Fort d’une cinquantaine d’articles publiés dans les colonnes de la Frankfurter Zeitung entre 1930 et 1933, le présent recueil de textes de Siegfried Kracauer s’inscrit dans le prolongement d’ouvrages antérieurs tels que Rues de Berlin et d’ailleurs (Gallimard, 1995), le Voyage et la danse. Figures de villes et vues de films (Presses Universitaires de Vincennes, 1996), l’Ornement de la masse (la Découverte, 2008), ou encore Sur le seuil du temps (Les presses de l’Université de Montréal, 2014). En marge de l’intérêt déjà accordé aux rapports de Kracauer à la photographie, au cinéma, à la distraction ou à la ville de manière plus large, ce choix de textes met ici en avant la dimension politique des écrits de presse de l’auteur. Bien qu’inscrite au sein d’autres écrits bien connus, cette dimension se voit accorder un éclairage inédit puisqu’on la retrouve à la fois au sein d’articles concernant la réouverture annuelle du Luna Park de Berlin (« Bonheur organisé »), l’agencement intérieur d’un café (« Sous les palmiers »), l’omniprésence des drapeaux national-socialistes ornant les fenêtres et les pots de fleurs en façade des maisons (« Drapeaux »), les colonnes des faits divers dans la presse (« Sous la surface »), ou encore dans un texte accordé au dépérissement des quartiers de Berlin et à la transformation de la physionomie de la ville au gré des conditions économiques actuelles (« 3 = 6 »). La crise qui accable l’Allemagne à cette époque constitue à n’en point douter le liant de l’ensemble des textes, une crise profonde qui ne manque jamais d’entrer en contradiction avec les apparences dépeintes par l’auteur, celles des vitrines (« Voyage dans les vitrines »), celles des rayonnages des magasins en période de Noël (« Le paradis vous passe devant »), celles affichées par le sourire des bambins dans les publicités (« Au paradis des bébés »), ou encore celles des manifestations, même les plus anodines (« Lutte contre le maillot de bain »)…