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Article de revue

La gestion des parties prenantes dans le cadre d'une politique RSE dans le secteur de l’exploitation forestière au Cameroun : le cas des PME

Pages 69 à 88

1Le Cameroun, comme d’autres pays en développement, est un État aux ressources budgétaires réduites avec une forte dépendance vis-à-vis des produits de rente. Les ressources forestières constituent une part importante de ses recettes fiscales et contribuent à environ 5 % du PIB national. La décennie 2000-2010 a été marquée au Cameroun par l’accélération de l’exploitation forestière avec plus de 2,3 millions de mètres cubes en moyenne par an, dont un million de mètres cubes à l’exportation. Les forêts couvrent environ 22 millions d’hectares, soit environ 47 % du territoire national (UICN, 2009). Le taux de déforestation annuel au Cameroun est de 0,14 %, soit 30 800 hectares (Karsenty et al., 2010). Depuis quelques années, la littérature sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) s’intéresse aux transactions entre l’entreprise et la société, notamment en ce qui concerne le rôle des entreprises vis-à-vis de la société (Okoye, 2009), l’éthique (Freeman et. al., 2010 ; Jenkins, 2009) qui représente un pilier de prise en compte de la RSE dans les décisions (Quairel-Lanoizelée, 2012), la légitimité (Scott, 2001) et les aspects plus positifs en l’occurrence, les motivations économiques et stratégiques (Berger-Douce, 2007 ; Williamson, Lynch-Wood et Ramsay, 2006) et les convictions instrumentales (Vives, 2006). Un point commun réunit la plupart de ces travaux, à savoir la conviction et la motivation du dirigeant, délaissant de leur champ d’investigation la nature relationnelle et informelle qui explique les transactions et le caractère émergent des logiques qui encadrent les activités dans le secteur forestier.

2Globalement, en Afrique, l’appropriation de la RSE définie par le Livre vert de l’Union européenne (2001, 7) comme « l’intégration volontaire par les entreprises des préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes », reste un défi pour la plupart des petites et moyennes entreprises (PME) et des différentes parties prenantes relevant du secteur de la foresterie. Peu de recherches ont été réalisées, ce qui implique une insuffisance de connaissances dans ce secteur d’activité qui constitue un enjeu majeur pour la préservation de l’écosystème environnemental. Ndoumbé Berock (2020) analyse les pratiques RSE dans le secteur de l’exploitation forestière au Cameroun, tout en mettant en exergue la théorie des parties prenantes et le modèle de Carroll (1979). Il souligne dans l’ensemble que les pratiques RSE, loin d’être contingentes aux objectifs de chaque catégorie de parties prenantes, relèvent plus du conformisme que du volontarisme. Sangué Fotso (2018 et 2019) analyse, d’une part la perception de la RSE par les dirigeants de PME, et, d’autre part, la gouvernance de la zone forestière sous le prisme du développement durable, tout en mettant en exergue la tragédie des communs. La RSE n’apparaît pas, pour l’essentiel de ces travaux, comme un préalable à la réalisation d’une activité. C’est au cours de l’activité qu’elle se manifeste. Par contre, certaines parties prenantes (Freeman, 1984 ; Freeman et al. 2010) se retrouvent en amont et en aval du processus d’exploitation de l’entreprise. Nous entendons par parties prenantes (PP), toutes les personnes exposées aux externalités tant positives que négatives de l’activité de l’entreprise.

3Nos recherches s’intéressent aux logiques RSE Amont/Aval et, entre autres, à leur influence sur l’activité, ce qui ne semble pas incongru en management. La RSE amont est celle qui ouvre la voie à l’activité et la RSE est entendue comme la prise en compte consensuelle des préoccupations des PP, préalablement à la réalisation des activités forestières. Elle est le levier de la politique RSE et renvoie au caractère intrinsèque de l’activité. La RSE aval relève de la démarche RSE de l’entreprise, le plus souvent consignée par les institutions au sens de North (1990). Elle est perçue comme l’explicitation des engagements formels et informels en relation avec les attentes des PP. Elle représente l’opportunité de poursuite des relations commerciales.

4En effet, les conséquences managériales de la démarche RSE d’un chef d’entreprise posent de sérieux problèmes. En raison du rôle central exercé par ce dernier, caractéristique de sa spécificité (Paradas, 2007 ; Marchesnay, 2004 ; Torres, 2004), l’inobservation de la RSE Amont par le dirigeant fait peser sur toute l’entreprise un risque majeur, notamment le blocage de l’exploitation forestière par les communautés locales. À travers l’étude des conditions de réalisation de l’exploitation forestière au Cameroun, nous développons certaines particularités du déroulement des transactions qui peuvent remettre en cause les approches dominantes de la RSE. Ainsi, nous soutenons l’idée selon laquelle le déroulement de l’exploitation forestière dépend des interactions entre les logiques RSE Amont/Aval et les PP, dans un territoire donné. Empiriquement, l’étude trouve son fondement dans la culture ethnologique africaine, basée sur le « partage » et caractérisée par des échanges sociaux. Théoriquement, elle s’inscrit à la suite des travaux d’Aoki (2010) sur le développement de la relation entre les dimensions sociales et économiques de toutes transactions, et sur l’importance d’intégrer les spécificités institutionnelles comme condition de réalisation de l’équilibre. Elle se positionne dans la continuité de la recherche de Pigé et Sangué Fotso (2013) sur l’analyse théorique des interactions entre institution et mécanismes de gouvernance des transactions dans l’exploitation forestière au Cameroun, avec un accent sur la PME comme cas d’expérimentation. La question de recherche est : comment la RSE agit-elle comme levier des transactions socio-économiques entre les parties prenantes liées à l’exploitation forestière dans les PME ? L’article s’articule en trois points. Le premier aborde le cadre théorique sur la RSE, tout en soulignant les caractéristiques de la PME. Le second décrit l’approche méthodologique. Le dernier présente les résultats, la discussion et les implications managériales.

1. Revue de littérature

1.1 Les parties prenantes comme levier d’analyse de la RSE Amont

5La théorie des parties prenantes et ses différents développements (Freeman et al., 2010 ; Harrison et al. 2010) tend davantage vers une justification utilitariste de l’engagement social des entreprises. À cet effet, Carroll (1979 et 1991) fournit un cadre conceptuel pertinent permettant aux dirigeants d’intégrer les préoccupations sociétales d’ordre économique, légal, éthique et philanthropique dans la gestion de l’entreprise, dont le levier d’action repose sur le management des PP. La mobilisation des PP autour d’une exploitation forestière peut être envisagée à trois niveaux (Freeman, 1984) : d’abord au niveau rationnel, qui consiste à identifier les PP et leurs intérêts respectifs ; ensuite au niveau processuel, qui concerne les procédures permettant de prendre en compte les intérêts des PP dans le processus de construction d’actions collectives ; enfin, au niveau transactionnel, qui s’intéresse aux moyens déployés pour gérer les interactions au sein du réseau d’acteurs. Dans cette perspective, la PME d’exploitation forestière s’inscrit dans la pyramide des responsabilités développée par Carroll (1979). La RSE apparaît, de ce point de vue, comme un modèle d’autorégulation d’une entreprise qui s’applique à son processus de production (Porcher et Porcher, 2012) et aux pratiques de management communautaire des ressources naturelles (Dyer et al., 2014). La satisfaction des attentes des PP va contribuer au développement des dispositifs de la RSE qui concerne des actions avec les collectivités locales, en relation avec le lancement de l’exploitation forestière et les actions en phase avec le cœur de métier, notamment la préservation de l’écosystème.

6La notion de PP se réfère à une conception collégiale de l’action collective. Ainsi, Wood et Jones (1995) offrent un cadre d’analyse capable de mieux appréhender le lien entreprise/société, admis pour être complexe au sens de Clarkson (1995) et Donaldson et Preston (1995). Les auteurs supposent qu’une compréhension appropriée de la RSE ne peut tenir que sous une perspective fondée sur la PP. Cette théorie conduit à délimiter l’espace d’intervention de l’entreprise responsable selon Freeman (1984).

7De ce fait, cerner la notion de la RSE dans une perspective des PP permet, à l’évidence, de prendre en compte, le poids de ces groupes qui, selon Wood et Jones (1995), disposent de trois rôles en ce qui concerne la RSE : les PP revendiquent, explicitement ou implicitement, leurs exigences en matière de performance de l’entreprise ; les PP testent l’effet du comportement de l’entreprise (en réponse à leurs exigences) puisqu’elles sont directement affectées par ce comportement ; elles évaluent la façon dont l’entreprise a répondu à leurs revendications. Cette nouvelle optique reconnaît le fait qu’une mesure « valide » de la RSE ne peut émerger sans intégrer le pouvoir dont disposent lesparties prenantes (qui revendiquent, testent et évaluent le comportement de l’entreprise) en vue d’orienter le comportement sociétal de l’entreprise et de façonner les critères d’évaluation de la RSE.

8Appréhender l’environnement de l’entreprise à travers une approche PP conduit les dirigeants à se focaliser sur des groupes d’acteurs organisés, avec des intérêts clairs (Acquier, 2007). Dans le cas d’espèce, la communauté locale qui représente une PP est organisée ainsi qu’il suit : une chefferie à la tête de laquelle se trouve un chef, des notables qui jouent le rôle de conseillers et des populations qui en sont membres. Nous souscrivons ici à l’idée de Capron et Quairel (2009) qui insistent sur la communication symbolique pour favoriser la diffusion des actions menées par l’entreprise, et qui assurent sa représentation. C’est à ce niveau que se situe l’importance de la réunion d’information qui, d’après Sangué Fotso (2019), vise à apporter aux populations riveraines toutes les informations relatives à l’exploitation d’une forêt, notamment les droits et obligations des exploitants et des populations, les bénéfices que ces dernières peuvent tirer de l’exploitation d’une parcelle de forêt. En outre, l’exploitation forestière se réalise généralement sur environnement naturel, dont la finalité est l'éducation environnementale de toutes les PP, la conservation de l'environnement et l’amélioration du bien-être des communautés locales grâce aux retombées économiques, et ceci dans la perspective du développement durable. Toutefois, des critiques naissent quant à la capacité des PME forestières à apporter des contributions concrètes au bien-être des communautés locales.

1.2 La RSE des PME forestières à l’égard des parties prenantes : la question de la propriété comme une approche intégrative de la RSE Aval

9La réalité des PME forestières n’est pas identique à celle des PME évoluant dans d’autres secteurs. Les promoteurs de PME forestières sont de véritables entrepreneurs qui développent en permanence des modèles d’affaires pour s’arrimer aux exigences tant du marché et de la société que de la règlementation en vigueur. L’exploitation forestière est subordonnée à l’obtention d’une autorisation délivrée par les autorités compétentes.

10Depuis plusieurs années au Cameroun, les politiques RSE s’institutionnalisent, en particulier dans l’exploitation forestière. Ainsi, la RSE peut être appréhendée sous le prisme des théories sociologiques néo-institutionnelles (Postel et Rousseau, 2009). Cette perception d’institutionnalisation guide les schémas de pensée et balise les contours d’une approche se constituant de manière exogène à une entreprise quelconque. Cela signifie implicitement que ce ne sont pas seulement les axiomes de responsabilité assumés par les dirigeants qui importent, mais bien aussi les axiomes découlant d’une éthique socialement construite. Par une conformation particulière à une compréhension institutionnelle de la RSE, l’entreprise vise la conquête ou la préservation de sa « licence to operate », définie par Capron (2012) comme le droit moral et symbolique d’exercer son activité, un blanc seing délivré par la société. Cette licence to operate est doublement obtenue auprès des institutions que sont l’administration forestière et les chefferies traditionnelles.

11La propriété est à l’origine du processus RSE et conduit l’entreprise à s’intégrer dans la communauté locale. Ceci implique la redevabilité de la RSE. Elle permet de situer les différents enjeux relatifs à l’exploitation forestière et d’assurer le développement durable. Le rapport de propriété conserve une certaine validité dans la définition des rapports entre les exploitants forestiers et les populations. À ce titre, cette validité joue un rôle important dans la détermination des transactions. La propriété s’entend comme l’ensemble des rapports coutumiers, juridiques, économiques et sociaux qu’entretiennent les acteurs impliqués dans l’exploitation et définit les moyens de production. Il s’agit donc de la propriété active qui garantit la rente économique sur l’exploitation forestière.

12La propriété introduit la dimension culturelle de la RSE, car l’exploitation induit des destructions de valeurs culturelles qu’il convient de préserver de façon durable. La propriété traduit alors un droit sur la forêt et offre la possibilité aux acteurs non seulement de préserver les acquis issus de leur territoire, mais aussi de légitimer les transactions. Le territoire est une notion restreinte d’institution et est relatif aux zones d’exploitation. De ce fait, la frontière du territoire permet de circonscrire les institutions appliquées. Les deux notions amènent à rendre compte de la réalité des activités forestières et favorisent la compréhension des normes forestières appliquées ainsi que des règles informelles observées selon les zones d’exploitation. La RSE est appréhendée dans ce cadre comme l’émanation de l’activisme des communautés locales. La communauté locale détient un droit de propriété coutumier inaliénable sur les forêts exploitées. Elle considère la forêt comme étant son propre patrimoine, légué par ses ancêtres. Le concept de droit de propriété n’est pas perçu ici comme en Occident où seul un titre de propriété (titre foncier) garantit la propriété d’un bien. L’entreprise Rougier, dans son rapport (2013), souligne l’importance de dialoguer avec les communautés locales et les peuples autochtones afin de respecter leurs droits fonciers et d’usage à long terme des ressources forestières, de permettre une exploitation en harmonie avec les usages des populations et de contribuer aux projets d’intérêt communautaire initiés par les populations.

2. Orientation méthodologique spécifique

2.1 Constitution de l’échantillon

13La constitution de l’échantillon a été déterminée à partir de la disponibilité des informations exploitables. Mais au préalable, - nous avons repéré les PME à partir de la base de données du Programme de sécurisation des recettes forestières. La nationalité des capitaux et la taille ne constituent pas des critères discriminants, en ce sens que toutes les PME forestières sont soumises aux mêmes contraintes institutionnelles. Les PME retenues sont celles qui disposent d’un titre d’exploitation, un document qui justifie la qualité d’exploitant forestier. Sur un total de 155 PME recensées, seulement 25 sont détentrices d’un agrément, dont 12 ont effectivement participé à notre étude.

2.2 Collecte et traitement des données

14Les données proviennent principalement de deux sources.

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  • La source primaire à partir des entretiens semi-directifs réalisés auprès des dirigeants de PME forestières, des collectivités territoriales décentralisées, du ministère en charge des Forêts et de la Faune, du ministère de l’Environnement et de la Protection de la nature, des acteurs de la société civile, des organisations non gouvernementales (ONG) œuvrant dans l’environnement, des chefs du village et des notables, combinés à une observation participante de l’implication de l’auteur dans le processus de mise en œuvre des cahiers des charges d’exploitation. L’auteur a été responsable financier dans une PME forestière. Il a géré les différentes transactions relatives à l’exploitation. Il a également assuré le rôle de facilitateur entre les chefs du village, les notables, les populations autochtones et les élus locaux. À ce titre, il a eu accès à plusieurs informations relatives au déploiement des éléments du cahier des charges. Ces entretiens ont été effectués en face-à-face avec un guide d’entretien. Ils ont principalement porté sur les points suivants : les éléments déclencheurs de la démarche de RSE/DD ; la stratégie RSE, la mise en œuvre opérationnelle ; le rôle et le poids des institutions, notamment la réunion d’information et la chefferie traditionnelle ; les difficultés rencontrées ; la perception de la RSE et son rôle dans l’exploitation des activités forestières et la propriété. Les personnes interrogées dans les organisations ont reçu l’accord de leur hiérarchie. Pour ce type d’exercice, nous avons suivi les recommandations de Quivy et Van Campenhoudt (1995) qui en précisent la nature, la démarche et les contours. Le principal support de collecte des données a été le dictaphone. Chaque entretien a duré environ une heure. Au total, sur la période du 10 juillet au 27 octobre 2015, des entretiens ont été réalisés avec 12 dirigeants de PME, 11 responsables aux ministères en charge des Forêts et de l’Environnement, 2 responsables d’ONG œuvrant dans le secteur forestier, 2 élus locaux et 2 communautés villageoises regroupant chacune une vingtaine de personnes ayant à leur tête le chef du village et ses notables.
  • La source secondaire s’appuie sur des documents tant internes qu’externes à la PME : les rapports d’étude d’impacts environnementaux rédigés par les PME (rapports sociétaux), les coupures de journaux, les rapports des ONG, les sites internet. L’exploitation du contenu des rapports sociétaux et la consultation des sites internet sont au centre de plusieurs recherches scientifiques sur la RSE (Coupland, 2005 ; Marais et Reynaud, 2008 ; Terramorsi et al. 2009). Les rapports sociétaux produits chaque année par les PME forestières constituent une importante source d’information sur l’état de leurs pratiques RSE en termes de récits de légitimation (Igalens, 2007) et de déclarations d’engagement social (Lamarche, 2009 ; Savall, 2012).

16La principale technique de traitement de données retenue est l’analyse du contenu thématique. Elle a permis de procéder à l’identification des catégories conceptualisantes qui, selon Paillé et Mucchielli (2012), se distinguent du thème en ce qu’elles présentent un certain niveau d’abstraction, tout en reposant sur une analyse du contenu. Les entretiens ont fait l’objet d’un codage systématique au cours duquel les catégories RSE ont été obtenues ainsi que les éléments constitutifs. Ces catégories rendent compte à la fois des logiques RSE de ces PME et des enjeux de son explicitation. Également, une analyse horizontale et verticale au sens de Miles et Huberman (2003) a été menée. L’analyse horizontale porte sur la représentation des discours des répondants ; elle permet de mettre en évidence, les ressemblances et les différences dans les discours de tous les répondants sur chaque thème. L’analyse verticale révèle les points saillants du discours de chaque répondant en lien avec les pratiques RSE. La combinaison des deux types d’analyse, selon Miles et Huberman (2003), a conduit à identifier deux logiques RSE, qui se discriminent par le contenu de leurs propos sur la RSE et de leur conséquence sur l’exploitation forestière.

17Le tableau 1 ci-après liste les personnes interrogées.

Tableau 1

Liste des personnes interrogées

ActeursOrganisationsQualité personnes interrogéesDurée
E1Entreprise forestièreDirigeant/propriétaire1h 01
E2Entreprise forestièreDirigeant/propriétaire1h10
E3Entreprise forestièreDirigeant/propriétaire1h40
E4Entreprise forestièreDirigeant/propriétaire1h15
E5Entreprise forestièreDirigeant/propriétaire30 mn
E6Entreprise forestièreDirigeant/propriétaire35 mn
E7Entreprise forestièreDirigeant/propriétaire45 mn
E8Entreprise forestièreDirigeant/propriétaire1h
E9Entreprise forestièreChef d’exploitation30 mn
Liste des personnes interrogées
Liste des personnes interrogées
E10Entreprise forestièreDirecteur financier35 mn
E11Entreprise forestièreResponsable commercial34 mn
E12Entreprise forestièreChef d’exploitation38 mn
E13Ministère des Forêts et de l’EnvironnementChargé d’étude assistant32 mn
E14Ministère des Forêts et de l’EnvironnementResponsable direction des forêts1h36
E15Ministère des Forêts et de l’EnvironnementChef cellule de la transformation13 mn
E16Ministère des Forêts et de l’EnvironnementChargé d’étude assistant38 mn
E17Ministère des Forêts et de l’EnvironnementSous directeur normalisation32 mn
E18Ministère des Forêts et de l’EnvironnementChef de service agrément49 mn
E19Ministère des Forêts et de l’EnvironnementChef de service statistique54 mn
E20Ministère des Forêts et de l’EnvironnementSous-directeur transformation46 mn
E21Ministère des Forêts et de l’EnvironnementChargé d’étude assistant36 mn
E22Ministère des Forêts et de l’EnvironnementChargé d’étude assistant1h
E23Ministère des Forêts et de l’EnvironnementChargé d’étude assistant58 mn
E24Organisation non gouvernementaleCoordonnateur1h20
E25Organisation non gouvernementaleCoordonnateur1h10
E26Collectivité territoriale décentraliséeConseiller municipal1h
E27Collectivité territoriale décentraliséeConseiller municipal55 mn
E28Communauté villageoiseChef du village50 mn
E 29Communauté villageoiseChef du village1h

Liste des personnes interrogées

3. Résultats et discussions

18Nous présentons les résultats de l’analyse manuelle des contenus, nous les discutons, puis nous donnons les implications managériales. Le tableau 2 résume l’analyse des contenus des entretiens et de l’exploitation des documents

19L’analyse des contenus a permis de constater une homogénéité des pratiques RSE dans les entreprises forestières observées, quel que soit le territoire d’implantation.

Tableau 2

Synthèse des analyses thématiques des entretiens

Leviers RSEContenusCatégories
RSE
Observations
Réunion d’information- Informer sur le projet d’exploitation forestière.
- Recenser les besoins des populations en termes d’investissement.
- Sensibiliser les populations sur les enjeux de l’exploitation.
- Préserver les acquis traditionnels.
- Responsabilité des acteurs.
- Prévention des conflits d’exploitation.
- Gestion durable des forêts.
- Partage des bénéfices.
AmontLa réunion d’information est une rencontre quadripartite entre l’administration des forêts, les populations représentées par le chef du village, la mairie et l’exploitant forestier. Au terme de cette réunion, les projets sociaux sont identifiés et un procès-verbal est rédigé. Ce document est fondamental pour l’obtention du certificat annuel d’exploitation et permet également de vérifier la réalisation des investissements sociaux. Les investissements sont estimés par les acteurs concernés à environ 15 000 000 FCFA (1 € = 656,957 FCFA).
Étude d’impacts- Évaluer l’impact de l’exploitation sur l’environnement et la santé de la population.
- Paiement des taxes.
- Préservation de la zone écologique en fonction des saisons.
- Politique de reboisement.
AvalCette activité est imposée par les pouvoirs publics aux entreprises et constitue l’une des conditions de renouvellement des contrats d’exploitation. L’inefficacité des institutions explique la nécessité de considérer l’étude d’impacts comme une préoccupation RSE. Certaines entreprises observées ne réalisent pas ces études telles que préconisées par la loi, c'est-à-dire au moins deux fois par an.
Activités socioculturelles- Construire des écoles, des points d’eau potable, des centres de santé, des aires de jeu.
- Aménager les routes existantes et créer des pistes qui mènent vers les champs.
- Organiser des activités sportives et culturelles.
AvalUn comité définit la liste des doléances à exprimer auprès de l’exploitant forestier. Cette phase est consignée dans un rapport. L’exécution peut être assurée par l’entreprise ou les populations à travers les comités de pilotage. Dans le deuxième cas, l’on assiste souvent à des situations où les individus agissent pour leur propre intérêt. Les villages sont constitués d’organes de gouvernance traditionnels, notamment la chefferie, le comité des sages, le groupement d’initiative commune. Ce niveau relève des promesses faites lors de la réunion d’information. La RSE s’appuie également sur les promesses relevant de la bonne foi des exploitants. Les investissements sociaux jouent un rôle important comme levier des pratiques RSE.
Synthèse des analyses thématiques des entretiens
Synthèse des analyses thématiques des entretiens
Personnel- Prise en charge maladie.
- Amélioration des conditions de travail.
- Séminaires de formation pour le renforcement des capacités.
AvalLa valorisation du personnel constitue une préoccupation RSE car considérée comme l’une des problématiques importantes dans les entreprises forestières camerounaises. Le cadre législatif est relativement stable et mal appliqué, voire non respecté.
Collectivités territoriales décentralisées et populations- Amélioration des conditions de vie.
- Amélioration des infrastructures.
- Dons et aides.
- Recrutement des populations autochtones.
Amont/
Aval
L’activité forestière est l’occasion pour les Collectivités territoriales décentralisées et les populations de négocier certains investissements dévolus à l’État auprès des entreprises.
Stratégie RSE- Aucune entreprise observée ne développe une véritable stratégie
RSE.
Aval/
Amont
Les entreprises se contentent de respecter le minimum exigé par la loi. Par ailleurs, aucune ne dispose d’une fonction RSE/DD. La culture et la valeur du manager joueraient un rôle important dans le déploiement d’une stratégie RSE.
Propriété- Donne un sens à la RSE en termes de redevabilité.
- Droit des populations.
- Levier d’intégration sociale, culturelle et économique.
- Valorisation des ressources.
- Conciliation des intérêts et régulation des transactions.
Amont/
Aval
La propriété permet aux communautés locales de contrôler l’activité forestière et les investissements sociaux promis et réalisés par l’entreprise. Elle constitue un outil d’orientation de la démarche RSE des entreprises. Elle consiste aussi à privilégier la dimension culturelle de la RSE.

Synthèse des analyses thématiques des entretiens

3.1 La RSE AMONT favorise la régulation des opérations économiques, sociales et culturelles entre les parties prenantes

20La pratique de la RSE relève plus de l’instrumentation qui consiste à se soumettre aux obligations explicites (contenues dans la loi) et implicites, relevant des mécanismes traditionnels de gouvernance. Celle-ci relève de la stratégie de l’entreprise pour dénouer ses transactions économiques. Les investissements socialement responsables que les entreprises consentent à réaliser à l’entame de leur exploitation favorisent les transactions entre les parties prenantes et régulent les échanges économiques, culturels et sociaux. La RSE est un facteur de cohésion économique et sociale entre les différentes parties prenantes, mais aussi un instrument légitime d’insertion de l’entreprise dans son univers d’exploitation. L’intégration des différentes attentes des parties prenantes comme le creuset de la RSE Amont, est en harmonie avec les travaux de Wood et Jones (1995) sur la relation entreprise/société et ceux de Donaldson et Preston (1995) sur les retombées de l’activité de l’entreprise. La réunion d’information (Sangué Fotso, 2019) constitue le point de départ des investissements socialement responsables dans les entreprises forestières, pour garantir l’intérêt général. Pour (E6, E12 et E13) « La réunion d’information vise à apporter aux populations riveraines toutes les informations relatives à l’exploitation d’une forêt, notamment les droits et obligations des exploitants et des populations, les bénéfices que ces dernières peuvent tirer de l’exploitation d’une parcelle de forêt (les embauches, par exemple), les informations sur la fiscalité… Le but étant de trouver un consensus entre les parties prenantes ». Elle consiste à rassurer la communauté locale sur la préservation de leurs acquis traditionnels, à définir de commun accord les investissements sociaux à réaliser, le mode de recrutement des jeunes du village et les modalités d’intervention en cas de problèmes sociaux, notamment les manifestations publiques, les obsèques, etc. Les personnes interviewées soulignent que la réunion d’information revêt un caractère important dans l’exploitation. (E28, E29) « … l'objectif des réunions d'informations est, pour l'État et l'adjudicataire de la forêt concernée, de communiquer et discuter avec les parties, généralement, les riverains sur la future et imminente activité d'exploitation forestière dans ses principaux contours. Ces réunions sont aussi l'occasion de retenir des clauses particulières avec l'exploitation, essentiellement focalisées sur nos intérêts, nos bénéfices, nos droits ». (E2, E4, E7, E9, E11, E15) « Le contexte des réunions en rapport avec l'exploitation forestière procède du processus général de gestion collaborative des ressources. Ceci donne une meilleure visibilité aux Chefs traditionnels dans la conciliation des enjeux et leurs prises de décisions. Au delà, il est de bon ton pour nous de savoir laquelle, ou lesquelles, de nos forêts sont, ou seront, exploitées, par qui, avec qui, quand, avec quelle intensité, pour prélever quoi et sous quelles conditions et quels statuts ». L’occasion est donnée aux populations pour exprimer leurs besoins. Ainsi, (E26) précise que « … nos exigences vis-à-vis des entreprises forestières visaient à profiter de l'exploitation forestière pour régler certains de nos besoins en termes d'économie et de social (…). Au final, très souvent, nous demandons à l'opérateur économique d'investir dans la mise en place d'infrastructures sociales (appui à la construction des écoles, cases de santé, enceintes de concertations traditionnelles ; appui aux initiatives de développement de la jeunesse, etc.) ». Les coûts de ces investissements sont estimés, en moyenne à 15 000 000 FCFA par entreprise, et sont variables d’une année à l’autre ; pour un chiffre d’affaires moyen de 1 800 000 000 FCFA. Pour les populations copropriétaires des forêts, ces investissements ne sont pas proportionnels au volume d’exploitation de la forêt, comme le confirme un chef de village à la question de savoir s’il trouve suffisant le niveau d’investissements sociaux faits en leur direction comparativement aux gains retirés de l’exploitation des entreprises « Non car l’exploitation de nos forêts dégage à mon avis un très grand bénéfice ».

21Les investissements sociaux sont souvent à l’origine des conflits d’intérêts entre les populations et leurs représentants, notamment les chefs du village et les élus locaux. Dans ce cas, les populations mettent en œuvre des moyens d’action tels le blocage des matériels d’exploitation, le barrage des routes, etc., afin d’obtenir de l’entreprise la réalisation des projets sociaux. Cet acte n’est possible qu’après avoir épuisé les voies de recours administratifs, comme le précise cet interviewé (E18) « … si l'exploitant refuse délibérément de respecter ses engagements. Mais ce type d'opposition pourrait survenir seulement en cas de non-succès des démarches administratives engagées en la matière ». Ceci traduit à suffisance l’importance de la RSE comme levier de dénouement des transactions dans l’exploitation forestière, qui s’adapte au contexte local au sens de Donaldson et Dunfee (2000) en termes de libre espace moral. Il n’existe pas de différence dans les stratégies RSE des entreprises forestières dans la mesure où les PP ont la même vision des activités, et le cadre institutionnel leur accorde une importance centrale dans le processus d’exploitation. Le niveau d’alphabétisation des populations peut constituer un facteur réducteur de la portée de la réunion d’information. Les interviewés (E17, E4, E10, E1, E24, E25, E26, E27, E28, E29) relèvent : « … mais parfois, à la faveur de l’analphabétisme criard observé dans certaines zones reculées il s’est souvent agi de simples réunions d’information, assimilables à des séances de communication à sens unique ».

3.2 La RSE AVAL comme levier d’explicitation de l’exploitation forestière

22La pratique RSE est plus procédurale que substantielle, c'est-à-dire que la RSE ne crée pas autant les contraintes substantielles que procédurales. Ainsi, la RSE consiste tout simplement à respecter le droit qui conduit à rendre compte de ce que font les entreprises. À cet effet, (E1 et E9) précisent : « … la RSE est un fait de la loi. Des aspects tels que l’affiliation sociale des employés qui fait l’objet de contrôles réguliers, l’entrée en vigueur des accords de partenariat volontaire (APV), certains aspects de la RSE deviennent des obligations et, d’autre part, les études d’impacts qui sont exigibles en vue d’une exploitation du domaine forestier et qui produisent des recommandations à prendre en compte par les exploitants forestiers, tout cela oblige l’entreprise à appliquer certains aspects de la RSE ». Le respect de la loi est nécessaire et non suffisant pour qualifier un acte d’entreprise de responsabilité sociale. La substantialité porte sur le contenu des activités RSE développées par l’entreprise. La réalisation de cette étude est due au fait qu’elle est une condition de renouvellement du titre d’exploitation. La protection de l’écosystème apparaîtrait comme une contrainte pour les entreprises. L’interviewé (E2) relate : « la réalisation des études d’impacts avant le démarrage de toute exploitation (…) Cependant, il se pose le problème du financement de ces études. Les exploitants estiment que cette procédure doit être financée par la partie ayant pris l’initiative d’exploiter ou de faire exploiter une forêt ». De ce fait, l’absence de communication volontaire sur la RSE dans la majorité des entreprises observées, principalement à capitaux nationaux, montre un manque de vision stratégique RSE, et surtout une contrainte financière. (E11) déclare : « Il faut cependant reconnaître que le respect des principes de la RSE a un coût et que les nationaux sont généralement à la tête des PME et TPE ».

23L’entretien des infrastructures de communication par les entreprises forestières étudiées relève plus d’une logique de facilitation d’acheminement de leurs produits que du bien-être de la population riveraine. Les enjeux de la RSE se situent dans l’esprit des investissements réalisés et des attentes des populations. Toutefois, les entreprises forestières participent aux activités socioculturelles des territoires concernés par leurs activités de sponsoring des championnats de vacances, etc.

24Dans les faits, l’engagement responsable des entreprises va de pair avec un lobbying soutenu qui vise à limiter les contraintes légales. Au Cameroun, où l’État est défaillant, seul l’engagement volontaire semble susceptible de faire reculer les pratiques destructrices de l’environnement. Les entreprises forestières sont alors mieux placées que l’État pour contribuer à la préservation de l’écosystème. Les entreprises observées ne respectent pas scrupuleusement les lois et règlements forestiers, ce qui génère des externalités négatives, comme le précise (E18) : « il y a la corruption, la quantité abusive de bois exportés… ». La corruption est donc considérée comme un outil de gestion forestière qui contribue très souvent à maîtriser les PP dans le but de retarder les pratiques RSE. Les PME se doivent d’être conscientes des équilibres humains et écologiques pour améliorer le visage du capitalisme. L’intervention des pouvoirs publics est importante pour protéger l’environnement et réduire les gaspillages.

25Il est clair que les arguments économiques sont au centre de la pratique RSE dans les PME forestières. La valeur du dirigeant peut influencer la démarche de la RSE, du fait de sa capacité à aller au-delà de la loi et des normes (Barel et Frémeaux, 2014 et Bevan et al., 2011) et développer des actions managériales qui renforcent sa légitimité. À partir de ce constat, Gond et al. (2011) admettent que le management responsable ne peut s’accomplir à travers une transformation substantielle des motivations et des valeurs managériales. La RSE devient, dans ce cas, une stratégie d’intégration organisationnelle qui garantit la cohésion des différents pouvoirs dans l’entreprise et réduit les conflits qui naissent entre l’entreprise et les autres PP. La stratégie RSE serait alors de maîtriser le jeu des différents acteurs.

26La RSE est un outil qui guide les orientations éthiques des dirigeants. Sur ce, les pratiques managériales sont sous-tendues simultanément par les trois ordres économique, juridique et moral. L’intérêt de notre étude est de justifier le rôle de chaque ordre non seulement dans la gestion de l’entreprise, mais aussi dans l’adoption d’un comportement responsable. Nous rejoignons alors l’idée de Frémeaux et Noël (2014) selon laquelle la RSE ancrée dans l’ordre juridique serait plutôt un repère pour le développement d’une approche managériale qui aurait pour objet le travail réel, les compétences ainsi que la contribution sociétale des activités de travail. Toutefois, il est à relever que la corruption est très élevée dans ce secteur d’activité, comme le souligne Assalang (2018) sur l’état de la transparence dans le secteur forestier camerounais, toute chose qui explique la faiblesse des institutions (Estache, 2008 ; Visser, 2006), susceptible de fragiliser l’ordre juridique.

27La RSE est utilisée comme un levier de management qui assure la performance des entreprises forestières. Contrairement à certaines entreprises, l’adoption d’une démarche RSE dans d’autres secteurs d’activité ne vise pas l’amélioration de l’image de marque, encore moins la recherche d’un avantage concurrentiel. Ceci se justifie par le fait que les PME forestières du Cameroun dépendent exclusivement du marché extérieur, et les actes posés à l’intérieur du pays sont difficilement appréhendés par l’extérieur. La mise en place d’un système de traçabilité de l’exploitation viendrait, à coup sûr, améliorer la conscience managériale des entreprises.

Conclusion

28Cet article avait pour objectif d’appréhender la RSE comme mécanisme de régulation des transactions socio-économiques des PME forestières à travers le rôle des différentes parties prenantes dans l’exploitation forestière au Cameroun. La RSE reste une ambiguïté dans l’organisation et le fonctionnement des PME forestières. Son essence suppose une dose de morale et d’éthique comme socle de développement économique. Ainsi, elle serait vue comme un facteur de régulation des transactions socio-économiques. La pratique de la RSE dans les PME forestières s’inscrit dans une logique de compensation symbolique de la renonciation des communautés locales à leurs patrimoines culturels et traditionnels.

29 Sur le plan théorique, ce travail a conduit à appréhender le rôle de la RSE dans les PME comme un dispositif de régulation sociale qui organise les interactions entre les divers acteurs et à identifier deux logiques de RSE. La première relève de la RSE « Amont », qui conduit à la définition des bases contractuelles de toutes transactions forestières et s’impose comme mécanisme de mise en relation des différents acteurs avec le processus d’exploitation. Cette catégorie est négociée lors de la réunion d’information. La deuxième est la RSE « Aval », qui permet d’entretenir le mécanisme des transactions. Cette recherche contribue globalement à repenser la notion de RSE comme outil de régulation des transactions économiques. Elle a également conduit à un renouvellement conceptuel de la RSE, en tenant compte des spécificités de la PME forestière.

30Sur le plan managérial, fort de la déforestation constatée au Cameroun, la RSE trouve son origine dans la prise de conscience que les préoccupations sociales et environnementales risquent d’entraîner l’ensemble des entreprises dans la perte. La RSE s’inscrit dans un dispositif normatif qu’encadrent l’éthique, la morale et le management. Elle constitue alors un modèle de management qui conduit l’entreprise à atteindre ses objectifs stratégiques et à réduire les risques organisationnels. Ainsi, l’analyse de terrain montre que les enjeux sociaux et ceux de l’entreprise sont indissociables. Si l’exploitation forestière est principalement centrée sur l’équilibre général des PP, la RSE se construit autour du double raisonnement économique et social fortement ancré dans la valeur du dirigeant. C’est dans ce contexte que la théorie des PP trouve toute sa pertinence dans la pratique de la RSE (Freeman, 1984 ; Donaldson, 2002). La priorité économique accordée à cette théorie se trouve modifiée, pour laisser place au volet social, ce qui implique que c’est l’équilibre social qui conditionne le déploiement économique et environnemental. Les spécificités de la RSE dans les PME forestières sont liées à la gestion interne, et surtout à la continuité de l’exploitation en termes de mobilisation des ressources. C’est ainsi qu’à chaque PP de l’organisation, correspondent des points de vue à la fois convergents et divergents au sens de De Gaulejac (2005).

31Plusieurs limites doivent être relevées et permettent de proposer des pistes de recherche futures. Tout d’abord, notre étude s’est focalisée sur les PME forestières, limitant ainsi la généralisation de nos résultats à d’autres contextes. Ensuite, le caractère exploratoire, l’absence d’orientation entrepreneuriale et des facteurs sociodémographiques des dirigeants limitent également la portée de ce travail. De façon plus exhaustive, de prochaines recherches pourraient investiguer d’autres contextes entrepreneuriaux afin d’apprécier la pertinence de nos résultats selon les logiques RSE développées.

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Mots-clés éditeurs : exploitation forestière, PME, RSE, transaction, parties prenantes

Date de mise en ligne : 30/03/2021

https://doi.org/10.3917/med.193.0073

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