Dans toutes les familles il y a un aïeul un peu excentrique dont on ne sait trop s’il fait honneur à la lignée ou s’ils est légèrement embarrassant. C’est le cas de Marshall Mc Luhan. On reproche bien souvent à l’auteur de La Galaxie Gutenberg
et de Pour comprendre les médias
un goût pervers pour le mélange des disciplines ainsi qu’un coupable penchant pour des formes d’écriture non académiques. Pourtant si, à l’orée des années 1960, il séduisait ingénieurs et historiens, informaticiens en herbe et télécommunicants en devenir, c’est pour une autre raison. Dans des sociétés confrontées à l’irruption des technologies de la communication, ses livres successifs s’ordonnaient peu à peu en une bible foisonnante et baroque, fondée sur l’idée forte que la technique devrait être replacée au cœur de la réflexion sur l’histoire des sociétés. Idée que ne réfuterait aucun médiologue qui se respecte. Cependant, de livre en livre, Marshall Mc Luhan s’est forgé chez les gens de bien une image déplorable. Ce Canadien iconoclaste a franchement exagéré : affirmer sans broncher que le « message, c’est le massage » et soutenir que le contenu des livres n’a aucune importance en a choqué plus d’un. D’où cette mauvaise réputation. Le procès pourtant ne mérite-t-il pas d’être réinstruit ?
Si Marshall Mc Luhan osait de telles impertinences, c’est sans doute parce qu’il n’était ni un historien ni un philosophe patenté mais le produit improbable d’un croisement entre la culture technique nord-américaine et l’érudition lettrée telle qu’on la dispensait à Cambridge dans les années 1940. Après une formation d’ingénieur, il s’est, en effet, consacré à l’étude des lettres anglaises et a obtenu une maîtrise de l’Université du Manitoba avant de gagner Cambridge, d’y repasser sa licence et de soutenir un doctorat sur les littératures antiques, médiévales et classiques (Ph…