Nom plaisant donné par les médiologues à un phénomène grave et déroutant, par trop sous-estimé : l’effet rétrograde du progrès technique. Un futurologue d’avant guerre, alarmé par l’expansion de l’automobile, avait annoncé une mutation anthropologique à l’horizon de l’histoire : l’apparition d’hommes-tronc, qui à force d’être assis immobiles dans leurs boîtes métalliques n’auraient plus besoin de jambes. La déchéance des membres inférieurs fut ainsi logiquement pronostiquée chez les bipèdes motorisés. Or, moins les citadins marchent, plus ils courent. Au lieu de l’atrophie annoncée, la remusculation. Au parc et en salle, sur tapis roulant.
En clair : la déstabilisation technologique suscite une restabilisation culturelle. À chaque « bond en avant » dans l’outillage correspond une « bond en arrière » dans les mentalités. D’où notre formule : « La postmodernité sera archaïque ou ne sera pas ». Et le caractère en général infondé tant des alarmes que des promesses futuristes.a) C’est dans la méconnaissance de ce paradoxe, le progrès rétrograde, que réside l’inconsistance du progressisme à l’ancienne. La notion traditionnelle de progrès (à laquelle l’ivresse de la première révolution industrielle a pu donner quelque vraisemblance) extrapole l’avancée des performances techno-économiques, propre au domaine des relations sujet-objet, dans le domaine des relations sujet-sujet, comme s’ils étaient de même nature. La confusion des ordres ne pouvait qu’alimenter des espérances infondées : fin des conflits militaires (remplacés par « le doux commerce »), substitution de l’administration des choses au gouvernemen…