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Article de revue

L'invention africaine des sociétés civiles : déni théorique, figure imposée, prolifération empirique

Pages 9 à 23

Notes

  • [1]
    Professeur Ordinaire, PôLE-SUD, Université de Liège, MMarc. poncelet@ ulg. ac. be
  • [2]
    Chargé de cours, PôLE-SUD, Université de Liège, GGautier. pirotte@ ulg. ac. be
  • [3]
    Notons, toutefois, que malgré la prééminence des luttes factionnelles pour le pouvoir d’État, des mobilisations associatives non corporatistes s’étaient structurées bien avant la nouvelle vogue (Groupements Nâam au Burkina Faso dans les années 1980, par exemple) et évidemment, loin en amont, dans les mouvements anticoloniaux.
  • [4]
    En insistant sur l’aspect associatif, Young inclut, dans la société civile africaine qui semble émerger à la fin de l’époque coloniale, les groupements culturels, les partis politiques (qui en seront souvent issus) et les syndicats.
  • [5]
    L’africanisme politologique nous a invité depuis plus de vingt ans à accorder une attention suffisante au "bas" des sociétés africaines par rapport au "haut d’en haut" (Bayart, 1983). Entre ces deux pôles, la densité sociologique paraît très faible et la classe moyenne, absente. Pourtant, les nouvelles "injonctions" internationales semblent toucher d’emblée l’épaisseur des sociétés en passant, de manière croissante, par des réseaux moins exclusivement institutionnels. De ce point de vue, l’Afrique subsaharienne participerait, de manière lente et ambivalente, au processus de formation d’une nébuleuse civile transnationale.
  • [6]
    Même si le niveau de participation des OSC ne correspond pas à ce qui était attendu et si cette nouvelle participation formelle n'est que consultative, on peut légitimement se demander si celle-ci ne couronne pas les efforts de professionnalisation des OSC soutenus par les partenaires occidentaux dans les années 1990 (Pirotte, 2002).
  • [7]
    J. Ackerman (2004) évoque un paradigme de la co-gouvernance. Il s’agit d’une gouvernance partagée entre un État ordonnateur-coordinateur, des organisations internationales de coopération, des bailleurs de fonds et des "partenaires" (les "acteurs non étatiques" ou les "organisations de la société civile") appelés à intervenir en matière de définition, de gestion et d'évaluation des programmes d’intervention.
  • [8]
    Depuis 2002, la Banque mondiale compte 120 experts de la société civile (communicateurs et spécialistes des sciences sociales), répartis entre les représentations nationales (environ 80 spécialistes dans 70 bureaux nationaux), les bureaux régionaux et l’"équipe Société Civile", établie à Washington.

1 Depuis près de vingt ans, un vaste débat s’est constitué autour de la notion de société civile. Ce débat est certes scientifique, mais se développe surtout dans les sphères de l’action politique et sociale. Il est indiscutablement lié – et parfois identifié – à la libéralisation croissante d’une économie capitaliste dont l’internationalisation s’est accélérée à la mesure du reflux historique des formes publiques et centralisées de régulation économique. Cependant, ce débat est également porté par la remise en question des formes de l’action publique et de la légitimité politique telles qu’elles se sont constituées, sur le mode national, dans les démocraties, au fil des XIXe et XXe siècles. Il questionne donc des thématiques aussi larges que celles de l’espace public, de la citoyenneté, ou encore de la démocratie participative (Pirotte, 2007). Il interroge aussi, à travers la notion d’économie sociale, le face-à-face des deux modes de régulation économiques jusqu’ici dominants : le marché et l’État. Enfin, ce débat est loin d’être confiné aux sociétés postindustrielles et dépasse l’horizon des ex-démocraties populaires et des pays émergents.

2Cette polémique autour de la notion de société civile a trouvé, dès son origine, des terrains et des enjeux dans les sociétés les plus étrangères à la croissance mondiale. À l’instar de ce qui s’est passé pour le concept de capital social, le renouvellement des problématiques de développement et d’aide au Sud a joué un rôle déterminant dans son universalisation. Mais au-delà de la discussion théorique quant à l’existence, à la nature et au rôle d’une société civile, une réalité s’impose : il s’agit de la présence d’une infinité d’associations, d’organisations, d’engagements plus ou moins professionnalisés et de transactions entre ces associations et avec d’autres acteurs. À cette aune, doit aussi être interrogée la pertinence du débat relatif aux organisations de la société civile (OSC). La crise des post-colonies africaines constitue, de ce point de vue, un terrain fécond, dont les enseignements sont d’autant plus novateurs que ce "laboratoire" apparaît d’emblée relever de logiques transnationales.

3Revendiquant, ou se disputant, le label de "société civile", une diversité extraordinaire d’initiatives dites "de développement" a vu le jour (Van Rooy, 1998). Elle est stimulée, certes, par les agences multilatérales ou nationales de coopération et d’aide, mais aussi par les réseaux d’ONG et d’autres acteurs internationaux, comme des fondations, des universités ou des institutions du Nord (publiques, associatives ou privées) participant d’une coopération indirecte décentralisée, elle-même très en vogue. Décriée à divers titres et encensée par ailleurs, la réalité protéiforme désignée par cette notion est désormais inscrite dans le tissu social et politique de la plupart des sociétés africaines, voire plus précisément dans les pratiques éducatives, judiciaires, médiatiques, économiques et administratives de celles-ci. Organisations de services (organismes de micro-finance, ONG de développement, mutuelles de santé, bureaux d’études, etc.), organisations de défense des Droits de l’homme, de la femme, de l’environnement, associations de parents d’élève, etc., se sont intégrées dans l’ancien paysage associatif en décomposition et ont épaissi la trame associative, sans toujours cependant répondre aux attentes des zélateurs de la société civile. Ces attentes portaient sur l’amélioration de la qualité des services de base, la participation accrue des groupes défavorisés dans leur espace politique local et le soutien au renouvellement de systèmes politiques nationaux bloqués, défaillants et ayant montré leur capacité de résistance face aux tentatives de démocratisation institutionnelle. Conscients que l’extrême divergence des trajectoires rend toute généralisation imprudente - il suffit pour s'en convaincre de comparer le Bénin, la République Démocratique du Congo (RDC) et la Côte d’Ivoire -, nous tentons ci-dessous de tirer quelques enseignements susceptibles de dépasser l’impasse d’une approche théorique. Ce faisant, nous tentons aussi d’objectiver l’hypothèque, implicite le plus souvent, qui pèse sur les OSC africaines et est sans cesse réalimentée par les polémiques (aux effets convergents) autour de la dénonciation de l’injonction normative étrangère, de la singularité politique et culturelle africaine et enfin de la "notabilisation" systématique des dispositifs d’appui.

1. LA SOCIÉTÉ CIVILE EN DÉBAT : PLURALITÉ D’APPROCHES

4La notion de société civile en elle-même prête à discussion. Vieux concept de la philosophie politique occidentale, cette notion a connu un succès populaire et planétaire au cours du dernier quart du XXe siècle, sans jamais acquérir, toutefois, une fine précision sémantique. Sans doute faut-il y voir la raison même de ce succès et, dans une vision cynique ou sévère, considérer que le concept de "société civile" demeure ce "label du vide", donnant l’impression à chacun de se comprendre tout en désignant finalement des objets différents (Colas, 1992). Dans le discours commun, voire dans certaines analyses "savantes", la société civile est le plus souvent définie par ce qu’elle n’est pas, à travers un jeu d’oppositions aussi manichéen que grossier. Par exemple, elle n’est pas l’État quand on veut souligner l’importance d’un tissu associatif jouant un rôle attendu de "contre-pouvoir". Elle se distingue du monde militaire quand on met en exergue les victimes de conflits armés. Elle s’oppose au marché pour souligner l’importance des activités des entrepreneurs moraux au sein d’organisations à caractère non lucratif (non profit). Elle n’est pas l’Église, pour consacrer la distinction entre l’institution religieuse et les fidèles ou encore les non-croyants. Enfin, elle distinguerait les comportements à vocation publique des comportements strictement privés, relevant du monde domestique, familial, intime, voire communautaire.

5Si les contours de la notion contemporaine paraissent imprécis, la trajectoire conceptuelle de la société civile est suffisamment longue pour alimenter des visions bien contrastées. Cette histoire trouve son origine dès l’antiquité (Koïnonia Poltike d’Aristote) dans une réflexion sur le degré de civilisation d’une société, ou plus précisément sur le niveau de raffinement de son organisation politique. La société civile (Societas Civilis des Romains) est ainsi civilisée, bien ordonnée par des lois ; elle se distingue de la société naturelle des Barbares. Confondue dans ses premières traductions du grec et du latin avec la notion de cité, d’État ou de gouvernement, elle est abordée ensuite par les philosophes des XVIIe et XVIIIe siècles. Elle désigne une sphère autonome mais connectée à l’État, marquée par l’adoption d’un contrat librement consenti entre individus quant au destin politique de la société (Hobbes, Locke), une limitation des pouvoirs séculiers ou spirituels par l’existence de mœurs aristocratiques (Montesquieu) ou la poursuite d’intérêts individuels au sein d’une économie marchande (Smith, Mandeville, Fergusson). Elle est aussi la société bourgeoise (bürgerliche Gesellschaft), ou plus précisément la société des citoyens bourgeois, coincée entre l’État et la sphère familiale, reposant sur un système de besoins et représentant à la fois le fondement et l’accomplissement du Droit (Hegel). Elle est composée d’une myriade d’associations en tous genres favorisant une limitation (un contrôle) du pouvoir central perceptible jusque dans les plus petites communautés (Tocqueville). Elle est ailleurs le lieu de l’exploitation de l’Homme par l’Homme (Marx), de l’hégémonie idéologique, institutionnelle et culturelle de la classe dominante tout en devenant le lieu privilégié de l’action révolutionnaire (Gramsci). Elle se confond également (et peut-être de plus en plus) avec l’idée d’un tiers secteur, composé d’associations très variées dont le plus petit commun dénominateur est le développement de pratiques alternatives, palliant les déficiences du marché et des pouvoirs publics. Face aux nouvelles demandes de services et de solidarités, la société civile deviendrait le lieu par excellence de l’économie solidaire ou de l’économie sociale (Defourny et alii, 1999).

2. LE SUD ET L’AFRIQUE FACE AU CONCEPT DE SOCIÉTÉ CIVILE

6Dans ce qui fut le "Tiers monde", la libéralisation économique croissante ainsi que l’intégration au sein d’une économie globalisée, dans la foulée de l’échec plus ou moins général des politiques d’ajustement structurel, ont accéléré le déclin des modèles politiques postcoloniaux (la crise des sociétés africaines en particulier) sans faire apparaître clairement pour autant une alternative sociale et politique. Les anciennes formes d’encadrement "modernes" ou néo-traditionnelles (partis "de masse", syndicats, mouvements nationaux divers, coopératives, "églises nationales", etc.) se sont trouvées définitivement discréditées face à la prolifération des OSC (encouragée aussi de l’extérieur) et en particulier des ONG. Cette prolifération est souvent portée par d’anciens cadres de la fonction publique et, de plus en plus, par une nouvelle génération de professionnels, privée de perspectives d’emploi public. Des milliers d’associations ont ainsi vu le jour dont les vocations apparaissent diversifiées.

7Dans ce contexte particulier, convient-il d’évoquer une naissance ou une revanche des sociétés civiles en Afrique subsaharienne ? Les réponses apparaissent variées. Elles jalonnent l’opposition entre universalisme et l’exceptionnalisme occidental (Lewis, 2001). Ce dernier, qui doute de l’existence d’une société civile en dehors du cadre sociopolitique occidental, est partagé par de nombreux politologues et sociologues africanistes francophones (Chabal et Dalloz, 1999 ; Haubert, 2000). Ce courant insiste sur l’impossibilité constante, en Afrique, de voir émerger un espace (celui de la société civile peuplée de citoyens) qui serait autonome à l’égard des contraintes de la sphère de l’État et de celle des liens familiaux. Ainsi, la probabilité de voir apparaître une véritable société civile au sud du Sahara serait très faible en raison d’un double scénario : au premier, qui est celui de l’absorption de la société par un État autoritaire, répondrait celui de "l’État rhizome", dans lequel l’État est incapable de s’émanciper de la société et des logiques communautaires qui la traversent. Outre le fait qu’elle a tendance à figer l’Afrique dans un moment particulier de sa gouvernance, cette approche conserve explicitement un étalon historique occidental.

8On retrouve ainsi l’antique opposition entre communauté et société, entre solidarité et identité prescrites versus engagement et identité volontaires. Le défaut d’individualisme sociologique et la force maintenue d’identités communautaires, si affaiblies et si manipulées soient-elles, les rets de la séniorité et du patronage redoublés par l’effondrement du projet de modernisation, tout cela pèserait lourdement sur la possibilité de se poser collectivement en limite ou en censeur du pouvoir, sur la capacité de définir un intérêt collectif étranger aux réseaux de patronage et de cooptation des dépositaires des pouvoirs d’État. Enfin, la faiblesse du marché comme instance de régulation, la quasi-absence d’un secteur privé formel relativement autonome du pouvoir d’État, la généralisation d’une économie informelle ou plutôt d’une "déformalisation" croissante des économies, achèveraient de dissoudre l’hypothèse d’une société civile africaine telle que l’énoncent les normes libérales et post-libérales. Ajoutons l’analphabétisme massif et persistant, la précarité économique des paysanneries atomisées et l’anomie urbaine croissante, et l’on mesurera la difficulté d’illustrer, en Afrique, les vertus du renforcement (empowerment) tant recherchées.

9L’approche universaliste, quant à elle, a été adoptée par de nombreux scientifiques anglophones. Dans cette perspective, la société civile est à la fois un indicateur et un moteur essentiel des processus démocratiques modernes. À priori, rien ne s’oppose à l’activation de ces processus dans une société quelconque. La société civile fait alors partie d’un complexe institutionnel démocratique (ou constitue le fil rouge de ce complexe), certes promu dans les années 1990 à travers les institutions de promotion d’une gouvernance globale libérale, mais qui n’est jamais, pour autant, dépourvu de dynamiques locales décisives. Dans cette approche, aucun obstacle culturel ou sociologique ne semble véritablement insurmontable (Diamond, 1991 ; Harbeson, 1994). Par ailleurs, les impuissances des États et des marchés à transformer quelque peu le sort d’immenses populations ne fait que renforcer une version, libérale elle aussi, mais complémentaire à la précédente. Celle-ci analyse la formation d’une société civile comme la convergence des réponses collectives aux régimes répressifs (Howell and Pearce, 2001,73).

10Nombre d’approches globales mettent enfin en lumière une sphère transnationale civile en formation et, à l’instar de John Keane, en soulignent la fonction de type idéal, jamais repérable comme tel mais indispensable pour identifier un processus qui promeut le pluralisme, l’autonomie et s’oppose à la violence : "…un système non-gouvernemental et dynamique d'institutions socio-économiques interconnectées qui couvre la planète entière et a des effets complexes qui se font ressentir aux quatre coins de celle-ci" (Keane, 2003,8, traduction des auteurs). Dans une telle perspective, il est difficilement concevable qu’une région quelconque puisse se soustraire à un processus dont les ressorts sont globaux et convergents.

3. LE TEMPS AFRICAIN DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

11En Europe centrale et orientale et en Amérique latine, la notion de société civile surgissait en outre de foyers intellectuels constitués autour d’enjeux politiques, économiques ou sociaux locaux. En Afrique sub-saharienne, la notion de société civile, ses conceptions et ses débats ont semblé plus directement importés à travers le pilotage multilatéral des processus de transition et des crises du développement. Les acteurs et les orientations sont apparus davantage dépendants de dispositifs extérieurs, principalement tournés vers l’action. Le scepticisme y reste profond jusqu’aujourd’hui et la polémique est moins théorique que politique ou même populaire, avec des conséquences immédiates, perceptibles en termes d’éducation, de décentralisation ou de santé. C’est donc dans le registre de la libéralisation politique, plus précisément dans une perspective de cogestion des politiques de développement, que le concept est intervenu. Par contre, le registre de la privatisation des entreprises publiques s’est très peu référé à la terminologie civile et elle est aujourd’hui peu en vogue parmi les entrepreneurs et leurs associations, malgré l’insistance des organes de coopération au développement de l’Union européenne à inclure les organisations d’employeurs dans son vocable "Acteurs non étatiques".

12Au Sud du Sahara, ce regain d’intérêt est clairement perçu comme d’origine exogène et il est difficile de nier qu’il est essentiellement lié aux nouvelles tutelles exercées sur des sociétés postcoloniales africaines à travers les notions de gouvernance, de responsabilité (accountability), d’appropriation (ownership) et de lutte contre la corruption en particulier. Cependant, c’est moins une origine extérieure qui est dénoncée (de nombreuses institutions africaines contemporaines étant dans ce cas) que la contrainte et le prix à travers lesquels la notion de société civile fut proposée [3].

13Pour de nombreux auteurs, l’actuel succès de la notion de société civile est d’autant plus suspect que rien, que ce soit dans le passé lointain ou dans le passé récent, ne semblait l’annoncer. On évoque, pour expliquer cette méfiance, la trajectoire du rapport politique ou la genèse de l’État africain ; la coexistence et l’imbrication de structures lignagères fondées sur la coutume et d’institutions politiques sacralisées ou militarisées qui n’apparaissent en rien favorables à une culture de l’engagement et/ou de l’association libre. Quant aux administrations coloniales répondant au paradigme du commandement (Mbembe, 2000), elles imposèrent un pouvoir étranger, introduisirent certes d’inédits principes d’appartenance sociale (religion, langue, statut social, urbanité, profession) et contribuèrent à modifier les anciennes catégories, mais le fossé institué entre des institutions modernes (posées comme supérieures tout en étant peu accessibles) et les ordres traditionnels discrédités hypothéqua la plausibilité même d’un espace indépendant où traduire et traiter la nouvelle configuration du "vivre ensemble". Young (1994b, 38) suggère, ainsi, que "le ré-ordonnancement radical de l’espace politique imposé par la partition coloniale déconstruisit la société civile potentielle". "Dans le Zaïre colonial [relate Young (1994a, 237)], la vie associative fut limitée aux cercles des évolués, aux syndicats affiliés aux principales centrales métropolitaines, aux associations ethniques et aux mouvements sociaux soutenus par les Églises ou de grandes corporations jusqu’à la fin des années 1950" [4].

14Les post-colonies instaurèrent toutes, peu ou prou, des ordres à vocation totalitaire, dotés de partis uniques, de nations proclamées, d’États forts aux projets démiurgiques et généreux en matière de services publics, de politiques économiques centralisées et de programmes ambitieux de développement, le plus souvent lourdement assistés. S’y affirmèrent des logiques propres d’instrumentalisation de la dépendance et de la pauvreté, des logiques de cooptation des élites fondées sur le "patrimonialisme" et le patronage. Cette trajectoire politique fut sans doute contrariée - mais probablement pas complètement désorientée - par l’ajustement imposé des institutions économiques et politiques et la déréliction des années 1990 (Hibou, 1998). En deçà des groupes (voire des cliques) ayant privatisé le pouvoir et la fonction publique, l’engagement ne trouvait d’autre voie que celle du complot, du patronage, de la soumission feinte (escapisme). À l’extérieur des réseaux connectés de captation-redistribution qui parcourent ces sociétés selon des affinités répondant à l’idiome de la parenté, l’espace public reste au mieux souterrain. Les organisations sociales (femmes, jeunes, institutions traditionnelles, groupements de producteurs, coopératives, syndicats, etc.) ont été intégrées, règlementairement ou de facto, à l’appareil d’État.

15Avant même de descendre, dans quelques cas, dans les rues (Monga, 1994), ce fut à travers l’extraordinaire développement de l’économie informelle que la société fit montre d’une remarquable résilience et exprima immédiatement l’inanité d’une ambition totalitaire tout autant que l’abstraction de la référence au marché. À travers les logiques de "désinstitutionnalisation", un autre horizon s’est ainsi offert à l’idée de société civile (Ela, 1998). Cette société civile en creux, ou société civile de l’ombre, reste jusqu’ici difficilement lisible à travers les normes internationales et tout aussi peu lisible à travers la référence générale à une résistance populaire qu’invoquent certains activistes et auteurs. Enfin, une société civile jouant le rôle "d’État de veille" pouvait-elle se constituer comme exit option au regard d’une administration en liquidation, renonçant à toute forme d’orientation de la société, laissant à ses fonctionnaires abandonnés le soin de rendre leurs services, comme ce fut par exemple le cas en RDC ? L'exemple de ce pays montre que cette fonction n’a pu être jouée qu’à un niveau très local. Au-delà de ce niveau, la société civile proclamée n’a que peu contribué à une réorientation notable des rapports de représentations politiques.

16Les antécédents historiques de la notion de société civile en Afrique, qu'ils soient identifiables par le haut ou par le bas, semblent peu aptes à lever les arguments historiques et politiques soulignant le défaut d’un minimum de démocratie dans l’héritage des sociétés africaines ou le défaut de différenciation de la sphère économique. Il est certes possible de relativiser l’opposition entre adhésion communautaire et sociétaire, de célébrer les vertus des escapismes (voire des résistances multiples), d’assimiler la réciprocité caractéristique de l’économie des pratiques populaires à une solidarité en actes et d’invoquer les particularités culturelles, mais il faut reconnaître qu’il est bien difficile de s’opposer aux diagnostics sombres qui ne voient à ce niveau qu’un libéralisme de la misère et une démocratisation en trompe-l’œil. Cependant, sur le plan empirique, ne s’arrête-t-on pas trop aisément à l’observation de la farandole des "capteurs de la nouvelle rente de la coopération", agissant avec la bénédiction de prescripteurs internationaux ? Ne doit-on voir dans l’effervescence actuelle qu’une nouvelle ruse des virtuoses africains de l’instrumentalisation de la dépendance et du nihilisme sociétal ? [5] Pour des centaines d’observateurs issus eux-mêmes du monde civil, de la solidarité internationale mais aussi du monde scientifique, la validation théorique du label importe moins que la connaissance des milliers d’initiatives portées par des individus, des groupes et des réseaux qui, pour n’être pas directement politiques, tissent aujourd’hui la trame des sociétés africaines dans leur existence concrète et transforment petit à petit leurs pratiques sociales et politiques. En tout état de cause, la prolifération africaine des OSC ne fléchit pas, leurs terrains d’action s’élargissent encore et, malgré de sévères effets de sélection, une élite sociale émergente semble s’imposer partout dans la définition et l’exécution de politiques publiques, replacées sous conduite multilatérale depuis le tournant du millénaire.

4. CO-GOUVERNANCE ET ESPACE DE CONSTITUTION ET DE RECONVERSION D’ACTEURS SOCIAUX

17Poussés par les ONG internationales et faisant face à des critiques de plus en plus lourdes, les agences de coopération Nord-Sud ont inégalement intégré (et/ou suscité) cette effervescence associative. Certaines agences y ont vu un facteur susceptible de renouveler simultanément les thématiques de démocratisation et de participation, mais aussi les dispositifs d’action pour le développement local. Bien qu’un grand scepticisme ait très tôt vu le jour quant à leur représentativité, leur enchevêtrement dans des réseaux "communautaires" et d’intérêts privés ou encore quant à leur capacité d’exécution des projets, la référence aux "sociétés civiles du Sud" s’est glissée dans tous les discours et, dans une mesure moindre et retardée, dans les pratiques des grands partenaires au développement et des bailleurs nationaux ou multilatéraux. Ainsi, les nouveaux accords dits de Cotonou, entre l’UE et les Pays ACP, ont retenu le terme "Acteur Non Étatique" (ANE), qui traduit sans doute la vision la plus large et la plus "œcuménique" de la société civile. Le dialogue politique entre l’UE et ses “partenaires”, dialogue qui conditionne et suit les nouvelles formules d’aide comme autant de chicanes à franchir, implique donc les ANE, mais à un niveau qui reste essentiellement consultatif. Il s’agit peut-être moins d’élargir l’horizon de l’appropriation de ces mécanismes complexes de coopération dans les sociétés bénéficiaires, que de disposer d’un instrument de monitoring des programmes face à des États toujours suspects de défaillance démocratique et d’inefficacité administrative [6]. Par ailleurs, l’Union européenne soutient, comme différentes agences nationales, les partenariats entre OSC du Nord et OSC du Sud, bien au-delà des ONG de coopération à proprement parler. Certes, la mobilisation directe des OSC locales par les agences nationales de coopération est bien plus nette dans le chef des USA et du Canada (USAID, ACDI) que de l’UE, dont l’aide reste majoritairement destinée aux États ; il faut néanmoins tenir compte de la planification et de la mise en œuvre de ces aides, qui mobilisent de plus en plus des OSC locales ou des sièges locaux d’ONG étrangères. En outre, les nouvelles orientations, illustrées par la Déclaration de Paris et qui visent à exiger une réelle capacité de coordination des instances publiques comme condition d’une aide renforcée et concentrée sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), n’augurent pas nécessairement d’un recul de la présence de fait des OSC dans les interventions (planification, exécution, évaluation), mais plutôt d’une cogestion des politiques publiques sous assistance (Callewaert, 2006) [7].

18Dès les années quatre-vingts, les organisations de coopération au développement ont cherché à précipiter des processus d’institutionnalisation des structures de coordination et de représentation des OSC africaines (telles CRONG et CNONG en RDC). Au même moment, des myriades de micro-ONG semblaient s’emparer du niveau local de l’action en matière de développement. Cet appui au processus de concentration du tissu des OSC s’est systématisé dans les Accords de Cotonou, non sans errements et effets pervers locaux. La société civile s’est ainsi installée dans les programmes de la Banque mondiale [8], de l’OMS, de l’UNICEF, de l’UNESCO et du PNUD, comme dans les Accords précités. Les partenariats internationaux impliquant des OSC du Sud se sont multipliés et généralisés. Il s’agit aussi bien de partenariats entre OSC du Nord et OSC du Sud que de partenariats entre organismes internationaux, pouvoirs publics et OSC locales. De l’identification à l’évaluation, en passant par l’appropriation (ownership), ces partenariats peuvent intervenir à toutes les étapes des projets et des programmes. Ils peuvent être très variables dans leur nature (consultance, exécution, suivi, appui technique, intermédiation, mobilisation communautaire, évaluation) et intervenir dans des configurations institutionnelles variées. Dans de nombreux pays africains, le processus d’institutionnalisation de la société civile est déjà avancé, sous différentes formes, que ce soit au niveau local (aujourd’hui municipal dans certains cas), régional (plate-forme ou coordination départementale ou provinciale) ou national, avec une reconnaissance officielle ou quasi-officielle de fédérations. Dans des contextes politiques affaiblis, les acteurs politiques africains ont, dans l’ensemble, plutôt entretenu ce nouvel espace "civil", en multipliant les zones de chevauchement entre l’action publique et les domaines d’action de ces organisations (Poncelet et alii, 2005).

19Malgré l’intervention croissante des OSC dans ce qu’il est convenu d’appeler "lutte contre la pauvreté", les militants de la cause Nord-Sud sont très loin de "crier victoire", en particulier pour ce qui concerne le dispositif de coopération européen (Collectif Colophon, 2002).

20De nombreuses ONG du Nord ont adopté des positions prudentes, évoquant désormais "l’accompagnement" d’un processus périlleux et ambivalent de constitution du monde civil africain. De nombreux observateurs et praticiens mettent aussi en doute la réelle capacité des configurations actuelles d’OSC africaines à "démocratiser" le développement, à rendre ses programmes plus efficaces et plus proches des populations, à rendre sa gouvernance plus transparente et plus "capacitante". J. Richmond (2003,19, traduction des auteurs), de l’ONG anglaise Cristian Aid, souligne : "Il existe un danger de voir la notion de "société civile" employée pour symboliser des valeurs démocratiques devenir vecteur de la légitimation des organisations réputées la représenter. L’insertion des groupes de la société civile dans les DSRP (NDA : Documents de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté) peut en soi être extrêmement utile et importante, en ce sens qu’ils peuvent améliorer l’analyse de la pauvreté et la qualité des projets entrepris pour éradiquer cette pauvreté. Néanmoins, l’importance de la société civile ne doit pas être exagérée (…). L’implication de la société civile peut être une contribution à l’amélioration de la représentation dans le processus de Gouvernance en Afrique mais à elle seule, elle n’est pas suffisante". Aucune observation ne permet d’accréditer la représentation simpliste d’un transfert de pouvoir vers les groupes cibles, d’une mutation significative de l’allocation des ressources ou de l’empowerment des "populations".

21Apologies ou condamnations au nom de principes nous apprennent peu sur les dynamiques sociales dont témoignent ces effervescences. Un défi demeure donc : celui de prendre ces sociétés civiles et leurs acteurs au sérieux sans pour autant entériner leurs discours et leurs justifications. Il importe de souligner que les fonds qui ont soutenu la "montée en puissance" des OSC sont largement publics et que les actions entreprises ou co-entreprises par les OSC africaines sont également (sinon davantage) dépendantes des ressources extérieures (États et Églises) que des États africains. Il n’est pas opportun, pour autant, de décréter le statu quo politique et sociologique ou la permanence intacte de la sujétion historique. Qui dénoncerait, par exemple, le mouvement altermondialiste comme duperie pour la simple raison qu’une grande partie de ses fonds provient des pouvoirs publics, via des ONG ?

22Bien des OSC autoproclamées et financées comme telles ne sont que des petites entreprises ou encore des agences publiques déguisées. On voit bien, par exemple, que le secteur de la microfinance se mue en un secteur financier qui paraît relever de plus en plus de logiques financières. Mais derrière l’image facile de la tontine, derrière les milliers de tentatives relevant du don déguisé ou de l’escroquerie, on découvre aussi des trajectoires très diverses : programmes publics créés pour bénéficier des fonds internationaux de soutien qui réussissent à s’autonomiser en instrumentalisant la dépendance extérieure ; entreprises privées déguisées en organismes d’appui au développement ; authentiques initiatives associatives qui deviennent des quasi-administrations publiques territoriales ou sectorielles ; ONG patronnées par des notables publics, etc. Plutôt que comme une réalité institutionnelle clairement identifiable entre le secteur privé et le secteur public, entre le marché et l’État, la société civile africaine pourrait donc être analysée comme un espace protéiforme de formation et de reconversion des intérêts collectifs, espace susceptible de générer des matériaux politiques mais aussi marchands sans renier de réelles innovations au plan de la participation civile.

23Force est de constater que l’univers africain des OSC s’est généralement constitué sans guère de rapports avec des mouvements sociaux et avec peu de références idéologiques. Si les syndicats de fonctionnaires ont survécu aux vingt dernières années, portant parfois des initiatives politiques majeures (comme en Guinée Conakry tout récemment), ils semblent avoir laissé aux OSC le soin d’explorer et de construire, au-delà du salariat, de nouveaux rapports de représentation. Une attention particulière devrait donc être accordée aux rapports entre OSC et mouvements sociaux, ou plus précisément entre les trajectoires des uns et des autres. Ces rapports sont loin d’être simples et convergents. Selon les configurations politiques nationales, ces rapports peuvent être de substitution, de succession, voire d’opposition. La configuration sud-africaine met en évidence une relative dualité entre les nouveaux mouvements sociaux autour des droits de base (santé, éducation, logement) et le complexe associatif issu du soutien international massif à la sortie de l’apartheid. En dehors de ce cas particulier, comment ne pas se poser la question du rapport entre "l’ONGisation" des politiques publiques et des relations avec le monde extérieur, d'une part, et le très faible renouvellement des mobilisations collectives protestataires, d'autre part ?

24Plutôt qu’à travers des oppositions conceptuelles (marché/État/société civile) et des frontières théoriques, c’est à travers des trajectoires contextualisées et des chevauchements qu’apparaissent au mieux les enjeux réels du débat. Si les comparaisons localisées et datées avec des situations européennes peuvent être éclairantes, les comparaisons intra-africaines sont insuffisantes. À cet égard, le cas de la RDC est instructif car les ONG et la société civile y ont été précocement "inventées" et soutenues par la "communauté internationale" comme sanction et comme alternative à un État prédateur. Le cas de la RDC met clairement en évidence l’avortement de la société civile dans un contexte d’absence d’État ainsi que l’ambivalence du destin des sociétés civiles précocement structurées sous contrainte extérieure. Massivement représentée lors de la conférence nationale, la société civile fut établie en acteur politique et labellisée comme telle jusqu’aux élections présidentielles et législatives récentes qui ont promu des dizaines de ses "membres" dans les institutions politiques. Bien que la société civile ait été très "représentée" dans la transition politique (conduite par un représentant de la société civile, l’Abbé A. Malu Malu), il n’est pas évident de lui prêter davantage qu’un rôle de ligne de survie ou de défense d’intérêts personnels ou locaux. Cette entrée massive dans la compétition politique naissante contraste avec la misère de ses actions locales, qui ont peu bénéficié de soutiens extérieurs (à l’exception du Kivu, où les OSC ont joué un rôle actif de résistance collective). Pas davantage que les ONG ou les syndicats d’enseignants, les associations formées par les usagers d’institutions publiques (l’école ou l’université) privatisées de fait par leurs "détenteurs" n’ont réussi à se constituer en acteurs susceptibles d’offrir quelque garantie de qualité ou de démocratie participative. Le naufrage d’un système éducatif livré au seul financement par les parents est exemplaire de l’illusion d’une société civile en l’absence d’État et d’administration (Mrsic, 2006). Le triomphe de la société civile dans la transition congolaise est donc extrêmement ambigu. Il ne semble porteur ni d’une alternative politique clairement identifiable, ni de nouvelles dynamiques participatives locales particulièrement significatives aux yeux des développeurs. Dans des situations comme celle de la Côte d’Ivoire, l’impuissance des OSC à éviter la polarisation politico-militaire a été patente. La solution qui pourrait intervenir "par le haut" sur fond de violence hypothèquera sans doute pour longtemps la plausibilité d’une ouverture de l’espace public. Au Bénin, l’élection d’un nouveau Président "sans parti", parfois présenté comme "l’homme d’une société civile" fatiguée d’un pouvoir politique sans horizon, ne semble pas conduire à un élargissement ou à un renouvellement de l’espace d’intervention des OSC. Les effets politiques de l’invention des sociétés civiles s’y joueront certainement davantage via les arènes politiques locales, en outre à travers les élections législatives imminentes. En tout état de cause, il serait imprudent de généraliser les analyses ponctuelles issues d’un pays ou de quelques pays.

25Quant à l’action des agences de coopération (nationales ou multilatérales) ou des ONG du Nord, action tant décriée par des intellectuels africains comme instrument au service d’une forme libérale de "subalternisation", on ne peut nier leur influence globale, voire leur capacité de prescription en matière de société civile. Si cette prescription n’a pas abouti partout à une contraction générale de la fonction publique, encore moins à une montée en puissance d’une élite alternative, comment ne pas relever que, même dans les pays les moins stratégiques de l’Afrique de l’Ouest francophone, les ONG américaines ont contribué puissamment à l’institutionnalisation de quelques OSC locales (ONG mais aussi "Mouvements de parents") dans l’ingénierie sociale des projets et des programmes de développement ? Par ailleurs, quels que soient les nombreux échecs ou demi-réussites de leurs projets, la généralisation de méthodes peu ou prou participatives ainsi que l’orientation imposée vers les zones reculées et les populations délaissées ont donné aux OSC un brevet de proximité à l’égard des populations. Pourtant, il serait illusoire de croire que ces logiques extérieures ont supplanté radicalement les logiques "du dedans", qui s’en sont souvent accommodées mais sans disparaître pour autant. Si les appuis extérieurs (appuis sectoriels ou très ciblés sur de petits réseaux d’OSC) ont pu avoir des effets nets dans la compétition entre OSC, la capitalisation d’expertise et la reconnaissance publique, il est permis de douter des effets durables des tentatives visant à susciter (voire à construire) un leadership représentatif au sein des OSC sous le label "Société Civile" (au singulier). L’UE ne semble pas avoir jusqu’à présent trouvé une formule "d’extraction" un tant soit peu satisfaisante sous la formule des ANE. Les tentatives de l’USAID pour structurer un mouvement parental à partir des associations de parents au Bénin ne fait pas l’objet d’une évaluation encourageante (Lanoué, 2004 ; Comhaire et Stangherlin, 2005). L’extension du domaine d’activités des OSC, de leur reconnaissance et de leur institutionnalisation est donc partiellement indépendante des performances et des logiques d’évaluation qui en étaient attendues. Est-ce tellement surprenant ?

CONCLUSION

26Sortir du dialogue de sourds entre les intellectuels africains et les activistes civils, entre le scepticisme particulariste de la plupart des africanistes et les théories globales d’une société civile mondiale, suppose sans doute de renoncer au singulier, à la quête d’une Société Civile et à l’arsenal normatif qu’implique ce singulier. L’invention périlleuse et fort peu stabilisée jusqu’ici d’un champ civil de l’action sociale et politique est porteuse d’effets encore largement en gestation sur le cours des mutations sociopolitiques africaines dans un contexte de libéralisation et de nouvelle dépendance. Mais ces effets sont loin d’être contenus dans les prescriptions internationales de la gouvernance. Loin d’être un espace historique que les sociétés africaines auraient peine à constituer ou encore un espace naturel que la gouvernance globale aurait dénaturé, l’espace africain désigné comme civil gagne à être perçu comme un foyer de redéploiement des politiques publiques sous assistance. Il gagne aussi à être perçu comme un espace de formation et de reconversion des logiques d’accumulation et des acteurs sociaux mais aussi politiques et économiques.

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Mots-clés éditeurs : Société civile, développement et coopération internationale, ONG, Afrique subsaharienne

Mise en ligne 01/09/2007

https://doi.org/10.3917/med.139.0009

Notes

  • [1]
    Professeur Ordinaire, PôLE-SUD, Université de Liège, MMarc. poncelet@ ulg. ac. be
  • [2]
    Chargé de cours, PôLE-SUD, Université de Liège, GGautier. pirotte@ ulg. ac. be
  • [3]
    Notons, toutefois, que malgré la prééminence des luttes factionnelles pour le pouvoir d’État, des mobilisations associatives non corporatistes s’étaient structurées bien avant la nouvelle vogue (Groupements Nâam au Burkina Faso dans les années 1980, par exemple) et évidemment, loin en amont, dans les mouvements anticoloniaux.
  • [4]
    En insistant sur l’aspect associatif, Young inclut, dans la société civile africaine qui semble émerger à la fin de l’époque coloniale, les groupements culturels, les partis politiques (qui en seront souvent issus) et les syndicats.
  • [5]
    L’africanisme politologique nous a invité depuis plus de vingt ans à accorder une attention suffisante au "bas" des sociétés africaines par rapport au "haut d’en haut" (Bayart, 1983). Entre ces deux pôles, la densité sociologique paraît très faible et la classe moyenne, absente. Pourtant, les nouvelles "injonctions" internationales semblent toucher d’emblée l’épaisseur des sociétés en passant, de manière croissante, par des réseaux moins exclusivement institutionnels. De ce point de vue, l’Afrique subsaharienne participerait, de manière lente et ambivalente, au processus de formation d’une nébuleuse civile transnationale.
  • [6]
    Même si le niveau de participation des OSC ne correspond pas à ce qui était attendu et si cette nouvelle participation formelle n'est que consultative, on peut légitimement se demander si celle-ci ne couronne pas les efforts de professionnalisation des OSC soutenus par les partenaires occidentaux dans les années 1990 (Pirotte, 2002).
  • [7]
    J. Ackerman (2004) évoque un paradigme de la co-gouvernance. Il s’agit d’une gouvernance partagée entre un État ordonnateur-coordinateur, des organisations internationales de coopération, des bailleurs de fonds et des "partenaires" (les "acteurs non étatiques" ou les "organisations de la société civile") appelés à intervenir en matière de définition, de gestion et d'évaluation des programmes d’intervention.
  • [8]
    Depuis 2002, la Banque mondiale compte 120 experts de la société civile (communicateurs et spécialistes des sciences sociales), répartis entre les représentations nationales (environ 80 spécialistes dans 70 bureaux nationaux), les bureaux régionaux et l’"équipe Société Civile", établie à Washington.
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