Couverture de MIGRA_123

Article de revue

Appartenance identitaire en migration : marocaines en France et en Italie

Pages 225 à 239

Notes

  • [1]
    L’enquête de terrain s’est déroulée de 2004 à 2006. Voir LORENZONI, Eva, Processi di cos-truzione identitaria : il caso delle donne marocchine migranti. Un’indagine comparata fra Italia e Francia, Università di Torino – Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2008, 325 p.
  • [2]
    Âgées de 19 à 59 ans, ayant différents niveaux de formation, travaillant ou non, immigrées ou filles d’immigrés.
  • [3]
    Cf. BESSIS, Sophie ; BELHASSEN, Souhayr, Femmes du Maghreb : l’enjeu, Paris : Éd. Lattès, 1992, 278 p. ; GUÉNIF-SOUILAMAS, Nacira, Des “beurettes” aux descendantes d'immigrants nord-africains, Paris : Éd. Grasset & Fasquelle, 2000, 362 p. Il est important de souligner que ces clichés sont souvent utilisés pour décrire également l’expérience des descendantes des immigrés.
  • [4]
    CAMILLERI, Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires : Paris, Presses universitaires de France, 1990, 232 p.
  • [5]
    Cf. SCIOLLA, Loredana, “Riconoscimento e teoria dell’identità”, in : DELLA PORTA, Donatella ; GRECO, Monica ; SZAKOLCZAI, Arpad (a cura di), Identità, riconoscimento, scambio : saggi in onore di Alessandro Pizzorno, Roma : Edizione Laterza, 2000, pp. 5-29 ; SCIOLLA, Loredana, “L’‘io’ e il ‘noi’ dell’identità. Individualizzazione e legami sociali nella società moderna”, in : LEONINI, Luisa (a cura di), Identità e movimenti sociali in una società planetaria. In ricordo di Alberto Melucci, Milano : Angelo Guerini e Associati, 2003, pp. 92-107.
  • [6]
    En France, la première migration était une migration surtout masculine, de travail ; les femmes sont arrivées plus tard, dans un premier temps pour rejoindre leur mari. En Italie, en revanche, la migration féminine a suivi tout de suite la migration masculine. Aujourd’hui, la féminisation des chaînes migratoires caractérise les deux pays : la nouveauté est la présence de plus en plus croissante de femmes célibataires, qui migrent seules à la recherche d’un travail et d’occasions d’améliorer leur condition sociale.
  • [7]
    Sur la question des modèles, voir BERTOSSI, Christophe ; DUYVENDAK, Jan Willem (dossier coordonné par), “Modèles d’intégration et intégration des modèles ? Une étude comparative entre la France et les Pays-Bas”, Migrations Société, vol. 21, n° 122, mars-avril 2009, pp. 25-281 [NDLR].
  • [8]
    La Constitution italienne reconnaît la liberté de religion, mais des privilèges sont reconnus à la religion catholique en vertu des accords du Latran de 1929. Ces accords ont été revisités en 1984 (Nouveau Concordat de Villa Madama) pour supprimer le statut de “religion d’État” reconnu jusqu’alors au catholicisme, qui garde cependant comme un caractère de “canal préférentiel”. En revanche, la reconnaissance des autres religions est soumise à des ententes signées une par une.
  • [9]
    Le principe de la laïcité a été affirmé avec la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». La Constitution, dans son article 1er, affirme que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
  • [10]
    De nombreuses enquêtes ont été conduites à cet égard. Voir entre autres ATTIAS-DONFUT, Claudine ; GALLOU, Rémi ; ROZENKIER, Alain ; WOLFF, François-Charles ; DAVEAU, Philippe, L’enracinement. Enquête sur le vieillissement des immigrés en France, Paris : Éd. Armand Colin, 2006, 357 p. ; SAINT-BLANCAT, Chantal, “La transmission de l’islam auprès des nouvelles générations de la diaspora”, Social Compass, vol. 51, n° 2, 2004, pp. 235-247 ; SAINT-BLANCAT, Chantal (a cura di), L’Islam in Italia : una presenza plurale, Roma : Edizioni Lavoro, 1999, 211 p. ; TRIBALAT, Michèle, Faire France : une enquête sur les immigrés et leurs enfants, Paris : Éd. La Découverte, 1995, 231 p. ; ZINCONE, Giovanna (a cura di), Secondo rapporto sull'integrazione degli immigrati in Italia, Bologna : Editrice Il Mulino, 2001, 840 p.
  • [11]
    Cf. OSSERVATORIO INTERISTITUZIONALE SUGLI STRANIERI IN PROVINCIA DI TORINO, Rapporto 2005, Torino : Pubblicazioni Città di Torino - Ufficio di Statistica, 2006, CD-Rom ; INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, Atlas des populations immigrées en Île-de-France, Paris : INSEE - FASILD, 2004, 60 p.
  • [12]
    Cf. INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, Atlas des populations immigrées en Île-de-France, op. cit.
  • [13]
    Cf. PARK, Robert ; BURGESS, Ernest ; McKENZIE, Roderick, La città, Milano : Einaudi Editore, 1999, 202 p.
  • [14]
    Halima T., 51 ans, interviewée à Trappes.
  • [15]
    Dalila, 46 ans, interviewée à Trappes.
  • [16]
    LACOSTE-DUJARDIN, Camille, “Transmission religieuse et migration : l’islam identitaire des filles de Maghrébins immigrées en France”, Social Compass, vol. 41, n° 1, 1994, pp. 163-170.
  • [17]
    DELCROIX, Catherine, Ombres et lumières de la famille Nour. Comment certains résistent face à la précarité, Paris : Éd. Payot, 2001, 258 p. ; DELCROIX, Catherine, “Ressources subjectives et construction d’un capital d’expérience biographique : l’exemple des médiatrices socioculturelles”, in : DARDY, Claudine ; FRÉTIGNÉ, Cédric (sous la direction de), L’expérience professionnelle et personnelle en questions, Paris : Éd. L’Harmattan, 2007, pp. 83-116. Selon Catherine Delcroix, les ressources subjectives deviennent du capital d’expérience biographique quand les personnes peuvent les utiliser comme un atout dans un CV.
  • [18]
    « Je suis une habitante de Turin, une musulmane et en même temps une Marocaine, mais pas forcément dans cet ordre, ça dépend du moment » [notre traduction]. Jasmine, 21 ans, interviewée à Turin.
  • [19]
    Fathema A., 33 ans, interviewée à Paris.
  • [20]
    En accord avec Emmanuelle Santelli, nous préférons parler des « descendants des familles immigrées » plutôt que de “deuxième génération” parce que la tendance à utiliser cette dernière expression pour nommer les enfants issus de familles immigrées est un moyen de renvoyer ces enfants à l’origine de leurs parents, même quand ils sont nés dans les contextes occidentaux. Voir SANTELLI, Emmanuelle, “De la ‘deuxième génération’ au descendants d’immigrés maghrébins : apports, ‘heurts’ et malheurs d’une approche en termes de génération”, Temporalités, n° 2, 2004, pp. 29-43.
  • [21]
    « Je me sens complètement intégrée en Italie. Je parle italien, ma culture est italienne, j’ai étudié l’histoire italienne. L’Italie est mon pays. Il n’y a de différent chez moi que la religion » [notre traduction]. Saana, 24 ans, interviewée à Turin.
  • [22]
    Hanan R., 25 ans, interviewée à Trappes.
  • [23]
    Faouzia, 38 ans, interviewée à Paris.

1 La présente contribution se fonde sur une enquête comparative portant sur les processus de construction identitaire des femmes d’origine marocaine en Italie et en France [1]. À partir de l’analyse de 50 entretiens semi-structurés effectués à Turin et dans la région parisienne auprès des femmes d’origine marocaine [2], nous avons essayé de rechercher les influences des parcours migratoires sur le développement de leur subjectivité et nous avons enquêté sur les dimensions de l’identité qu’elles privilégient pour se définir.

2 Ce texte questionne en particulier la façon dont ces femmes redéfinissent leur appartenance nationale et religieuse par rapport aux interactions sociales dans le contexte de la vie quotidienne, sans négliger le poids des structures et des représentations sociales, et notamment celui d’une forte stigmatisation. À ce propos, il ne faut pas oublier que dans les discours publics des adjectifs tels que “marocaines” et “musulmanes” sont souvent utilisés comme synonymes de “soumises”, “opprimées” ou “traditionalistes”, en opposition à la modernité occidentale, la représentation des femmes immigrées originaires d’un pays musulman comme des femmes incapables d’être des sujets actifs de leurs propres expériences étant très répandue [3].

3 Sceptique quant à de tels discours refusant à ces femmes la liberté de choisir leur appartenance, nous avons décidé de vérifier si “être musulmane” ou “être marocaine” dans les pays d’immigration renvoie à une identité rigide et prédéfinie ou si, au contraire, cette appartenance se reconstruit par l’effet des interactions dans le contexte de la migration. Notre hypothèse est que, pour élaborer une autodéfinition, ces femmes doivent élaborer des « stratégies identitaires » [4] qui prennent en compte les définitions qu’on leur attribue : on a donc adopté une approche dynamique et relationnelle, qui souligne la double dimension d’individuation et d’égalité inhérente au concept d’identité [5].

Aspects contextuels

4 Le choix d’une perspective comparatiste a été guidé par l’idée qu’il existe un lien étroit entre la conception de soi et les formes d’identification sociale. Ajoutons que le même lien est modelé et redéfini de façon différente selon le cadre dans lequel l’individu se meut.

5 La reconstruction des milieux de la vie quotidienne des femmes interviewées est donc fondamentale si l’on veut comprendre l’impact de la différence des contextes sur leur capacité d’agir et de construire leur place dans l’espace public.

Les contextes nationaux

6 Les différences de contexte entre l’Italie et la France sont nombreuses. En premier lieu, les deux pays diffèrent en ce qui concerne l’évolution historique de l’immigration originaire du Maroc. En France, le flux des personnes ayant migré à partir des territoires coloniaux, notamment le Maghreb, a commencé avant la Première Guerre mondiale. À partir de la Seconde Guerre mondiale, ce flux a été fortement encouragé car le besoin de main-d’œuvre pour soutenir les programmes de reconstruction économique était très fort. L’Italie, au contraire, est devenue un pays d’immigration précisément au moment où les pays de l’Europe septentrionale ont brusquement inversé la tendance de leurs politiques migratoires à la suite de la récession des années 1973-1974. En Italie, l’immigration s’est tout de suite caractérisée par la diversité des pays d’origine. La comparaison entre les deux pays est possible à condition d’inscrire les processus respectifs dans une continuité historique : la France et l’Italie seraient dans deux phases différentes et successives dudit processus [6].

7 En deuxième lieu, la France a développé un “modèle assimilationniste” de l’immigration, tandis que l’Italie peine à développer un “modèle” cohérent d’intégration [7]. De plus, le droit de la nationalité n’est pas le même dans les deux pays : en France, le droit du sol s’applique, ce qui permet aux jeunes issus de l’immigration l’obtention presque automatique de la nationalité française (ils deviennent ainsi citoyens, au moins formellement) ; en Italie, en revanche, le droit du sang prévaut.

8 La France et l’Italie se différencient aussi dans les formes juridiques des rapports entre l’État et la religion ainsi que dans le rôle reconnu à la religion au sein de la société : si le droit italien reconnaît toutes les religions [8] et si l’importance de la religion dans l’espace public — surtout celle de la religion catholique — n’est généralement pas mise en question, en France la laïcité est depuis longtemps une valeur centrale de la République, la séparation entre l’État et les Églises étant formellement établie [9]. Cependant, nous avons constaté qu’en Italie la reconnaissance juridique de l’islam est plus formelle que substantielle. Par exemple, les nombreuses tentatives pour conclure un accord entre l’État et les délégations de la communauté musulmane mises en œuvre depuis plusieurs années déjà échouent face aux obstacles et aux préjugés. La France, au contraire, tout en continuant à affirmer la “laïcité républicaine”, a commencé il y a quelques années un parcours tendant à identifier à l’intérieur de la communauté musulmane française des interlocuteurs susceptibles de devenir des interlocuteurs de l’État en ce qui concerne les aspects cultuels et religieux de l’islam ayant un impact sur la vie publique. La France semble donc avoir perçu plus tôt que l’Italie que l’islam est désormais un élément intégrant du patrimoine culturel national dont il faut tenir compte. Il convient cependant de préciser que ce processus de reconnaissance n’est pas sans obstacles, la querelle du foulard islamique et les difficultés pour la mise en service de lieux de prière étant deux exemples de ces difficultés.

9 En dépit de ces différences contextuelles, les conditions structurelles qui influencent le regard social porté sur les femmes interviewées sont les mêmes dans les deux pays : le poids des difficultés liées à la migration et les barrières linguistiques, les discriminations sur le marché du travail et les difficultés pour obtenir un logement, la perte des réseaux familiaux et leur difficile reconstitution, les conséquences des politiques sociales et urbaines, les discours médiatiques cantonnant l’immigration dans un schéma conflictuel et décrivant l’immigré musulman comme “non intégrable” [10].

Les contextes locaux d’interaction

10 C’est surtout l’analyse des contextes locaux d’interaction qui ouvre des pistes nouvelles pour comprendre la capacité des femmes d’origine marocaine d’agir et de construire leur place dans l’espace public.

11 Nous avons conduit nos entretiens d’une part à Turin et d’autre part en région parisienne, en particulier à Trappes. Ce choix s’explique par les différences d’organisation de l’espace urbain : à Turin la majorité de la population immigrée se rassemble dans deux quartiers du centre-ville, San Salvario et Porta Palazzo, alors qu’en région parisienne la population d’origine étrangère se concentre surtout dans les banlieues [11]. Le choix de Trappes nous a paru légitime, car cette petite ville est représentative de nombreuses autres banlieues soit par son habitat type (habitation à loyer modéré, hlm), soit par sa gestion des questions concernant l’immigration. De plus, une partie importante de la population d’origine marocaine vivant en région parisienne s’est installée dans cette ville [12].

12 Dans les deux pays, une sorte de “perception ethnique” de ces zones s’est répandue : même si ce ne sont pas uniquement des individus d’origine étrangère qui y habitent, dans l’imaginaire commun ces zones sont perçues comme le symbole même de l’immigration. De ce point de vue, les “quartiers ethniques” de Turin peuvent être comparés à certaines villes de la banlieue parisienne et être considérés comme des “villes en tant que telles” (inner cities) [13].

13 Il est important d’observer que le fait de vivre dans certaines zones conditionne les possibilités de se déplacer, mais aussi les possibilités qu’ont les personnes de profiter des potentialités offertes par la ville. Si la zone de résidence n’apparaît pas comme le seul élément favorisant la complète insertion dans la vie sociale du pays d’installation (d’autres éléments, comme le fait d’avoir ou non une activité en dehors de la maison ou de participer ou non à la vie associative locale, semblent différencier de façon significative les parcours de personnes habitant le même quartier), le risque de vivre dans ces “quartiers ethniques” est celui de se trouver dans une situation de nette séparation d’avec le reste de la population.

Les stratégies identitaires

14 Les femmes interviewées n’ont pas toutes la même liberté de choisir leur manière de se définir : ce sont les différentes combinaisons d’éléments — tels que l’organisation de la vie quotidienne, la participation à l’espace public et à la vie associative, les services institutionnels auxquels elles s’adressent, les lieux où elles pratiquent l’islam — qui donnent lieux à des parcours de reconnaissance diversifiés. Spécifiquement, nous avons distingué quatre stratégies dominantes déployées par les femmes interrogées lors de cette enquête pour obtenir une reconnaissance au sein des espaces sociaux dans lesquels elles vivent. Comme nous le montrerons par la suite, trois variables principales influencent ces stratégies de construction identitaire : le capital culturel, la génération d’appartenance et les réseaux sociaux.

Les identités repliées sur la famille

15 Cette modalité d’identification — le repli familial — est caractérisée par la continuité par rapport à la tradition. Nous l’avons observé chez certaines femmes ayant émigré pour suivre leur mari et disposant d’un faible capital culturel, lesquelles passent la plus grande partie de leur vie entre les murs de la maison (elles ne travaillent pas) et qui connaissent de grands problèmes d’isolement communicationnel et spatial. Pour elles, la famille constitue le point de référence principal. Les relations en dehors du noyau familial sont toutes construites à l’intérieur de la communauté des compatriotes.

16 Il n’est pas surprenant que dans cette situation ces femmes définissent leur appartenance essentiellement par rapport au passé, en construisant une identité liée aux origines et en continuant à rêver de retourner au Maroc, même si la présence des enfants — qui considèrent l’Italie ou la France comme leur pays — leur font prendre conscience que ce rêve ne deviendra jamais réalité. « Mon pays reste le Maroc », « mon cœur est marocain », nous ont dit les femmes constituant ce groupe et qui emploient en permanence dans leurs discours l’expression « chez nous » pour indiquer la manière dont se passent les choses au sein de la communauté des compatriotes, en opposition aux modèles et aux styles de vie des Italiens et des Français, qui à leurs yeux restent fondamentalement étrangers.

17 Parallèlement, pour toutes ces femmes l’identité nationale et l’identité religieuse semblent aller de pair. En se définissant comme musulmanes, elles signifient une adhésion “automatique” à l’islam : « C’est notre religion... nous Marocaines, nous sommes tous musulmans » [14]. L’islam est une partie de leur identité marocaine, la religion de leur famille, de leur pays, de leur groupe de compatriotes, celle qu’elles pratiquaient avant d’émigrer en Europe, celle avec laquelle elles ont grandi.

18 La religion est également pour ces femmes une expérience privée qui se déroule surtout dans le contexte familial. Cette religiosité discrète dépend du fait qu’elles ont grandi dans des contextes organisés selon une division nette entre sphère publique masculine et sphère publique féminine. En reproduisant cette organisation spatiale dans le contexte de migration, elles considèrent la prière comme un acte individuel qui doit être pratiquée avant tout à l’intérieur de la maison.

19 Le repli familial apparaît ainsi comme une modalité de construction identitaire dans laquelle le souvenir des liens familiaux laissés dans le pays d’origine aide à mieux supporter la solitude et l’isolement rencontrés dans le contexte migratoire. Parmi les femmes concernées par cette typologie, on ne note pas de différences significatives dans les comportements ni dans les parcours identitaires entre celles rencontrées en Italie et celles rencontrées en France. L’explication de cette similitude est à relier au fait que ces femmes — plutôt isolées dans le pays d’installation et reproduisant quasi automatiquement des styles de vie intériorisés au Maroc — ont une expérience migratoire qui ne semble pas avoir une grande incidence sur leur processus d’identification et qu’elles continuent à se définir par rapport au passé.

Les identités affectives

20 D’autres femmes interviewées élaborent des définitions de soi qui mettent en avant leur spécificité culturelle, sans qu’elles soient pour autant totalement renfermées par rapport à l’extérieur : il s’agit au contraire de femmes qui ont tissé des rapports de travail et des relations sociales dans le contexte de la migration, dans lequel elles sont parfaitement à l’aise, car elles disposent des ressources leur permettant de s’insérer dans l’espace public (elles maîtrisent la langue du pays d’immigration, elles savent à quels services s’adresser en cas de besoin, etc.).

21 Toutes ces femmes parlent de leur migration comme d’un événement qui leur a offert l’occasion de construire leur propre parcours d’émancipation, grâce surtout à la possibilité de travailler. Une présence plus importante dans l’espace public n’a toutefois pas de grande incidence sur leurs points de repère : malgré leur inclusion dans la société d’accueil, leurs points de repère se trouvent surtout au sein de la communauté de compatriotes. Pour elles, le sentiment d’appartenance s’est forgé avant tout durant l’enfance dans le pays d’origine ; de même, la langue qu’elles privilégient en famille reste l’arabe ou le berbère, les plats qu’elles cuisinent sont ceux que préparait leur mère. Même là où elles soulignent leur propre intégration à la société d’accueil, ces femmes insistent sur le fait qu’elles sont “marocaines”. Cela est valable aussi pour celles qui ont obtenu la nationalité du pays d’installation, comme l’a a affirmé une de nos interviewées : « Bien que je suis française sur le papier, je suis toujours arabe. Ce n’est pas une feuille de papier qui peut changer la culture. J’habite là et j’ai appris la culture française, mais je suis marocaine, j’habite chez les Marocains. La nationalité, c’est uniquement un laissez-passer pour travailler ! » [15].

22 Mais le fait de se reconnaître en tant que Marocaines n’implique pas une fermeture envers l’espace qui les entoure : à la différence du groupe précédent, le témoignage d’appartenance apparaît comme le fruit d’un choix individuel plutôt que comme la simple reproduction automatique de conditions préexistantes.

23 Un élément qui à première vue semblerait relier les femmes regroupées dans cette catégorie à celles du groupe précédent est le fait que, pour elles aussi, se définir comme musulmanes paraît être un élément intrinsèque du sentiment d’appartenance nationale : c’est en tant que Marocaines qu’elles se disent musulmanes. La formule proposée par Camille Lacoste-Dujardin, « musulmane par filiation » [16], semble être particulièrement adaptée pour décrire leur modalité d’appartenance à l’islam : se re-connaître comme musulmanes représente pour ces femmes un acte qui prend une grande connotation affective, une façon de renforcer le lien avec leurs origines en retrouvant dans la mémoire familiale les racines de leur identité culturelle. De ce point de vue, se définir comme musulmane témoigne moins de la revendication d’une identité religieuse spécifique que de la conscience de provenir d’un système culturel bien défini.

24 En se définissant comme Marocaines, ces femmes insistent souvent sur les éléments positifs de leur pays, en les opposant ouvertement aux visions stéréotypées du Maroc présentes dans l’imaginaire collectif. De ce point de vue, dans la construction de l’“image pour soi” de ces femmes, une stratégie de revalorisation entre en jeu, laquelle a pour objectif de maintenir le lien avec le pays et la culture d’origine, mais aussi de s’opposer à “l’image pour l’autre” répandue dans les discours publics, considérée comme dévalorisante.

25 Cette modalité d’appartenance affective et émotive est plus importante parmi les femmes rencontrées en Italie que parmi celles rencontrées en France. Toutefois, il ne faut pas expliquer cette différence à partir des quelques caractéristiques spécifiques des deux contextes, mais plutôt en raison de la différence temporelle entre les vagues migratoires de ces deux pays : le fait que l’ancienneté du séjour dans le pays d’accueil soit moindre dans le cas des femmes de l’échantillon italien — par rapport à celles de l’échantillon français — pourrait en partie expliquer pourquoi, même face à des processus d’insertion qu’on peut considérer comme réussis, elles sont encore nombreuses à construire leur propre identité en se référant au pays où elles ont passé la plus grande partie de leur vie.

Les identités recomposées

26 Pour la majeure partie des femmes interviewées, l’exercice d’une activité professionnelle et l’insertion au sein de sphères sociales diverses leur donne plus de possibilités de s’affirmer : plus l’espace social s’élargit, plus les occasions de redéfinir leur propre sentiment d’appartenance se multiplient.

27 Il est important de souligner que, comme dans le cas précédent, le seul capital culturel n’est pas suffisant pour déterminer les processus d’inclusion de ces femmes dans l’espace public : nous avons rencontré des femmes qui, bien qu’ayant quitté le Maroc sans ressources culturelles et économiques, ont réussi à se construire un parcours de pleine inclusion professionnelle, économique et sociale grâce à des ressources subjectives et individuelles — qui vont de qualités comme le courage et la ténacité jusqu’à la capacité de communiquer et de repérer des informations utiles à s’orienter dans l’espace social — qu’elles ont transformées en un « capital d’expérience biographique » [17] leur ayant permis de réaliser un projet autonome en se créant un nouveau statut social dans le pays d’immigration.

28 Dans ce groupe figurent des femmes appartenant à des vagues migratoires et générationnelles différentes, mais pour toutes l’identité se présente comme une recombinaison inédite de l’“ici” et de l’“ailleurs”, comme le résultat d’une synthèse entre des valeurs, des styles de vie et des habitudes divers. Le sentiment d’identité se forge grâce à un “bricolage” à l’intérieur duquel répertoires culturels et pratiques sociales du pays d’origine sont réélaborés et revisités : « Sono un’abitante di Torino, una musulmana e al tempo stesso una marocchina, ma l’ordine di importanza non è questo, dipende dal momento » [18] ; « Je me sens française mais ça dépend du moment... J’ai un statut ambigu... Par exemple, en ce qui concerne la santé, je suis très française de ce côté-là, j’ai mon médecin. Personne au Maroc a un médecin personnel... Mais en général, je me sens Française, mais pas complètement... mais même pas Marocaine complètement... pas seulement en termes spatiaux... ce n’est pas le fait que je n’ai pas les racines bien implantées en aucun des deux pays » [19].

29 La multiplication des références identitaires est considérée par ces femmes comme une grande occasion d’enrichissement leur permettant d’effectuer une véritable synthèse culturelle. Dans leur cas, on ne peut pas parler d’identités héritées ou acquises : ce qui se revèle ici est plutôt un processus de métissage, de mélange, d’hybridation culturelle.

30 En particulier, ces femmes revendiquent la liberté d’élaborer une définition d’elles-mêmes qui mette en avant le caractère personnel et subjectif de leurs expériences migratoires, surtout quand elles parlent de leur identité musulmane. Celles qui se disent non musulmanes donnent une définition d’elles-mêmes qui s’oppose à “l’image pour soi” proposée par ceux qui considèrent la religion comme un trait inévitable de l’identité nationale, mais qui s’oppose aussi à “l’image pour l’autre” qu’on leur attribue dans le contexte de la migration, dans lequel on tend souvent à percevoir comme musulmanes toutes les personnes originaires du Maroc.

31 De façon similaire, les femmes qui considèrent l’islam comme une dimension importante de leur propre identité ne souhaitent pas que la religion soit utilisée comme prétexte pour guider tous leurs comportements et revendiquent le droit de choisir librement quels éléments valoriser dans la définition de leur sentiment d’appartenance musulmane. Elles soulignent la différence entre “être musulmane” et “avoir une identité musulmane”, en déclarant qu’on peut être musulmane sans que ce trait d’identité devienne automatiquement prédominant dans toutes les sphères sociales et sans qu’il détermine tous les comportements de la personne croyante. Ces affirmations semblent parfaitement cohérentes avec une stratégie de recomposition de soi qui tend à mettre au premier plan le caractère subjectif de l’expérience migratoire et des processus de reconnaissance effectués au cours de cette expérience. On retrouve cette stratégie tant parmi les femmes interviewées en Italie que parmi celles interviewées en France. Toutefois, ces dernières — en particulier — insistent sur le fait que l’islam doit rester « une affaire privée », démontrant ainsi qu’elles ont intériorisé une séparation nette entre la religion et la sphère publique, un principe qui se trouve à la base du système français de laïcité.

Les identités revendiquées

32 Dans la catégorie “identités revendiquées” nous avons regroupé des femmes issues de familles immigrées [20] qui réclament le droit de se présenter dans l’espace public en tant que musulmanes et d’y être reconnues comme telles.

33 L’élément le plus intéressant ici est que, à la différence des autres femmes interviewées, pour les femmes de ce groupe le trait “marocaine” n’est absolument pas prépondérant. Elles construisent leur propre identité nationale en référence au pays où elles sont nées et où elles ont grandi : « Io mi sento totalmente integrata in Italia. Parlo italiano, la mia cultura è italiana, ho studiato la storia italiana. L’Italia è il mio paese. Quello che ho di diverso è solo la religione » [21] ; « Le Maroc c’est juste ça, le pays des vacances... C’est le pays de mes parents... mais je suis française, mes souvenirs sont tous français... et en plus je ne parle pas très bien l’arabe ; donc quand j’étais là-bas, j’avais toujours des difficultés » [22].

34 En revanche, si elles s’identifient toutes comme musulmanes, et contrairement aux femmes rencontrées auparavant, l’identité religieuse semble pour elles totalement différente de l’identité marocaine : elles déconstruisent en fait l’équation “marocaine = musulmane” assez diffusée dans l’imaginaire commun et elles souhaitent plutôt construire un islam “désethnicisé”, un islam international qui se présente ouvertement en rupture avec l’islam ethnique des parents, qui, lui, est strictement lié au contexte national de provenance.

35 L’effort de “désethniciser” l’islam semble correspondre parfaitement à une tentative de ces jeunes femmes de prendre des distances et de se différencier de la religiosité de la “première génération” à laquelle elles reprochent sa négligence en matière d’éducation religieuse. De ce point de vue, elles s’opposent à la “première génération” en adoptant une stratégie de revendication de leur propre différence, ce qui leur permet de se présenter comme des “vraies musulmanes” : elles revendiquent une approche cognitive de la foi en insistant sur le fait que la décision de pratiquer la religion ne veut pas dire forcément une adhésion automatique aux traditions, mais provoque de longues réflexions et des lectures approfondies du Coran.

36 Le fait le plus intéressant ici est que toutes ces femmes demandent explicitement à être reconnues comme musulmanes dans l’espace public, en partant de la conviction que pour faire pleinement partie de la société il n’est pas nécessaire de renoncer à un trait de son identité qu’on considère fondamental. Elles utilisent donc l’identité religieuse comme un moyen de mobilisation citoyenne et comme une ressource pour affronter la compétition sociale.

37 Il y a toutefois une différence remarquable entre les deux pays : si parmi les jeunes femmes interviewées en Italie cette demande ne semble pas émaner d’une contestation du “modèle d’intégration”, dans le contexte français cela devient parfois un instrument explicite de lutte politique. À ce propos, la question principale en suspens est celle de la reconnaissance : ces jeunes Françaises d’origine étrangère considèrent qu’elles ne sont pas traitées à égalité avec les autres Français appartenant à leur génération et se plaignent d’avoir rencontré de fortes contradictions entre les promesses méritocratiques de la société dans laquelle elles vivent et les réelles occasions qui leur sont offertes. Avec leur volonté de rendre publique leur appartenance, elles semblent remettre en discussion la réalité d’un des concepts fondamentaux sur lequel se base l’idée de nationalité : le principe d’égalité. Elles développent alors des stratégies identitaires revendiquant le droit au respect social.

38 De ce point de vue, l’histoire de Faouzia, une femme rencontrée à Paris, constitue un cas exemplaire. Pour elle, la définition de “l’image pour soi” semble construite en rapport direct à “l’image pour les autres” : ce sont les discriminations subies qui l’ont poussée à “s’approprier” les traits culturels qui faisaient d’elle un “objet de méconnaissance”, pour les utiliser ensuite pour ses propres revendications. Face aux définitions qu’elle se voit assigner de l’extérieur, définitions qui soulignent son extranéité par rapport à l’espace culturel dont elle se sent partie prenante, Faouzia a décidé d’utiliser la différence religieuse comme une ressource identitaire et politique dans le cadre de la compétition sociale, un instrument pour faire des demandes de reconnaissance dans l’espace public. De ce point de vue, la revendication des différences semble non seulement un refus des rôles assignés, mais aussi et surtout une nouvelle forme de critique sociale : « Il faut que le paysage s’habitue à nous voir... parce qu’on est là, on est né là, on a grandi là, on a les mêmes droits ! Je suis française, je demande l’égalité ! C’est dur à vivre, mais c’est mon pays ! [...]. Pour les femmes surtout, tu dois renoncer à tes racines : c’est le principe de diviser pour mieux régner. Les femmes qui ont décidé d’afficher leur identité, c’est la galère... Il y a plein de stéréotypes : “Elles ne sont pas modernes, elles ne s’intègrent pas”. Par contre, les femmes qui affichent une image d’intégration... Mais tu vois, c’est une émancipation uniquement vestimentaire... On a besoin d’un processus de réappropriation du soi » [23].

39 La demande d’être reconnue en tant que musulmane dans l’espace public se retrouve également parmi des jeunes femmes interviewées en Italie, mais sous une forme moins “revendicative” et plus dialogique. Nous avons remarqué, en particulier, que la question de l’appartenance religieuse ne semble pas créer de débats sur le rôle des institutions existantes. Au contraire, les jeunes interviewées ont déclaré qu’elles ont eu la possibilité de participer avec des Italiens à des moments de rencontre et d’approfondissement sur l’islam et le catholicisme et elles semblent apprécier la tentative des institutions locales de favoriser l’intégration de l’islam au sein du système existant. Il y a évidemment aussi des critiques, surtout par rapport aux stéréotypes souvent diffusés par les médias, mais le système juridique italien n’est pas contesté formellement, comme cela a été le cas pour certaines des femmes interviewées en France, lesquelles remettent en question le système français de la laïcité dans son ensemble, revendiquant le droit d’afficher en toute situation leur identité musulmane dans un pays où l’on considère que les identités religieuses ne doivent pas s’afficher dans la sphère publique.

40 On peut faire l’hypothèse que cette différence est liée au rôle distinct attribué à la religion au sein de la société italienne, où la manifestation de la foi dans l’espace public est un fait ordinaire. Mais on ne peut pas généraliser ces observations, vu que l’immigration en Italie est un phénomène plutôt récent et on ne peut donc pas exclure que dans le contexte italien aussi le contraste entre aspirations et possibilités de réalisation produisent une frustration similaire à celle qu’on retrouve dans les propos de Fouzia.

Considérations finales

41 La seule variable “pays d’origine” ne permet pas de rendre compte de la pluralité des situations vécues par des femmes d’origine marocaine : sans aucune prétention de généraliser les résultats de notre enquête, nous pouvons affirmer qu’elle fait éclater l’image stéréotypée de ces femmes en faisant ressortir le pluralisme de leurs parcours en termes de constructions identitaires, la complexité de leur rapport à l’islam et les évolutions de ce rapport dans des contextes nationaux non musulmans.

42 Les différentes pratiques de reconnaissance relevées parmi les femmes interviewées dépendent souvent du fait qu’elles ne disposent pas des mêmes capacités ni des mêmes ressources pour construire une définition subjective d’elles-mêmes. Nous avons identifié trois variables principales qui interagissent et influencent les processus de construction identitaire : le capital culturel, les réseaux sociaux et la génération d’appartenance.

43 Le capital culturel influe souvent de manière significative dans les processus d’inclusion des femmes interviewées : celles qui ont un niveau d’instruction plus élevé sont en général plus motivées pour chercher une occupation qui leur permette de tirer parti de leurs études et de se réaliser de façon autonome grâce au travail ou à la participation à la vie sociale et associative locale ; parallèlement, la diversification des cercles sociaux multiplie les sphères d’expérience au sein desquelles les femmes peuvent expérimenter plusieurs rôles et différentes dimensions d’appartenance.

44 Toutefois, c’est notamment le facteur générationnel qui s’est révélé déterminant pour différencier les parcours de reconnaissance : les générations issues de l’immigration fournissent les approches les plus innovatrices en termes de stratégies identitaires, en particulier dans leur rapport à l’islam, en procédant à la déconstruction de l’équation “marocaine = musulmane” dans leurs efforts pour “désethniciser” l’islam. En la matière, l’aspect le plus intéressant vient du fait qu’il s’agit d’une demande qui naît de l’intérieur : c’est véritablement en tant que citoyennes (françaises ou italiennes) que ces jeunes femmes réclament le droit de critique et de participation sociale. En même temps, elles inscrivent leur demande dans l’historie familiale : de ce point de vue, la transmission de la mémoire familiale s’avère fondamentale pour la réalisation d’un projet autonome, en continuité ou en rupture avec la génération précédente, car elle permet la comparaison entre des modes de vie et des histoires lointaines et favorise l’apprentissage de codes provenant d’univers sociaux et culturels différents.

45 Connaître les projets des parents, les motivations qui les ont poussés à partir, la façon dont se déroulait leur vie dans un autre contexte, sont autant d’éléments qui permettent aux jeunes issus de familles immigrées de jeter un regard plus large sur leur histoire personnelle, élément fondamental pour acquérir une plus grande conscience de soi.

Notes

  • [1]
    L’enquête de terrain s’est déroulée de 2004 à 2006. Voir LORENZONI, Eva, Processi di cos-truzione identitaria : il caso delle donne marocchine migranti. Un’indagine comparata fra Italia e Francia, Università di Torino – Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2008, 325 p.
  • [2]
    Âgées de 19 à 59 ans, ayant différents niveaux de formation, travaillant ou non, immigrées ou filles d’immigrés.
  • [3]
    Cf. BESSIS, Sophie ; BELHASSEN, Souhayr, Femmes du Maghreb : l’enjeu, Paris : Éd. Lattès, 1992, 278 p. ; GUÉNIF-SOUILAMAS, Nacira, Des “beurettes” aux descendantes d'immigrants nord-africains, Paris : Éd. Grasset & Fasquelle, 2000, 362 p. Il est important de souligner que ces clichés sont souvent utilisés pour décrire également l’expérience des descendantes des immigrés.
  • [4]
    CAMILLERI, Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires : Paris, Presses universitaires de France, 1990, 232 p.
  • [5]
    Cf. SCIOLLA, Loredana, “Riconoscimento e teoria dell’identità”, in : DELLA PORTA, Donatella ; GRECO, Monica ; SZAKOLCZAI, Arpad (a cura di), Identità, riconoscimento, scambio : saggi in onore di Alessandro Pizzorno, Roma : Edizione Laterza, 2000, pp. 5-29 ; SCIOLLA, Loredana, “L’‘io’ e il ‘noi’ dell’identità. Individualizzazione e legami sociali nella società moderna”, in : LEONINI, Luisa (a cura di), Identità e movimenti sociali in una società planetaria. In ricordo di Alberto Melucci, Milano : Angelo Guerini e Associati, 2003, pp. 92-107.
  • [6]
    En France, la première migration était une migration surtout masculine, de travail ; les femmes sont arrivées plus tard, dans un premier temps pour rejoindre leur mari. En Italie, en revanche, la migration féminine a suivi tout de suite la migration masculine. Aujourd’hui, la féminisation des chaînes migratoires caractérise les deux pays : la nouveauté est la présence de plus en plus croissante de femmes célibataires, qui migrent seules à la recherche d’un travail et d’occasions d’améliorer leur condition sociale.
  • [7]
    Sur la question des modèles, voir BERTOSSI, Christophe ; DUYVENDAK, Jan Willem (dossier coordonné par), “Modèles d’intégration et intégration des modèles ? Une étude comparative entre la France et les Pays-Bas”, Migrations Société, vol. 21, n° 122, mars-avril 2009, pp. 25-281 [NDLR].
  • [8]
    La Constitution italienne reconnaît la liberté de religion, mais des privilèges sont reconnus à la religion catholique en vertu des accords du Latran de 1929. Ces accords ont été revisités en 1984 (Nouveau Concordat de Villa Madama) pour supprimer le statut de “religion d’État” reconnu jusqu’alors au catholicisme, qui garde cependant comme un caractère de “canal préférentiel”. En revanche, la reconnaissance des autres religions est soumise à des ententes signées une par une.
  • [9]
    Le principe de la laïcité a été affirmé avec la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». La Constitution, dans son article 1er, affirme que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
  • [10]
    De nombreuses enquêtes ont été conduites à cet égard. Voir entre autres ATTIAS-DONFUT, Claudine ; GALLOU, Rémi ; ROZENKIER, Alain ; WOLFF, François-Charles ; DAVEAU, Philippe, L’enracinement. Enquête sur le vieillissement des immigrés en France, Paris : Éd. Armand Colin, 2006, 357 p. ; SAINT-BLANCAT, Chantal, “La transmission de l’islam auprès des nouvelles générations de la diaspora”, Social Compass, vol. 51, n° 2, 2004, pp. 235-247 ; SAINT-BLANCAT, Chantal (a cura di), L’Islam in Italia : una presenza plurale, Roma : Edizioni Lavoro, 1999, 211 p. ; TRIBALAT, Michèle, Faire France : une enquête sur les immigrés et leurs enfants, Paris : Éd. La Découverte, 1995, 231 p. ; ZINCONE, Giovanna (a cura di), Secondo rapporto sull'integrazione degli immigrati in Italia, Bologna : Editrice Il Mulino, 2001, 840 p.
  • [11]
    Cf. OSSERVATORIO INTERISTITUZIONALE SUGLI STRANIERI IN PROVINCIA DI TORINO, Rapporto 2005, Torino : Pubblicazioni Città di Torino - Ufficio di Statistica, 2006, CD-Rom ; INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, Atlas des populations immigrées en Île-de-France, Paris : INSEE - FASILD, 2004, 60 p.
  • [12]
    Cf. INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, Atlas des populations immigrées en Île-de-France, op. cit.
  • [13]
    Cf. PARK, Robert ; BURGESS, Ernest ; McKENZIE, Roderick, La città, Milano : Einaudi Editore, 1999, 202 p.
  • [14]
    Halima T., 51 ans, interviewée à Trappes.
  • [15]
    Dalila, 46 ans, interviewée à Trappes.
  • [16]
    LACOSTE-DUJARDIN, Camille, “Transmission religieuse et migration : l’islam identitaire des filles de Maghrébins immigrées en France”, Social Compass, vol. 41, n° 1, 1994, pp. 163-170.
  • [17]
    DELCROIX, Catherine, Ombres et lumières de la famille Nour. Comment certains résistent face à la précarité, Paris : Éd. Payot, 2001, 258 p. ; DELCROIX, Catherine, “Ressources subjectives et construction d’un capital d’expérience biographique : l’exemple des médiatrices socioculturelles”, in : DARDY, Claudine ; FRÉTIGNÉ, Cédric (sous la direction de), L’expérience professionnelle et personnelle en questions, Paris : Éd. L’Harmattan, 2007, pp. 83-116. Selon Catherine Delcroix, les ressources subjectives deviennent du capital d’expérience biographique quand les personnes peuvent les utiliser comme un atout dans un CV.
  • [18]
    « Je suis une habitante de Turin, une musulmane et en même temps une Marocaine, mais pas forcément dans cet ordre, ça dépend du moment » [notre traduction]. Jasmine, 21 ans, interviewée à Turin.
  • [19]
    Fathema A., 33 ans, interviewée à Paris.
  • [20]
    En accord avec Emmanuelle Santelli, nous préférons parler des « descendants des familles immigrées » plutôt que de “deuxième génération” parce que la tendance à utiliser cette dernière expression pour nommer les enfants issus de familles immigrées est un moyen de renvoyer ces enfants à l’origine de leurs parents, même quand ils sont nés dans les contextes occidentaux. Voir SANTELLI, Emmanuelle, “De la ‘deuxième génération’ au descendants d’immigrés maghrébins : apports, ‘heurts’ et malheurs d’une approche en termes de génération”, Temporalités, n° 2, 2004, pp. 29-43.
  • [21]
    « Je me sens complètement intégrée en Italie. Je parle italien, ma culture est italienne, j’ai étudié l’histoire italienne. L’Italie est mon pays. Il n’y a de différent chez moi que la religion » [notre traduction]. Saana, 24 ans, interviewée à Turin.
  • [22]
    Hanan R., 25 ans, interviewée à Trappes.
  • [23]
    Faouzia, 38 ans, interviewée à Paris.
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