Notes
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[1]
Nous utilisons indifféremment “Pays de l’Est” ou “pays d’Europe centrale et orientale” (PECO) qui regroupent ici les pays d’Europe centrale, les Balkans et les États Baltes.
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[2]
Voir graphique comparatif en annexe 2.
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[3]
Une crise de change, qui se traduit généralement par l’abandon du régime de change fixe au profit d’un régime de flottement, s’accompagne souvent d’une dégradation des conditions économiques et financières qui va être associée, dans les études empiriques, au régime de change flottant.
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[4]
Stotsky et al. (2012), dans le cadre des pays d’Afrique de l’Est, montrent, à l’inverse que, parce que le régime de jure n’est pas crédible, seul le régime de change de facto a un impact sur l’inflation dans ces pays.
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[5]
Generalized method of moments (ou méthode des moments généralisée).
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[6]
Albanie, Arménie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie.
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[7]
Toutes les séries ne sont pas disponibles pour tous les pays à partir de 1990. Pour un certain nombre d’entre eux, elles débutent en 1995, voire 1997. Les données de M2 pour la Serbie ne débutent qu’en 2000. Ce pays n’est donc pas pris en compte dans les estimations portant sur la période des années quatre-vingt-dix.
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[8]
Nous avons testé l’existence d’effets spécifiques, qui s’avèrent être des effets fixes (test d’Hausman). Les variables instrumentales sont les valeurs retardées et en différence des endogènes, avec un retard.
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[9]
Cependant, les pays ayant adopté l’euro se voient accorder dans notre étude la note 1 (absence d’unité monétaire séparée), alors que le FMI les classe dans la catégorie 8 (flottement libre).
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[10]
D’autres auteurs se basent également sur la volatilité des réserves de change ou des taux d’intérêt nominaux (Levy-Yeyati et Sturzenegger, 2005 ; Calvo et Reinhart, 2002), mais ces données n’étaient pas disponibles pour l’ensemble des pays de notre étude. Nous utilisons la volatilité du taux de change des DTS car elle permet de tenir compte à la fois de la volatilité par rapport au dollar et par rapport à l’euro, ces deux monnaies ayant pu servir d’ancre nominale dans les pays de l’Est.
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[11]
Voir, par exemple, Bernanke et Mishkin, 1997.
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[12]
L’indicateur est construit autour de trois catégories : précision de la cible objectif, indépendance de la Banque centrale et transparence (voir Olympie, 2013).
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[13]
Voir, par exemple, De Grauwe et Schnabl (2008) ou Ghosh et al. (2011).
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[14]
Nous effectuons le test de deuxième génération de Pesaran (2007) pour tenir compte de la dépendance cross-section.
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[15]
Les résultats sur l’ensemble de la période, non reproduits ici, correspondent à ceux de la période des années 1990 (parmi les stratégies monétaires, seule la politique d’ancrage (de jure) du change a un impact significatif sur le taux d’inflation).
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[16]
La dummy variable correspondant à la crise russe est non significative.
1 Bien que les pays d’Europe de l’Est [1] soient très divers en termes de taille ou de niveau de développement, et bien qu’ils n’aient pas tous démarré leur processus de transition à la même période, il s’avère pourtant qu’ils connaissent des trajectoires de transition analogues. Le début des années quatre-vingt-dix correspond au choc de la transition d’une économie centralement planifiée à une économie de marché, marqué par un excès de monnaie (overhang monétaire) et des pics inflationnistes. Ces derniers s’expliquent par la libéralisation des échanges et les dérèglementations des prix (Clerc, Gouteron, 2003). La période des années quatre-vingt-dix va être celle de la stabilisation nominale et des réformes institutionnelles. La stabilisation atteinte, les années 2000 ont vu se réorienter les politiques monétaires et de change dans une perspective d’adhésion à l’Union européenne, dans un contexte d’ouverture commerciale et financière croissante. Les années 2000 sont celles de la convergence, réelle et nominale, mais également institutionnelle (adoption de l’acquis communautaire), vers l’Union européenne, un objectif commun à tous les pays (Nerlich, 2002).
2 La convergence des objectifs n’a pas pour autant impliqué l’adoption d’une stratégie monétaire unique. Au contraire, les pays de l’Est ont utilisé une grande diversité de régimes monétaires et de change depuis le début de la transition (Barisitz, 2007), du régime de caisse d’émission (currency board) au flottement libre, en passant par l’ancrage strict, les parités glissantes ou les bandes de fluctuations. Quels ont été les déterminants des stratégies d’ancrage choisies ? Ces choix ont-ils eu un impact sur les performances économiques, et plus particulièrement sur le taux d’inflation ?
3 Les politiques monétaires et de change, très diverses au début des années quatre-vingt-dix, ont répondu à la situation économique et institutionnelle particulière de chaque pays, et ont évolué au cours du temps. Les années 1997 et 1998, marquées notamment par des attaques spéculatives et par la crise russe, marquent un tournant. La plupart des pays ont convergé, à partir de cette date, vers des solutions en coin : ancrage strict du taux de change, ou régime de flottement libre avec ciblage d’inflation. Quelques pays ont néanmoins maintenu des stratégies intermédiaires, sans ancrage nominal clairement affiché. Durant les premières années de transition, le dollar a été la principale monnaie d’ancrage des taux de change, avant de voir son importance décroître, au fur et à mesure que les liens commerciaux et financiers se développaient avec l’Union européenne. L’euro représentait en 1992 environ 40 % des monnaies d’ancrage, contre 90 % vingt ans plus tard. Aujourd’hui, les critères de convergence dans la perspective d’adhésion à l’Union économique et monétaire (UEM) rendent son rôle incontournable. De jure ou de facto, l’euro joue un rôle important dans tous les pays, qui est allé croissant au fur et à mesure de la transition et des perspectives d’intégration à l’Union économique et monétaire.
4 Les bonnes performances en termes d’inflation ont souvent été expliquées par l’utilisation du taux de change comme ancre externe. Les pouvoirs publics, ayant peu de crédibilité dans des économies en transition, doivent convaincre les agents domestiques de leur engagement anti-inflationniste via des règles contraignantes de politique monétaire (Barro et Gordon, 1983). Adopter un régime de taux de change fixe ou une cible d’inflation peut fournir un point d’ancrage aux anticipations d’inflation. Le lien entre régime de change et performances inflationnistes dans les pays de l’Est est cependant discuté (Cottarelli et Doyle, 1999), certains pays ont aussi obtenu de très bons résultats en régime de flottement. Qu’en est-il aujourd’hui avec le développement des politiques de ciblage d’inflation ?
5 Après avoir présenté la diversité des stratégies monétaires dans les économies en transition, nous étudierons l’impact de ces stratégies sur leurs performances inflationnistes.
1. La diversité des politiques de stabilisation en Europe de l’Est
6 Les pays de l’Est ont adopté des stratégies de stabilisation très diverses, l’ensemble de la palette des régimes monétaires ou de change ayant été représenté depuis le début des années quatre-vingt-dix. Il est pourtant possible de regrouper les pays d’Europe centrale et orientale en trois catégories, en fonction de leur stratégie d’ancrage. On observe, par ailleurs, la grande cohérence de ces choix stratégiques, que l’on se réfère au contexte empirique ou aux recommandations théoriques.
1.1 Trois stratégies différentes
7 Trois stratégies peuvent être distinguées sur la période. Les pays du premier groupe ont utilisé initialement l’ancrage du change pour briser la dynamique inflationniste, puis, après une période de transition où la politique d’ancrage a été progressivement assouplie, ont opté pour des stratégies de ciblage d’inflation et un flottement libre de leur monnaie. Un deuxième groupe de pays a choisi, après une période transitoire plus ou moins longue, de cibler strictement le taux de change et de subordonner totalement la politique monétaire à l’ancre externe. Enfin, un troisième groupe comprend des pays qui n’ont pas affiché d’ancrage nominal explicite, ce qui ne les empêche pas d’avoir des stratégies monétaires actives.
8 Un premier groupe de pays a utilisé, en début de transition, un régime de change fixe pour lutter contre les forts taux d’inflation consécutifs aux politiques de libéralisation des prix, après des années de contrôle administré. Dans un contexte de forte, voire d’hyperinflation, l’ancrage de la monnaie sur celle d’un partenaire commercial à faible inflation est apparu comme la solution la plus directe et la plus efficace pour ancrer les anticipations d’inflation, alors que les autorités monétaires disposaient de peu de crédibilité. L’ancrage par le change, en début de transition, résout le problème du manque d’expérience de la Banque centrale (Nerlich, 2002).
9 L’ancrage du change a joué un rôle déterminant dans le processus de désinflation, mais son importance a diminué à la fin des années 1990, tandis que les Banques centrales commençaient à cibler plus directement l’inflation. Le maintien d’un régime de change fixe a été rendu difficile par le maintien persistant d’un différentiel d’inflation avec le pays de la monnaie d’ancrage, et par les pressions subies sur le marché des changes, alimentées par les entrées croissantes de capitaux (Golinelli et Rovelli, 2005). Les politiques d’ancrage ont exacerbé l’appréciation réelle des monnaies domestiques, ce qui a pu détériorer le compte courant et favoriser les entrées de capitaux. Dans le même temps, la forte baisse des taux d’inflation sur la première moitié des années quatre-vingt-dix rendait moins nécessaire l’usage d’une ancre de change. Ces pays ont adopté graduellement des régimes de change plus flexibles, l’ancrage du change étant progressivement remplacé par des politiques de ciblage direct de l’inflation (Petreski, 2013). Le développement institutionnel des pays du groupe 1, et particulièrement le développement du secteur financier et bancaire, ont permis à ces pays d’envisager des stratégies de sorties en permettant aux Banques centrales de mettre en place des politiques monétaires autonomes (Orlowski, 2005). Les politiques de ciblage d’inflation nécessitent, en effet, un système financier développé (Mishkin, 2000).
10 La République tchèque a abandonné l’ancrage de sa monnaie, adopté en 1991, pour un régime de flottement dirigé, suite à une série d’attaques spéculatives en mai 1997, après avoir adopté un corridor de fluctuation en février 1996. Elle a commencé à annoncer des cibles d’inflation dès décembre 1997.
11 La Pologne a suivi la même évolution vers des changes flottants et une politique de ciblage d’inflation. Elle a d’abord adopté un ancrage fixe en 1990, puis une parité glissante en octobre 1991, qui est devenue, en mai 1995, une parité glissante avec, dans un premier temps, une marge de fluctuation de +/- 7 %, élargie en mars 1999 à +/- 15 %. Un régime de flottement libre est adopté en avril 2000. Les autorités monétaires ont suivi des cibles monétaires jusqu’en 1997, avant d’opter pour un ciblage direct d’inflation en octobre 1998.
12 La Slovaquie, de même, a d’abord ancré sa monnaie (1993-1996), avant d’assouplir son régime en 1997 en instaurant un corridor de fluctuation (+/- 7 %). En janvier 1997, elle adopte un ciblage implicite d’inflation et passe en octobre 1998 à un régime de flottement géré. La perspective d’adhésion à l’UEM (effective en janvier 2009) l’a conduite à intégrer le Mécanisme de change européen (MCE-II) en novembre 2005.
13 Enfin, la Hongrie a adopté une bande de fluctuation glissante en mars 1995, avec un taux de dépréciation progressivement réduit au fur et à mesure des progrès de la désinflation. En mai 2001, elle intègre le MCE-II et annonce en juillet de la même année des cibles d’inflation.
14 Un deuxième groupe de pays , composé de petits pays très ouverts sur l’extérieur, a fait le choix de renoncer à l’autonomie de la politique monétaire en adoptant des régimes de change contraignants. L’Estonie a utilisé un régime de currency board de juin 1992 à son entrée dans la zone euro, en janvier 2011, avec un ancrage d’abord au deutschemark, puis à l’euro. La Lituanie a, quant à elle, adopté un régime de caisse d’émission, d’abord ancré sur le dollar de mars 1994 à février 2002, puis sur l’euro. La Bulgarie a également adopté un régime de caisse d’émission, mais plus tardivement, en 1997, suite à une période de flottement libre. La Lettonie a d’abord choisi une politique monétaire basée sur le contrôle de l’offre de monnaie en change flottant, avant d’adopter un ancrage strict de sa monnaie en février 1994, d’abord par rapport à un panier de monnaies, puis, à partir de 2005, par rapport à l’euro. Elle a adopté l’euro en janvier 2014.
15 Les régimes de currency board ont été très efficaces dès leur mise en place pour réduire l’inflation. C’est dans ces pays que la réduction de l’inflation a été la plus rapide [2], tandis qu’elle était plus progressive dans les pays des autres groupes, sans pour autant briser la dynamique de croissance.
16 Ce régime implique, cependant, une perte de souveraineté monétaire. En outre, sur le long terme, la réduction de l’inflation s’est accompagnée d’une forte appréciation du taux de change réel, d’un creusement des déficits courants et de la montée des déséquilibres. Durant plus de dix ans, ces économies ont connu de forts taux de croissance, supérieurs à 10 % par an, permis par une politique monétaire trop accommodante. Les faibles taux d’intérêt, liés à la politique monétaire européenne, ont alimenté une forte croissance du crédit, souvent en devises, et favorisé la dépendance extérieure. La croissance et l’emploi ont été en partie soutenus par les secteurs immobilier et bancaire, financés par des entrées de capitaux, qui se sont effondrés avec la crise financière mondiale de 2008-2009 (Cochard, 2009). Le fort niveau de l’endettement en devises du secteur privé contraint aujourd’hui les autorités à défendre leur régime de change (86 % des prêts bancaires sont ainsi libellés en devises en Lettonie en 2012, 72 % en Lituanie et 65 % en Bulgarie).
17 Un troisième groupe de pays , enfin, a opté pour une voie intermédiaire entre l’engagement de change fixe et la cible flexible d’inflation. Cette stratégie s’explique par les coûts d’entrée dans un régime formel (Cottarelli et Doyle, 1999), bien que des périodes d’ancrage informel aient pu être fréquentes. Ces pays ont, en effet, commencé leur période de désinflation avec peu de réserves de change et n’auraient pas été capables d’engager un ancrage crédible de leur monnaie.
18 Parmi ces pays, certains, comme la Croatie ou la Slovénie, annoncent officiellement un régime de flottement, mais ils accordent, en réalité, une forte importance à la stabilité du change. Les interventions, souvent stérilisées, sur le marché des changes sont fréquentes. L’absence d’engagement formel permet pour autant à la Banque centrale de garder une certaine autonomie pour atteindre des objectifs internes. La Croatie a ainsi ancré de fait sa monnaie à l’euro depuis 1994 (depuis 2002, sa monnaie « flotte » dans un corridor de facto de +/-4 %). La Serbie, de même, a ancré officieusement sa monnaie à l’euro de 2000 à 2003. Elle a ensuite poursuivi une ancre de taux de change réel, avant d’assouplir son flottement dans la perspective d’adoption d’une stratégie de ciblage d’inflation, informelle en septembre 2006, officielle en janvier 2009.
19 D’autres pays, comme l’Arménie, la Roumanie ou l’Albanie, ont utilisé dans un premier temps une ancre monétaire comme objectif intermédiaire de la politique monétaire, avant de transiter vers des stratégies plus modernes de ciblage d’inflation, en 2005 en Roumanie, en 2006 en Arménie, et en 2009 en Albanie. La Roumanie a ainsi commencé sa transition en adoptant un régime de flottement géré et une cible de croissance monétaire. Des interventions sur le marché des changes ont permis une relative stabilité du taux de change effectif réel. La stratégie de change a d’abord fait référence à un panier euro/dollar jusqu’au début 2005, puis seulement à l’euro. En août 2005, l’adoption d’une cible d’inflation à la place d’une cible monétaire s’accompagne d’un assouplissement du régime de change. La Slovénie, de même, a eu une politique de change accommodante, avec de forts signes de ciblage du taux de change réel (Coricelli et al., 2006).
20 Tous ces pays ont en commun de ne pas avoir eu, pendant la phase de transition, de stratégie monétaire contraignante explicite, par opposition aux pays des deux premiers groupes. Ils ont annoncé des régimes de flottement et des cibles de croissance monétaire. Dans ces pays, le taux de change a un fort impact sur les variables domestiques, davantage que les instruments traditionnels de la politique monétaire. Cela s’explique par le sous-développement du système financier qui rend peu pertinents les canaux traditionnels des taux d’intérêt ou du crédit, par les entrées de capitaux qui rendent les banques peu dépendantes du refinancement de la Banque centrale, et, enfin, par la forte euroïsation des économies. Cette dernière laisse peu de marges de manœuvre à la politique de change.
21 Malgré leur hétérogénéité et la diversité des stratégies monétaires de désinflation, tous les PECO ont réussi, sur une période relativement courte, leur processus de désinflation. Quelle que soit la stratégie adoptée, la convergence nominale vers les pays de la zone euro reste l’objectif de la politique monétaire.
1.2 Des stratégies cohérentes
22 L’analyse des stratégies monétaires des pays d’Europe de l’Est permet d’aboutir à deux constats. Le premier est que les choix de stratégie monétaire sont conformes à ce que prévoit la théorie, que l’on se réfère à la théorie des zones monétaires optimales, à l’approche financière ou à l’approche politique (Calderon et Schmidt-Hebbel, 2008). Selon la théorie des zones monétaires optimales, les pays les plus susceptibles d’adopter des changes fixes sont les pays les plus petits, les plus ouverts, et ceux dont le commerce est le plus concentré sur le pays de la monnaie d’ancrage.
Corrélation entre taille du pays et régime de change
Corrélation entre taille du pays et régime de change
La taille du pays est approximée par la population (échelle logarithmique). Le régime de change de jure est classé selon le tableau en annexe 1, du plus fixe (1), au plus flexible (8). Les données sont une moyenne sur la période 2000-2013.23 Le graphique 1 indique clairement la corrélation positive entre la taille du pays (approximée par le nombre d’habitants) et le degré de flexibilité du taux de change. Les petites économies très ouvertes de la région ont convergé vers un régime de fixité extrême du change par rapport à l’euro : soit par l’intermédiaire d’un régime de caisse d’émission, comme la Bulgarie ou la Lituanie, soit par une entrée rapide dans la zone euro (Slovénie en 2007, Slovaquie en 2009, Estonie en 2011). Les pays les plus grands de la zone ont opté pour des régimes de change plus flexibles (flottement pur ou dirigé) et ont introduit des cibles d’inflation comme régime de politique monétaire.
Évolution de la part des différents régimes de change dans les pays de l’Est
Évolution de la part des différents régimes de change dans les pays de l’Est
Les régimes de change fixe correspondent aux régimes 1 et 2 (annexe 1), les régimes intermédiaires aux régimes compris entre 3 et 6 et le flottement aux régimes 7 et 8. Données agrégées pour 14 pays : Albanie, Arménie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie.24 Selon l’approche financière, les pays les plus ouverts financièrement et dont le système financier est le plus développé sont les moins susceptibles d’utiliser l’ancrage de change. Ceux-ci ont, en Europe de l’Est, opté pour des politiques de ciblage d’inflation explicites (pays du groupe 1).
25 Enfin, l’approche politique lie l’adoption de politiques d’ancrage du change à la faible qualité des institutions, en particulier au manque de crédibilité de la Banque centrale. Là encore, seuls les pays ayant des banques centrales « modernes », indépendantes, autonomes, ayant reçu un mandat clair en faveur de l’objectif de stabilité des prix, ont pu opter pour des régimes de flottement assorti d’un ciblage de l’inflation.
26 On retrouve ainsi les déterminants habituels du choix d’un régime de change.
27 Le second constat est que les pays de l’Est ont eu tendance à converger au cours du temps vers les solutions « en coin » (et respecter ainsi l’hypothèse de régimes bipolaires de Fischer, 2001).
28 Selon un certain nombre d’auteurs, des régimes de change insoutenables ont été la cause des crises de change des années 1990 (crise du système monétaire européen (SME) en 1992, crise mexicaine en 1994-1995, crise asiatique en 1997), les conduisant à la conclusion qu’en situation de mobilité croissante des capitaux, seuls les régimes de change extrêmes sont soutenables : régime de fixité extrême (union monétaire ou currency board), ou régime de flottement libre. Un régime de change intermédiaire, moins crédible, serait plus susceptible de subir des attaques spéculatives. Les études montrent, cependant, que très peu de pays, qu’ils soient industrialisés ou émergents, laissent réellement flotter leur monnaie (Calvo et Reinhart, 2002).
29 L’expérience des PECO semble confirmer la difficulté, pour des pays intégrés financièrement, à maintenir des régimes de change intermédiaires. Les pays du groupe 1 ont ainsi peu à peu abandonné leurs politiques d’ancrage du change au profit de changes flottants, parfois sous la pression des marchés, comme en République tchèque au milieu des années quatre-vingt-dix. À l’opposé, les perspectives d’adhésion à l’Union monétaire européenne font qu’un nombre croissant de pays sont appelés à opter pour une fixité extrême et à abandonner leur souveraineté monétaire.
2 Stratégies monétaires et performances inflationnistes
2.1 Revue de la littérature
30 Les études empiriques offrent des résultats contrastés quant à savoir si des régimes d’ancrage de change (Ghosh et al. 2011), ou de ciblage d’inflation (Gemayel et al. 2011), sont associés à des taux d’inflation plus faibles.
31 Concernant l’ancrage par le change, alors que les études basées sur la classification de jure trouvent un fort lien entre régime de change fixe et faible inflation, celles utilisant une classification de facto ou des sous-groupes de pays trouvent des résultats plus mitigés (Ghosh et al. 2011). L’analyse empirique présente un certain nombre d’écueils qui peuvent expliquer en partie la diversité des résultats. Par exemple, se pose le problème de la direction de la causalité, la stratégie de change pouvant impacter les performances macro-économiques, mais celles-ci peuvent aussi conditionner le régime de change choisi. Les auteurs se différencient également par la prise en compte du régime de change annoncé par les autorités monétaires, ou par celui réellement pratiqué (Calvo et Reinhart, 2002). Se pose alors la question de la mesure de ce dernier. Enfin, intégrer la période de crises de change dans les évaluations peut biaiser les résultats en faveur des régimes de change fixe (Obstfeld et Rogoff, 1995) [3], comme l’oubli d’autres déterminants du taux d’inflation (Rogoff et al. 2003).
32 L’étude de Ghosh et al. (1997) est représentative de la littérature sur le sujet. Appréhendant les régimes de change de jure, ils trouvent, pour un échantillon de 136 pays, sur la période 1960-1990, que l’inflation est plus faible et moins volatile dans les pays en régime de change fixe par rapport aux pays en flottement. Ils en concluent que l’effet disciplinaire (via une croissance monétaire plus faible) et l’effet crédibilité, via l’ancrage des anticipations, seraient plus forts dans les pays ayant ancré leur monnaie. Ce lien négatif entre change fixe et inflation s’affaiblit nettement si l’on substitue les régimes de facto aux régimes de jure (Ghosh et al. 2011 ; Rogoff et al., 2003) [4], conformément au modèle de crédibilité. Le lien inflation – régime de change fixe est plus fort pour les régimes les plus stricts (Alfaro, 2005) et les plus durables (Levy-Yeyati et Sturzenegger, 2001). Ces auteurs en concluent que « les faits comptent plus que les mots », l’annonce d’un régime de change fixe n’ayant un impact sur l’inflation que s’il est durable.
33 Les résultats sont cependant très différents selon les groupes de pays. Notamment, les différences inflationnistes sont faibles dans les pays à hauts revenus, quels que soient les régimes de change, tandis que les pays à faible-moyen revenu ont avantage à ancrer leur monnaie, les besoins en crédibilité n’étant pas les mêmes (Levy-Yeyati et Sturzenegger, 2001). Parmi ces derniers, Rogoff et al. (2003) montrent néanmoins que seuls les pays en développement sont concernés, mais pas les pays émergents, car ces derniers sont davantage exposés aux mouvements internationaux de capitaux. En règle générale, l’effet de l’ancrage de change sur l’inflation joue plus en terme de crédibilité qu’en terme disciplinaire (via le contrôle exercé sur l’offre de monnaie).
34 On retrouve les mêmes résultats contradictoires quand on s’intéresse aux performances économiques comparées des cibleurs d’inflation et des non cibleurs. Trois méthodes sont généralement utilisées (Gemayel et al. 2011). La méthode « différence en différence » compare les performances sur la période avant l’adoption du ciblage d’inflation et la période après, entre des pays ayant choisi cette politique et des pays non cibleurs (sur des périodes similaires) (Ball et Sheridan, 2005). L’inconvénient de cette méthode est de ne pas considérer le biais d’auto-sélection qui fait que les pays ayant les meilleures performances inflationnistes sont les plus susceptibles de contraindre leur politique monétaire en ciblant officiellement l’inflation. La deuxième méthode, du « propensity score matching » est censée intégrer ce biais, en comparant des groupes (cibleurs et non cibleurs) similaires. Ces deux premières méthodes se basent sur une analyse en coupe. La dernière méthode, basée sur les panels dynamiques (GMM [5] en différences ou GMM en système), permet d’exploiter la dimension temporelle du panel et les effets spécifiques pays.
35 Les études concernant les pays avancés, les plus fréquentes, aboutissent à des résultats la plupart du temps non significatifs, quelle que soit la méthode choisie. Ball et Sheridan (2005) avec la méthode « différence en différence », Lin et Ye (2007) en se basant la méthode d’appariement ou Mishkin et Schmidt-Hebbel (2007) via les GMM trouvent que, même si les pays cibleurs d’inflation ont vu leurs performances inflationnistes s’améliorer, les différences restent non significatives par rapport aux non cibleurs. Les résultats concernant les pays émergents sont plus favorables aux politiques de cibles d’inflation, et semblent robustes quelle que soit la méthode d’estimation (voir, par exemple, Brito et Bystedt (2010) pour une analyse en panel ou Gemayel et al. (2011) pour une analyse de l’écart des différences). Ce résultat pourrait s’expliquer, d’une part, par la plus grande diversité des niveaux d’inflation dans les pays émergents qui rendrait les résultats plus significatifs et, d’autre part, par le plus grand besoin de crédibilité des autorités monétaires dans ces pays, qui donnerait un avantage aux régimes de ciblage (Goncalves et Salles, 2008).
36 L’impact des différentes stratégies d’ancrage sur l’inflation est également discuté dans les PECO. Cottarelli et Doyle (1999), pour le FMI, estiment ainsi que sur la période 1993-1997 les cibles de change ou les cibles monétaires ont joué un rôle limité dans le processus de désinflation, peu de pays ayant, dans un contexte d’incertitude et de réformes structurelles, annoncé de telles cibles. Ils montrent que dans les deux tiers des stabilisations réussies dans une vingtaine de pays en transition, le taux de change était formellement flottant. Ce résultat s’explique pour ces auteurs par le fait que l’inflation extrême était liée au choc structurel de la transition, et que sa faible composante inertielle rendait peu nécessaire le gain en termes de crédibilité de l’ancrage par le change.
37 Pour d’autres auteurs, au contraire, la désinflation a été avant tout obtenue à l’aide de l’ancrage nominal par le change (Clerc et Gouteron, 2003 ; Coudert et Yanitch, 2002). De Grauwe et Schnabl (2008) à partir d’une étude empirique pour 18 pays de l’Est, sur la période 1994-2004, montrent que les régimes de change flexibles sont associés à une plus forte inflation, les coefficients étant très significatifs sur l’ensemble de la période. La relation est vérifiée avec des régimes de change de facto. Cependant, cette relation disparaît quand l’échantillon est séparé en deux sous-périodes et quand les pays à inflation extrême sont exclus de l’étude. Ils en concluent que si l’on effectue une comparaison, dans le temps, ou entre pays, la stabilisation du taux de change est associée à une inflation plus faible. Pourtant, une fois un niveau modéré d’inflation atteint, l’impact du régime de change sur le niveau d’inflation devient faible et non significatif.
2.2 Étude empirique
38 Nous effectuons une étude en panel pour analyser l’impact de la stratégie monétaire sur le taux d’inflation, dans 14 pays en transition [6] sur la période 1990. I-2013. I (données trimestrielles) [7]. Nous avons décomposé l’estimation en deux sous-périodes. La première correspond aux années quatre-vingt-dix, marquées par le choc de la transition, mais aussi en 1997-1998 par les répercussions de la crise asiatique (juillet 1997) et de la crise russe (17 août 1998). La seconde période des années 2000 correspond à la période de convergence réelle et nominale vers l’Union européenne (UE) et à l’accession à l’UE pour un grand nombre de ces pays.
39 Une première analyse statistique (tableau 1) semble confirmer le lien entre régime de change et taux d’inflation. Les pays ayant opté pour une fixité extrême du taux de change sont aussi ceux qui connaissent les taux d’inflation les plus bas et ce, quelle que soit la période, et ces différences sont significatives. L’idée que l’effet disciplinaire serait plus fort en régime de change fixe semble confirmé par le fait que les pays en régime de fixité ont le plus faible taux de croissance de la masse monétaire. La stabilité nominale aurait, par ailleurs, un coût en termes de croissance, les pays en change fixe ayant le plus faible taux de croissance du PIB réel. Sur l’ensemble de la période, on observe ainsi que plus le régime est flexible, plus le taux d’inflation moyen est élevé, plus la création monétaire est importante, et plus la croissance réelle est forte.
40 Il est intéressant de noter que cette relation linéaire entre degré de liberté du régime de change, inflation, création monétaire et croissance disparaît sur la période récente. Si l’on se concentre sur les années 2000, on observe d’une part une réduction marquée du taux d’inflation et des écarts entre pays. Ce qui est intéressant, c’est que sur la période, ce sont les pays en régime de flottement pur qui obtiennent les meilleures performances économiques : si le taux d’inflation reste légèrement plus faible dans les pays ayant un ancrage du change, le taux de création monétaire est plus faible dans les pays en flottement libre, ce qui semble indiquer que l’effet disciplinaire des politiques d’ancrage du change s’est réduit. Par ailleurs, le taux de croissance réel moyen de l’économie y est bien plus élevé (2,6 % par an en moyenne, contre 1,1 %). Finalement, les pays en régimes de change intermédiaires présentent les moins bonnes performances en termes d’inflation et de discipline monétaire. L’inflation est en moyenne deux fois plus élevée que dans les pays en fixité extrême, et il y existe un excès de création monétaire, compte tenu du taux de croissance du PIB. On constate enfin que les performances inflationnistes des pays ayant recours au ciblage direct d’inflation sont en moyenne supérieures à celles des pays non cibleurs, au prix, toutefois, d’une croissance réelle plus faible. L’effet disciplinaire est ici également notable (croissance plus faible de M2).
Performances économiques selon différentes stratégies monétaires
Régimes de change | |||
Ensemble de la période | |||
Taux d’inflation |
Taux de croissance M2 |
Taux de croissance PIB réel | |
Fixité extrême | 2,24 | 3,52 | 1,68 |
Régimes intermédiaires | 4,62 | 4,37 | 2,42 |
Flottement | 5,77 | 4,93 | 3,01 |
Années 1990 | |||
Fixité extrême | 2,54 | 4,80 | 2,89 |
Régimes intermédiaires | 6,27 | 5,23 | 4,32 |
Flottement | 19,45 | 13,47 | 4,99 |
Années 2000 | |||
Fixité extrême | 0,97 | 3,14 | 1,13 |
Régimes intermédiaires | 1,89 | 3,90 | 1,74 |
Flottement | 1,19 | 2,86 | 2,63 |
Cibles d’inflation 1998-2013 | |||
Cibles d’inflation* | 1,15 | 2,6 | 1,78 |
Non cibleurs* | 1,72 | 3,6 | 2,23 |
Performances économiques selon différentes stratégies monétaires
Construit à partir de données trimestrielles issues de la base de données Datastream (Thomson Reuters). Les régimes de fixité extrême correspondent aux régimes 1 et 2 (Annexe 1), les régimes intermédiaires aux régimes compris entre 3 et 6 et le flottement aux régimes 7 et 8.* Les pays cibleurs sont l’Albanie, l’Arménie, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Serbie. Les non cibleurs sont la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Croatie, la Slovénie et la Slovaquie.
41 L’étude économétrique nous permet de préciser les causalités et de prendre en compte l’endogénéité des variables. Le choix de la stratégie monétaire n’est pas exogène, mais dépend de facteurs spécifiques et temporels. Notamment, le régime de change ou les cibles d’inflation peuvent avoir un impact sur le taux d’inflation, mais ce dernier a aussi une influence sur la stratégie monétaire pouvant être mise en œuvre. Nous utilisons la méthode des variables instrumentales avec effets fixes pour traiter les biais d’endogénéité et contrôler les effets spécifiques individuels et temporels. Nous faisons l’hypothèse d’endogénéité des politiques de change et de ciblage d’inflation, dans un modèle à effets fixes [8].
42 L’équation estimée est de la forme :
43 Avec it le vecteur des taux d’inflation (calculés à partir de l’indice des prix à la consommation), Xit, le vecteur des variables indicatrices de la stratégie monétaire adoptée par les autorités (régime de change, cible d’inflation), Yit le vecteur des autres déterminants du taux d’inflation, i les effets fixes pays et it le terme d’erreur.
44 Dans les études, les régimes de change sont classés en deux (fixe/flexible) ou trois régimes (fixe/intermédiaire/flexible). Comme le notent Bailliu et al. (2002), si les catégories de régime de changes flexibles et intermédiaires caractérisent le seul régime de change, la catégorie du change fixe caractérise à la fois la politique monétaire et de change (le taux de change étant la cible de la politique monétaire), ce qui peut biaiser les résultats en faveur de cette dernière. Il convient donc également, pour les pays n’ayant pas ancré leur monnaie, d’intégrer les stratégies de politique monétaire, telles que les politiques de ciblage d’inflation, qui fournissent aussi une ancre aux anticipations.
45 Pour le régime de change, nous utilisons deux indicateurs. Nous nous basons tout d’abord sur une dummy variable pour l’ancrage de jure. Celle-ci prend les valeurs de 1 à 8 (du régime le plus strict au régime le plus flexible), afin d’appréhender la diversité des régimes de change, sur la base des régimes déclarés par les autorités nationales au FMI (source : IMF, Annual report on exchange arrangements and restrictions [9]. Nous calculons ensuite un indicateur d’ancrage de facto, à partir de la volatilité observée du taux de change nominal (cf. Bailliu et al., 2002) [10]. Cette volatilité est calculée par l’écart type moyen du taux de change des droits de tirage spéciaux (DTS) à partir de données trimestrielles en glissement annuel. Cet indicateur de régime de change « de facto » est de même classé en 8 catégories (volatilité croissante), afin que les résultats soient comparables avec l’indicateur de régime de change « de jure » (même échelle).
46 Nous prenons enfin en considération l’adoption d’une politique de ciblage d’inflation. Une dummy variable prend la valeur 1 ou 0, selon respectivement que le pays utilise ou pas une telle stratégie. Nous construisons, également, un indicateur plus élaboré basé sur le degré de développement du cadre de la politique de ciblage. En effet, sous un régime de ciblage d’inflation, la Banque centrale annonce publiquement une cible numérique pour l’inflation et institutionnalise cet engagement par un certain nombre de contraintes, telles que la transparence [11].
47 Ces contraintes et ce cadre institutionnel sont plus ou moins élaborés selon les pays, bien que tous peuvent annoncer des cibles d’inflation. Nous nous appuyons sur les éléments clés d’une politique de ciblage d’inflation, tels que la précision de la cible, le processus de décision, la transparence ou la responsabilité de la Banque centrale, pour donner une note de ciblage (entre 1 et 8), fonction de l’engagement plus ou moins contraignant du système adopté [12]. Une note plus élevée correspond à une politique plus élaborée, censée être plus crédible et plus efficace pour lutter contre l’inflation.
48 Le graphique en annexe 3 classe les différents pays en fonction de leurs stratégies d’ancrage (moyenne sur les années 2000) et des régimes de change de facto. On voit que parmi les sept pays cibleurs d’inflation, la République tchèque présente le système le plus élaboré, en termes de transparence, d’engagement ou de comptes à rendre, suivi de la Pologne et de la Hongrie. Ces trois pays présentent dans le même temps des régimes de change peu ou non contraints. Les quatre autres pays (Albanie, Serbie, Arménie et Roumanie), où l’adoption de ciblage a été plus tardive, présentent des régimes moins élaborés et des régimes de change en moyenne plus contraints. Enfin, nous introduisons une variable de durée de la politique d’ancrage de change (comme dans Ghosh et al. 2011), et une variable de durée de la politique de ciblage d’inflation.
49 L’équation est complétée par les autres déterminants traditionnels du taux d’inflation [13]. Nous introduisons ainsi le taux de croissance du PIB réel et le taux de croissance de la masse monétaire au sens large. Nous avons également utilisé les indicateurs de transition de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), classés de 1 à 4, en fonction du degré de libéralisation croissante des économies, pour évaluer les évolutions structurelles des pays étudiés. Nous introduisons enfin le taux d’inflation moyen des pays de l’OCDE, pour tenir compte de la période de « grande modération », qui a connu la baisse généralisée des taux d’inflation et a pu jouer sur le taux d’inflation moyen des pays de l’Est.
50 Des tests de stationnarité confirment que toutes les variables sont stationnaires (annexe 4) [14]. Les résultats sont fournis dans le tableau 2. Nous trouvons que l’engagement formel dans un régime de fixité du change a eu un impact important en termes de crédibilité en début de transition. Plus le régime de change est fixe, plus le taux d’inflation est faible. Toutefois, ce résultat n’est valable que pour les régimes de jure, conformément aux travaux de Ghosh et al.(2011) qui trouvent une influence plus forte du régime de jure sur l’inflation que le régime de facto. Dans notre cas, « les mots comptent plus que les faits ». La durée de l’ancrage n’est pas apparue significative, contrairement à ce que l’on peut trouver dans la littérature traditionnelle (Levy-Yeyati et Sturzenegger, 2001). Ce résultat semble pour autant cohérent avec l’observation empirique, l’instrument du change fixe a été un facteur important de désinflation, mais son maintien a fini par avoir un impact inflationniste dans les économies en transition, en partie parce qu’il favorise les entrées de capitaux (Nerlich, 2002).
Estimations [15]
Années 1990 | Années 2000 | |||||
De jure | De facto | De jure | De facto | De jure | De facto | |
Taux de croissance masse monétaire | 1,39*** (19,03) | 1,41*** (22,83) | 0,05*** (4,14) | 0,05*** (4,22) | 0,05*** (4,12) | 0,05*** (4,20) |
Taux de croissance PIB réel | - 0,35*** (-5,32) | - 0,34*** (-5,17) | - 0,05*** (-14,07) | - 0,05*** (-14,36) | - 0,05*** (-14,11) | - 0,05*** (-14,39) |
Régime de change de jure | 2,23*** (2,72) | 0,05 (1,19) | 0,07 (1,47) | |||
Régime de change de facto | 0,73 (1,23) | 0,09*** (2,62) | 0,09*** (2,71) | |||
Cible d’inflation (binaire) | - 0,71*** (-3,13) | - 0,65*** (-3,07) | ||||
Cible d’inflation (qualitatif) | - 2,55 (-0,22) | 3,27 (0,29) | - 0,98*** (-2,96) | - 0,94*** (-2,91) | ||
Indicateur de transition | 48,09*** (4,78) | 48,13*** (4,71) | ||||
Taux d’inflation OCDE | 0,25*** (2,82) | 0,26*** (4,48) | 0,25*** (4,23) | 0,26*** (4,49) | ||
Constante | - 14,78*** (-3,75) | - 6,83*** (-3,05) | 0,42 (1,50) | 0,39* (1,85) | 0,39 (1,41) | 0,42* (1,96) |
Nombre d’observations | 259 | 259 | 698 | 697 | 698 | 697 |
Test de Davidson McKinnon d’exogénéité |
F(1,240) = 0.119 |
F(1,240) = 0.347 |
F(1,678) = 0.21 |
F(1,677) = 0,19 |
F(1,678) = 0.08 |
F(1,677) = 0,09 |
Estimations [15]
* significatif à 10 % ** significatif à 5 %. *** significatif à 1 %.51 Les autres résultats sont en accord avec la littérature : une plus forte croissance monétaire tend à augmenter l’inflation, tandis qu’une plus forte croissance réelle tend à la réduire. Les variables de transition, plus structurelles, ont un impact significatif sur l’inflation. Elles captent bien le choc inflationniste de la transition vers l’économie de marché. La crise russe de 1998 ne semble pas, en revanche, avoir eu d’impact sur la relation inflation-régime de change au cours des années 1990 [16].
52 Sur la période des années 2000, le régime de change officiel perd son influence sur le niveau de l’inflation, au profit des politiques de cibles d’inflation. Les variables de régime de change de jure ne sont plus significatives. En revanche, les variables de ciblage d’inflation le deviennent. Leur adoption a contribué significativement à réduire le taux d’inflation. Le coefficient de ciblage d’inflation est plus élevé pour les indicateurs qualitatifs par rapport aux indicateurs binaires, indiquant que l’effet crédibilité augmente avec le degré d’élaboration de la politique monétaire. Le régime de change de facto a de même un impact sur l’inflation : la volatilité du taux de change agit sur l’inflation, probablement via l’inflation importée. Si « les mots » étaient importants en début de transition pour des raisons de crédibilité dans un contexte de très forte inflation, ce sont plutôt « les faits » qui comptent dans le contexte d’inflation modérée des années 2000.
53 Au cours de cette période, l’influence des variables de transition disparaît, les pays ayant achevé les réformes de transition vers l’économie de marché, celles-ci n’apparaissent plus discriminantes. En revanche, les taux d’inflation domestiques sont positivement liés au taux d’inflation des autres pays de l’OCDE, signe d’une intégration commerciale et financière croissante. Là encore, la durée des stratégies d’ancrage (de change ou de l’inflation) n’apparait pas significative dans l’explication des performances inflationnistes. Par rapport aux années quatre-vingt-dix, l’inflation devient plus faible, mais plus inertielle, tandis que l’influence de la monnaie se réduit, ce qui est cohérent avec ce que l’on observe dans la plupart des pays industrialisés.
Conclusion
54 Les politiques d’ancrage ont joué un rôle très important dans le processus de désinflation durant les premières années de transition. L’influence de l’ancrage du change sur le taux d’inflation a cependant été décroissante, au fur à mesure que celle-ci déclinait. Aujourd’hui, les politiques de ciblage d’inflation semblent plus performantes. Elles sont un ancrage utile à la politique monétaire, permettant de contenir les anticipations d’inflation, tout en offrant davantage de flexibilité et d’autonomie aux autorités monétaires. Cela a permis aux pays ayant adopté ce type de politique monétaire de mieux résister à la crise financière de 2008 et de maintenir des taux de croissance comparativement plus élevés.
Taux d’inflation dans les pays des groupes 1 et 2
Taux d’inflation dans les pays des groupes 1 et 2
Indicateurs de régime de change
Fixité extrême (har | |
Absence d’unité monétaire séparée | 1 |
Caisse d’émission | 2 |
Régimes intermédiaires (soft peg) | |
Taux de change fixe | 3 |
Taux de change fixe avec bandes horizontales | 4 |
Parité glissante | 5 |
Parité glissante avec bandes | 6 |
Flottement | |
Flottement dirigé | 7 |
Flottement pur | 8 |
Indicateurs de régime de change
Politiques de stabilisation en Europe de l’Est (années 2000, moyenne)
Ce graphique projette sur un même plan les stratégies de ciblage d’inflation (classées de 0 à 8, 0 correspondant aux pays ne suivant pas une telle politique et 8 aux stratégies de ciblage d’inflation les plus élaborées) et les stratégies d’ancrage du change. Sont utilisés ici les ancrages de facto (volatilité constatée du taux de change). On observe que plus le pays a de l’expérience dans la stratégie de ciblage d’inflation, plus celle-ci est élaborée, et plus le pays se trouve en régime de flottement.Tests de stationnarité
Pesaran (2007) Panel Unit Root Test (CIPS) | |||
Retards | 0 | 1 | 2 |
Taux d’inflation | - 16,405 (0.000) | - 12,840 (0.000) | - 7,427 (0.000) |
Taux de croissance de M2 | - 17,473 (0.000) | - 12,933 (0.000) | - 10,909 (0.000) |
Taux de croissance du PIB réel | - 17,852 (0.000) | - 17,598 (0.000) | - 16,501 (0.000) |
Maddala and Wu (1999) Panel Unit Root test (MW) | |||
Taux d’inflation pays de l’OCDE | 55,9856 (0.001) | 183,868 (0.000) | 153,076 (0.000) |
Tests de stationnarité
H0 pour les tests MW et CIPS : les séries sont I(1).Bibliographie
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Notes
-
[1]
Nous utilisons indifféremment “Pays de l’Est” ou “pays d’Europe centrale et orientale” (PECO) qui regroupent ici les pays d’Europe centrale, les Balkans et les États Baltes.
-
[2]
Voir graphique comparatif en annexe 2.
-
[3]
Une crise de change, qui se traduit généralement par l’abandon du régime de change fixe au profit d’un régime de flottement, s’accompagne souvent d’une dégradation des conditions économiques et financières qui va être associée, dans les études empiriques, au régime de change flottant.
-
[4]
Stotsky et al. (2012), dans le cadre des pays d’Afrique de l’Est, montrent, à l’inverse que, parce que le régime de jure n’est pas crédible, seul le régime de change de facto a un impact sur l’inflation dans ces pays.
-
[5]
Generalized method of moments (ou méthode des moments généralisée).
-
[6]
Albanie, Arménie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie.
-
[7]
Toutes les séries ne sont pas disponibles pour tous les pays à partir de 1990. Pour un certain nombre d’entre eux, elles débutent en 1995, voire 1997. Les données de M2 pour la Serbie ne débutent qu’en 2000. Ce pays n’est donc pas pris en compte dans les estimations portant sur la période des années quatre-vingt-dix.
-
[8]
Nous avons testé l’existence d’effets spécifiques, qui s’avèrent être des effets fixes (test d’Hausman). Les variables instrumentales sont les valeurs retardées et en différence des endogènes, avec un retard.
-
[9]
Cependant, les pays ayant adopté l’euro se voient accorder dans notre étude la note 1 (absence d’unité monétaire séparée), alors que le FMI les classe dans la catégorie 8 (flottement libre).
-
[10]
D’autres auteurs se basent également sur la volatilité des réserves de change ou des taux d’intérêt nominaux (Levy-Yeyati et Sturzenegger, 2005 ; Calvo et Reinhart, 2002), mais ces données n’étaient pas disponibles pour l’ensemble des pays de notre étude. Nous utilisons la volatilité du taux de change des DTS car elle permet de tenir compte à la fois de la volatilité par rapport au dollar et par rapport à l’euro, ces deux monnaies ayant pu servir d’ancre nominale dans les pays de l’Est.
-
[11]
Voir, par exemple, Bernanke et Mishkin, 1997.
-
[12]
L’indicateur est construit autour de trois catégories : précision de la cible objectif, indépendance de la Banque centrale et transparence (voir Olympie, 2013).
-
[13]
Voir, par exemple, De Grauwe et Schnabl (2008) ou Ghosh et al. (2011).
-
[14]
Nous effectuons le test de deuxième génération de Pesaran (2007) pour tenir compte de la dépendance cross-section.
-
[15]
Les résultats sur l’ensemble de la période, non reproduits ici, correspondent à ceux de la période des années 1990 (parmi les stratégies monétaires, seule la politique d’ancrage (de jure) du change a un impact significatif sur le taux d’inflation).
-
[16]
La dummy variable correspondant à la crise russe est non significative.