconde partie du dossier est focalisée sur la reconnaissance légale, la « clandestinité » et les parcours de santé. Nisha Kirpalani ouvre la voie à l’analyse de l’expérience complexe et contradictoire de la « clandestinité » et de l’impact que celle-ci a sur les subjectivités des migrants. En concentrant son analyse sur une immigration masculine, des sans-papiers indiens originaires du Pendjab qui fréquentent le Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues (caarud) Beaurepaire de l’Association Charonne, l’auteure dresse le portrait rapide d’une immigration indienne en France peu connue, celle d’hommes sikhs, « clandestins », sdf, dépendants à l’alcool et/ou à des drogues, en souffrance physique et psychique, exclus par leur communauté d’origine et par le pays d’accueil, vivant dans une grande précarité, la violence et la déliaison sociale. Les usagers du centre apparaissent comme des sujets déconnectés non seulement de l’État français et de la société civile, mais également de la protection de leur propre communauté et de ses institutions, tels les gurdwaras (temples sikhs). Dans ce contexte, l’auteure montre comment des expériences éducatives et créatives, en l’occurrence un groupe de parole, peut engendrer un souffle de résistance, jouant également un rôle thérapeutique.
49 Christine Moliner se propose d’interroger les liens entre expérience migratoire, « clandestinité », exclusion sociale et situation sanitaire à travers le même dispositif de santé communautaire (caarud). Son analyse explore particulièrement les conséquences socio-sanitaires de la « clandestinité » à laquelle les politiques migratoires européennes condamnent des millions de migrants, en particulier ceux originaires d’Asie du Sud.
50 La contribution d’Anne-Cécile Hoyez est particulièrement précieuse dans la mesure où elle analyse le rôle de la médecine indienne et des praticiens de santé d’origine indienne dans le développement du pluralisme médical en Île-de-France. Les médecins d’origine indienne jouent un rôle-clé dans le développement de formes renouvelées de l’assistance médicale pour des sujets qui souffrent d’un isolement géographique et relationnel, d’une fragilité juridique et d’une insécurité économique. Ils jouent également un rôle de médiateur culturel et politique entre le patient et les institutions médicales nationales. En travaillant avec des patients sud-asiatiques, ils ont aussi développé une approche médicale différente reposant sur la loyauté, la confiance et la reconnaissance. L’appréciation des longues distances entreprises par les migrants indiens afin d’être traités et les expériences persistantes de la marginalisation et de la vulnérabilité renforcent l’importance-clé du praticien de la santé qui ne fournit pas seulement un service médical adéquat, mais fait également office de conseil dans l’interface avec d’autres professionnels agissant au sein du système de santé, et pas uniquement en France.
51 Comme celle d’Anne-Cécile Hoyez, dans une perspective complémentaire, l’analyse d’Estelle d’Halluin met au jour la nature politique des questions liées à la santé dans le contexte de la migration et de la demande d’asile. À partir d’une analyse détaillée et multidimensionnelle, l’auteure montre de quelle manière la procédure d’asile s’est complexifiée, les requérants devant disposer de ressources diverses pour répondre aux attentes bureaucratiques. Dans ce parcours, Estelle d’Halluin montre que le rôle des intermédiaires culturels (cultural brokers, littéralement « courtiers culturels ») est devenu crucial dans l’aide linguistique, bureaucratique, économique, mais aussi dans la régulation de l’accès aux services médicaux. L’auteure appréhende également le rôle politique de la santé et discute l’impact négatif de l’inflation de la demande de certificats médicaux et ses effets sur le marché de l’expertise. Cette inflation, précise l’auteure, tout en créant une méfiance chez les autorités et administrations chargées d’examiner les demandes d’asile, pourrait également être considérée comme le résultat de la nécessité pour les migrants de prouver la véracité de la violence vécue dans un contexte où l’« administration de la preuve » constitue la norme.
52 Enfin, la troisième partie se focalise sur la compréhension des dynamiques familiales et les migrations des mineurs isolés. L’analyse de Raffaela Cucciniello relie le thème de la nature politique de la santé à l’analyse des trajectoires d’un mineur isolé originaire du nord de l’Inde. En montrant les difficultés rencontrées par les mineurs isolés étrangers, elle nous invite à considérer les limites ambivalentes et floues entre ce qui relève du public et du privé dans la déclaration et la gestion médicale des traumatismes. L’auteure nous met également en garde contre les effets potentiellement dangereux d’une incompréhension des récits du patient concernant son expérience de l’exil, ses trajectoires et ses souffrances. À l’instar d’autres contributions rassemblées dans ce dossier, comme celle de Christine Moliner, l’auteure réaffirme également l’importance de comprendre l’impact de la « clandestinité » sur la santé.
53 Le travail de Florence Halder cartographie l’ensemble des difficultés associées au parcours migratoire des mineurs isolés. D’abord les traumatismes liés au voyage, en relation avec les effets dévastateurs que peuvent avoir sur les corps et l’esprit la famine, les abus sexuels, la subordination monétaire et l’exploitation par les « passeurs ». Puis le choc de l’arrivée et le parcours difficile pour accéder aux structures de la protection de l’enfance. L’auteure, et c’est bien là la force de son texte, relie ces traumatismes au rôle de pivot familial que se doit d’habiter le mineur isolé, subitement investi de la responsabilité énorme d’aider les parents à rembourser la dette contractée au pays pour payer la migration et subvenir aux besoins de la famille, restée en arrière. Dans ce contexte, une fois arrivés en France, les mineurs sont placés au centre d’attentes juridiques, sociales et économiques contradictoires, qui ont un très fort impact sur leur santé mentale et physique : le processus d’évaluation juridique de prise en charge des mineurs isolés apparaît en conflit avec l’urgence, pour ces enfants, sous la pression de compatriotes et d’intermédiaires, de gagner de l’argent, les poussant ainsi vers la sortie du programme de protection. Ce dernier apparaît à bien des égards pour les mineurs isolés comme une expérience infantilisante et passive, à laquelle s’oppose la nécessité impérieuse de soutenir leur famille. Dans ce contexte pathogène, le recours à une prise en charge psychiatrique est parfois nécessaire. Cet impératif se heurte néanmoins à l’aspect particulièrement stigmatisant que revêt cette orientation pour une personne venue d’Asie du Sud.
Notes
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[1]
Géographe, maître de conférences, Université de Bordeaux, membre de l’umr Les Afriques dans le monde (lam), Sciences-Po Bordeaux. Contact : anthonygoreau@yahoo.fr
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[2]
Anthropologue sociale, professeure assistante, Département de sociologie, Université de Gediz, Izmir (Turquie). Contact : Ester.gallo@gediz.edu.tr
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[3]
GOLINI, Antonio ; BONIFAZI, Corrado ; RIGHI, Alessandra, “A general framework for the European migration system in the 1990s”, in : KING, Russell (Ed.), The new geography of European migrations, London : Belhaven Press, 1993, pp. 67-82 (voir p. 81). La traduction est de notre fait.
-
[4]
Cf. JUGÉ, Tony ; PEREZ, Michael, “The modern colonial politics of citizenship and whiteness in France”, Social Identities, vol. 12, n° 2, 2006, pp. 187-212 ; GUILLAUMIN, Colette, L’idéologie raciste : genèse et langage actuel, Paris : Éd. La Haye, 1972, 247 p. ; BALIBAR, Étienne ; WALLERSTEIN, Immanuel, Race, nation, classe : les identités ambiguës, Paris : Éd. La Découverte, 1988, 310 p.
-
[5]
Cf. MUCCHIELLI, Laurent, Le scandale des tournantes, Paris : Éd. La Découverte, 2005, 124 p. ; FASSIN, Didier, “Questions sexuelles, questions raciales”, in : FASSIN, Didier ; FASSIN, Éric (sous la direction de), De la question sociale à la question raciale ?, Paris : Éd. La Découverte, 2006, pp. 230-248.
-
[6]
Cf. SCIORTINO, Giuseppe ; COLOMBO, Asher, “The flows and the flood : the public discourse on immigration in Italy, 1969-2011”, Journal of Modern Italian Studies, n° 1, 2004, pp. 94-113.
-
[7]
Cf. STOLCKE, Verena, “Talking culture : new boundaries, new rhetorics of exclusion in Europe”, Current Anthropology, vol. 36, n° 1, 1995, pp. 1-24 ; SCHNEIDER, Jane ; SCHNEIDER, Peter, “The anthropology of crime and criminalisation”, Annual Review of Anthropology, vol. 7, 2008, pp. 351-373.
-
[8]
Cf. GUÉNIF-SOUILAMAS, Nacira ; MACÉ, Éric, Les féministes et le garçon arabe, La Tour d’Aigues : Éd. de l’Aube, 2004, 106 p. ; HANCOCK, Claire, “Le corps féminin, enjeu géo-politique dans la France postcoloniale”, L’espace politique, n° 13, 2011, https://espacepolitique. revues.org/1882
-
[9]
TODOROV, Tzetan, The fear of Barbarians : beyond the clash of civilizations, Chicago : University of Chicago Press, 2010, 248 p.
-
[10]
Cf. BAUMANN, Gerd, “Body politics or bodies of culture ? How Nation-State practices turn citizens into religious minorities”, Cultural Dynamics, vol. 10, n° 3, 1998, pp. 263-280 ; GALLO, Ester, “Introduction : South Asian migration and religious pluralism in Europe”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 1-28 ; SINHA, Mrinalini, Colonial masculinity : the “manly Englishman” and the “effeminate Bengali” in the late nineteenth century, Manchester : Manchester University Press, 1995, 191 p.
-
[11]
Cf. MODOOD, Tariq, “Muslims and European multiculturalism”, in : MICHALSKI, Krzysztof (Ed.), Religion in the New Europe, Budapest : Central European University Press, 2006, pp. 97-110.
-
[12]
Cf. GRILLO, Ralph ; SOARES, Benjamin, “Transnational islam in Western Europe”, ISIM Review, n° 15, Spring 2005, p. 11.
-
[13]
Cf. BETZ, Hans-Georg, Radical right-wing populism in Western Europe, New York : St. Martin’s Press, 1994, 240 p. ; MASSETTI, Emanuele, “Mainstream parties and the politics of immi-gration in Italy : a structural advantage for the right or a missed opportunity for the left ?”, Acta Politica, 2014, http://www.palgrave-journals.com/ap/journal/vaop/ncurrent/abs/ap201429a.html
-
[14]
Cf. MASSETTI, Emanuele, “Mainstream parties and the politics of immigration in Italy : a structural advantage for the right or a missed opportunity for the left ?”, art. cité ; GALLO, Ester, “Migration, politics and catholicism : state of the art and future lines of enquiry”, communication présentée à la table ronde “Migrations and catholicism”, Université catholique de Brescia, 6-7 mai 2015.
-
[15]
VERTOVEC, Steven ; WESSENDORF, Susanne, “Introduction : Assessing the backlash against multiculturalism in Europe”, in : VERTOVEC, Steven ; WESSENDORF, Susanne (Eds.), The multiculturalism backlash : European discourses, policies and practices, London : Routledge Press, 2010, pp. 1-35.
-
[16]
ORGANISATION FOR ECONOMIC CO-OPERATION AND DEVELOPMENT, “International migration and the economic crisis : understanding the links and shaping policy responses”, in : ORGANISATION FOR ECONOMIC CO-OPERATION AND DEVELOPMENT, International migration outlook 2009, Paris : OECD Publishing, 2009, http://dx.doi.org/10.1787/migr_outlook-2009-3-en
-
[17]
Cf. BEETS, Gijs ; WILLEKENS, Frans, “The global economic crises and international migration : an uncertain outlook”, Vienna Yearbook of Population Research, 2009, pp. 19-37.
-
[18]
Trois conséquences parmi d’autres des politiques migratoires répressives sur les migrants économiques, réfugiés et exilés, sont insuffisamment présentes dans les analyses. D’abord, à la lutte contre un “risque migratoire” imaginaire correspond une prise de risque, croissante, par les candidats au voyage : plus les frontières se ferment et plus les migrants empruntent des voies dangereuses et souvent mortifères. Ensuite, indissociable de cela, on assiste à un renforcement et à une concentration du rôle des intermédiaires, souvent désignés comme “passeurs”, quoiqu’ils ne constituent pas un groupe homogène. Si nous ne remettons pas en cause l’existence de réseaux mafieux, cette économie est en partie le produit d’une politique de fermeture aux migrations. Par ailleurs, les pratiques criminelles associées aux voyages, en forte expansion, sont à mettre en rapport avec les décisions xénophobes qui en sont le terreau. Enfin, encore dans le même sens d’une fragilisation accrue des voyages, on voit partout une floraison de prédateurs, mêlés auxdits intermédiaires ou non, qui pillent les épargnes des personnes, les renvoient souvent à la case départ et obligent à leur tour les migrants à se livrer à des trafics ou à accepter de se faire exploiter, les femmes à se prostituer, tout cela en vue de reconstituer une épargne dérobée qui leur permettra de reprendre la route.
-
[19]
Le secteur des technologies de l’information s’est développé en Inde en trois étapes qui se superposent plus qu’elles ne se succèdent. Après une première phase dite de body shopping où les entreprises indiennes se sont fait connaître en louant les services d’informaticiens indiens partis travailler dans des entreprises étrangères (onsite), l’Inde se positionne, à partir des années 1990, comme un lieu de délocalisation (offshore) pour des activités de services simples qui peuvent être effectuées à distance grâce aux nouveaux réseaux de communication. Puis, par effet de remontée de filière, les entreprises indiennes convainquent leurs clients, essentiellement occidentaux, de leur confier des tâches de plus en plus sophistiquées au fil des années 2000.
-
[20]
Cf. GOREAU-PONCEAUD, Anthony, “Ganesha Caturthi and the Sri Lankan Tamil diaspora in Paris : inventing strategies of visibility and legitimacy in a plural monocultural society”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 211-230 ; CHOPRA, Radhika, Militant and migrant : the politics and social history of Punjab, New Dehli : Routledge Press, 2011, 168 p.
-
[21]
Cf. GALLO, Ester, “A suitable faith : catholicism, domestic labour and identity politics among Malayalis in Rome”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 249-265.
-
[22]
Cf. CHARSLEY, Katharine, “Unhappy husbands : masculinity and migration in transnational Pakistani marriages”, Journal of the Royal Anthropological Institute (N.S.), vol. 11, n° 1, March 2005, pp. 85-105.
-
[23]
Cf. MOLINER, Christine, “Frères ennemis ? Relations between Panjabi sikhs and muslims in the diaspora”, South Asian Multidisciplinary Academic Journal, 2006, http://samaj.revues.org/ 135?lang=fr
-
[24]
La définition de l’hindouité (hindutva) est un sujet politique plus que religieux. Pour Vinayak Damodar Savarkar (1883-1966), auteur de la brochure Hindutva : Who is a Hindu ?, est hindou celui qui considère le territoire indien comme sa patrie, mais aussi qui partage une culture dont font partie les bouddhistes, les sikhs et les jaïns, mais ni les musulmans ni les chrétiens. Nation-génie plutôt que nation-contrat, l’Inde doit être peuplée d’hindous plutôt que de citoyens. Comme d’autres mouvements religieux nationalistes, l’hindutva repose sur un rapport de symétrie entre la terre, le peuple et la religion, faisant de l’Inde (Bharat Mata) la terre des hindous. Ce nationalisme ethnique s’oppose au nationalisme universaliste de Nehru et de Gandhi. Le principal mouvement nationaliste hindou, né en 1925, est le Rashtriya Swayamsevak Sangh (rss, Organisation volontaire nationale). En plus d’une branche poli-tique, le Bharatiya Janata Party (bjp), le rss se compose d’une branche religieuse très active, le Vishva Hindu Parishad (vhp, Association hindoue universelle) qui s’appuie sur toute une nébuleuse d’organisations transnationales. À l’étranger comme en Inde, il s’agit de faciliter la mobilisation hindoue en effaçant les plus fortes disparités internes à cette religion.
-
[25]
Cf. MADSEN, Stig-Toft ; NIELSEN, Kenneth-Bo, “The political culture of factionalism among Hindu nationalists in Denmark”, Critical Asian Studies, vol. 41, n° 2, 2009, pp. 255-280 ; GOREAU-PONCEAUD, Anthony, “Ganesha Caturthi and the Sri Lankan Tamil diaspora in Paris : inventing strategies of visibility and legitimacy in a plural monocultural society”, art. cité.
-
[26]
Cf. FERRARIS, Frederica ; SAI, Silvia, “Sikhs in Italy : Khalsa identity from mimesis to display”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 171-190.
-
[27]
Cf. MOLINER, Christine, Invisible et modèle : première approche de l’immigration sud-asiatique en France, rapport d’étude pour la Direction de l’Accueil, de l’Intégration et de la Citoyenneté, Paris, 2009, 97 p.
-
[28]
Cf. JACOBSEN, Knut ; RAJ, Selva, “Introduction : making an invisible diaspora visible”, in : JACOBSEN, Knut ; RAJ, Selva (Eds.), South Asian Christian diaspora, Farnham : Ashgate Publishing, 2008, pp. 1-16 ; QURESHI, Kaveri, “Sikh associational life in Britain : gender and generation in the public sphere”, in : GALLO, Ester (Ed.), Migration and religion in Europe : comparative perspectives on South Asian experiences, Farnham : Ashgate Publishing, 2014, pp. 92-110.
-
[29]
Cf. AHMAD, Ali-Nobil, Masculinity, sexuality and illegal migration : human smuggling from Pakistan to Europe, Farnham : Ashgate Publishing, 2011, 230 p.
-
[30]
Cf. GIBB, Robert ; GOOD, Anthony, “Do the facts speak for themselves ? Country of origin information in French and British refugee status determination procedures”, International Journal of Refugee Law, vol. 25, n° 2, 2013, pp. 291-322 ; MANTOVAN, Giacomo, “Les récits de vie des demandeurs d’asile tamouls : vers une mémoire collective ?”, Hommes & Migrations, n° 1291, mai-juin 2015, pp. 40-50.
-
[31]
Cf. RICHARD, Clémence ; FISCHER, Nicolas, “A legal disgrace? The retention of deported migrants in contemporary France”, Social Science Information, vol. 47, n° 4, 2008, pp. 581-603.
-
[32]
Voir à cet égard FRIGOLI, Gilles (dossier coordonné par), “Mineur isolé étranger : une nouvelle figure de l’altérité ?”, Migrations Société, vol. 22, n° 129-130, mai-août 2010, pp. 91-278 ; MAZIZ, Linda, “Synthèse du colloque Mineur isolé étranger : une nouvelle figure de l’altérité ?”, Migrations Société, vol. 23, n° 136, juillet-août 2011, pp. 13-54 [ndlr].
-
[33]
Cf. VUDDAMALAY, Vasoodeven, “Présence indienne en France. Les facettes multiformes d’une immigration invisible”, Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 5, n° 3, 1989, pp. 65-77 ; ROBUCHON, Gérard, “Tamouls sri-lankais réfugiés en France. Quelques considérations sur la scolarité et les représentations linguistiques”, Migrants-Formation, n° 101, juin 1995, pp. 61-73 ; ASHOK, B., La présence des Indiens du Nord en Île-de-France, thèse de doctorat en géographie, Université Paris-Sorbonne IV, 1997, 485 p. ; ÉTIEMBLE, Angélina ; SIMON-BAROUH, Ida, Les Sri-Lankais dans la région Île-de-France. De l’accueil à l’installation : le rôle du communautaire, Paris : ADERIEM – FAS, 2000, 12 p. ; SERVAN-SCHREIBER, Catherine ; VUDDAMALAY, Vasoodeven (dossier coordonné par), “Diaspora indienne dans la ville”, Hommes & Migrations, n° 1268-1269, juillet-octobre 2007, pp. 3-194 ; DEQUIREZ, Gaëlle, Nationalisme à longue distance et mobilisations politiques en diaspora : le mouvement séparatiste tamoul sri lankais en France (1980-2009), thèse de doctorat en sciences politiques, Université Lille-2, 2011, 378 p. ; GOREAU-PONCEAUD, Anthony, La diaspora tamoule : trajectoires spatio-temporelles et inscriptions territoriales en Île-de-France, thèse de doctorat en géographie, Université de Bordeaux 3, 2008, 426 p. ; GOREAU-PONCEAUD, Anthony (dossier coordonné par), “Diasporas sri lankaises entre guerre et paix”, Hommes & Migrations, n° 1291, mai-juin 2011, pp. 3-136 ; MOLINER, Christine, Invisible et modèle : première approche de l’immigration sud-asiatique en France, op. cit.
-
[34]
Cf. BUTLER, Judith, Ce qui fait une vie : essai sur la violence, la guerre et le deuil, Paris : Éd. Zones, 2010, 176 p.
-
[35]
Cf. MOLINER, Christine, Invisible et modèle : première approche de l’immigration sud-asiatique en France, op. cit.
-
[36]
Cf. MADAVAN, Delon, Les populations d’origine sud-asiatique à Paris et le non-recours aux droits sociaux, Paris : Délégation de la politique de la ville et de l’intégration de la mairie de Paris, 2014, 67 p.
-
[37]
Province de l’Empire des Indes britanniques, le Bengale oriental a d’abord rejoint le Pakistan lors de la décolonisation et de la partition de 1947, avant de gagner son indépendance par les armes en 1971 et devenir le Bangladesh.
-
[38]
La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.