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Article de revue

La stratégie des firmes multinationales face aux États : le cas de l’exploitation du nickel calédonien

Pages 85 à 103

Notes

  • [*]
    Université de la Nouvelle-Calédonie
  • [1]
    Au Mont Dore, à Houaïlou, Bourail, Canala et Thio (voir annexe 1)
  • [2]
    Ces dernières sont des composés métalliques contenant en moyenne 75% de nickel et 20% de soufre. Elles sont aujourd’hui principalement destinées à l’usine Eramet de Sandouville. Les ferro-nickels sont des composés métalliques contenant en moyenne 25% de nickel et 70% de fer. Ils sont vendus sous forme de grenailles ou de lingots (ITSEE, 2000,210).
  • [3]
    INCO Limited est une société privée, basée à Toronto. C'est une des premières sociétés minières et métallurgiques au monde. INCO, qui compte environ 10 000 employés, est le premier fournisseur et le deuxième producteur de nickel primaire ; son chiffre d'affaires net, en 2002, s'établissait à 2,1 milliards $ US.
  • [4]
    Après plus d'une année de négociations, la SOFINOR acquiert 85 % de la Société Minière du Sud Pacifique moyennant 15 millions d’euros. La SMSP a pour principale activité un contrat de tâcheronnage, pour la SLN, sur les sites de Ouazenghou et Taom. Elle n'a pas de domaine minier en propre.
  • [5]
    L'accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 par le Premier ministre français et les responsables politiques calédoniens, repousse de 15 ou 20 ans le référendum d’autodétermination, inscrit dans les accords de Matignon de 1988 et prévoit, de façon irréversible, d'importants transferts de compétences de l'Etat français à la Nouvelle-Calédonie. Dans la continuité des accords de Matignon, l’accord de Nouméa vise un rééquilibrage économique entre les provinces de la Nouvelle-Calédonie.
  • [6]
    Eramet est une société multinationale minière et métallurgique (basée à Paris). Elle emploie plus de 13 000 salariés et dispose de très nombreux sites industriels en Amérique, en Europe, en Afrique et en Asie. Outre la SLN, Eramet est propriétaire de l’usine du Havre-Sandouville qui retraite le minerai produit par la SLN pour obtenir du nickel pur. Depuis juillet 2000, le territoire de la Nouvelle-Calédonie est actionnaire d’Eramet à hauteur de 5% du capital et de la SLN, à hauteur de 30% du capital.
  • [7]
    La SLN dispose de sites miniers (Thio, Kouaoua, Népoui-Kopéto, Tiébaghi et Kaala Gomen) et de l’usine métallurgique de Doniambo (ITSEE, 2000, p. 210) ; ses effectifs sont de 2 700 personnes, environ.
  • [8]
    L’attribution du massif du Koniambo à la SMSP est subordonnée à plusieurs conditions : ( i) l’achèvement des études de faisabilité du projet métallurgique, ( ii) la décision de construire l’usine du Nord et ( iii) la réalisation, avant le 31 janvier 2007, d’un programme d’investissements d’un montant minimum de 100 millions $ US.
  • [9]
    Pour l’État, le coût financier de ce transfert est de 158 millions d’euros auxquels il convient d’ajouter 152 millions d’euros déjà donnés à la SLN pour compenser l’échange des massifs. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [10]
    À ce jour, la société russe Norilsk, une des sociétés d’État russes avec Severonickel et Yuzhuralnickel (ITSEE, 2000,218), est le numéro un mondial du nickel, avec une production annuelle de 223 000 tonnes. Viennent ensuite INCO, avec une production de 146 000 tonnes, Falconbridge, avec une production de 87 000 tonnes, et Eramet avec un peu moins de 60 000 tonnes.
  • [11]
    La pyrométallurgie est la technique traditionnelle d'extraction des métaux. Elle se fonde sur l'obtention de métaux à partir de leurs minerais ou de concentrés de minerais, au moyen de techniques utilisant le feu.
  • [12]
    Falconbridge se trouve parmi les plus gros producteurs mondiaux de nickel, cuivre, cobalt et des métaux du groupe du platine (ITSEE, 2000,198).
  • [13]
    La SMSP détient 51% du capital. Elle apporte son domaine minier, son expertise professionnelle et son implantation locale. Falconbridge détient 49% du capital. Le groupe canadien apporte une technologie qu’il maîtrise et il se porte garant du financement qui sera supporté par la future société d’exploitation commune.
  • [14]
    Pour une présentation plus détaillée de la genèse des projets et de l'historique des sociétés, voir ISEE ( 2002).
  • [15]
    Latérites : minerai de nickel basse teneur (entre 1,5% et 2% de nickel contenu) (ITSEE, 2000,196). Garniérites : entre 2,2% et 3% de nickel contenu.
  • [16]
    L’hydrométallurgie recouvre l’ensemble des procédés d’extraction de métaux par mise en solution (solvant acide ou basique) et par des traitements de lixiviation (lessivage) et d’électrolyse.
  • [17]
    Le brevet de ce procédé hydrométallurgique a été vendu à INCO par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) en 1992, en même temps que sa filiale SOPROMINES (qui devient alors la Compagnie des Mines de Xéré). Le BRGM est un organisme public français, chargé en particulier, d'effectuer des recherches sur les techniques d'extractions minières. Il réalise, également, des travaux de cartographie géologique en France et outre-mer. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [18]
    Soit donc un équivalent de 3,2 millions de tonnes de nickel pur.
  • [19]
    10 % serait promis par INCO au territoire de la Nouvelle-Calédonie, mais cette annonce n’a pas été formalisée.
  • [20]
    La société comptait 127 employés en 2002. La construction de l'usine a été confiée à un consortium international d'ingénierie, BTH, qui groupe les entreprises Bechtel, Technip et Hatch.
  • [21]
    C’est un permis qui dure 6 ans, pendant lesquels la firme a l’exclusivité des recherches menées sur le site.
  • [22]
    Cette décision a entraîné de vives contestations, et une plainte au pénal pour corruption et prise illégale d'intérêts a été déposée par L. Ballande, propriétaire du groupe Ballande (propriétaire de la Société des Mines de Tontouta), qui avait initié un autre projet d’usine à Prony ( Pronico), projet qui s’est vu opposer un refus de permis de recherche par la Province Sud, le 5 juillet 2002, jour où INCO a obtenu le sien de cette Province.
  • [23]
    Nous privilégions le projet le plus avancé. Les effets décrits sont également valables dans le cas du projet du Nord (avec en outre l'effet de rééquilibrage économique entre les provinces).
  • [24]
    Staple signifiant ( produits) primaires.
  • [25]
    La staple theory a été initialement développée par Harold Innis en 1930, pour expliquer l'histoire économique du Canada.
  • [26]
    Pour que le secteur exportateur soit un secteur moteur, il faut qu'il soit indépendant des autres secteurs (dans le cas contraire, il ne peut tirer la croissance des autres secteurs car sa propre croissance est bridée par sa dépendance vis-à-vis de ces secteurs). Vol. 32-2004/1-n°125
  • [27]
    Comme le marché domestique est réduit, l’échelle de production initiale est faible. Quand la production se développe, le coût marginal est inférieur au coût moyen. Cette situation peut cependant être temporaire, si des investissements de capacité ne sont pas réalisés.
  • [28]
    C'est "l'étape de maturité", au cours de laquelle le marché domestique prend suffisamment d'importance, de sorte que l'exportation n'est plus le seul débouché (Sid Ahmed, 1988, 727).
  • [29]
    L'exploitation des ressources naturelles connaît, à long terme, des rendements décroissants, de sorte que les profits auront tendance à se réduire (à la manière de la théorie de la rente des auteurs classiques). Mais surtout, une augmentation continue de l'offre de produits primaires provoquera obligatoirement une baisse des cours mondiaux. Une telle baisse entraînera le secteur exportateur dans une crise économique, qui se transmettra à l'ensemble de l'économie nationale, puisque l'absence de diversification ne permettra pas à d'autres secteurs de compenser les difficultés rencontrées par les exportations. Cette situation a été analysée par Watkins, qui lui a donné le nom de staple trap "(piège du développement par les produits primaires") (Watkins, 1963,151) ; c'est une situation qu'ont connue de nombreux pays en développement. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [30]
    L'ordre est modifié, pour traiter d'abord l'effet le moins plausible.
  • [31]
    Les entreprises calédoniennes ont l'avantage de connaître parfaitement l'environnement local ; elles peuvent ainsi bénéficier d'un avantage en terme de compétitivité-qualité, plutôt qu'en terme de compétitivité-prix.
  • [32]
    Respectivement transport minier par voies terrestres et maritimes (incluant le chargement et le déchargement des navires).
  • [33]
    La main-d’œuvre philippine n’est pas, contrairement à la main-d’œuvre locale, représentée par des syndicats puissants. Le statut de cette main-d'œuvre est dérogatoire au droit du travail (et a fait l'objet d'une loi du pays, votée le 11 janvier 2002). Les ouvriers Philippins (qui doivent venir pour des périodes d’un an plus six mois maximum) resteront affiliés à la sécurité sociale de leur pays, le coût sera alors négligeable pour l'entreprise. Ils seront payés au salaire minimum calédonien (nettement inférieur au SMIC métropolitain), mais l'entreprise pourra également déduire tous les avantages accessoires (logement près du chantier, repas, transports, loisirs). La limite est fixée à moins de deux tiers du salaire minimum. La durée hebdomadaire de travail sera de 39 heures, et pourra exceptionnellement être portée à 60 heures.
  • [34]
    Sur le site de la CCI de Nouvelle-Calédonie : http :// www. cci. nc/ html/ cci_info. asp
  • [35]
    A titre de comparaison, les effectifs des travailleurs sur mines pour toute la Calédonie étaient à 1740 en 2000.
  • [36]
    Le Congrès a adopté à l'unanimité, une loi du pays (l’Accord de Nouméa de 1998 a fait passer la Nouvelle-Calédonie du statut de Territoire d’outre-mer à celui de Pays d’outre-mer) accordant un régime fiscal privilégié pour les projets portant sur un investissement supérieur à 50 milliards de francs CFP ( 420 millions d'euros) et créant au moins 500 emplois. Sont concernés les projets mettant en œuvre des procédés innovants, mais également ceux implantés dans des zones géographiques dépourvues des infrastructures nécessaires ou hors bassin d'emploi. Les entreprises minières et métallurgiques sont ainsi exonérées d'impôts sur les sociétés, de contribution des patentes, de contribution foncière, de la taxe sur les services (TSS), des droits d'enregistrements et de la taxe hypothécaire. Ces exonérations valent dès la phase de construction et se prolongent 15 ans pendant la phase d'exploitation commerciale ; elles peuvent enfin être majorées d'une durée de 5 ans pendant laquelle les avantages fiscaux sont réduits de moitié. De plus, l’État accorde une défiscalisation concernant les équipements, qui pour le projet Goro Nickel s’est élevée à 350 millions $ US. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [37]
    Voir Nowak ( 1998), pour une présentation et une analyse de ce phénomène. Voir Lagadec et Perret ( 2000) et Perret ( 2002) pour ses possibles manifestations en Nouvelle-Calédonie, que les auteurs considèrent improbables : "les conséquences néfastes du syndrome pourraient bien ne pas pouvoir se manifester car déjà présentes. L’économie calédonienne est déjà une économie artificielle, avec un ensemble d’industries non concurrentielles qui n’existent que grâce à la protection commerciale qui leur est accordée, et qui ne trouvent des débouchés sur place que grâce au pouvoir d’achat artificiellement soutenu par les transferts de la métropole et l’indexation de la rémunération des fonctionnaires. L’économie calédonienne vérifie déjà une structure déséquilibrée, la croissance d’un secteur ne créerait donc pas ce déséquilibre" (Perret, 2002,35).
  • [38]
    hhttp :// www. cci. nc/ html/ cci_info. asp Vol. 32-2004/1-n°125
  • [39]
    Comme ce serait le cas, par exemple, pour la pêche.
  • [40]
    Pour juger de la pertinence réelle de cet argument, il faudrait connaître la part du coût qui est spécifique à la transformation par lixiviation et la part qui peut servir à une simple exploitation du minerai. De plus, les résultats de l'usine pilote peuvent vraisemblablement aussi servir à Voisey's Bay.
  • [41]
    The Financial Post, 15 janvier 2003, cité par Pitoiset ( 2003,8)
  • [42]
    Petroleum news, 27 avril 2003 (www. petroleumnews. com). Vol. 32-2004/1-n°125
  • [43]
    D'autant plus faible que l'activité ne sera pas transformatrice.
  • [44]
    Historiquement, on constate que les pays développés sont souvent dépourvus de ressources naturelles (le cas typique étant le Japon). De nombreux pays bien dotés ont subi une exploitation de leurs ressources, parfois par la colonisation. Ces pays ne se sont pas développés par leurs ressources naturelles : pays pétroliers, ou, plus anciennement, Amérique du Sud, avec les métaux précieux.
  • [45]
    Le Président de la Province Sud a justifié ce choix par la nécessité d'"évaluer rapidement le gisement de Prony-Ouest (… ), et surtout pour n'avoir dans le Sud qu'une seule usine" (cité par Pitoiset, 2003,5).
  • [46]
    Une plainte a été déposée, pour tenter de déterminer une possible corruption des décideurs. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [47]
    La flèche ( 2) correspond à l'effet ( 1), ( 3) correspond à ( 3) et ( 4) à ( 2).
  • [48]
    À long terme, l'épuisement des ressources non renouvelables risque d'entraîner un taux de croissance négatif de l'économie. Pour contrecarrer ce risque, il est nécessaire de substituer aux ressources naturelles des inputs reproductibles. Le risque de dépression dépend donc des élasticités de substitution entre les ressources non renouvelables et les inputs reproductibles. Il est cependant difficile de faire des études empiriques sur ce point, du fait de la forte intégration verticale dans les industries des ressources naturelles (qui fait qu'il n'y a pas de prix de marché disponible pour les ressources naturelles non renouvelables). Une étude de Halvorsen et Smith contourne ce problème et étudie le cas de l'industrie canadienne des mines de métaux. Les auteurs montrent, à partir d'une étude économétrique, que l'élasticité de substitution entre les ressources non renouvelables et les inputs reproductibles est égale à l'unité. Ce résultat positif laisse donc présager une continuation de la croissance dans le long terme, malgré l'épuisement progressif des gisements de ressources non renouvelables (Halvorsen et Smith, 1986,402-403). Pour que les inputs puissent se substituer à la ressource, il est nécessaire que leur productivité soit de plus en plus importante. C'est le progrès technique qui permet une telle tendance. On retrouve ici les enseignements de la théorie de la croissance endogène, par rapport au rôle de l'éducation dans la croissance : "(les) innovations permettent d'accroître sans cesse le contenu en connaissance, c'est-à-dire le contenu immatériel des biens produits dans l'économie ; simultanément, le contenu en ressource de ces biens diminue. Finalement, cette substitution progressive de la connaissance à la ressource permet de maintenir une croissance à long terme positive malgré la raréfaction progressive de la ressource" (Grimaud, 1998,164).
"S'il est relativement aisé d'attirer l'attention (des firmes multinationales) ou leur intérêt, notamment par la création de zones franches, il est nettement plus délicat d'entretenir avec elles une relation équilibrée. Le revers de leur puissance est leur capacité de profiter de conditions avantageuses, sans pour autant offrir ni les technologies dernier cri, ni les moyens d'une croissance porteuse de développement. A partir de là, le problème se résume-t-il à limiter leur influence éventuelle ?" F. Chavy ( 2003,253)

1 À un siècle d’intervalle, la Nouvelle-Calédonie a connu deux booms du nickel, en 1873 et en 1967.

2 En 1873, le premier boom du nickel survient avec la mise à jour de filons dans de nombreux sites [1]. En 1877, s’installe à Nouméa, la première usine de fusion qui produira jusqu’à 4 000 tonnes de fonte et de mattes de nickel [2]. Un an plus tard la Société Le Nickel (SLN) voit le jour ; elle possède alors trente-sept mines et des participations dans une vingtaine d’autres. En 1909 est fondée la Société des Hauts Fourneaux de Nouméa, qui inaugure l'année suivante, à Doniambo, une usine de fusion ; celle-ci, tout comme celle de la SLN, se trouve à proximité d’un port. A la suite à la crise de 1929, la SLN absorbe la Société des Hauts Fourneaux de Nouméa. L’usine de Doniambo est ensuite modernisée.

3 En 1967, le second boom du nickel est consécutif à une envolée des cours mondiaux du nickel (qui s’explique par la conjonction de la croissance des pays industriels, de la guerre du Vietnam et d’une longue grève chez le Canadien INCO [3]). La SLN agrandit l'usine de Doniambo et ouvre de nouveaux centres miniers ; la main-d'œuvre métropolitaine afflue. En 1969 le nickel est déclaré métal stratégique par la France, qui fait de la recherche minière une priorité. L’État attribue des avantages fiscaux aux projets les plus importants. La Nouvelle-Calédonie "est placée sous haute surveillance" afin de garantir aux industriels une stabilité politique et de les protéger contre toute ingérence éventuelle d’investisseurs étrangers.

4 La chute des cours du nickel intervient brutalement en 1972, suivie par le choc pétrolier de 1973. Le territoire plonge dans la crise. La violence des événements des années 1980 masque un temps les enjeux économiques, mais ceux-ci sont vite replacés au centre du débat lors de la signature des accords de Matignon, dont le rééquilibrage entre les trois provinces (Sud, Nord et Îles) constitue la pièce maîtresse.

5 On compte actuellement sept sociétés minières en Calédonie, dont les deux plus importantes sont la SLN (filiale de la société Eramet, cf. notes n°s 6 et 7) et la Société des Mines du Sud Pacifique (SMSP), entreprise à capitaux publics, contrôlée par la Province Nord. L’histoire récente du nickel calédonien s’est en fait déroulée en trois actes. En 1990, on assiste à la création de la Société de Financement et d’Investissement de la Province Nord, la SOFINOR, dont l’objectif est l’acquisition de la SMSP, qui appartenait jusqu’alors au groupe Lafleur [4]. Cela devait permettre d’élever le patrimoine minier au rang de bien commun appartenant à la collectivité. En moins de cinq ans la SMSP devient le premier exportateur calédonien de minerai de nickel. L’importance du nickel dans les affaires calédoniennes est confirmée lors de la signature, le 1er février 1998, de l’accord de Bercy, préalable indispensable à la conclusion, trois mois plus tard, de l’accord de Nouméa [5]. À Bercy, l’État français, le Territoire de la Nouvelle-Calédonie, Eramet [6] et sa filiale la SLN [7] fixent les modalités de l’échange des massifs du Koniambo et de Poum [8], devant permettre la construction de l’usine du Nord. Le 17 juillet 2000, les signataires de l’accord de Nouméa et les présidents des trois Provinces, concluent un accord donnant naissance à la Société Territoriale Calédonienne de Participation et d’Investissement (STCPI). Cette société est chargée de détenir les intérêts publics dans le capital d’Eramet et de la SLN. Le capital de la SLN est aujourd’hui détenu à 60% par Eramet, à 30% par la STCPI et à 10% par Nisshin Steel[9].

6 Depuis quelques années, afin d'attirer l'attention des industriels et de les inciter à investir en Nouvelle-Calédonie, l’État et le gouvernement calédonien mettent régulièrement en avant l’accord de Nouméa qui garantit au territoire une stabilité et une visibilité politique à plus d’une dizaine d’années. En effet, l’accord de Nouméa repousse à 2015, voire à 2018, les problèmes institutionnels qui bloquaient jusqu’alors le développement de l’archipel. La période actuelle, avec plusieurs projets considérables associant des firmes multinationales (FMN), pourrait amorcer une nouvelle, et forte, hausse de l'exploitation du nickel calédonien.

7 L’ambition de cet article est de montrer, à la lumière du cas du nickel calédonien, comment les objectifs des Etats et des FMN peuvent diverger en pratique et comment les FMN sont en position dominante pour négocier les conditions de leur implantation.

8 En premier, nous présentons les principaux projets miniers et métallurgiques. En second, nous analysons les effets économiques prévus justifiant l'octroi d'incitations à l'implantation de FMN et, dans le contexte du projet du Sud (de la FMN canadienne INCO), nous analysons les gains respectifs attendus des partenaires. Enfin, nous tentons d'expliquer les raisons qui ont poussé INCO à geler son projet minier, et nous en détaillons les conséquences, tant pour la firme que pour le territoire.

1. LES PROJETS ACTUELS

1.1 Les caractéristiques comparées des projets

9 L'année 2001 a vu la naissance de plusieurs projets métallurgiques. En avril 2001, la firme INCO annonce le lancement de la construction de l'usine de traitement des latérites par hydrométallurgie dans le sud (à Goro). Fin juin, la Société Le Nickel (SLN), filiale du groupe Eramet, annonce l’extension de la capacité de son usine de Doniambo - située dans la rade de Nouméa, avec accès direct pour les minéraliers - et l’augmentation du rendement de la mine de Tiébaghi. Dans le Nord, Falconbridge et la SMSP travaillent à l’étude de faisabilité d'une l'usine pyrométallurgique. Fin juillet, la société russe Norilsk Nickel[10] rend public qu’elle s’associe à la firme australienne Argosy Minerals (dont le partenaire calédonien est la Société des Mines de Tontouta) pour lancer un projet de construction d’usine métallurgique sur la côte est.

10 Les trois grands projets métallurgiques calédoniens concernent les entreprises INCO, la SLN et Eramet, la SMSP et Falconbridge. Ils sont présentés dans le tableau 1 (Perret, 2002).

11 Le projet de la SLN correspond à une extension des capacités existantes. A ce titre, il ne présente pas a priori d'inconnue technologique.

12 Le projet du Nord vise une extraction par pyrométallurgie [11]. Ce projet est le fruit d'une collaboration entre l'entreprise canadienne Falconbridge[12] et la SMSP, qui ont signé un protocole d'accord en 1996 pour la construction de l'usine [13]. Il est prévu une extraction dans le massif de Koniambo, au nord-ouest de la Calédonie, dont les ressources sont évaluées à 150 millions de tonnes. L'usine serait installée au pied du massif du Koniambo à Voh [14]. Ce projet correspond à une création d’industrie. Il fait cependant appel à une technologie connue, et ne comporte donc pas de risque technologique.

Tableau n

1 : Les grands projets métallurgiques en Nouvelle-Calédonie

Tableau n
Tableau n 1 : Les grands projets métallurgiques en Nouvelle-Calédonie Nom de la société Projet Minerai traité Procédé Objectif annuel de production Montant de l’investissement (en $US) Montée en production Emplois directs créés Emplois induits ou indirects estimés Localisation INCO Usine métallurgique Latérites Hydrométallurgie 54 000 tonnes de nickel 5 400 tonnes de cobalt 1,4 milliards 3ème trimestre 2004 1000 1700 Baie de Prony Province Sud SLN/Eramet Accroissement de la capacité de production de l’usine de Doniambo, rénovation d’un four électrique, développement de la mine de Tiébaghi Garniérites Pyrométallurgie 75 000 tonnes de nickel (capacité actuelle : 60 000 tonnes, 80% de ferro-nickels et 20% de mattes) 180 millions Fin 2003 ou début 2004 210 à 230 Doniambo (Nouméa) Province Sud SMSP/Falconbridge Usine métallurgique Garniérites Pyrométallurgie 60 000 tonnes de nickel 1,5 milliards Fin 2005 800 2000 Région de Koné-Voh Province Nord

1 : Les grands projets métallurgiques en Nouvelle-Calédonie

13 Le projet INCO repose sur le pari de rentabiliser l'exploitation de latérites [15], jusque-là considérées comme trop pauvres en minerai de nickel. INCO développe pour ce faire un procédé hydrométallurgique [16] : nouvelle technologie, dite de lixiviation, par laquelle le nickel est extrait grâce à de l'acide sulfurique concentré, à chaud et sous pression. Ce procédé a notamment l'avantage de produire simultanément du cobalt [17]. Le site d'extraction est le plateau de Goro, situé à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Nouméa. Les ressources sont évaluées à 200 millions de tonnes à 1,6% de nickel et 0,17% de cobalt [18]. En 1999, INCO construit sur le site de Goro une usine pilote, qui permet de tester cette technologie, avec succès, en grandeur nature (mais à petite échelle toutefois).

14 Le projet du sud, contrairement aux autres, est un projet totalement novateur. A cet égard, il comporte un risque technologique (dans le sens, notamment, où il n’y a pas de certitude que le procédé hydrométallurgique soit rentable une fois étendu à une échelle industrielle).

1.2. Projet du Sud : la présentation des acteurs

15 INCO est propriétaire à 85% de la Compagnie des Mines de Xéré, 15% restant détenus par le BRGM de France [19]. Cette compagnie est une "holding" possédant 69 concessions minières pour le nickel, le cobalt et le chrome. Goro Nickel SA, créée en Nouvelle-Calédonie en 1992, est une filiale en propriété exclusive de la compagnie [20]. Son actif comprend 7 concessions minières et des droits couvrant 5 950 ha, une usine pilote, ainsi que les droits sur les technologies de traitement mises au point par INCO. Les relations entre les acteurs industriels impliqués dans le projet d'usine du Sud sont rassemblées sur le schéma 1. Le dernier acteur est la Province Sud, qui est l’interlocuteur d’INCO au niveau politique et réglementaire.

16 En juillet 2002, la Province Sud a attribué à INCO un permis de recherche A (PRA) [21] sur le gisement de Prony (contigu à celui de Goro, cf. carte), sans aucune contrepartie de la part de la FMN [22].

Schéma 1 (Document en jpg trop large pour être inséré - à demander directement à l’auteur)
Les traits pleins représentent les participations, les pointillés représentent une simple relation industrielle (BTH est le maître d’œuvre qui bâtit l’usine).

17 Nous examinons les principales retombées que la Calédonie peut obtenir du projet du Sud.

2. EFFETS ÉCONOMIQUES ATTENDUS DE L’EXPLOITATION DU NICKEL EN NOUVELLE-CALÉDONIE

18 Si un pays ou un territoire souhaite l'implantation de FMN exploitant ses ressources naturelles, et offre des incitations à l'implantation, il attend en retour un développement économique. Dans cette section, nous étudions quels effets peuvent être espérés de l'arrivée d'INCO dans le Sud [23]. Pour ce faire nous reprenons les enseignements des théories du développement par les exportations de produits primaires.

2.1 La staple theory

19 La staple theory[24] est une théorie selon laquelle la croissance économique générale de certains pays est déterminée par leurs exportations de produits primaires [25]. Cette théorie vaut pour les pays dont le marché domestique est limité et dans lesquels le facteur travail est peu abondant par rapport aux autres facteurs et le facteur ressources naturelles abondant par rapport aux autres. Ces pays ont alors un avantage comparatif concernant les biens à forte intensité de ressources naturelles (les produits primaires). Le pays concerné doit, de fait, se spécialiser dans les produits primaires, l'exportation de ces produits fixant alors le rythme de la croissance économique [26]. Il y a un effet direct sur la croissance (effet égal à la part des exportations de produits primaires dans le PIB), et un effet indirect, qui correspond à la diffusion de la croissance du secteur exportateur aux autres secteurs de l'économie.

20 Le mécanisme de transmission de la croissance aux autres secteurs correspond aux liaisons suivantes (Sid Ahmed, 1988,724-725) :

  1. effet de liaison amont : investissement domestique induit, résultant de la demande d'inputs du secteur d'exportation,
  2. effet de liaison aval : investissement induit dans les industries domestiques utilisant les outputs de l'industrie d'exportation comme inputs,
  3. effet de liaison de la demande finale : investissement domestique induit par la demande de biens de consommation destinée à satisfaire les besoins de la main-d'œuvre engagée dans les industries d'exportation.

21 Le premier effet de liaison correspond à l'argument traditionnel en faveur des pôles de croissance : la consommation du pôle stimule la productivité de sa périphérie en consommant les biens intermédiaires produits par la périphérie. Cet effet est d'autant plus fort que les industries domestiques sont capables de fournir les biens intermédiaires du secteur exportateur à un coût compétitif. La seconde liaison signifie que, dans les premiers temps de l’exploitation, l'augmentation de la production du secteur exportateur diminue son coût moyen. Une telle diminution fait baisser le prix des inputs des industries domestiques consommant l'output du secteur exportateur. La baisse du prix des facteurs réduit en retour le coût total et leur permet de nouveaux investissements. La troisième liaison est spécifique au facteur travail. La croissance du secteur exportateur entraîne une augmentation de la masse salariale totale versée par ce secteur. Il y a accroissement du pouvoir d'achat qui crée de nouveaux débouchés pour les producteurs de biens de consommation. S'ensuivent des investissements productifs dans des secteurs tels que la consommation alimentaire, l'habillement…

22 De façon générale, si un secteur exportateur en croissance génère des opportunités nouvelles d'investissement pour le pays concerné, il faut, pour que ces opportunités puissent être saisies, que ce pays dispose d'une certaine base industrielle. Un pays, dont l'économie arrive à répondre aux opportunités d'investissement suscitées par la hausse des exportations, devrait connaître, du fait de la croissance, une diversification de ses secteurs exportateurs. Cette diversification provient de la diffusion de la croissance. Considérons un secteur produisant des biens intermédiaires pour le secteur exportateur. Ce secteur est amené à augmenter sa production pour suivre le rythme de croissance du secteur exportateur ; il en résulte une diminution du coût moyen [27]. Si la diminution est suffisante, le secteur peut devenir compétitif au niveau mondial, et éventuellement devenir lui-même exportateur. Le mécanisme peut se répéter avec d'autres secteurs fournissant des inputs au nouveau secteur exportateur, et ainsi de suite. De fait, il peut suffire d'une hausse, très forte mais ponctuelle, des exportations pour initier le processus de croissance.

23 Une fois les exportations diversifiées, la demande intérieure doit pouvoir "prendre le relais", et les exportations cessent d'être le seul facteur de la croissance économique [28]. (En revanche, si la diversification ne se produit pas, les exportations de produits primaires ne pourront alimenter la croissance indéfiniment.) [29] On peut relever, également, qu'un échec d'une stratégie de croissance par les exportations (une concentration des ressources dans le secteur exportateur, non accompagnée de diversification) rend l'économie nationale particulièrement dépendante des fluctuations de la demande mondiale (Suárez, 1993,67).

24 L’annexe 2 résume les mécanismes sous-tendant la staple theory.

2.2 Quelles perspectives en Nouvelle-Calédonie ?

25 Examinons les effets de liaison présentés supra : (2) effet de liaison aval[30], ( 1) effet de liaison amont, (3) effet de liaison de la demande finale.

26 Le deuxième effet de liaison (aval) dépend de la mesure dans laquelle les biens exportés sont transformables. A priori, plus le bien exporté incorpore de valeur ajoutée et plus il se prête à un effet aval, puisqu’il sera utilisé dans un processus de création de valeur ajoutée. Considérant que la totalité de la production de nickel et dérivés est exportée, il n’existe pas d’industrie locale qui aurait pu être avantagée par une augmentation de l’extraction minière (puisque aucune n’utilise le nickel comme bien intermédiaire). Cet effet semble non valide dans le cas de la Nouvelle-Calédonie. Les deux autres effets sont plus intéressants.

27 Le premier effet de liaison (amont) est d'autant plus fort que les industries domestiques sont capables de fournir les biens intermédiaires du secteur exportateur à un coût compétitif. De fait, il est dans la stratégie officielle de Goro Nickel et du BTH d'employer un maximum d'entreprises calédoniennes, sous réserves qu'elles soient compétitives [31], ce qui induirait des effets positifs pour l'économie locale. Parmi les effets induits, deux types peuvent être distingués.

28 Premièrement, les effets liés à la construction elle-même. Il s'agit des travaux de terrassement, de génie civil, de construction des infrastructures métalliques, mécaniques, puis électriques, et de la construction d'un port en eaux profondes. Ces effets sont importants (il était prévu que BTH emploie jusqu'à 3000 personnes sur le site), mais temporaires, puisqu'ils s'achèvent avec les constructions.

29 Secondement, les effets liés à l'exploitation. Il s'agit, essentiellement, des activités de roulage et de chalandage [32]. Pour le projet du Sud, plusieurs entreprises locales ont été choisies, notamment pour le terrassement, soit directement, soit en sous-traitance.

30 Cependant l'effet direct sur l'emploi local devrait être limité, comme en témoigne l'arrivée massive de main-d'œuvre philippine [33]. On estime que les effets durables devraient se traduire, pour le Sud par la création de 1000 emplois directs et de 1700 emplois indirects (CCI-NC [34], 2002) [35] Pour le Nord, on avance les chiffre de 800 emplois directs et de 2000 emplois indirects (mais l'évaluation est plus complexe que pour le Sud, où le projet a déjà débuté).

31 Le troisième effet de liaison, entendu au sens large, dépend de la redistribution des revenus dans la société. Plus la part des résidents dans la répartition des revenus est importante et plus la croissance sera stimulée par les exportations. La valeur ajoutée se répartit (notamment) entre salaires et profits. Les résidents bénéficieront de la hausse de la masse salariale qui suivrait une hausse de la production du secteur exportateur, mais la répartition du profit est plus incertaine. Ainsi, confier l'exploitation des ressources naturelles à des sociétés multinationales est peu susceptible de stimuler la croissance économique du pays considéré, puisque tout ou partie des profits est rapatrié dans le pays où est implantée la société-mère. Il n’y a pas non plus de garantie que les postes à salaires élevés dans ces entreprises ne soient pas largement occupés par des ressortissants étrangers. De plus, les exemptions attribuées [36] privent aussi la Calédonie de rentrées fiscales directes (il est toutefois prévu que l'entreprise soit imposée sur ses bénéfices futurs, à hauteur de 35% ( cf. infra, conclusion) ; en conséquence, il est improbable que le projet permette de financer des services nouveaux pour la population. Pour ces raisons, on peut fortement douter que l’effet de liaison de la demande finale soit opérant dans le cas des futures exploitations du nickel calédonien.

32 L'étude des effets de liaison semble peu favorable à des effets d’entraînement du nickel sur l'économie calédonienne, à l'exception du second type d’effet et des possibles effets positifs sur l'emploi. Notons aussi qu'il existe un effet global (le "syndrome hollandais"), susceptible de bloquer les effets de liaison en distordant l'économie [37].

33 L'étude des effets attendus de l'usine du Sud laisse augurer d’une situation favorable pour la FMN, via les exemptions et des effets nuls ou très incertains pour le territoire. Pourtant la FMN a pris la décision de geler le projet. Pour éclairer cet apparent paradoxe, nous analysons dans la section suivante les conséquences, pour la Calédonie et la FMN, de la suspension du projet.

3 LA SUSPENSION DU PROJET DU SUD : CAUSES ET CONSÉQUENCES

34 INCO a pris la décision de suspendre le projet d’usine du Sud. Nous allons présenter les étapes de cette prise de décision, et en étudier les conséquences économiques (3.1.), avant d’analyser la stratégie retenue par la multinationale (3.2.).

3.1 Effets immédiats et à plus long terme pour la Nouvelle-Calédonie

35 En septembre 2002 le projet de Goro est suspendu quelques semaines, afin de resynchroniser l'ingénierie sur le terrain et les activités du bureau d'études, ce qui signifie que les travaux avancent plus vite que les études devant les guider. Est alors évoqué un dépassement de 15% du budget initial.

36 En décembre 2002 le chantier est arrêté et le projet est interrompu. Est alors mis en avant un dépassement d'environ 45% du budget. Après cette décision, un redémarrage du chantier est régulièrement annoncé, sans qu'une date précise soit jamais communiquée. En tout état de cause, INCO conserve les avantages déjà octroyés et surtout le permis de recherches sur le gisement de Prony.

37 La suspension du projet a pour effet direct de supprimer les effets positifs sur l'emploi local de la construction de l'usine. Les problèmes économiques de la suspension sont à chercher du côté des investissements déjà réalisés par des entreprises calédoniennes dans l'optique de la réalisation du projet. Ces investissements (actuellement difficiles à quantifier) deviendront non amortissables pour les entreprises calédoniennes si le projet est définitivement stoppé (sinon, il y aura un décalage dans le temps). Le matériel acheté devra, autant que possible, être réorienté vers d'autres chantiers. L'investissement public pourrait alors permettre un débouché (se poserait, dès lors, le problème du financement). Mais, même dans ce cas, persiste le problème des défiscalisations : les exemptions fiscales ont été accordées à ces investissements dans le cadre de la mine ; elles pourraient être retirées, et des investissements initialement rentables risquent de ne plus l'être.

38 Un autre effet négatif est à considérer. Le projet du Sud prévoit la construction d'une centrale thermique de 100 mégawatt, en partenariat avec la compagnie calédonienne d'électricité, puisque la centrale devrait également fournir de l'énergie au territoire. L'arrêt du projet compromettrait, de fait, la construction de la centrale.

39 A long terme, si l'arrêt du projet devait se confirmer le coût ne serait qu’un coût d'opportunité pour INCO, alors que la Calédonie se trouverait, en quelque sorte, dans une situation de blocage, liée au PRA accordé à INCO. Ce PRA permet à la firme de ne pas produire, tout en empêchant un concurrent d’effectuer des recherches. Le PRA correspond à six ans de permis de recherche. A l'issue de cette période, INCO devrait obtenir la concession sur le site. La concession peut être perdue si l'entreprise n'y fait pas de travaux, mais seulement au terme de 25 ans. Pendant une longue période, la Calédonie perdra le contrôle des ressources naturelles du Sud. S'il existe un réel potentiel de développement, il subira une totale mise entre parenthèses. Le nickel étant en pratique la seule ressource du territoire (la pêche est presque inexistante, le tourisme connaît une stagnation chronique), cela donne la mesure de l'ampleur du coût social. La réalisation des projets miniers aurait permis d'envisager que la part de la population active calédonienne employée dans le nickel passe de 4%, actuellement, à 10% (CCI-NC [38], 2002), ce qui montre l’incidence qui était attendue de ces opérations sur l’emploi.

3.2 La stratégie d'INCO

40 Officiellement, le gel du projet est dû aux surcoûts de la construction, les devis initiaux seraient largement dépassés. On peut toutefois s'interroger sur le montant du dépassement annoncé (environ 50%). Il apparaît surprenant qu'une entreprise de la taille et de l'expérience d'INCO puisse tant sous-évaluer les coûts. Par exemple, "est-il sérieux d'annoncer qu'il faudra 160 000 mètres cubes de béton pour aménager les sols, au lieu des 80 000 prévus, que les coûts des équipements de contrôle et d'instrumentalisation de tous les composants du cœur de l'usine ont considérablement augmenté par rapport aux devis initiaux ?" (Pitoiset, 2003,6).

41 Parmi les causes plausibles, il faut s'interroger sur les risques techniques. Le procédé de lixiviation n'a encore jamais été utilisé à une échelle industrielle ; il n'est pas sûr que le passage de l'usine pilote à la production industrielle puisse se faire aussi facilement qu'annoncé (l'usine pilote ne produit que 12 tonnes par jour). Jusqu’à présent le secret industriel a empêché l’accès aux résultats précis de l’usine.

42 Notons, en outre, que le report de l'exploitation du nickel de Goro ne présente pas pour INCO de coûts majeurs. Si le minerai n'est pas exploité, il pourra l'être dans le futur. La ressource étant non renouvelable, différer son exploitation, ne signifie pas une perte d'opportunité d'exploitation [39].

43 Ainsi, INCO peut suspendre ou arrêter son projet calédonien et concentrer son effort sur son projet canadien de Voisey's Bay. INCO a acquis le gisement de Voisey's Bay en 1996 pour 2,1 milliards de dollars US (ce qui témoigne de l'ampleur du don que représente pour la firme le gisement de Prony). Le projet de Voisey's Bay devait coûter environ trois fois moins cher que celui de Goro (680 millions $ US) pour la même production (et avec l'avantage de la proximité géographique avec le centre d'INCO dans la ville de Sudbury, en Ontario).

44 Pour dissiper les doutes quant à son engagement en Calédonie, INCO affirme que l'investissement déjà réalisé (750 millions $ US) est un point de non-retour [40]. On comprend bien cependant que l'intérêt d'une FMN est de pouvoir jouer sur la concurrence entre au moins deux pays d'accueil pour maximiser les avantages obtenus (voir sur ce point Haaland et Wooton, 1998). En développant le projet de Goro, cela permettait d'obtenir des concessions de la part des autorités locales canadiennes de Voisey's Bay (menace de produire en Calédonie si les avantages étaient insuffisants au Canada). Dans ce cas, le coût de Goro peut-il être perçu comme le prix de la crédibilité de la menace ? Cela apparaît improbable (coût de l'investissement trop élevé) ; l'explication semble plus complexe. Il faut revenir aux activités d'INCO à Voisey's Bay.

45 Après l'achat du gisement, le projet a été stoppé par le gouvernement de la Province du Newfoundland & Labrador et par les communautés Inuites et Inuies, qui réclamaient des garanties de préservation de l'environnement et des garanties d'intéressement. Les négociations ont alors été bloquées pendant six ans. Elles reprennent en 2002, le projet peut alors démarrer. Il est logique pour une entreprise de répartir les risques, surtout pour une très grande entreprise. Quand INCO a constaté le blocage au Canada, il était important d'avoir une position de repli. C'est alors lesens à donner au projet de Goro. En réalité, Goro pouvait valoir position de repli, dans le cas de non-reprise des négociations. Dans les faits, Goro a servi à influencer les Inuits et les Inuies, ainsi que le gouvernement du Newfoundland & Labrador : les responsables de ces communautés voulaient un intéressement et étaient soucieux d'environnement, mais ils souhaitaient, en priorité, les emplois de l'usine. Craignant que l'usine ne se construise ailleurs, ils ont accepté un accord avec INCO.

46 Dès lors, le projet de Goro n'est plus prioritaire, et ne revêt, grâce au PRA obtenu, aucune urgence (voir supra, note 21). Selon cette logique, la reprise du projet ne devrait intervenir qu'après la fin des travaux de Voisey's Bay, soit au plus tôt en 2006.

47 Par ailleurs, le coût de la suspension du projet peut se compenser automatiquement, au moins partiellement. Si le gisement de Prony n'est pas exploité, l'offre de nickel en sera réduite d'autant, ce qui participera à la croissance des cours mondiaux de nickel. Cette évolution peut, d'une part, permettre d'exploiter plus tard avec une rentabilité accrue : "la société domine tellement le marché que toute mauvaise nouvelle, y compris la concernant, lui profite" [41]. D'autre part, la hausse des cours augmenterait la valorisation des actifs de la firme. Le cours des actions augmenterait, à la satisfaction des actionnaires. De ce point de vue financier, après avoir "réservé" le gisement, la firme peut avoir intérêt à ne pas l'exploiter.

48 Une décision récente laisse augurer d’une stratégie plus complexe et plus favorable pour la FMN. Scott Hand, le Pdg d'INCO, a déclaré en avril 2003 qu'INCO envisage de construire une usine pour traiter en Chine une partie de son produit fabriqué à Goro [42]. Il s'agit d'une contradiction avec l'objectif affiché de production de nickel pur, qui constituait un des objectifs de l'usine pilote, et c'est sur cette base qu'a été lancé le projet d'usine en 2001.

49 Cette décision, bien que présentée comme positive par les responsables de la Province Sud, semble mettre fin aux incertitudes sur le futur du projet : la transformation du minerai se fera en partie hors de Calédonie. Plus cette part sera importante et moins il y aura de retombées pour cette entité, la transformation étant nettement l'étape d'exploitation la plus créatrice de valeur ajoutée. Considérant la différence de coût en main-d'œuvre, il semble logique que, lorsque l'activité sera lancée en Chine, toute la transformation s'y déroulera.

50 Plus intéressante pour INCO, la vente de minerai à une de ses filiales devrait permettre à la firme de réaliser son profit en Chine, l'usine de Goro elle-même n'en dégageant pas ou peu, en vendant sa production à sa filiale à prix coûtant ou à un prix légèrement supérieur ; la filiale située en Chine réalise le profit, via le raffinage. Ainsi la firme éviterait l'imposition prévue de 35% ses profits futurs en Calédonie (en fonction des zones, la fiscalité chinoise sur les entreprises prévoit des taux s’élevant de 0 à 24%). Dans ce cas, elle aura maximisé ses avantages, avec une contrepartie fiscale nulle pour la Calédonie, une contrepartie en emplois très faible [43], mais avec un coût. Le coût, pour la Nouvelle-Calédonie, concerne, à court terme, l'amortissement des investissements déjà réalisés dans le cadre du projet, et surtout, à long terme, la perte de contrôle d'une grande part de sa ressource, puisque INCO y bénéficie d'une option durable.

CONCLUSION

51 La spécificité d'une FMN est de jouer sur la localisation de ses activités pour maximiser son profit (dans le cas du nickel, la localisation est contrainte par les gisements, mais il y a autant de localisations possibles que de gisements). Notons que, quel que soit le discours, la FMN n'aura jamais de volonté de participer au développement du pays qui l'accueille. Un pays bien doté en matières premières, sauf à supposer qu'il ait les moyens de les exploiter lui-même, n'a pas de garantie de se développer à travers elles [44].

52 En Nouvelle-Calédonie, la récente suspension du projet du Sud, bien plus avancé que celui du Nord, et dont rien n'annonce la reprise, pose particulièrement question. L'objectif d'INCO, qui dispose des gisements en Calédonie (Goro) et au Canada (Voisey's Bay) est de maximiser son profit. Le gel ou l'arrêt du projet peut-il servir cet objectif ? La réponse est positive. Retarder l'exploitation ne signifie pas perdre la ressource et peut faire monter les cours. Un gel permet d'échelonner les profits dans le temps, en jouant sur la variable cours.

53 La concurrence entre les deux sites a permis à INCO d'obtenir un maximum d'avantages au Canada. Les avantages déjà obtenus en Calédonie (exemptions fiscales pendant 15 ans d'exploitation), auraient alors servi à en obtenir d'autres au Canada. Dès lors il est logique que l'exploitation de Goro soit repoussée (exploitation prioritaire du site qui a assuré en dernier des avantages, c'est-à-dire Voisey's Bay). En prenant une option sur le gisement de Prony, cela garantissait à la firme une absence de concurrent. La firme peut alors jouer la concurrence entre deux pays, sans avoir à la subir [45]. Fort logiquement, l'influence déjà considérable des FMN sur les États se renforce quand elles peuvent les mettre en concurrence. Une stricte logique économique aurait voulu que le gisement de Prony soit conservé, afin de garder un pouvoir de négociation vis-à-vis d'INCO, par la possibilité d'installation, à ses côtés, d'une entreprise concurrente [46]. En outre, l'Etat, pour des raisons politiques liées au rééquilibrage entre les provinces, financera le projet du Nord. Or, il n'est pas sûr que les deux usines ne se concurrencent pas. Cela joue en faveur de l'attentisme.

54 La possibilité qu’INCO décide de retraiter en Chine le minerai produit à Goro lui permettrait de concentrer la création du profit en Chine et d’éviter 35% d’imposition future sur les bénéfices en Calédonie (voir supra). Dans ce cas la FMN maximise ses gains, au détriment du territoire, qui se voit privé des recettes fiscales escomptées et du contrôle de ses ressources minières.

55 On peut comprendre la stratégie industrielle d’INCO en Calédonie, mais comment expliquer la décision politique de don du massif de Prony à la multinationale ? Une totale incompréhension des mécanismes économiques est peu plausible. La question peut se poser de la corruption de responsables politiques ( cf. supra, note n°22), mais aucune preuve n’en a été apportée. Une autre explication est également possible. Si on considère que la priorité des responsables politiques de la Province Sud est de repousser les perspectives d’indépendance du territoire, il est logique que soient de même repoussés les moyens d’une telle indépendance. Dépouiller la Calédonie de ses ressources, via le don fait à INCO, peut alors rendre l’indépendance impossible d’un point de vue économique et, en conséquence, largement d’un point de vue politique. Un choix économique a priori irrationnel à court terme pourrait ainsi retrouver une certaine rationalité dans une optique de long, ou de très long terme.


Annexe 1 : Localisation des grands projets miniers en Nouvelle-Calédonie.

56 Carte de grande dimension à demander directement à l’auteur

Annexe 2 : Les mécanismes de la staple theory

57 Schéma de grande dimension à demander directement à l’auteur Avec CM le coût moyen, I l'investissement global dans l'économie, inputs les biens intermédiaires consommés par le secteur exportateur, P les prix, les profits (ici des industries hors secteur exportateur), et X les exportations.

58 La flèche (1) représente l'effet direct des exportations sur la croissance économique. Les autres flèches en gras correspondent aux effets de liaison [47] amorçant les effets indirects représentés par les autres flèches. Les flèches en pointillés représentent l'effet de diversification de la base productive : les secteurs initialement fournisseurs de biens intermédiaires au secteur exportateur deviennent à leur tour exportateurs. Ces flèches représentent la possibilité d'un effet vertueux de croissance par les exportations [48] : les exportations stimulent la croissance, qui stimule les exportations (dans d'autres secteurs), et ainsi de suite…

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : ressources naturelles, développement, firmes multinationales

https://doi.org/10.3917/med.125.0085

Notes

  • [*]
    Université de la Nouvelle-Calédonie
  • [1]
    Au Mont Dore, à Houaïlou, Bourail, Canala et Thio (voir annexe 1)
  • [2]
    Ces dernières sont des composés métalliques contenant en moyenne 75% de nickel et 20% de soufre. Elles sont aujourd’hui principalement destinées à l’usine Eramet de Sandouville. Les ferro-nickels sont des composés métalliques contenant en moyenne 25% de nickel et 70% de fer. Ils sont vendus sous forme de grenailles ou de lingots (ITSEE, 2000,210).
  • [3]
    INCO Limited est une société privée, basée à Toronto. C'est une des premières sociétés minières et métallurgiques au monde. INCO, qui compte environ 10 000 employés, est le premier fournisseur et le deuxième producteur de nickel primaire ; son chiffre d'affaires net, en 2002, s'établissait à 2,1 milliards $ US.
  • [4]
    Après plus d'une année de négociations, la SOFINOR acquiert 85 % de la Société Minière du Sud Pacifique moyennant 15 millions d’euros. La SMSP a pour principale activité un contrat de tâcheronnage, pour la SLN, sur les sites de Ouazenghou et Taom. Elle n'a pas de domaine minier en propre.
  • [5]
    L'accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 par le Premier ministre français et les responsables politiques calédoniens, repousse de 15 ou 20 ans le référendum d’autodétermination, inscrit dans les accords de Matignon de 1988 et prévoit, de façon irréversible, d'importants transferts de compétences de l'Etat français à la Nouvelle-Calédonie. Dans la continuité des accords de Matignon, l’accord de Nouméa vise un rééquilibrage économique entre les provinces de la Nouvelle-Calédonie.
  • [6]
    Eramet est une société multinationale minière et métallurgique (basée à Paris). Elle emploie plus de 13 000 salariés et dispose de très nombreux sites industriels en Amérique, en Europe, en Afrique et en Asie. Outre la SLN, Eramet est propriétaire de l’usine du Havre-Sandouville qui retraite le minerai produit par la SLN pour obtenir du nickel pur. Depuis juillet 2000, le territoire de la Nouvelle-Calédonie est actionnaire d’Eramet à hauteur de 5% du capital et de la SLN, à hauteur de 30% du capital.
  • [7]
    La SLN dispose de sites miniers (Thio, Kouaoua, Népoui-Kopéto, Tiébaghi et Kaala Gomen) et de l’usine métallurgique de Doniambo (ITSEE, 2000, p. 210) ; ses effectifs sont de 2 700 personnes, environ.
  • [8]
    L’attribution du massif du Koniambo à la SMSP est subordonnée à plusieurs conditions : ( i) l’achèvement des études de faisabilité du projet métallurgique, ( ii) la décision de construire l’usine du Nord et ( iii) la réalisation, avant le 31 janvier 2007, d’un programme d’investissements d’un montant minimum de 100 millions $ US.
  • [9]
    Pour l’État, le coût financier de ce transfert est de 158 millions d’euros auxquels il convient d’ajouter 152 millions d’euros déjà donnés à la SLN pour compenser l’échange des massifs. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [10]
    À ce jour, la société russe Norilsk, une des sociétés d’État russes avec Severonickel et Yuzhuralnickel (ITSEE, 2000,218), est le numéro un mondial du nickel, avec une production annuelle de 223 000 tonnes. Viennent ensuite INCO, avec une production de 146 000 tonnes, Falconbridge, avec une production de 87 000 tonnes, et Eramet avec un peu moins de 60 000 tonnes.
  • [11]
    La pyrométallurgie est la technique traditionnelle d'extraction des métaux. Elle se fonde sur l'obtention de métaux à partir de leurs minerais ou de concentrés de minerais, au moyen de techniques utilisant le feu.
  • [12]
    Falconbridge se trouve parmi les plus gros producteurs mondiaux de nickel, cuivre, cobalt et des métaux du groupe du platine (ITSEE, 2000,198).
  • [13]
    La SMSP détient 51% du capital. Elle apporte son domaine minier, son expertise professionnelle et son implantation locale. Falconbridge détient 49% du capital. Le groupe canadien apporte une technologie qu’il maîtrise et il se porte garant du financement qui sera supporté par la future société d’exploitation commune.
  • [14]
    Pour une présentation plus détaillée de la genèse des projets et de l'historique des sociétés, voir ISEE ( 2002).
  • [15]
    Latérites : minerai de nickel basse teneur (entre 1,5% et 2% de nickel contenu) (ITSEE, 2000,196). Garniérites : entre 2,2% et 3% de nickel contenu.
  • [16]
    L’hydrométallurgie recouvre l’ensemble des procédés d’extraction de métaux par mise en solution (solvant acide ou basique) et par des traitements de lixiviation (lessivage) et d’électrolyse.
  • [17]
    Le brevet de ce procédé hydrométallurgique a été vendu à INCO par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) en 1992, en même temps que sa filiale SOPROMINES (qui devient alors la Compagnie des Mines de Xéré). Le BRGM est un organisme public français, chargé en particulier, d'effectuer des recherches sur les techniques d'extractions minières. Il réalise, également, des travaux de cartographie géologique en France et outre-mer. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [18]
    Soit donc un équivalent de 3,2 millions de tonnes de nickel pur.
  • [19]
    10 % serait promis par INCO au territoire de la Nouvelle-Calédonie, mais cette annonce n’a pas été formalisée.
  • [20]
    La société comptait 127 employés en 2002. La construction de l'usine a été confiée à un consortium international d'ingénierie, BTH, qui groupe les entreprises Bechtel, Technip et Hatch.
  • [21]
    C’est un permis qui dure 6 ans, pendant lesquels la firme a l’exclusivité des recherches menées sur le site.
  • [22]
    Cette décision a entraîné de vives contestations, et une plainte au pénal pour corruption et prise illégale d'intérêts a été déposée par L. Ballande, propriétaire du groupe Ballande (propriétaire de la Société des Mines de Tontouta), qui avait initié un autre projet d’usine à Prony ( Pronico), projet qui s’est vu opposer un refus de permis de recherche par la Province Sud, le 5 juillet 2002, jour où INCO a obtenu le sien de cette Province.
  • [23]
    Nous privilégions le projet le plus avancé. Les effets décrits sont également valables dans le cas du projet du Nord (avec en outre l'effet de rééquilibrage économique entre les provinces).
  • [24]
    Staple signifiant ( produits) primaires.
  • [25]
    La staple theory a été initialement développée par Harold Innis en 1930, pour expliquer l'histoire économique du Canada.
  • [26]
    Pour que le secteur exportateur soit un secteur moteur, il faut qu'il soit indépendant des autres secteurs (dans le cas contraire, il ne peut tirer la croissance des autres secteurs car sa propre croissance est bridée par sa dépendance vis-à-vis de ces secteurs). Vol. 32-2004/1-n°125
  • [27]
    Comme le marché domestique est réduit, l’échelle de production initiale est faible. Quand la production se développe, le coût marginal est inférieur au coût moyen. Cette situation peut cependant être temporaire, si des investissements de capacité ne sont pas réalisés.
  • [28]
    C'est "l'étape de maturité", au cours de laquelle le marché domestique prend suffisamment d'importance, de sorte que l'exportation n'est plus le seul débouché (Sid Ahmed, 1988, 727).
  • [29]
    L'exploitation des ressources naturelles connaît, à long terme, des rendements décroissants, de sorte que les profits auront tendance à se réduire (à la manière de la théorie de la rente des auteurs classiques). Mais surtout, une augmentation continue de l'offre de produits primaires provoquera obligatoirement une baisse des cours mondiaux. Une telle baisse entraînera le secteur exportateur dans une crise économique, qui se transmettra à l'ensemble de l'économie nationale, puisque l'absence de diversification ne permettra pas à d'autres secteurs de compenser les difficultés rencontrées par les exportations. Cette situation a été analysée par Watkins, qui lui a donné le nom de staple trap "(piège du développement par les produits primaires") (Watkins, 1963,151) ; c'est une situation qu'ont connue de nombreux pays en développement. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [30]
    L'ordre est modifié, pour traiter d'abord l'effet le moins plausible.
  • [31]
    Les entreprises calédoniennes ont l'avantage de connaître parfaitement l'environnement local ; elles peuvent ainsi bénéficier d'un avantage en terme de compétitivité-qualité, plutôt qu'en terme de compétitivité-prix.
  • [32]
    Respectivement transport minier par voies terrestres et maritimes (incluant le chargement et le déchargement des navires).
  • [33]
    La main-d’œuvre philippine n’est pas, contrairement à la main-d’œuvre locale, représentée par des syndicats puissants. Le statut de cette main-d'œuvre est dérogatoire au droit du travail (et a fait l'objet d'une loi du pays, votée le 11 janvier 2002). Les ouvriers Philippins (qui doivent venir pour des périodes d’un an plus six mois maximum) resteront affiliés à la sécurité sociale de leur pays, le coût sera alors négligeable pour l'entreprise. Ils seront payés au salaire minimum calédonien (nettement inférieur au SMIC métropolitain), mais l'entreprise pourra également déduire tous les avantages accessoires (logement près du chantier, repas, transports, loisirs). La limite est fixée à moins de deux tiers du salaire minimum. La durée hebdomadaire de travail sera de 39 heures, et pourra exceptionnellement être portée à 60 heures.
  • [34]
    Sur le site de la CCI de Nouvelle-Calédonie : http :// www. cci. nc/ html/ cci_info. asp
  • [35]
    A titre de comparaison, les effectifs des travailleurs sur mines pour toute la Calédonie étaient à 1740 en 2000.
  • [36]
    Le Congrès a adopté à l'unanimité, une loi du pays (l’Accord de Nouméa de 1998 a fait passer la Nouvelle-Calédonie du statut de Territoire d’outre-mer à celui de Pays d’outre-mer) accordant un régime fiscal privilégié pour les projets portant sur un investissement supérieur à 50 milliards de francs CFP ( 420 millions d'euros) et créant au moins 500 emplois. Sont concernés les projets mettant en œuvre des procédés innovants, mais également ceux implantés dans des zones géographiques dépourvues des infrastructures nécessaires ou hors bassin d'emploi. Les entreprises minières et métallurgiques sont ainsi exonérées d'impôts sur les sociétés, de contribution des patentes, de contribution foncière, de la taxe sur les services (TSS), des droits d'enregistrements et de la taxe hypothécaire. Ces exonérations valent dès la phase de construction et se prolongent 15 ans pendant la phase d'exploitation commerciale ; elles peuvent enfin être majorées d'une durée de 5 ans pendant laquelle les avantages fiscaux sont réduits de moitié. De plus, l’État accorde une défiscalisation concernant les équipements, qui pour le projet Goro Nickel s’est élevée à 350 millions $ US. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [37]
    Voir Nowak ( 1998), pour une présentation et une analyse de ce phénomène. Voir Lagadec et Perret ( 2000) et Perret ( 2002) pour ses possibles manifestations en Nouvelle-Calédonie, que les auteurs considèrent improbables : "les conséquences néfastes du syndrome pourraient bien ne pas pouvoir se manifester car déjà présentes. L’économie calédonienne est déjà une économie artificielle, avec un ensemble d’industries non concurrentielles qui n’existent que grâce à la protection commerciale qui leur est accordée, et qui ne trouvent des débouchés sur place que grâce au pouvoir d’achat artificiellement soutenu par les transferts de la métropole et l’indexation de la rémunération des fonctionnaires. L’économie calédonienne vérifie déjà une structure déséquilibrée, la croissance d’un secteur ne créerait donc pas ce déséquilibre" (Perret, 2002,35).
  • [38]
    hhttp :// www. cci. nc/ html/ cci_info. asp Vol. 32-2004/1-n°125
  • [39]
    Comme ce serait le cas, par exemple, pour la pêche.
  • [40]
    Pour juger de la pertinence réelle de cet argument, il faudrait connaître la part du coût qui est spécifique à la transformation par lixiviation et la part qui peut servir à une simple exploitation du minerai. De plus, les résultats de l'usine pilote peuvent vraisemblablement aussi servir à Voisey's Bay.
  • [41]
    The Financial Post, 15 janvier 2003, cité par Pitoiset ( 2003,8)
  • [42]
    Petroleum news, 27 avril 2003 (www. petroleumnews. com). Vol. 32-2004/1-n°125
  • [43]
    D'autant plus faible que l'activité ne sera pas transformatrice.
  • [44]
    Historiquement, on constate que les pays développés sont souvent dépourvus de ressources naturelles (le cas typique étant le Japon). De nombreux pays bien dotés ont subi une exploitation de leurs ressources, parfois par la colonisation. Ces pays ne se sont pas développés par leurs ressources naturelles : pays pétroliers, ou, plus anciennement, Amérique du Sud, avec les métaux précieux.
  • [45]
    Le Président de la Province Sud a justifié ce choix par la nécessité d'"évaluer rapidement le gisement de Prony-Ouest (… ), et surtout pour n'avoir dans le Sud qu'une seule usine" (cité par Pitoiset, 2003,5).
  • [46]
    Une plainte a été déposée, pour tenter de déterminer une possible corruption des décideurs. Vol. 32-2004/1-n°125
  • [47]
    La flèche ( 2) correspond à l'effet ( 1), ( 3) correspond à ( 3) et ( 4) à ( 2).
  • [48]
    À long terme, l'épuisement des ressources non renouvelables risque d'entraîner un taux de croissance négatif de l'économie. Pour contrecarrer ce risque, il est nécessaire de substituer aux ressources naturelles des inputs reproductibles. Le risque de dépression dépend donc des élasticités de substitution entre les ressources non renouvelables et les inputs reproductibles. Il est cependant difficile de faire des études empiriques sur ce point, du fait de la forte intégration verticale dans les industries des ressources naturelles (qui fait qu'il n'y a pas de prix de marché disponible pour les ressources naturelles non renouvelables). Une étude de Halvorsen et Smith contourne ce problème et étudie le cas de l'industrie canadienne des mines de métaux. Les auteurs montrent, à partir d'une étude économétrique, que l'élasticité de substitution entre les ressources non renouvelables et les inputs reproductibles est égale à l'unité. Ce résultat positif laisse donc présager une continuation de la croissance dans le long terme, malgré l'épuisement progressif des gisements de ressources non renouvelables (Halvorsen et Smith, 1986,402-403). Pour que les inputs puissent se substituer à la ressource, il est nécessaire que leur productivité soit de plus en plus importante. C'est le progrès technique qui permet une telle tendance. On retrouve ici les enseignements de la théorie de la croissance endogène, par rapport au rôle de l'éducation dans la croissance : "(les) innovations permettent d'accroître sans cesse le contenu en connaissance, c'est-à-dire le contenu immatériel des biens produits dans l'économie ; simultanément, le contenu en ressource de ces biens diminue. Finalement, cette substitution progressive de la connaissance à la ressource permet de maintenir une croissance à long terme positive malgré la raréfaction progressive de la ressource" (Grimaud, 1998,164).
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