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Article de revue

Partage des connaissances et innovation à l’ère de la digitalisation

Pages 63 à 88

Introduction

1Dans une ère de digitalisation et de changement continu, les entreprises qui réussissent sont celles qui créent constamment des connaissances et les diffusent pour les intégrer dans des nouveaux produits, services ou procédés (Mayrhofer et Urban, 2011). Pour de nombreux auteurs, la connaissance est le principal input du processus d’innovation (Miller et al., 2007 ; Roesenkop et Almeida, 2003).

2Ainsi, le « capital de connaissances » détenu par l’entreprise constitue un avantage concurrentiel durable s’il est bien exploité (Palacios et al., 2009 ; Teece, 1998). Les organisations doivent utiliser leurs connaissances pour améliorer leur performance et assurer leur pérennité à long terme dans le contexte turbulent et compétitif actuel (Dingler et Enkel, 2016). Plus précisément, c’est la manière dont est organisée la gestion des connaissances (GC), c’est-à-dire les processus allant de la création, au partage et à la capitalisation des connaissances qui déterminent la capacité d’innovation et la performance des firmes. Dans la littérature, plusieurs travaux se sont intéressés à ce sujet et ont étudié le lien entre le partage des connaissances, l’apprentissage organisationnel et l’innovation (Chen et Lin, 2004 ; Wong et Radcliffe, 2000 ; Spender, 1999 ; Nonaka et Takeuchi, 1995 ; Argyris et Schon, 1978). Ces travaux ont concerné tous les domaines d’activité et ont examiné en profondeur la nature explicite ou implicite de la connaissance et son niveau individuel ou collectif pour étudier son impact sur la GC, l’apprentissage organisationnel et l’innovation. À cet effet, certaines entreprises se sont organisées en réseaux (Cohendet et al., 2006) pour bénéficier du potentiel de GC des plateformes d’innovation. Celles-ci rassemblent des membres autour d’un domaine de connaissances particulier et permettant ainsi de favoriser l’émergence et la réussite des projets innovants. À l’ère de la digitalisation, les recherches portant sur ces concepts se sont développées dans le domaine technologique et des plateformes digitales ont vu le jour (Edouard et Gratacap, 2010 ; Barlatier, 2016 ; de Reuver M. et al., 2018). Toutefois, dans les autres secteurs d’activité très peu de recherches ont été réalisées sur la mise en place des plateformes digitales et leur mode de fonctionnement. De plus, ces travaux se sont limités à étudier l’impact du partage des connaissances (explicites/tacites et/ou individuelles/collectives) sur l’innovation. À notre connaissance, peu d’entre eux ont tenté de comprendre la structure et le mode de fonctionnement des plateformes digitales. À titre d’exemple, l’article de Ben Arfi et Hikkerova (2019) a étudié la mise en place de trois plateformes digitales d’innovation dans le secteur agroalimentaire (2 cas d’échec et 1 cas de réussite) et a démontré au travers la conversion des connaissances comment la nature des connaissances partagées impacte l’apprentissage organisationnel, la capacité d’absorption et l’innovation.

3Le présent article vise à combler ce gap et apporter un éclairage en s’intéressant en particulier à étudier le lien entre la structure et le mode de fonctionnement des plateformes digitales et leur impact sur le partage des connaissances et l’innovation. Notre objectif est de comprendre comment les plateformes fournissent la structure nécessaire aux membres de l’équipe pour interagir et atteindre des objectifs communs favorisant ainsi l’émergence de l’innovation. Pour ce faire, d’abord, notre étude s’appuie sur le modèle Motivation, Opportunité et Capacité (Motivation, Opportunity ant Ability : « MOA ») préconisé par Turner et Pennington (2015) pour examiner comment la stratégie de l’entreprise basée sur les connaissances affecte la GC, l’apprentissage organisationnel et les projets d’innovation à travers la mise en place des plateformes digitales. Ce cadre s’avère pertinent pour notre recherche dans la mesure où il offre à la fois un modèle théorique et un outil d’analyse complémentaire pour comprendre comment les entreprises abandonnent les structures organisationnelles hiérarchiques (Cohendet, 2006) et s’orientent vers des réseaux organisationnels (Kuratko et al., 2015). Ensuite, nous investiguons la relation entre l’apprentissage organisationnel et la capacité d’absorption. En particulier, nous examinons comment les plateformes digitales des deux groupes (Groupe SEB et Groupe Délice) fournissent la structure nécessaire aux membres de l’équipe pour interagir et atteindre des objectifs communs favorisant ainsi l’émergence de l’innovation. Nous distinguons un mode pyramidal favorable à l’innovation incrémentale et un mode collégial propice à l’innovation radicale. Puis, nos résultats proposent quelques conditions nécessaires, mais pas toujours suffisantes, pour résoudre les problèmes qui entravent le partage des connaissances entre les membres des plateformes digitales, améliorer les capacités d’absorption et l’apprentissage organisationnel et ainsi développer l’innovation. Enfin, notre recherche montre comment les firmes peuvent atteindre leurs objectifs stratégiques en mettant en place une structure organisationnelle et un mode de fonctionnement appropriés au travers des plateformes digitales. Le reste de cet article est structuré comme suit. La section 1 dresse le cadre théorique. La section 2 aborde les choix méthodologiques. Dans la section 3, les principaux résultats sont présentés et discutés. La section 4 décrit les implications managériales, conclut et suggère des futures pistes de recherche.

1 – Revue de la littérature

1.1 – Partage des connaissances et innovation

4La gestion des connaissances et l’innovation ont fait l’objet d’une attention particulière dans la littérature (Anderson et al., 2016 ; Donate et Guadamillas, 2011 ; Alcorta et al., 2009 ; Alavi et Leidner, 2001). Des chercheurs ont démontré qu’il existe un lien étroit entre la GC et l’innovation (Du Plessis, 2007 ; Argote et al., 2003 ; Gold et al., 2001 ; Damanpour, 1992). La manière d’appréhender l’innovation a évolué suite à l’émergence des processus de GC au sein des organisations. L’innovation est depuis reconnue comme un résultat direct de l’efficacité de la GC et comme l’un des principaux objectifs des entreprises créatrices du savoir afin d’obtenir des avantages concurrentiels (Grant, 1996 ; Nonaka et Takeuchi, 1995 ; Nonaka et al., 1994). La connaissance est considérée comme la ressource stratégique la plus importante pour assurer la survie et le succès à long terme d’une organisation (Grant, 1996 ; Spender et Grant, 1996 ; Kogut et Zander, 1992). Pour mieux comprendre la nature complexe du lien entre les connaissances de l’entreprise et l’innovation, la vision de l’entreprise fondée sur les connaissances peut constituer un cadre pertinent (Martin-de Castro et al., 2011 ; Galende, 2006). Drucker (1993) met en exergue l’importance du savoir dans les processus de production dans la mesure où il considère que les ressources économiques de base – les moyens de production – ne sont plus le capital, ni les ressources naturelles, ni le travail, mais la connaissance. Davenport et Prusak (1998) ont souligné que le savoir est un mélange fluide d’expériences, de valeurs, d’informations contextuelles et de points de vue d’experts qui fournit un cadre pour évaluer et intégrer de nouvelles expériences et connaissances. Par conséquent, le savoir semble être un atout qui permet à une organisation d’innover et de rester concurrentielle sur le marché (Lundvall, 2010 ; Krogh et Nonaka, 2009 ; Grant, 1996). En effet, le savoir représente une ressource importante : il permet aux entreprises de développer de nombreuses capacités qui peuvent conduire à des compétences distinctives (Fidel et al., 2015 ; Wang et al., 2014). Pour Nonaka et al. (1994), le processus d’innovation est considéré comme un dialogue continu entre la connaissance tacite et la connaissance explicite. La connaissance tacite existe dans l’esprit de l’individu et elle est liée à son expérience. Cette connaissance est établie par des facteurs tels que la subjectivité, la foi et les valeurs. Cette caractéristique subjective et intuitive de la connaissance rend difficile sa codification et son transfert. Ceci est encore plus vrai lorsqu’il s’agit des connaissances tacites qui représentent ainsi une ressource et permettent à l’entreprise de disposer d’un avantage concurrentiel. De ce fait, les processus de création et de partage des connaissances sont considérés comme cruciaux car ils influencent la créativité, l’innovation et la performance au sein de l’entreprise. Les auteurs considèrent le transfert et l’intégration des connaissances comme deux processus étroitement liés qui se déroulent simultanément plutôt que séquentiellement. L’efficacité de ces deux processus repose sur l’existence antérieure d’une capacité d’absorption impliquant l’absence de barrières internes qui entravent le transfert des meilleures pratiques au sein de l’entreprise (Jiménez-Jiménez et Sanz-Valle, 2011 ; Jerez-Gomez et al., 2005 ; Cohen et Levinthal, 1990). En ce sens, l’innovation semble reposer sur la capacité de l’entreprise à apprendre, ce qui permet de développer, de diffuser et d’utiliser de nouvelles connaissances (Alegre et Chiva, 2008). Les relations de l’organisation avec ses partenaires externes sont une source d’apprentissage et permettent la création de nouvelles connaissances. À travers ces échanges, l’organisation combine ses compétences avec les compétences distinctives et complémentaires des autres acteurs du réseau. Ces échanges permettent le transfert de connaissances ancrées dans les routines organisationnelles et la création de nouvelles connaissances afin de renouveler les capacités organisationnelles. Dans la même perspective, Carlsson (2001) étend la théorie de la GC au niveau inter-organisationnel et définit les réseaux organisationnels comme le contexte de sa gestion.

5En particulier, dans un environnement très incertain et avec la digitalisation des outils dans la plupart des domaines d’activités, les organisations réduisent le niveau d’incertitude relatif aux innovations en tirant profit des connaissances acquises par les premiers utilisateurs. Ils évitent ainsi les pièges qui entravent l’apprentissage et sont plus enclins à adopter les innovations (Dubouloz et Bocquet, 2013). La littérature souligne d’ailleurs que les mécanismes d’intégration sociale jouent un rôle important dans le processus de connaissance externe et le développement de la capacité d’absorption (Ebers et Maurer, 2014 ; Lewin et al., 2011).

1.2 – Plateformes digitales et innovation

6L’une des principales caractéristiques de la transformation digitale est qu’elle permet la démocratisation du savoir, en favorisant la collaboration et l’échange des connaissances ce qui renforcent la créativité et l’innovation (Soto-Acosta et Colomo-Palacios, 2014 ; Pérez-López et Alegre, 2012). L’organisation innovante doit continuellement habiliter et motiver ses employés à s’impliquer dans les projets d’innovation (Dougherty, 2008). À titre d’exemple, les pratiques organisationnelles en matière de ressources humaines (RH) qui créent un environnement fondé sur l’engagement influencent les interactions intra et inter-organisationnelles. Par conséquent des nouveaux comportements de partage et d’échanges émergent entre les collaborateurs en interne et avec leurs homologues, et d’autres acteurs en externe (Collins et Smith, 2006). Ces pratiques motivent les employés à travailler ensemble et à partager leurs connaissances, ce qui peut contribuer à l’amélioration du climat social organisationnel. Pour la firme, ces nouveaux modes de fonctionnement sont en faveur du partage et de la capitalisation des connaissances et favorisent de manière remarquable sa capacité d’absorption dans la mesure où les échanges avec des acteurs externes est source d’apprentissage et de création de nouvelles connaissances. Dans cette perspective, le modèle de la motivation, opportunité et capacité (MOA) peut être considéré comme un cadre approprié pour expliquer comment le partage des connaissances et de l’apprentissage organisationnel favorisent la capacité d’absorption de l’entreprise et assurent le succès de l’innovation (Turner et Pennington, 2015 ; Morris et al., 2011 ; Ireland et al., 2009 ; MacInnis et al., 1991). Selon le modèle du MOA, la motivation peut être considérée comme la force motrice du processus décisionnel d’une personne dans la mesure où elle peut influer sur l’intensité et la direction de son comportement (Bettman, 1979). Par conséquent, la motivation fait référence à la volonté d’un individu d’agir (Milne et Ewing, 2004 ; Kayat, 2002). L’opportunité renvoie à une situation contextuelle qui fournit un environnement favorable. La capacité est considérée comme une entité complexe comprenant une combinaison de facteurs comme l’expérience, les connaissances, les habiletés, le talent, la compétence, l’accessibilité à l’information, etc. (Kuratko et al., 2004 ; Ireland et al., 2009 ; Morris et al., 2011). Ainsi, le modèle MOA retenu suggère que la motivation, les opportunités et les capacités peuvent être influencées par les stratégies et les pratiques de partage des connaissances mises en place par l’organisation et en faveur de l’innovation.

7D’un point de vue théorique, le partage des connaissances modère la relation entre la GC et le succès de l’innovation (Alegre et al., 2013). Ainsi, certaines entreprises qui adoptent des stratégies d’orientation vers le marché ont mis en place des plateformes intra et inter-fonctionnelles pour améliorer le partage des connaissances et favoriser l’innovation (Cambra-Fierro et al., 2011) Ces pratiques et activités multi-acteurs ont été examinées à travers différents concepts et terminologies. Les « plateformes d’innovation » est l’un de ces nouveaux concepts (Vuori et Okkonen, 2012 ; Adekunle et Fatunbi, 2012). En effet, les plateformes multi-acteurs ont été considérées comme des interventions significatives pour créer des espaces d’interaction afin de permettre l’innovation, car elles stimulent les changements par les acteurs qui y sont impliqués (Hafkesbrink et Schroll, 2011). En général, comme les plateformes d’innovation n’émergent pas de façon autonome, les liens entre les membres de la plateforme doivent être créés et leur interaction doit être coordonnée (Chang et Chuang, 2011 ; Carlile, 2004).

8Dans la littérature, les plateformes digitales ont déjà été étudiées dans le contexte d’innovation pour explorer différentes modalités d’action en matière de partage des connaissances (Edouard et Gratacap, 2010). Ainsi, la création et le partage des connaissances restent en grande partie des « boîtes noires ». Pour mieux comprendre le processus d’innovation et la manière de le soutenir par le biais des plateformes digitales, il est nécessaire d’analyser de manière plus approfondie le rôle et la dynamique de création et du partage des connaissances. Dans cet article, nous nous référons au modèle motivation, opportunité et capacité (MOA) (Turner et Pennington, 2015) pour examiner l’impact de la stratégie d’innovation produits, la GC et l’apprentissage organisationnel au travers des plateformes digitales. Ce modèle nous semble pertinent pour notre étude car il offre à la fois un modèle théorique et un outil d’analyse complémentaire permettant une meilleure compréhension des entreprises qui se structurent en réseaux organisationnels (Kuratko et al., 2015) pour développer l’innovation.

1.3 – Plateformes digitales, apprentissage organisationnel et capacités d’absorption

9Dans un processus d’innovation, les connaissances détenues par les membres impliqués dans ce processus constituent la base de création et de partage de connaissances intra et inter-firmes (Mignon et Laperche, 2018). L’apprentissage organisationnel devrait alors être considéré comme un processus organisationnel qui amplifie les connaissances créées par les individus et les cristallise. Selon la théorie basée sur les ressources (RBV), il revient à l’organisation de mobiliser les connaissances créées au niveau individuel et les partager à un niveau organisationnel à travers différents outils. En particulier, les plateformes digitales sont des espaces virtuels partagés favorables à ces interactions dans la mesure où elles traversent les frontières internes au niveau des Business Units de la firme et de l’organisation en intégrant des acteurs inter-fonctionnels internes et externes. Par conséquent, le développement de nouveaux produits nécessite l’interaction entre les membres impliqués dans le processus d’innovation et le partage des connaissances transversales. C’est pourquoi les plateformes digitales doivent intégrer des acteurs ayant des compétences différentes et des schémas mentaux variés en interne. Si la mission des acteurs de la R&D est de se concentrer sur leur potentiel technologique, les acteurs de la production, des systèmes d’information et de la commercialisation s’intéressent à d’autres activités telles que la planification du processus de production, la faisabilité industrielle, les tests consommateurs, la coordination entre les différents membres impliqués, etc. Ainsi, le partage et la diffusion des connaissances en un langage commun et accessible à tous les acteurs concernés, via l’outil digital, ne se limitent pas à ces motivations et engagements pour le projet d’innovation. Il doit intégrer des acteurs externes dès la phase d’idéation. Le rôle du partage des connaissances est crucial car à travers le processus de socialisation entre les acteurs internes et externes, les connaissances peuvent être diffusées et favoriser l’innovation. De ce fait, le partage et le transfert des connaissances, facilités par les plateformes digitales, sont essentiels à l’articulation entre les connaissances tacites et explicites des acteurs impliqués. Le développement d’un nouveau produit issu de ce processus collectif et collaboratif permet de réduire le risque d’erreur et d’éviter les dysfonctionnements organisationnels. Il garantit par conséquent l’acceptabilité et la réussite de l’innovation lors de son introduction sur le marché (Carlsson, 2001). Le partage des connaissances a été considéré comme un input précieux favorable à l’innovation notamment pour des entreprises ayant des structures complexes (Brachos et al., 2007 ; Chiang et Hung, 2010). Il est évident que la capacité d’une entreprise à transformer et à exploiter les connaissances peut déterminer son niveau d’innovation, comme de nouvelles méthodes de résolution de problèmes et de nouveaux produits pour réagir rapidement à la demande du marché (Goh, 2002). Toutefois, les organisations ne peuvent commencer à gérer efficacement les connaissances que lorsque les employés sont prêts à les partager. Le partage continu des connaissances contribue à l’innovation au sein des équipes, des unités et/ou de l’ensemble de l’organisation (Lundvall et Nielsen, 2007). Plusieurs auteurs ont souligné que le partage des connaissances entre les partenaires permettrait de répondre plus rapidement aux besoins des clients à moindre coût (Sher et Lee, 2004). D’autres, ont établi un lien entre le partage des connaissances et les orientations du marché en expliquant que le partage des connaissances fait partie intégrante des activités d’apprentissage d’une organisation, ce qui mène à une meilleure détection des opportunités du marché et à l’innovation (Camelo Ordaz et al., 2010 ; Lin, 2007). De plus, le partage des connaissances faciliterait les changements au sein de l’organisation (Calantone et al., 2002 ; Law et Ngai, 2008 ; Vaccaro et al., 2010). D’autres travaux ont démontré que les relations de l’organisation avec ses partenaires externes sont une source d’apprentissage et permettent la création de nouvelles connaissances. À travers ces échanges, l’organisation combine ses compétences avec les compétences distinctives et complémentaires des autres acteurs du réseau. Ces échanges permettent le transfert de connaissances enracinées dans les routines organisationnelles et de créer de nouvelles connaissances afin de renouveler les capacités organisationnelles. En ce sens, Carlsson (2001) étend la théorie de la gestion des connaissances au niveau inter-organisationnel et définit le réseau organisationnel comme le contexte de sa gestion. Ainsi, en tirant profit des connaissances acquises, les organisations réduisent le niveau d’incertitude entourant les innovations (Dubouloz et Bocquet, 2013). La littérature indique que ces mécanismes d’intégration sociale jouent un rôle important dans le processus de la connaissance externe et le développement de la capacité d’absorption. (Zahra et George, 2002 ; Todorova et Durisin, 2007 ; Jansen et al., 2005 ; Lewin et al., 2011 ; Ebers et Maurer, 2014). Les mécanismes d’intégration sociale permettent à l’organisation de partager, de communiquer, et transférer l’apprentissage du niveau individuel vers un niveau organisationnel (Lane et al., 2006). Ces relations sociales peuvent être sous différentes formes comme des valeurs, des normes, des objectifs communs (Jansen et al., 2005 ; Tsai et Ghoshal, 1998) ou la socialisation entre partenaires (Dingler et Enkel, 2016 ; Adler et Kwon, 2002 ; Nahapiet et Ghoshal, 1998). Il est donc indispensable de créer une proximité émotionnelle, une intimité et une relation de confiance (Granovetter, 1973) pour consolider une interaction fructueuse avec les partenaires.

2 – Méthodologie et les terrains de la recherche

10Dans la continuité des recherches qui s’intéressent au lien entre management des connaissances et innovation et ayant pour objectif de mieux comprendre les processus d’innovation au sein des organisations structurées en réseaux, notre étude repose sur une triangulation dans l’investigation du terrain étudié. La méthodologie qualitative est pertinente pour cette recherche puisqu’elle permet d’explorer le phénomène en profondeur (Eisenhardt, 1989 ; Yin, 2003). L’objectif de la démarche qualitative est d’observer et de comprendre comment les plateformes fournissent la structure nécessaire aux membres de l’équipe pour interagir et atteindre des objectifs communs favorisant ainsi l’émergence de l’innovation. Nous nous sommes penchées sur l’analyse des attitudes des salariés vis-à-vis des plateformes d’innovation. Dans la mesure où nous entendons générer un cadre conceptuel à travers nos réflexions et nos observations sur le terrain, l’interaction avec les membres des plateformes digitales étudiées a été nécessaire. Pour ce faire, de novembre 2010 à Décembre 2018, nous avons observé et conduit 70 entretiens semi-directifs avec les membres de deux plateformes digitales appartenant à deux grands groupes du secteur agroalimentaire et du secteur d’électroménagers. Le Groupe SEB, multinationale spécialisée dans le domaine du petit équipement domestique, a son siège social et la plupart de ses activités d’innovation en France. En 2018, il possédait 29 sites industriels et 65 filiales commerciales. Le Groupe SEB détient 30 marques dans le domaine du petit équipement domestique et est présent dans 150 pays à travers le monde. En 2018 le groupe a généré un chiffre d’affaires de 6,8 miliards d’euros et un résultat net de 419 millions d’euros. Ce groupe a été classé au 18e rang en France pour le nombre de brevets déposés et lance chaque année plus de 300 nouveaux produits. De ce fait, une décision de partager et capitaliser les connaissances et l’expertise détenues par ses effectifs a été prise pour exploiter ces ressources distinctives et mieux structurer le processus d’innovation en 2010. Le Groupe Délice, spécialisé dans la fabrication et la vente de lait et de produits dérivés (yaourt, beurre, fromage, jus et autres boissons) est basé en Tunisie. Il a réalisé au 31/03/2019 un revenu total de 218 217 KDT, soit une augmentation de 7,3 % par rapport au premier trimestre 2018. Son chiffre d’affaires à l’export s’élève à 6 988 KDT pour le premier trimestre 2019 soit une croissance de 141,8 % par rapport à la même période en 2018. Le choix de ce terrain d’étude se justifie d’abord parce que les deux groupes ont décidé de mettre en place des plateformes digitales pour mieux gérer le partage des connaissances dans leurs démarches d’innovation. Ensuite, comme il s’agit de deux secteurs d’activités différents : agroalimentaire pour le Groupe Délice et électroménagers pour le Groupe SEB, il est intéressant de creuser le phénomène des plateformes digitales au-delà des secteurs technologiques habituels. Enfin, le fait d’étendre l’étude empirique à des entreprises de pays différents : la France et la Tunisie, nous évitons le biais culturel dans la mesure où notre compréhension du phénomène est plus globale et garantit des résultats empiriques plus pertinents.

11Les 70 entretiens réalisés en face à face sont d’une durée moyenne d’une heure. Ces entretiens ont été réalisés sur trois périodes, à savoir avant (phase exploratoire : novembre 2010), pendant (décembre 2013 à décembre 2014) et après (novembre 2015 à janvier 2018) la mise en place des plateformes d’innovation. Dans un souci de triangulation des données (Patton, 2002), nous avons aussi mobilisé des données issues d’observations non participantes et de documents internes. Nous avons notamment assisté aux différents événements des plateformes d’innovation comme : le lancement, les Forum Innovation et étudié leur développement sur place et à distance via l’outil collaboratif utilisé. Les guides d’entretien ont été élaborés autour des thèmes suivants : profil de l’interviewé, sa perception et ses attitudes vis-à-vis de la plateforme digitale, ses besoins, ses motivations et ses freins quant à l’usage des outils collaboratifs de la plateforme, les types d’informations nécessaires et/ou souhaitées, son rôle, les nouvelles connaissances acquises et celles partagées, l’impact de ces connaissances sur son travail et sur le travail de l’équipe en général. En se référant aux travaux de Wacheux (1996, p. 101) pour qui, « la méthode [comparative] se définit […] comme une stratégie d’accès au réel pour mettre en évidence et expliquer les similitudes et les différences entre des environnements, des logiques d’action ou des configurations », nous avons réalisé une analyse comparative des discours des personnes interviewées. Ces comparaisons permettent de comprendre les pratiques communes au sein des plateformes d’innovation mais aussi d’identifier les particularités de chacune d’entre elles. L’identification des convergences et des divergences est pertinente pour une compréhension en profondeur des stratégies d’implantation des plateformes digitales en faveur de l’innovation au sein des entreprises étudiées.

3 – Résultats

12Cette recherche est basée sur un travail empirique fondé sur 70 entretiens individuels semi-directifs et l’observation non participante. La triangulation et la complémentarité entre ces différents outils de la démarche qualitative nous ont permis d’explorer et d’examiner le phénomène de partage des connaissances en profondeur. Nous avons étudié le rôle et les particularités des plateformes digitales afin de comparer entre les pratiques des entreprises en matière de diffusion des connaissances et d’apprentissage organisationnel pour soutenir l’innovation. Cette comparaison révèle qu’en fonction de la structure et du mode de fonctionnement de la plateforme digitale, le partage des connaissances et le degré d’innovation sont impactés différemment.

3.1 – Les plateformes digitales : structure et caractéristiques

13Dans une logique de compréhension approfondie de la mise en place et des pratiques des plateformes digitales, nous avons choisi d’examiner la structure de chacune d’entre elles. Etant donné la spécificité de chaque contexte (secteur d’activité, pays, types de produits, etc.), il nous a semblé pertinent d’identifier ces particularités avant d’analyser le rôle des plateformes digitales sur le partage des connaissances et l’innovation. Pour le cas du Groupe SEB la plateforme digitale appelée « What If » a été créée pour favoriser les interactions entre les membres de la communauté de l’innovation et contribuer à l’innovation. Cette plateforme digitale dédiée au partage des connaissances prend la forme d’une communauté de pratique virtuelle. Celle-ci a été structurée selon trois niveaux de participation : le premier niveau concerne « le noyau dur » composé des personnes qui participent de manière actives aux discussions et aux échanges. Ce sont ces membres (10 à 15 % des membres de la plateforme d’innovation) qui développent les projets communautaires, identifient les sujets intéressants permettant d’animer et générer des nouvelles idées et qui deviennent ainsi susceptibles d’initier des projets concrets d’innovation. En périphérie de ce « noyau dur », il y a le groupe des « membres actifs » qui assistent régulièrement aux réunions mais partagent de manière moins régulière leurs connaissances à travers l’outil digital. Ils contribuent ainsi aux discussions sur les forums et représentent 15 à 20 % des membres de la plateforme d’innovation. Le dernier niveau est appelé « les périphériques » car ces membres participent rarement aux échanges et aux réunions. Certains d’entre eux se contentent même d’observer sans une participation active à la vie de la « Communauté Innovation » notamment parce qu’ils estiment qu’ils n’ont pas le temps. Toutefois, ils peuvent apprendre de nouvelles connaissances grâce aux discussions et aux échanges des autres membres actifs qu’ils peuvent consulter au travers de l’outil digital. De ce fait, cette structure se caractérise par un partage des connaissances plus restreint et impliquant une minorité des membres de la plateforme d’innovation. Pour le Groupe Délice, la situation est différente dans la mesure où la plateforme d’innovation a été créée suite à un changement organisationnel et une transformation stratégique. En effet, le passage d’une stratégie basée sur le volume à une stratégie orientée vers le consommateur où ce dernier devient une source de connaissances externes pour favoriser l’innovation a été l’élément déclencheur de la mise en place de cette plateforme digitale. De plus, les alliances stratégiques du Groupe Délice avec des groupes français leaders dans le secteur de l’agroalimentaire (Danone en 1997 et Bongrain en 2007) ont impacté la structure de la plateforme digitale. Le choix s’est orienté vers un outil digital permettant d’impliquer tous les membres internes mais également des membres externes tels que les partenaires, les fournisseurs, les clients, etc. La structure de la plateforme digitale fait référence ainsi à un outil digital d’innovation ouverte au sens de Chersbrough (2003) dans lequel plusieurs acteurs peuvent interagir, partager leurs connaissances et expertises et nourrir les projets d’innovation.

14Dans les deux cas de notre étude la structure de la plateforme témoigne d’une grande mixité entre des membres ayant des expériences variées et des cultures différentes. La plateforme est ainsi un espace-temps virtuel permettant à des salariés venant d’univers différents et disposant d’expertises de participer volontairement aux échanges et d’interagir avec d’autres membres indépendamment de leur affiliation ou leur géolocalisation.

Figure 1

Structure communautaire de la plateforme d’innovation du Groupe SEB

Figure 1

Structure communautaire de la plateforme d’innovation du Groupe SEB

Source : adapté de Wenger et al., 2002, p. 57.
Figure 2

Structure de la plateforme d’innovation du Groupe Délice

Figure 2

Structure de la plateforme d’innovation du Groupe Délice

Source : adapté de Chesbrough, 2003.

3.2 – Les plateformes digitales comme modèle de motivation, d’opportunité et de capacité (MOA)

15Les résultats montrent que les plateformes d’innovation, en tant qu’outil digital pour les réseaux organisationnels, ont été mises en place pour favoriser l’innovation par le partage et le transfert des connaissances ainsi que la consolidation du processus d’innovation. Si les plateformes digitales ont été utilisées avec succès dans les secteurs de haute technologie, il y a très peu d’entreprises qui y ont recours dans d’autres domaines et en particulier dans l’industrie alimentaire ou celle des équipements d’électroménagers. De même, nous considérons que la mise en place et les pratiques de ces plateformes digitales diffèrent d’un pays à un autre. Le Groupe SEB, multinational spécialisé dans le domaine du petit équipement domestique, a décidé d’implémenter une plateforme digitale pour partager les connaissances et capitaliser l’expertise détenues par ses effectifs afin de faire face à un environnement incertain et une concurrence de plus en plus rude. Le Groupe Délice quant à lui, a mis en place une nouvelle stratégie depuis une dizaine d’années pour répondre aux évolutions de la consommation alimentaire. En effet, la Tunisie pays d’Afrique du Nord étroitement lié à la France, a progressivement subi une transformation structurelle et une conversion vers une économie de marché (Ben Arfi et al., 2019). Un autre changement profond observé en Tunisie est le désir des consommateurs pour des produits laitiers de meilleure qualité et de nouvelles variétés alimentaires. Dans ces deux cas, l’émergence d’une plateforme digitale reflète la vision stratégique de la firme qui souhaite répondre aux besoins des consommateurs. Pour les personnes interrogées, cette nouvelle façon de travailler renforce l’implication et la motivation des employés. Les plateformes d’innovation constituent donc un outil digital permettant d’anticiper les aspirations des consommateurs et de dynamiser le processus d’innovation grâce au partage des connaissances internes et externes. Dans le cas du Groupe Délice, la mise en place de la plateforme a également provoqué des changements organisationnels. Inspirées par les méthodes de travail de leurs partenaires français, les filiales ont pu introduire progressivement des changements dans le style de management (innovation ouverte, alliances et joint-ventures, responsabilisation des salariés, partenariat avec des laboratoires, intégration des consommateurs, etc.). Ces nouvelles pratiques ont amélioré le processus de partage et de capitalisation des connaissances et ont créé un climat favorable où l’apprentissage organisationnel est assuré et l’innovation est structurée. Malgré leur structure différente, les réponses des interviewés confirment que ces deux plateformes digitales se réfèrent à un même modèle de Motivation, Opportunité et Capacité décrit dans les sous-sections ci-dessous.

3.2.1 – Niveau 1 : Motivation

16Tous les répondants se réfèrent au premier niveau du modèle : Motivation. Ce niveau traite du travail d’équipe. En effet, la participation de membres des services transversaux est un principe stratégique. La motivation des membres impliqués dans les projets d’entreprise contribue à renforcer leur engagement et leur implication. Au niveau individuel, les liens entre les membres de la plateforme sont forgés et leurs interactions sont coordonnées. Les échanges de connaissances et de savoir-faire internes et externes détenus par les membres sont partagés et combinés en faveur des projets d’innovation. Ces échanges sont renforcés par la communication et la confiance. Ce résultat est conforme aux travaux de Turner et Pennington (2015). En effet, la prédisposition individuelle à agir joue un rôle important pour améliorer les comportements de cohésion et d’échange au sein des plateformes digitales. De plus, nous avons remarqué que la plateforme dans les deux cas étudiés était considérée comme un véhicule de partage du savoir-faire des membres, ce qui a facilité l’apprentissage organisationnel.

3.2.2 – Niveau 2 : Opportunité

17Les deux plateformes digitales fournissent un environnement dans lequel le partage des connaissances peut avoir lieu. Selon les entretiens, la collaboration interne et externe est considérée comme cohérente avec la stratégie d’innovation des entreprises étudiées. Pour le Groupe Délice, d’une part, les filiales tunisiennes bénéficient du savoir-faire des partenaires français et les salariés ont acquis de nouvelles connaissances grâce aux transferts de technologie. D’autre part, les partenaires français profitent de l’image de marque et de la notoriété locale du Groupe Délice pour conquérir le marché tunisien. Créer des alliances avec des entreprises locales est en fait une stratégie des partenaires français pour s’introduire dans des pays comme l’Espagne, la Turquie, l’Inde et le Maroc. L’analyse des entrevues souligne l’importance de travailler avec le marché local et international. Dans ce cas, l’identification de partenaires étrangers et la création d’opportunités stratégiques est cruciale pour alimenter la plateforme digitale. Ces alliances ont amélioré le processus d’innovation du Groupe Délice, et la mise en œuvre de la plateforme digitale a accéléré le processus de partage des connaissances, ce qui a favorisé l’innovation produits. Pour le Groupe SEB, la structure hiérarchique existante n’était plus appropriée dans la mesure où la gestion des connaissances (création, partage et capitalisation) rencontrait de plus en plus de freins et de difficultés. La plateforme digitale a été donc mise en place pour résoudre ces problèmes car elle permet de créer un environnement propice à la créativité et l’innovation afin de faire face à une concurrence rude. Grâce à l’avènement des TIC, cette plateforme basée sur un outil digital représente un réel intérêt pour le Groupe SEB car les interactions en face à face sont très coûteuses et demandent beaucoup de temps. Les plateformes d’innovation de type virtuel, c’est-à-dire où la communication interpersonnelle s’opère via des TIC à distance sont couramment utilisées comme outil de gestion des connaissances en faveur de l’innovation et deviennent maintenant une norme plutôt qu’une exception. Face à cet enjeu et une concurrence de plus en plus accrue, le Groupe SEB conscient de la richesse de ses ressources immatérielles (experts ayant accumulé l’expérience et des compétences incontournables dans le domaine de l’électroménager), a choisi la plateforme d’innovation comme outil digital capable de garantir le partage et la capitalisation des savoirs existants et la création de nouvelles connaissances afin de booster l’innovation.

3.2.3 – Niveau 3 : Capacité

18En ce qui concerne le niveau de capacités, cela concerne les réseaux organisationnels et l’animation de la plateforme digitale. Pour le Groupe Délice, l’activité de sa plateforme se déroule sous la forme de structures en équipes. En ce sens, les chefs de projet sont responsables de la validation « Go or Not Go » des idées et suggestions proposées par les membres de l’équipe lors des échanges via l’outil numérique. Tous les répondants mettent l’accent sur les procédures mises en place pour assurer le succès des activités partagées. La plateforme digitale fait référence à une architecture composée d’un comité et d’un chef de projet d’innovation. Ce leader agit en tant que « facilitateur ». Le comité participe à la définition des objectifs à atteindre, à l’établissement des orientations, des règles de fonctionnement et au contrôle des réalisations. En d’autres termes, les choix stratégiques reflètent la responsabilité du comité qui délègue à l’un de ses gestionnaires « facilitateur ». Les principaux critères requis pour une telle mission sont le savoir-faire, les compétences managériales et les relations humaines. Le dialogue, la facilité de contact et la négociation sont les prédispositions des « facilitateurs ». Ainsi, leur rôle principal est d’assurer la coordination entre les différents acteurs en interne et en externe avec les partenaires, les consommateurs, les fournisseurs, les designers, etc., et de motiver les membres pour partager leurs connaissances et expériences avec les autres.

19En ce qui concerne le Groupe SEB, pour atteindre les quatre objectifs visés par la plateforme digitale mentionnée précédemment, un dispositif d’animation a été mis en place. Une coordinatrice a été recrutée. Elle a pour mission d’organiser et de créer les liens entre les membres pour faciliter les échanges et favoriser l’innovation. À titre d’exemple, un évènement annuel a été mis en place nommé « Forum Innovation ». Il réunit des salariés de SEB dans des ateliers transversaux afin de faciliter les échanges entre les différentes Business Units et sites de l’entreprise. Il est important de souligner que la plateforme digitale « Communauté Innovation » est composée de plusieurs sous-communautés qui concernent des thématiques spécifiques liées aux axes de développement de l’entreprise tels que : « santé, beauté et bien-être », « développement durable », « monde et habitat connectés », « crowdsourcing », etc. L’outil numérique utilisé pour favoriser ces échanges est appelé « What If ». C’est un réseau social interne qui prend la forme d’un espace collaboratif virtuel. Une fois que cet outil digital a été choisi, un comité de pilotage a été mis en place ayant pour rôle l’animation et le bon fonctionnement de la plateforme digitale. Comme le précisent les répondants, le rôle de « What If » est la création de liens entre les personnes, le partage des bonnes pratiques et la capitalisation des connaissances. Dans cet outil collaboratif, chaque sous-communauté possède « un mur » de conversations sur lequel les membres peuvent poster et échanger, ainsi qu’une bibliothèque permettant la capitalisation des contenus créés par les membres et de retrouver les documents grâce à des mots clés. La création de ces sous-communautés favorise les échanges et la capitalisation des connaissances sur les différentes thématiques retenues.

20Enfin, il est important de noter que dans les deux firmes étudiées, la plateforme numérique est considérée comme un outil pour soutenir le partage des connaissances. Les pratiques de ces plateformes digitales se réfèrent au modèle MOA en apportant des ajustements mineurs et spécifiques. Si pour le Groupe SEB, la plateforme digitale est un espace-temps virtuel auquel chaque membre choisit son mode d’intervention et de partage des connaissances, chez le Groupe Délice, la structure apparaît plus ouverte et la participation des membres internes est plus contrôlée. Au-delà de sa structure transversale, la plateforme d’innovation, en tant qu’outil numérique de soutien au processus de partage des connaissances et d’innovation, apparaît comme une pratique relativement souple et délibérée que les acteurs s’approprient et adaptent en fonction du contexte et aux contraintes du projet d’innovation. Cette idée sera détaillée dans la sous-section suivante.

3.3 – Comment la structure et le mode de fonctionnement des plateformes digitales impactent-ils l’innovation ?

21Bien que les deux plateformes digitales se réfèrent à un même modèle MOA et sont gérées par des animateurs, elles sont structurées de manière différente et ont permis d’atteindre un même objectif : le partage et la création des connaissances en faveur de l’innovation. Une lecture plus approfondie nous semble ainsi nécessaire pour mieux comprendre les modes de fonctionnement de chacune d’entre-elles. D’une part, au sein du Groupe Délice, l’animateur a un rôle plus hiérarchique dans la mesure où il a la responsabilité de nommer un chef de projet et de centraliser les échanges et contrôler le fonctionnement de la plateforme digitale. Nous sommes ici en présence d’un modèle pyramidal qui permet à l’animateur de garder un certain contrôle sur l’ensemble des échanges qui ont eu lieu entre les membres internes et les acteurs externes. En effet, même si la possibilité de devenir membre de la plateforme digitale est accessible à tous les acteurs internes et externes, il existe une forme de contrôle des actions menées et des informations échangées. À titre d’exemple, l’animateur décide quels sont les acteurs qui doivent collaborer sur un projet d’innovation. Ces membres sont tenus de réaliser des comptes rendus et de justifier leurs actions dans le processus d’innovation. En ce qui concerne le Groupe SEB, nous sommes en présence d’un animateur qui se contente uniquement d’un rôle de facilitateur. Ce dernier a pour mission d’encourager les interactions et les échanges spontanés entre les acteurs. Il assure également le bon fonctionnement de la plateforme digitale mais sans recourir au reporting des activités de ses membres. D’ailleurs, les membres ne sont pas évalués sur leur degré d’implication ou de participation. Les membres les moins actifs n’ont aucune pression pour partager leurs connaissances. Il s’agit ici d’un modèle collégial où les interactions et le partage des connaissances se font selon les besoins des membres et en fonction de la nature des projets d’innovation. Ici, la plateforme digitale est plus flexible puisqu’elle offre une liberté à ses membres dans la prise des décisions et d’initiative. Elle encourage aussi la créativité.

22Il s’avère de ce qui précède que, même si en apparence la plateforme digitale du Groupe Délice a une structure plus ouverte aux acteurs internes et externes, son mode pyramidal limite le partage des connaissances et impacte le degré d’innovation. Les échanges et le transfert des connaissances sont plus cadrés et doivent respecter certaines règles. Il en découle des innovations mineures dans la mesure où les nouvelles connaissances permettent uniquement d’apporter des améliorations aux produits existants. Il s’agit donc d’innovations incrémentales pour répondre aux besoins des clients. En revanche, chez le Groupe SEB même si tous les acteurs ne s’impliquent pas de la même façon et n’ont aucune obligation de participer aux échanges, ils ont plus de liberté pour prendre des initiatives et proposer de nouvelles idées. Le fonctionnement en mode collégial a pour objectif de favoriser la créativité et l’inventivité. Il en résulte des nouvelles connaissances plus originales et permettant ainsi d’introduire, dans certains projets, des innovations de rupture. Les produits issus de ces projets d’innovation offrent des nouveaux modes d’usage et diffèrent complètement de ceux existants. Ils permettent ainsi de changer les habitudes de consommation et offrent à la firme une longueur d’avance vis-à-vis de ses concurrents.

23Indépendamment de ces deux modes de fonctionnement des plateformes digitales, nous avons constaté qu’elles sont des véritables lieux de partage des savoirs et de création de nouvelles connaissances. Elles représentent pour les firmes un moyen fondamental pour dynamiser les équipes et les motiver afin de mieux interagir et collaborer en ayant un objectif commun. Gérer les connaissances collectives et nourrir les projets d’innovation sont ainsi la principale mission de ces plateformes. Il est clair que les résultats empiriques montrent une certaine divergence quant aux modes de fonctionnement de ces nouveaux outils numériques. Nous soulignons ainsi que ce choix dépend de la vision stratégique de l’entreprise mais également de sa culture ainsi que celle du pays. Dans les deux cas étudiés, les deux modèles : pyramidal pour le Groupe Délice en Tunisie, et collégial pour SEB en France, fonctionnent bien et favorisent l’innovation sous ses deux formes : incrémentale et/ou radicale. En effet, les animateurs doivent être considérés comme des acteurs indispensables pour faciliter le succès de l’équipe. Ils ont pour rôle particulier de rapprocher les membres de la plateforme digitale et d’établir les relations interpersonnelles qui sont essentielles à son succès. Ce leadership transformationnel est un déterminant indispensable du rendement collectif de l’équipe. En outre, les plateformes digitales doivent être des lieux de travail virtuels participatifs où les membres sont intégrés dès le début dans le projet d’innovation et s’inspirent de la vision stratégique de l’entreprise. Par conséquent, le succès du partage des connaissances est étroitement lié à cette dimension participative qui augmente les chances d’aboutir à des projets innovants. Bien que les deux plateformes digitales étudiées représentent une nouvelle forme d’organisation réussie et favorable à l’innovation à l’ère du numérique, les entreprises s’interrogent quant aux coûts d’investissement et à l’intérêt de maintenir ce mode de fonctionnement. En effet, la principale limite des plateformes digitales est leur coût financier qui représente un véritable obstacle pour leur mise en place et leur pérennité. La question d’optimisation des ressources est omniprésente et il devient ainsi difficile de garantir le retour sur investissement même s’il y a eu de réels succès en matière d’innovation incrémentale et/ou de rupture.

4 – Discussion et implications managériales

24L’objectif de cette étude était d’enrichir théoriquement et empiriquement les connaissances existantes concernant l’impact de la transformation digitale sur les processus d’innovation organisationnelle. En réalisant une enquête approfondie sur les plateformes digitales, nous avons examiné le lien entre le partage des connaissances par les acteurs impliqués dans les projets d’innovation et l’apprentissage organisationnel afin d’étudier comment ils influencent l’innovation. Cet article a exploré et contribué aux recherches précédentes sur la façon dont les groupes SEB et Délice ont mis en œuvre une plateforme digitale pour accroître leur capacité d’innovation. Comme les plateformes digitales restent en grande partie des « boîtes noires », cette recherche vise à mieux comprendre les processus d’innovation des entreprises à l’ère de la digitalisation.

25Premièrement, ces résultats contribuent aux travaux existants sur l’innovation organisationnelle et le partage des connaissances (Alcorta, Tomlinson et Liang, 2009 ; Alavi et Leidner, 2001). En effet, le savoir représente une ressource importante au sein de l’organisation : il permet aux entreprises de développer de nombreuses capacités qui peuvent conduire à des compétences distinctives (Fidel et al., 2015 ; Wang et al., 2014). Soutenu par la technologie numérique, le partage des connaissances est facilité au sein des plateformes digitales. Les résultats empiriques montrent comment le partage des connaissances peut être amélioré et jouer un rôle crucial dans la cohésion entre les membres de la plateforme digitale. Deuxièmement, au cours des enquêtes menées au sein des deux plateformes digitales, les résultats ont mis en lumière plusieurs conditions nécessaires – mais pas toujours suffisantes – pour assurer l’émergence d’innovations et la façon dont les acteurs internes et externes partagent leurs connaissances au sein des plateformes digitales. L’animation de la plateforme est un élément central de son efficience. Troisièmement, la motivation de ses membres est fondamentale pour le succès des plateformes digitales car elle crée le contexte nécessaire à une action collective. L’engagement, la confiance, la cohésion et les autres valeurs partagées sont facilités par la socialisation afin d’obtenir un partage et un transfert de connaissances efficace. La mise en place de plateformes digitales est un moyen approprié pour surmonter les conflits, enrichir les interactions collectives et renforcer la confiance entre les membres d’une organisation. Les résultats nous permettent de mettre en lumière trois nouvelles dimensions importantes : le leadership transformationnel, une approche participative et une culture d’entreprise fondée sur l’innovation pour améliorer le partage des connaissances, l’apprentissage organisationnel et la capacité d’absorption des plateformes digitales. Les résultats de l’étude qualitative valident empiriquement le modèle de Motivation, Opportunité et Capacité (MOA) (Turner et Pennington, 2015). Cette étude montre également comment les plateformes digitales jouent un rôle important dans l’apprentissage en double boucle (Argyris et Schon, 1978). C’est donc ce type d’apprentissage qui favorise l’innovation. Les plateformes digitales offrent un consensus entre les différents acteurs, quels que soient leur statut ou leur fonction, réduisant d’une part l’impact des différences culturelles et d’autre part renforçant l’identité collective. Les résultats soulignent également que l’une des principales caractéristiques de la transformation digitale est la démocratisation du savoir, via la collaboration et le partage des connaissances, ce qui peut renforcer la créativité et l’innovation (Pérez-López et Alegre, 2012 ; Soto-Acosta et Colomo-Palacios, 2014). Ce constat a été démontré empiriquement dans les deux cas étudiés dans la mesure où la plateforme digitale a incité les salariés a partager leurs savoirs et savoir-faire. Elle a amélioré et facilité l’accès à l’information, l’interactivité entre ses membres et la création de nouvelles connaissances. Par rapport aux travaux antérieurs (Cousins et al., 2006 ; Pérez et Sanchez, 2002), cette recherche s’intéresse aux interactions sociales et en particulier aux micro-fondations de l’apprentissage individuel et des constructions intra-organisationnelles (Volberda et al., 2010). Elle offre un examen approfondi du rôle des plateformes digitales dans la prise d’initiative, la créativité et le renouvellement des savoirs. Nous confirmons également, par l’étude empirique menée au sein des deux groupes SEB et Délice, le lien entre l’apprentissage individuel et l’apprentissage organisationnel. Ici, avec les projets d’innovation étudiés, nous touchons non seulement aux pratiques de partage des connaissances des plateformes digitales, mais aussi leurs dimensions collectives, culturelles et identitaires. En effet, ce travail de recherche illustre comment la capacité de partage des connaissances au sein des plateformes digitales est fortement liée à la motivation et à l’implication des employés. Ainsi, l’intégration et la prise en compte de ces pratiques et la mise en place de processus structurés et clairs d’innovation permet à une entreprise de disposer d’un ou de plusieurs avantages concurrentiels. Cette capacité organisationnelle exige qu’une organisation acquière des connaissances qui peuvent être sources d’innovation. En se référant à la littérature académique, ce phénomène est appelé capacité d’absorption. Il est indispensable à l’apprentissage organisationnel et à la réussite de l’innovation (Lin et Wu, 2014 ; Lopes et al., 2017 ; Zahra et Georges, 2002).

26D’un point de vue managérial, nous avons identifié la création de micro-entités digitales spécialisées dans les projets de gestion de l’innovation. Contrairement aux pratiques antérieures, ces micro-entités digitales sont accessibles à tous les employés des deux entreprises étudiées. De même, l’élaboration d’une approche des ressources humaines permettant de fixer des objectifs pour chaque acteur, d’évaluer et d’analyser les écarts de performance, tout en liant une partie de sa rémunération à la réalisation des objectifs, semble cohérente avec les changements observés dans les structures. La stratégie mise en place dans les deux groupes SEB et Délice s’avère fructueuse car elle a permis de mieux partager les connaissances entre les acteurs internes et externes et a favorisé l’émergence des innovations. Les animateurs, agents du changement, ont une idée claire des principaux axes à définir et des grands objectifs à atteindre. Cette vision stratégique donne un rôle central à l’innovation et réorganise la structure des plateformes digitales et leurs méthodes de travail. Le partage des connaissances entre les membres apparaît comme un processus complexe qui nécessite un changement organisationnel et une vision stratégique claire et assimilée par les membres concernés (Zahra, 2015 ; Simsek et Heavey, 2010 ; Miller et al., 2007). Pour ce faire, plusieurs conditions sont requises : 1) un leader reconnu qui coordonne des projets d’innovation dans la mesure où la volonté et l’implication des acteurs jouent un rôle clé dans le processus d’innovation, le chef de projet y jouera un rôle crucial. Ce leadership doit être en cohérence avec la stratégie de l’entreprise. Nous distinguons ici deux cas de figures : un leadership pyramidal lié à une structure centralisée et hiérarchique et plus approprié à un environnement peu concurrentiel favorable à des innovations incrémentales. Le deuxième leadership est collégial propice à des innovations radicales et mieux adapté à un environnement incertain et très dynamique. 2) Une approche véritablement participative comme le suggèrent les deux cas selon lesquels le partage des connaissances entre les membres des plateformes digitales sera plus facilement accepté lorsqu’ils auront été impliqués dans les projets d’innovation, c’est-à-dire depuis la détection d’une nouvelle opportunité de marché ou l’identification d’un concept innovant et la génération d’idées. 3) Une culture organisationnelle qui unit tous les membres de la plateforme digitale. La culture d’entreprise se reflète généralement dans les valeurs, les normes et les pratiques, qui sont souvent difficiles à articuler et plus difficiles à changer. L’impact de ces composantes culturelles réside dans les comportements individuels et collectifs et mérite d’être pris en compte dans la stratégie de l’entreprise et le processus de partage des connaissances.

Conclusion

27L’objectif de cette étude qualitative était est d’observer et de comprendre comment les plateformes fournissent la structure nécessaire aux membres de l’équipe pour interagir et atteindre des objectifs communs favorisant ainsi l’émergence de l’innovation. Pour ce faire, nous nous sommes penchées sur l’analyse des attitudes des salariés vis-à-vis des plateformes d’innovation. Les plateformes virtuelles de partage des connaissances sont une nouvelle tendance qui se développe rapidement au sein des firmes. De nos jours, les outils numériques permettent aux salariés d’échanger, de partager leurs connaissances et expériences et d’interagir en interne mais aussi avec d’autres acteurs externes. À l’ère de la digitalisation, les recherches portant sur le partage des connaissances, l’apprentissage organisationnel et l’innovation se sont développées dans le domaine technologique et des plateformes digitales ont émergé. Toutefois, dans les autres secteurs d’activité très peu de recherches ont été réalisées sur la mise en place des plateformes digitales et leur mode de fonctionnement. De plus, ces travaux se sont limités à étudier l’impact du partage des connaissances (explicites/tacites et/ou individuelles/collectives) sur l’innovation. Notre article a tenté de combler ce gap à travers l’étude du lien entre la structure et le mode de fonctionnement des plateformes digitales et leur impact sur le partage des connaissances et l’innovation. Notre objectif était de comprendre comment les plateformes fournissent la structure nécessaire aux membres de l’équipe pour interagir et atteindre des objectifs communs favorisant ainsi l’émergence de l’innovation. Tout d’abord, nous avons identifié les principales caractéristiques des plateformes numériques étudiées au sein du Groupe Délice et du Groupe SEB et nous avons proposé une meilleure compréhension de ces « boîtes noires » grâce au modèle MOA : motivation, opportunité et capacité. Ensuite, nous avons examiné en profondeur les divergences relatives au mode de fonctionnement des plateformes virtuelles dans chacune des firmes. Ainsi, nous avons démontré que la structure et le mode de fonctionnement représentent deux facteurs déterminants du partage des connaissances et de l’innovation. Ce résultat permet d’aider les entreprises à identifier dès le départ quelle forme organisationnelle et quel style de management il faut adopter pour générer des innovations incrémentales ou de rupture. De plus, comme nous l’avons déjà mis en exergue, notre travail offre aux entreprises des éclairages pour mieux gérer certains dysfonctionnements liés au partage des connaissances et à l’apprentissage organisationnel et ayant contribué à des échecs en matière d’innovation. Enfin, nos contributions mettent l’accent sur l’intérêt de la mise en place des plateformes digitales pour garantir une cohérence entre les objectifs stratégiques de l’entreprise, sa structure organisationnelle et le degré d’innovation qu’elle souhaite atteindre.

28Au-delà de ses contributions théoriques et managériales, cet article présente aussi quelques limites. Compte tenu des faiblesses inhérentes à la méthodologie qualitative utilisée, la validité et la généralisation des résultats sont limitées. Étant donné que les résultats ont été fixés en fonction d’une étude de cas longitudinale, il nous a été impossible d’établir des relations de cause à effet à partir des résultats. L’avantage de l’étude de cas réside dans la capacité d’étudier en profondeur les phénomènes délicats et complexes, plutôt que la mise à l’essai théorique. Nous encourageons donc les études quantitatives afin d’examiner dans quelle mesure nos résultats peuvent être généralisés. De plus, l’accent mis sur le contexte : le Groupe SEB opérant sur les petits équipements domestiques d’électroménagers en France et le Groupe Délice spécialisé dans la fabrication des produits laitiers et dérivés en Tunisie, limite le potentiel de généralisation. Enfin, le partage des connaissances et l’apprentissage organisationnel identifiés dans cette étude s’avèrent fortement influencés par la performance de la culture organisationnelle. Il serait donc intéressant d’examiner ces facteurs dans d’autres contextes culturels. Des recherches futures pourraient notamment porter sur la façon dont l’innovation organisationnelle est affectée dans d’autres secteurs ou marchés via des plateformes digitales.

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