Couverture de MAV_116

Article de revue

L’expérience touristique mémorable : une approche par le produit alimentaire emblématique d’une région

Pages 61 à 84

Notes

  • [1]
    Ce mécanisme illustre le fait que certains objets ou odeurs sont susceptibles de rappeler des souvenirs, mais surtout que le passé peut redevenir présent et donc que l’individu peut agir sur le temps en rompant la dichotomie entre passé et présent.
  • [2]
    Le storytelling, en tant que technique de communication, consiste en la narration ou la mise en récit des valeurs d’une marque par l’imaginaire et le symbolique.

1L’essor du tourisme et le caractère concurrentiel de ce dernier imposent aux acteurs du secteur de proposer des produits touristiques de qualité et des expériences uniques. N’est-ce pas d’ailleurs la promesse faite par toute bonne agence de voyages ? Ainsi le concept d’expérience dans le tourisme a fait l’objet de multiples recherches depuis l’article d’Arnould et Price en 1993 et est devenu central dans la recherche sur le management du tourisme (Tung et Ritchie, 2011a). Les mêmes auteurs précisent la nécessité pour les acteurs du secteur de faciliter le développement d’un environnement augmentant la probabilité que les touristes puissent créer leurs propres expériences touristiques mémorables. C’est dans ce contexte que cet article s’intéresse au concept d’expérience touristique mémorable ou MTE, qui entre dans la typologie des expériences touristiques établie par Ritchie et Tung (2011b). Ces derniers catégorisent les expériences en grandes expériences, expériences de qualité, expériences extraordinaires et expériences mémorables. D’autres auteurs ont ajouté à cette typologie l’expérience créative (Richards, 2011 ; Tan et al., 2013). L’expérience touristique mémorable (MTE) apparaît pertinente par sa proximité avec l’expérience telle que précisée par Pine et Gilmore (1998). Elle est un construit sélectif à partir d’expériences touristiques basées sur des évaluations individuelles de l’expérience, dépendante d’au moins deux éléments : elle se situe dans un espace et un temps donnés et est issue d’un processus de génération de souvenirs (Kim et al., 2012). Un article récent (De Freitas Coelho et al., 2018) précise l’intérêt de mieux connaître les composantes des dimensions de la MTE et c’est à travers des récits d’expériences vécues avec un produit alimentaire emblématique d’une région que nous nous proposons de préciser ces dimensions. En effet, si l’expérience d’un point de vue général renvoie à un vécu personnel, généralement imprégné d’émotions, qui représente l’interaction d’un individu avec des stimuli, des produits ou services (Caru et Cova, 2003), force est de constater que les produits alimentaires d’une région participent à faire vivre des expériences dans la mesure où ils favorisent l’immersion des individus (Arseneault et Bellerose, 2016). Car les produits alimentaires dégustés lors des vacances peuvent enclencher un mécanisme de type « Madeleine de Proust » [1], le touriste associant à ce produit un vécu expérientiel agréable (Hetzel, 2002). Selon le principe d’incorporation (Fischler, 1999), en mangeant un produit alimentaire emblématique d’une région, nous incorporons symboliquement l’image que représente ce produit. Un tel mécanisme permet alors la génération de souvenirs susceptibles de rendre une expérience touristique mémorable. En l’absence de définition dans la littérature, nous définissons le produit alimentaire emblématique d’une région comme le produit alimentaire qui symbolise fortement une région géographique aux yeux d’une majorité d’individus. L’expérience vécue par le touriste dans un espace et un temps donnés lors de son séjour avec le produit emblématique génèrerait des souvenirs, et constituerait ainsi un élément d’une expérience touristique mémorable. Notre question de recherche est donc la suivante : comment l’expérience vécue avec un produit alimentaire emblématique d’une région contribue-t-elle à la création d’une expérience touristique mémorable ou MTE ? Nous cherchons à mieux comprendre les éléments qui composent les dimensions d’une MTE par le prisme du produit alimentaire emblématique d’une région. La revue de littérature sera présentée autour des dernières recherches sur l’expérience touristique mémorable. L’étude qualitative entreprise afin de répondre à notre problématique sera développée avant de présenter les résultats. Ceux-ci seront discutés au regard de la littérature existante.

1 – Les dimensions et le processus de l’expérience touristique mémorable

1.1 – Les dimensions de l’expérience touristique mémorable

2Les premières recherches sur l’expérience touristique mémorable ou Memorable Tourism Experience (MTE), ont relevé un certain nombre de dimensions constitutives de celles-ci : l’affect, les attentes, le souvenir (Tung et Ritchie, 2011a), mais également le développement des relations, la recherche de la nostalgie et la liberté (Tung et Ritchie, 2011b). Les expériences touristiques mémorables seraient en général positives (Kim et Ritchie, 2014 ; Tung et Ritchie, 2011a) et semblent être liées à l’abondance des options de services et aux expériences partagées (Morgan, 2010). L’étude de Kim et al. (2012) souligne sept dimensions d’une expérience touristique mémorable : l’hédonisme, la nouveauté, la culture locale, l’intérêt, la participation, la relaxation et les connaissances. Kim (2014) propose en complément de s’intéresser aux antécédents d’une MTE. Il suggère de considérer les 10 dimensions suivantes : la culture locale, la variété des activités, l’hospitalité, l’infrastructure, la gestion de l’environnement, l’accessibilité, la qualité des services, la physiographie, l’attachement aux lieux et la superstructure. Ces dimensions mettent en évidence le savoir-faire spécifique permettant d’offrir des MTE dans une destination et de maintenir ainsi un avantage concurrentiel. Selon l’auteur, la mise en récit ou storytelling[2] joue ainsi un rôle important dans la mise en œuvre opérationnelle de ces dimensions essentielles à la création d’une MTE et pourra permettre de créer un univers susceptible de favoriser la surprise chez le client. En effet, selon Pine et Gilmore (1998) la surprise est nécessaire pour pouvoir vivre une expérience mémorable, car elle agit comme un amplificateur des réactions affectives ultérieures amenant ainsi à des expériences plus mémorables et incitant à la diffusion d’un bouche-à-oreille à propos de l’expérience (Derbaix et Vanhamme, 2003). L’élément de surprise livrant l’inattendu permet d’accentuer le vécu d’une expérience unique dépassant les attentes et marquant l’esprit du consommateur. Pour être mémorable, une expérience doit comporter des éléments de surprise et de ravissement, tout en fournissant également un contexte que les consommateurs vont mémoriser et partager. Les expériences sont mémorables lorsque les participants peuvent dire : « j’ai appris quelque chose », « j’ai découvert quelque chose », « j’ai créé quelque chose » ou « j’ai rencontré quelqu’un » (Smith et Hanover, 2016). Le vécu mémorable résonne même après la fin de l’expérience. En définitive, De Freitas Coelho et al. (2018) mettent en avant trois dimensions clés de l’expérience touristique mémorable : 1/ une dimension personnelle et psychologique liée à l’émotion, 2/ une dimension culturelle liée à l’environnement et 3/ une dimension relationnelle. La première est, selon les auteurs, celle qui fera qu’un voyage deviendra mémorable aux yeux des individus ou non et se traduit par des émotions positives, tant « intérieures (récompense, liberté), qu’extérieures (joie, bonheur, vivacité) » (De Freitas Coelho et al., 2018). Car les réactions affectives possèdent une intensité, une valence, un contenu ou une qualité, et une conscience (Derbaix et Filser, 2011). Ainsi, l’intensité émotionnelle « se réfère à l’intensité des émotions vécues aussi bien au moment de l’encodage qu’au moment de la récupération » (Sutin et Robins, 2007, p. 394). Et Flacandi (2015) de préciser que « si le contexte expérientiel est le même ou est perçu comme tel et que les expériences vécues sont jugées comme identiques, il arrive parfois qu’un élément vienne rendre l’expérience plus mémorable ». Un produit par exemple, ou un contact avec un individu peuvent jouer ce rôle de marqueur mémoriel (Zauberman et al., 2009). Or l’on peut supposer que ce rôle de marqueur mémoriel peut correspondre au produit alimentaire dans la mesure où l’odorat et le goût impriment des souvenirs forts dans l’esprit des individus (Vignolles et Paul-Emmanuel, 2014). Il ne s’agit pas seulement de garder en mémoire ce souvenir qui peut être ordinaire ou banal (Caru et Cova, 2003), mais bien qu’il soit « mémorable », c’est-à-dire associé à quelque chose d’inoubliable. L’expérience touristique mémorable, bien que subjective, aura de plus, des conséquences autres que la satisfaction et l’intention (Kim et Ritchie, 2014), et participera au bien-être de l’individu, à sa transformation personnelle, à un apprentissage. La seconde dimension, celle relative à l’environnement, a trait aux connaissances des touristes sur les attractions du lieu et aux échanges culturels qui incluent notamment la langue et les coutumes locales. Enfin, la troisième dimension relative à la socialisation comprend la planification du voyage et les relations interpersonnelles qui peuvent être aussi bien les liens que l’on tisse avec son compagnon de voyage, que les rencontres faites avec des locaux, des prestataires de services, etc. Il est intéressant de constater que la planification du voyage comme les voyages organisés peuvent constituer un élément entrant dans l’expérience mémorable. Cette dimension qui prédétermine le vécu de l’expérience nous paraît essentielle. Nous pensons notamment que les influenceurs sur les réseaux sociaux et, d’une manière générale, toute exposition à une forme d’influence (reportage ou documentaire, blogs, articles de presse, etc.) sur les produits emblématiques d’un lieu ou d’une région peuvent constituer un élément important dans le vécu de l’expérience touristique et la manière dont l’individu va se la remémorer. Le Tableau 1 synthétise la littérature existante sur la MTE et ses dimensions.

Tableau 1

Les dimensions de la MTE selon la littérature

Les dimensions de la MTEAuteurs
L’affect, les attentes, le souvenir.Tung et Ritchie (2011a)
Le développement des relations, la recherche de la nostalgie et la liberté.Tung et Ritchie (2011b)
Sept dimensions d’une expérience touristique mémorable : l’hédonisme, la nouveauté, la culture locale, l’intérêt, la participation, la relaxation et les connaissances.Kim et al. (2012)
La surprise, l’étonnement et le contexte de découverte.Pine et Gilmore (1998)
La dimension personnelle et psychologique liée à l’émotion, la dimension culturelle liée à l’environnement et la dimension relationnelle.De Freitas Coelho et al. (2018)
Le goût, facteur de joie et intérêt.Sthapit (2019)

Les dimensions de la MTE selon la littérature

1.2 – Le processus de l’expérience touristique mémorable

3Une expérience touristique devient mémorable par la transformation que va en faire l’individu qui, en se la remémorant, va la considérer comme inoubliable, ou parce qu’elle est caractérisée ainsi grâce à des signes et signaux considérés comme tels lors de l’expérience vécue (De Freitas Coelho et al., 2018). Pour ces auteurs, la mémorisation de ce type d’expérience par le touriste est associée à trois éléments : l’ambiance, la socialisation, et l’émotion et sa réminiscence. Selon les auteurs, l’ambiance recouvre l’immersion du touriste dans l’environnement où l’activité touristique a lieu. Elle correspond autant à l’accès et l’accessibilité des infrastructures touristiques (Kim, 2014), qu’aux caractéristiques culturelles propres au lieu visité. La socialisation comprend toutes les expériences interpersonnelles vécues avec les prestataires touristiques, les autres voyageurs, les locaux et tous les éléments ante-expérience comme la recherche d’un hôtel, d’informations touristiques et autres planifications. Enfin, le troisième élément, considéré par De Freitas Coelho et al. (2018) comme le plus important est l’émotion et le souvenir qu’elle engendre. Selon les auteurs, un voyage devient remarquable et inoubliable si le touriste a vécu des émotions marquantes, qu’elles soient positives ou négatives. La perception de ces émotions et la manière dont elles seront remémorées par les individus contribueront également à rendre une expérience touristique mémorable. D’ailleurs, l’émotion est l’une des dimensions largement reconnues dans la littérature des expériences touristiques (Mackenzie et Kerr, 2013). De Freitas Coelho et al. (2018) soulignent que la réalisation d’un rêve ou d’un désir contribue également à la caractéristique d’une expérience touristique mémorable. Flacandi (2015) parle ainsi d’expérience du souvenir pour décrire l’expérience durant laquelle l’individu va se replonger dans son expérience passée et en récupérer le souvenir qu’il en garde. L’expérience de souvenir est le processus qui amène à un résultat, celui du souvenir de l’expérience. Le simple fait de se remémorer est alors créateur d’une valeur additionnelle par rapport à l’expérience initialement vécue. Ainsi, la réminiscence semble davantage relever de l’objectif de la récupération en mémoire que du processus qui conduit au souvenir. Se remémorer une expérience implique une reconstruction de l’information et de revivre l’expérience mentalement. Et d’ailleurs en psychologie, le terme de réminiscence est employé pour parler de la façon dont l’individu va se souvenir de son expérience.

4Si ces recherches ont permis de comprendre l’importance de l’engagement émotionnel et le sens que le touriste va lui attribuer dans la constitution d’une expérience touristique mémorable, il reste néanmoins à mieux identifier les composantes d’un séjour touristique susceptibles de constituer une telle expérience. C’est ce que nous nous proposons de faire, au travers du prisme du produit alimentaire emblématique d’une région, car nous pensons qu’il est à même de faire émerger une ou des composantes d’une expérience touristique mémorable grâce à sa capacité à générer des souvenirs, via le mécanisme de l’incorporation expliqué précédemment.

2 – L’expérience vécue avec un produit alimentaire emblématique d’une région : une expérience mémorable ?

5Les expériences touristiques comportent très souvent, voire systématiquement, une expérience alimentaire, qu’il s’agisse de la visite d’un marché ou d’une fabrique, ou tout simplement lorsqu’il s’agit de se restaurer dans un établissement local. Selon Quan et Wang (2004), les niveaux de mémorisation et d’intensification déterminent si la consommation alimentaire des touristes au cours de leurs voyages devient une expérience touristique de pointe plutôt que qu’une expérience de consommation de soutien, la première laissant un souvenir inoubliable. Par ailleurs, la consommation d’aliments locaux suscite des réactions émotionnelles, y compris le plaisir, la stimulation sensorielle et l’épanouissement (Mak et al., 2012). D’ailleurs l’étude de Bessière et al. (2016) souligne que le motif gastronomique arrive en troisième position après les paysages et le patrimoine culturel. L’alimentation peut être, soit un vecteur de découverte de soi – par lequel le voyage culinaire transforme dans la mesure où l’individu s’enrichit symboliquement et en reviendra transformé –, soit un vecteur de découverte de l’autre – permettant l’appropriation de la culture au travers des échanges, de la création de liens avec les producteurs –, soit enfin un vecteur de découverte du lieu – traduisant ainsi le besoin de relier l’aliment à un espace afin de lui donner une origine et une histoire. Dans tous les cas de figure, l’expérience alimentaire va créer des émotions positives ou négatives.

6Un produit alimentaire emblématique est un produit qui recouvre la caractéristique iconique, le Larousse considérant ces deux termes comme synonymes. Bessière et al. (2016) évoquent « les produits et les préparations culinaires emblématiques des régions visitées (qui) constituent un moteur important de l’expérience touristique, au même titre que l’intérêt pour les sites naturels ou pour l’architecture et les monuments phares », mais sans les définir. El Euch Maalej et al. (2018), à propos des produits iconiques dans le luxe, précisent que la caractéristique iconique se rapporte à l’image en tant que signe, impliquant un rapport de ressemblance entre le signe et la réalité qu’il souhaite exprimer. Et les auteurs de préciser que Peirce (1998) considère que pour qu’une icône soit qualifiée comme telle par un individu, ce dernier doit avoir « des connaissances ou des attentes préexistantes, qui créent une’photographie composite’ » dans leur esprit. Dans le cadre de notre étude, nous considérons que le touriste, pour apprécier la caractéristique iconique d’un produit alimentaire, doit avoir « une certaine connaissance, une représentation qui lui permet de faire ce rapport de correspondance, de similarité afin de pouvoir qualifier ou considérer le produit comme tel » (El Euch Maalej et al., 2018). À titre d’exemple, le touriste sait qu’il pourra déguster des huîtres lors de son séjour à Arcachon, manger des crêpes en Bretagne et du Beaufort en Savoie. Cette caractéristique emblématique du produit alimentaire est à rapprocher de la notion de typicité qui se réfère à la notion de terroir, dans la mesure où elle représente la capacité d’un produit à représenter ce dernier, par analogie avec la définition donnée pour le vin (Bessis et al., 1994). Ainsi, du fait de l’existence d’éléments typiques, le produit alimentaire va apparaître comme représentatif de sa catégorie : on parle alors de typicalité et de jugement de typicalité qui est la capacité d’attribuer un élément à sa catégorie d’appartenance, capacité qui se révèle déterminante dans le processus de catégorisation des produits en univers concurrentiels (Passebois-Ducros et al., 2012). Les auteurs soulignent l’intérêt de l’étude du jugement de typicalité chez les individus dans la mesure où la typicalité aide à produire des connaissances nouvelles et la juger, permettant à l’individu de « ranger » de nouvelles marques ou de nouveaux produits dans une catégorie, voire d’en créer une nouvelle.

7Si l’on reprend les trois dimensions de l’expérience touristique mémorable de De Freitas Coelho et al. (2018), la dimension personnelle et psychologique liée à l’émotion, la dimension culturelle liée à l’environnement et la dimension relationnelle et qu’on les rattache aux produits emblématiques des régions ou des pays, on se rend compte qu’ils ont leur place dans chacune. En effet, le produit régional sera le plus souvent acheté dans un lieu particulier, sur un marché, dans une ferme, une épicerie fine, en tous cas, sur un autre lieu que ce que l’individu connaît habituellement lorsqu’il fait ses courses alimentaires de tous les jours, ce qui participe à la dimension culturelle. La socialisation, caractérisant la dimension relationnelle, pourra être effective par la rencontre avec le producteur ou le salarié d’une coopérative par exemple. Enfin, l’émotion, tant visuelle que gustative, sera également présente et participe à nourrir la dimension personnelle et psychologique. Découvrir une région et ses particularités culinaires font partie des attentes des touristes, qui pour rappel, dépensent un tiers de leur budget vacances dans l’alimentation (OMT, 2012). Des recherches antérieures ont d’ailleurs souligné le lien entre produits locaux et production d’expériences chez les touristes (Salvador, 2012). Tung et Ritchie (2011b) postulent que l’expérience des restaurants locaux d’une destination particulière enrichit la mémoire de l’expérience touristique vécue. Sthapit en 2017 met ainsi en avant les éléments sur lesquels les individus attachent de l’importance lors de leur séjour : le goût des spécialités locales, l’authenticité, la nouveauté, la convivialité et les interactions sociales, l’hospitalité et les services. Enfin, la récente étude du même auteur (2019) montre que les individus éprouvent des émotions particulièrement fortes, et notamment de la joie et de l’intérêt, lors de leurs expériences avec de la nourriture sur leur lieu de vacances, et que ces émotions subsistent longtemps après la fin de leur séjour. L’auteur identifie le goût comme un élément central des expériences mémorables des individus interrogés, car ce sens sous-tend un plaisir physique lors de la dégustation, mais également une forme d’absorption expérientielle axée sur soi. Selon lui, l’échelle de mesure de Kim et al. (2012) doit s’enrichir d’une dimension liée aux expériences gustatives dans la mesure où ces dernières pourraient avoir un impact sur les souvenirs que les touristes ont de leur expérience de voyage. Dans ce contexte, notre propos ici n’est pas de montrer si une expérience autour du tourisme culinaire ou gourmet est constitutive d’une expérience mémorable pour les individus, mais bien de déterminer comment l’expérience de découverte et de dégustation d’un produit alimentaire emblématique d’une région influence les dimensions de l’expérience touristique mémorable. À cette fin, une étude exploratoire de type qualitatif a été entreprise.

3 – Méthodologie

8Une étude exploratoire qualitative à base d’entretiens semi-directifs a été entreprise afin de mener à bien cette recherche. Servidio et Ruffolo (2016) soulignent que, d’une manière générale, les individus sont plutôt enclins à parler de leur vie personnelle autour d’évènements mémorables qui vont inclure un contenu émotionnel élevé, favorisant la stimulation de la narration (Lorenzetti et Lugli, 2012). Des études antérieures soulignent que les touristes sont prêts à parler à d’autres personnes de leurs propres expériences de vacances en faisant appel à leurs souvenirs (McCabe et Foster, 2006). Ainsi, l’analyse de la narration d’expériences touristiques apparaît pertinente dans le cadre de cette étude, car elle donne l’occasion de réfléchir à l’expérience en ajoutant de la profondeur et de la clarté aux réponses (Tung et Ritchie, 2011 ; Tung et al., 2016).

9C’est à travers un guide d’entretien semi-directif (Tableau 2) que nous avons récolté onze entrevues. Ce guide a été élaboré en tenant compte de la littérature existante et en particulier des dimensions de la MTE. Comme nous supposions qu’il pouvait émerger de notre étude de nouveaux éléments entrant dans les caractéristiques d’une MTE, nous n’avons pas souhaité structurer le guide d’entretien selon les dimensions déjà existantes afin de ne pas introduire un biais par les questions posées aux répondants. Il s’agissait avant tout de les laisser s’exprimer sur leurs expériences alimentaires, les émotions ressenties et le rapport entretenu avec le produit alimentaire emblématique dans la constitution d’une expérience inoubliable à leurs yeux. Les personnes interrogées (entre trente-deux et soixante-trois ans) ont été préalablement sélectionnées sur la base d’une ou plusieurs expériences de voyage en France ou à l’étranger et sur un intérêt minimal pour la nourriture locale (Tableau 3). Elles étaient libres de choisir de raconter un ou plusieurs voyages mémorables comprenant une expérience avec un produit ou un plat emblématique d’une région. Elles ont été invitées à décrire leur(s) expérience(s) autour d’un produit alimentaire, que cette ou ces expériences soient positives ou négatives, et à préciser en quoi elle(s) avai(en)t été marquante(s). Malgré cette liberté donnée, la plupart des répondants se sont concentrés sur une expérience avec un produit ou un plat emblématique, nous permettant ainsi d’approfondir nos échanges sur ce point.

Tableau 2

Guide d’entretien

Si je vous dis « produit alimentaire emblématique d’une région », à quoi pensez-vous ?
Racontez-moi une ou des expériences de voyage avec un produit alimentaire emblématique d’une région ou un plat (faire préciser si nécessaire s’il y a eu interactions avec des locaux/faire Préciser le cadre, l’ambiance). Quand a-t-elle eu lieu ?
Diriez-vous que cette (ces) expérience(s) a (ont) été marquante(s) dans votre voyage ? Pourquoi ? (faire repréciser si besoin sur interactions/culture/émotions).
Qu’est-ce qui vous procure de l’émotion dans une expérience alimentaire lors de vos voyages ? (découverte, nouveauté, authenticité ?).
Selon la réponse précédente : qu’est ce qui a manqué selon vous pour qu’elle soit marquante ?
Comment avez-vous connu ce produit avant votre voyage ? (blog, guide). Pourquoi manger le produit X vous a semblé essentiel dans votre voyage ? Cela avait-il été planifié ? De quelle manière ?
Quand vous y repensez, qu’est-ce que cela provoque chez vous ? (type d’émotion).
Avez-vous un souvenir d’une expérience malheureuse avec un produit alimentaire du pays ou de la région ? En quoi cette expérience vous a-t-elle paru marquante ?
Vous est-il déjà arrivé de prévoir une activité autour d’un produit alimentaire emblématique d’un pays ou d’une région et de ne pas avoir pu la réaliser ?
Selon vous, comment auriez-vous réagi si une fois sur place, vous aviez appris que vous ne pouviez manger/découvrir ce produit ? (à adapter en fonction des expériences décrites).

Guide d’entretien

Tableau 3

Profil des répondants

Prénom et âgeExpériences de voyages et expériences avec l’alimentation localeCSP
Maryvonne, 63 ansA voyagé essentiellement en Europe à plusieurs reprises. Curieuse des nourritures locales.Retraitée. Ancienne cadre de banque.
Dominique, 51 ansA beaucoup voyagé à titre professionnel dans le monde entier. Aime les voyages et en fait souvent à titre privé. N’hésite pas à goûter les plats locaux.Cadre dans l’industrie.
Jean-François, 41 ansA vécu en Asie. Voyage encore souvent. Aime tester des choses nouvelles mais ne mange pas de tout.Cadre dans une organisation internationale.
Marie, 45 ansVoyage régulièrement et aime cela. A un intérêt prononcé pour l’alimentation et n’hésite pas à goûter des choses nouvelles lors de ses séjours.Enseignante.
Laure, 35 ansA surtout voyagé en France. Apprécie les bonnes tables.Enseignante.
Carine, 38 ansA voyagé à titre privé seulement en Europe. S’intéresse peu à l’alimentation d’une manière générale mais est ouverte à des expériences nouvelles quand elle voyage.Assistante Maternelle.
Anne Marie, 39 ansA voyagé à l’étranger par le passé mais préfère rester en France aujourd’hui. Adore découvrir les produits et discuter avec les producteurs.Business Manager.
Amélie, 32 ansA encore peu voyagé (Portugal, Espagne) mais fait régulièrement des week-ends dans les régions de France. Apprécie les découvertes culinaires.Professeur des Ecoles.
Claudine, 55 ansA peu voyagé mais aime bien manger.Responsable des ventes.
Frédérique, 42 ansA vécu à l’étranger. Est plutôt de nature curieuse et ouverte.Juriste.
Antoine, 24 ansA voyagé une fois en dehors de l’Europe (Canada). Est plutôt gourmand.Etudiant.

Profil des répondants

10Pour l’analyse des données collectées, nous avons choisi comme unité de codage la phrase, l’élément de phrase ou le paragraphe selon un critère d’homogénéité de sens (Miles et Huberman, 1994). Un double codage était appliqué et a permis de regrouper ces unités lexicales en thèmes et sous-thèmes. L’analyse thématique progressive des entretiens par deux codeurs a permis de dresser une grille de codage et de constater une redondance des informations recueillies et l’absence d’émergence de nouveaux enseignements au bout du onzième entretien. Le constat de la saturation sémantique a justifié l’arrêt de la collecte d’informations pour cette étude exploratoire. L’analyse des verbatim recueillis permet de mettre en relief les éléments constitutifs des trois dimensions de l’expérience touristique mémorable décrits par la littérature, mais également d’en dégager de nouveaux.

4 – Résultats et Discussion : émotions gustatives, authenticité perçue et planification autour du produit alimentaire emblématique, des éléments qui composent une MTE

11Cette étude exploratoire nous permet de souligner l’importance des produits emblématiques d’une région ou d’un pays dans la participation à l’expérience touristique des individus et d’en préciser certains contours. Nous retrouvons à travers les verbatim, les dimensions de l’expérience touristique mémorable et les éléments qui les caractérisent comme l’ambiance, les émotions vécues et les interactions que ces expériences suscitent (Tableau 4). Notre analyse met en avant de nouveaux éléments constitutifs d’une MTE comme le goût et les souvenirs et l’authenticité perçue de l’expérience. La force de certains verbatim tend à supposer que les produits alimentaires emblématiques d’une région ou d’un pays constituent des marqueurs mémoriels au sens de Zauberman et al. (2009).

Tableau 4

Illustrations avec le produit alimentaire emblématique des éléments constitutifs des dimensions de l’Expérience Touristique Mémorable (MTE)

Tableau 4
Dimensions de la MTE Éléments constitutifs Extraits de verbatim Personnelle et psychologique : l’émotion et sa réminiscence Découverte nouveauté et surprise « La Fidéua c’était pour moi quelque chose d’inconnu. J’ai aimé la saveur, ce goût plus prononcé qu’une simple Paëlla, plus iodé aussi, et par rapport à la nouveauté avec les pâtes » (M. 63 ans). « C’est pas la première fois que j’y allais, mais c’est la première fois que c’était aussi bien. J’ai appris plein de choses, et puis c’était plus organisé dans le sens où on pouvait déguster, manger sur place, visiter, acheter (…). Et il y avait même une innovation ! Un poivre vert au sel, qui permet de le conserver plus longtemps. Une vraie trouvaille ! (…) en plus c’est devenu une IGP et il n’y en a que deux dans le monde pour le poivre » (M. 45 ans). « Le durian j’en avais déjà vu, malheureusement déjà senti (…) c’était une découverte. C’était par curiosité. Mais j’ai pas aimé… l’odeur est tellement forte… » (J.-F. 41 ans). « Et même en essayant de la faire en France, ça n’a pas la même saveur (…) je ne l’apprécie pas de la même façon. J’ai essayé d’en faire, mais j’ai pas été transcendée » (C. 38 ans). Émotions gustatives « À Arcachon, manger des huîtres pratiquement tous les jours c’est exceptionnel. Elles sont sorties de l’eau deux heures avant, et le gars il les ouvre et il te les sert. C’est comme aller manger un fruit sur un arbre » (D. 51 ans). « (….) et quand tu dégustes le poivre vert tu prends une grappe du bout des doigts et tu l’égraines dans ta bouche, ça explose en bouche… un parfum… c’est pas fort, mais très parfumé, un délice… » (M. 45 ans). « La qualité du produit est primordiale à mon sens ! Je cherche souvent les marques les plus reconnues par la population locale ou bien je cherche les produits labellisés, par exemple le label rouge ou bien AOP. C’est ce qui à mon sens permet de garantir le plaisir de la dégustation et de découverte du produit ! » (A.-M. 39 ans). Culturelle : apprentissage et connaissance Cadre, ambiance « Je ne sais pas, c’est un cadre, une ambiance… une nécessité presque ! Il ne me viendrait pas à l’idée d’aller à Lille sans manger local et en particulier une carbonade ! Ça fait partie intégrante du voyage et du plaisir que tu en tires. » (L. 35 ans). « Comme quand tu vas au Portugal pour écouter du Fado… je vais pas acheter un CD de Fado en France, mais sur place t’es dans un restaurant et il y a du fado je vais écouter. Ça fait partie de l’ambiance. La bouffe c’est pareil » (A. 32 ans). « Avec les amis, l’environnement, la mer, etc., et même les serveurs pieds nus puisque c’était dans le sable » (C. 55 ans). « Tu vois les bateaux, les parcs à huîtres à quelques centaines de mètres et le mec il t’ouvre tes six huîtres avec un verre de vin blanc (…). C’est pas guindé tu vois. Car en général les huîtres en France (…) c’est dans des restaurants plus chers, on va t’apporter ton plateau avec la glace, ect. là c’est pas ça » (D. 51 ans). Perception de l’authenticité de l’expérience « Le beurre Bordier à Saint Malo est le symbole d’un travail artisanal de haute qualité qui a su garder l’authenticité du produit tout en rajoutant des touches de modernité avec des saveurs nouvelles. L’expérience de la préparation de la commande (le tapage du beurre et sa mise en moule) en boutique c’est unique ! » (A.-M. 39 ans). « Tu manges des crabes au poivre vert limite les pieds dans l’eau. Tu vois les crabes qu’on va te servir par les femmes de pêcheurs et qui ont été pêchés le matin même par leurs maris… souvent tu vois encore quelques bateaux qui rentrent » (M. 45 ans).

Illustrations avec le produit alimentaire emblématique des éléments constitutifs des dimensions de l’Expérience Touristique Mémorable (MTE)

tableau im2
Dimensions de la MTE Éléments constitutifs Extraits de verbatim Relationnelle : socialisation et planification Interactions avec les locaux « C’était sur la grande place de Lille, dans un estaminet réputé. Je m’en souviens… j’ai adoré. Et depuis, chaque fois que je vais à Lille, j’en prends une (carbonade). J’ai même discuté avec le serveur et les cuisiniers au sujet de la recette ». (L. 35 ans). « Je demande souvent à la réception de l’hôtel ou bien au propriétaire de l’appartement que je loue de me recommander les bonnes adresses/marques pour découvrir les produits de la région. C’est toujours un sujet de discussion intéressant à aborder avec les locaux surtout quand ils sont passionnés ! » (A.-M. 39 ans). Proximité (avec le produit/le producteur) « Le gars il a des huîtres de partout, il t’en prend six et il te les ouvre sur une assiette, il te donne un quart de citron et puis un verre de blanc, un morceau de pain avec du beurre et basta. C’est l’huître dans sa plus simple expression si je puis dire » (D. 51 ans). « Et il faudrait que j’en remange sur place. Et s’il y en a pas, je chercherai… car ça fait partie du truc » (A. 32 ans) Planification de l’expérience « Souvent j’organise mes séjours en veillant à inclure la visite d’un marché local afin de découvrir les spécialités locales et surtout de discuter avec les producteurs locaux. Dernièrement à Dinard un producteur d’huîtres m’a appris plein de choses sur son métier et a appris à mon mari les gestes techniques pour ne pas rater l’ouverture des huîtres, c’était vraiment très enrichissant » (A.-M. 39 ans). « Je cherche sur Internet le lieu ou bien l’adresse idéaux pour déguster les produits emblématiques de la région. Je veux être sûre de déguster le produit chez le meilleur artisan ! » (A.-M. 39 ans). « Je réserve dans l’estaminet plusieurs jours avant ; ça fait partie du périple, au même titre que d’aller voir un musée ou autre. C’est de la culture aussi !…car le cadre est important » (L. 35 ans). « Je me dis que si je vais passer un séjour en Espagne, je veux manger une fideuà au moins une fois. Que ce séjour soit court ou long, donc je planifie ce moment » (M. 63 ans).

12L’analyse qui suit souligne que si les produits alimentaires emblématiques recouvrent bien les dimensions de la MTE telles que définies par la littérature, ces derniers apportent un éclairage particulier sur trois points : la place des émotions gustatives dans la dimension personnelle et psychologique de la MTE, la perception de l’authenticité de l’expérience vécue avec le produit alimentaire emblématique pour la dimension culturelle de la MTE liée à l’ambiance, et l’importance de la planification pour la dimension relationnelle de la MTE.

4.1 – La place fondamentale des émotions gustatives

13Les émotions ressenties décrites par nos répondants lors d’expériences avec un produit alimentaire emblématique restent vives même lorsqu’elles ont été vécues des mois auparavant. La description du plaisir ressenti par la découverte et la dégustation d’un produit dessine systématiquement de la joie sur le visage des individus interrogés. Si l’étude de Sthapit (2019) avait souligné le goût comme élément central d’une expérience touristique mémorable, nos résultats apportent des précisions quant à la teneur de ces émotions et au processus par lequel le goût participe à la réminiscence du souvenir. Dans une approche physiologique, le goût fait intervenir les autres sens, et en premier lieu l’odorat qui capte les arômes lors de la mastication, mais également le toucher qui lors d’une dégustation permet d’apprécier la texture d’un aliment, son degré thermique, le piquant ou le pétillant, puis le sens de la vue donne des informations sur l’apparence des aliments, et l’ouïe renseigne sur le croustillant d’un biscuit ou le craquant d’une pomme (Salvador, 2009). Ces informations transitent vers le cerveau et les mécanismes physico-chimiques issus de l’interaction entre ces stimulations sapides et nos récepteurs gustatifs permettent à leur tour de créer des images sensorielles dans notre cerveau périphérique. La force du sens du goût réside donc dans le fait qu’il est question d’une « représentation multisensorielle de ‘l’objet’ dégusté » Mac Leod (1993). Cette perception sensorielle est à la fois d’ordre cognitif, mais également d’ordre affectif dans la mesure où elle revêt une composante hédonique. Il y a donc à la fois information et plaisir ou déplaisir (Chiva, 1996). Cette perception sera susceptible d’engendrer des émotions qui participeront à la création de souvenirs qui seront plus facilement remémorés que les souvenirs non chargés émotionnellement (Conway et al., 1994). Certains verbatim semblent souligner que le fait d’aller chercher le produit alimentaire à la source (les huîtres, le poivre) accentue la perception sensorielle tant sur un plan cognitif qu’affectif. La vue des parcs à huîtres ou celle des plantations de poivre participent à créer des images sensorielles qui vont intervenir dans la perception du goût lors de la dégustation du produit. Selon une approche anthropologique du goût, la perception a une structure symbolique qui fait que « le goût n’est pas dans l’aliment lui-même mais dans le sens qui lui est donné par celui qui le mange » (Levi-Strauss cité par Merdji, 2002). La vue des parcs à huîtres ne donne pas seulement des indications sur les qualités gustatives des huîtres, mais participe à donner du sens à l’expérience touristique par l’incorporation symbolique de l’image du produit représentatif d’une région. Ainsi, la fraîcheur du produit ne recouvre pas seulement une caractéristique de qualité (Verbatim 11 et 13). Le plaisir sensoriel éprouvé lors de la dégustation du produit n’est alors plus seulement suscité par les sens, mais aussi par la signification donnée par le produit. Les émotions ressenties paraissent décuplées et participent à rendre une expérience touristique mémorable.

14D’autres répondants mettent l’accent sur la recherche de la garantie du goût du produit par la sélection de l’artisan ou bien à travers la prise en compte de labels lui permettant de s’assurer de la dégustation de ce qu’il y a de meilleur dans cette région (Verbatim 7). Pour s’assurer que ces émotions soient positives et qu’elles vont contribuer à la création d’une expérience mémorable, la caution d’une marque permet de limiter le risque de déception. La marque ou le label signalent que l’expérience gustative sera au rendez-vous et à la hauteur des attentes, voire même créer la surprise ce qui va accentuer les émotions positives (Verbatim 2). Ces émotions peuvent donc être alimentées par la découverte d’un produit nouveau qui donne une dimension exceptionnelle à l’expérience vécue avec le produit alimentaire. La surprise via une innovation par exemple peut exister et devenir mémorable au sens de Pine et Gilmore (1998). Cela rejoint d’ailleurs Flacandi (2015) qui précisait que dans le cadre d’expériences vécues identiques, la venue d’un élément pouvait rendre l’expérience mémorable (Verbatim 2). Le produit emblématique devient dès lors indissociable du cadre dans lequel il est dégusté et c’est cet environnement autour du produit qui va contribuer à enrichir l’expérience touristique jusqu’à la rendre mémorable. C’est en ce sens que le produit alimentaire emblématique apparaît, selon nous, comme un marqueur mémoriel. En effet, lors de nos entretiens il nous a semblé intéressant d’interroger nos répondants, a contrario, c’est-à-dire sur une expérience malheureuse avec un produit alimentaire emblématique d’une région. À l’origine de cette question nous pensions davantage au fait d’avoir été rendu malade par l’ingestion du produit mais en définitive, les réponses se sont orientées sur l’absence de produit lors du séjour, ce qui nous a amené à les laisser s’exprimer sur les ressentis d’une absence supposée du produit emblématique lors d’un séjour, ceci afin d’évaluer la valence des émotions que cela provoquerait (Tableau 5). Il ne s’agit que de ressentis supposés par la majorité de nos répondants, puisque, à l’exception d’une personne de notre échantillon, aucune n’a vécu l’expérience malheureuse d’une absence de produit emblématique pendant leur séjour. Néanmoins, les verbatim témoignent de l’importance que revêtent certaines spécialités propres à une région ou un pays dans l’expérience touristique chez les individus. En effet, en matière alimentaire, les attentes formulées par les individus sont d’ordre sensoriel, liées aux sensations de la dégustation, et d’ordre hédonique, liées au plaisir attendu dans la consommation du produit. Ces deux types d’attentes engendrent des réactions internes : cognitives pour les attentes sensorielles, affectives pour les attentes hédoniques (Salvador, 2009). Dès lors, la non réalisation d’une attente hédonique est à même de créer des émotions qui se sont traduites par des mots forts chez nos répondants : frustration, manque, goût d’inachevé.

Tableau 5

Ressentis d’une absence supposée du produit emblématique lors d’un séjour

« Ça m’aurait fait suer, car tu vas passer une semaine sur le bassin d’Arcachon et tu arrives et on te dit les huîtres sont impropres à la consommation, ça aurait gâché mes vacances. Je n’y vais pas que pour ça, mais ça fait partie du package. C’est comme aller au ski et il n’y a pas de neige ».
(D. 51 ans)
« Ah là, déjà je serai déçue, vraiment. Ça constituerait un manque, un goût d’inachevé ».
(L. 35 ans)
« Pas de tartiflette tu vois, c’est moins fort, car tu peux en faire chez toi. C’est comme aller dans le Gers et on te dit que les canards sont malades, c’est frustrant… comme pas de bière en Belgique (rire) y’a quand même des pays ou des régions que tu associes à un met et c’est important ».
(P. 40 ans)
« Oh la la, oui, je me souviens… c’était pour la fête de la cerise à Venasque. On avait tout prévu pour un super week-end en Provence à Venasque au moment de la fête… et en fait on s’est trompé de date ! Quand on est arrivé, qu’est ce que je m’en suis voulue ! J’ai été vraiment déçue…(…) J’ai trouvé d’autres compensations, mais bon, c’était gâché quand même quelque part ».
(L. 40 ans)
« Impossible à imaginer. J’aurais été trop frustrée, vraiment… car tu vas là-bas pour ça, c’est la ballade du week-end quand tu descends dans le sud du pays ! Pour manger des crabes au poivre ! »
(M. 45 ans)

Ressentis d’une absence supposée du produit emblématique lors d’un séjour

15Ces premiers résultats exploratoires soulignent à la fois l’importance des émotions gustatives vécues dans la création d’une expérience touristique mémorable mais également la manière dont ces émotions se créent. Les expériences mémorables ne s’expliquent pas par les seules sensations sensorielles générées lors de la dégustation du produit. L’analyse de nos verbatim souligne la place de la signification symbolique que l’individu donne au produit emblématique, portée par l’environnement extérieur dans lequel le produit trouve son origine. En définitive, le plaisir sensoriel s’enrichit d’une signification symbolique, donnant en quelque sorte, un goût à l’authenticité. En ce sens, nous rejoignons la suggestion de Sthapit (2019) à propos de l’échelle de mesure de Kim et al. (2012) devant s’enrichir d’une dimension liée aux expériences gustatives, cette dimension devant inclure selon nous la signification symbolique du plaisir sensoriel éprouvé.

4.2 – La perception de l’authenticité de l’expérience

16L’authenticité est, selon nous, une caractéristique susceptible de constituer pour les individus le signe d’une expérience mémorable au sens de De Freitas Coelho et al. (2018). Cela rejoint d’ailleurs l’étude récente de Salvador (2018) sur les produits locaux et la manière dont ils participent à l’authenticité de l’expérience touristique (Verbatim 16). Cette authenticité perçue devient aux yeux du répondant un élément majeur, une richesse constitutive de la nature du souvenir de l’expérience (Flacandi, 2015). L’authenticité de l’expérience étant fonction de l’authenticité de l’objet consommé, elle reste néanmoins relative (Cohen, 1988) et contextuellement déterminée (Salamone, 1997). Elle est constructive selon Wang (1999) dans le sens où elle est le résultat de constructions individuelles et sociales et qu’elle dépend du contexte spatial. Elle résulte donc d’interprétations de la réalité sur la base des projections des consommateurs sur les objets. D’une manière générale, l’individu va sélectionner des indices attachés au produit ou à son environnement (Beverland et Farrelly, 2010) pour apprécier l’authenticité de ce dernier (Verbatim 13). L’authenticité est ainsi capturée par des indices, comme voir le produit à la descente du bateau, ou des icônes, comme un label (Grayson et Martinec, 2004). Mais le plus souvent, et c’est ce qui ressort des entretiens, le lieu de fabrication constitue le premier label du produit emblématique d’une région, comme l’illustre le verbatim 12 à propos du beurre Bordier. La faible distance psychologique perçue grâce à la proximité du produit avec son lieu de production soit à même d’engendrer des représentations mentales jouant un rôle dans l’activation des sens des individus et, de ce fait, puisse provoquer des émotions (Salvador, 2018). Dès lors, tout type de contact avec le producteur viendra accentuer cette proximité entre le produit et le touriste. De même, ce dernier verbatim met en avant le fait que cette authenticité peut venir alimenter le modèle des expériences créatives qui est constitué, selon Richards (2011) « des expériences participatives, authentiques, qui permettent aux touristes de développer leur potentiel créatif et leurs compétences à travers le contact avec des locaux et leur culture ». En effet, si ces expériences dans un contexte touristique permettent aux touristes de créer, concevoir, sélectionner et réfléchir leurs expériences créatives (Tan et al., 2013), force est de constater que les activités autour de la gastronomie locale participent à rendre une expérience de voyage teintée de créativité. Cette recherche d’expérience créative est susceptible d’être accentuée du fait de l’existence d’un produit emblématique en suscitant l’apprentissage de la culture locale et du contact avec la population du lieu. Ainsi, la perception de l’authenticité de l’expérience vécue constitue un élément de l’expérience touristique mémorable dans la mesure où la proximité perçue de l’individu avec son lieu de production, crée des émotions et favorise les interactions sociales (Salvador, 2018) qui vont favoriser le mécanisme de génération de souvenirs. Dès lors, cette authenticité, souvent recherchée par le touriste au travers de lieux ou d’activités, va être pensée en amont du séjour et le plus souvent planifiée.

4.3 – La planification de l’expérience avec le produit alimentaire emblématique comme élément d’une expérience touristique mémorable

17Cette recherche d’authenticité à travers un produit emblématique s’anticipe. En effet, les verbatim relevés soulignent l’importance de la planification, comme la littérature l’avait déjà souligné pour des activités comme la visite de musée ou de sites. Déguster un produit emblématique d’une région est planifié avec soin, souvent plusieurs jours à l’avance, et fait véritablement partie du séjour (Verbatim 20). Pour certains, les recherches en amont se font par Internet et semblent déterminantes dans la réussite de l’expérience à vivre avec le produit alimentaire emblématique une fois sur place, dans la mesure où s’il ne devait pas y avoir d’expérience avec ce dernier, la déception serait alors bien plus grande que si l’expérience n’avait pas été anticipée (Verbatim 19). Il s’agit non seulement de déguster le meilleur produit (dimension psychologique), mais également d’apprendre, d’enrichir ses connaissances (dimension culturelle) par l’intermédiaire du producteur (dimension relationnelle). Cela va dans le sens de ce que nous suggérions précédemment, à savoir l’influence des sources d’informations en amont du voyage sur la participation à l’expérience touristique mémorable. Si pour la plupart de nos répondants la planification se fait en amont du séjour, d’autres privilégient les informations récoltées une fois sur place, lors de contacts avec les locaux (Verbatim 15). Cette part « d’improvisation » lors du séjour donne une teinte d’authenticité supplémentaire selon nous qui va favoriser la caractéristique mémorable de l’expérience : l’individu participant à la co-construction de son expérience touristique, peut contribuer à la rendre mémorable du fait du flow (Csíkszentmihályi, 1975) que cette co-construction pourra produire sur lui.

4.4 – La MTE au prisme du produit alimentaire emblématique

18Notre étude apporte des éléments d’explications sur la manière dont les émotions gustatives participent à une expérience touristique mémorable. La joie éprouvée passe par la dégustation d’un produit dont la perception de la fraîcheur accentue les émotions, mais également par la signification symbolique donnée au produit emblématique du lieu par l’individu, participant en quelque sorte à donner « un goût » à l’authenticité. La marque ou le label constituent des indices de qualité et de réassurance, mais aussi de niveau d’attentes des émotions à vivre. La surprise gustative via la découverte d’un produit ou même d’une innovation attachée à celui-ci participe également à rendre l’expérience touristique mémorable, d’autant plus qu’elle sera perçue comme authentique par la proximité perçue avec le lieu de production. Enfin, la planification de ces expériences émerge de nos entretiens et apparaît comme un élément pouvant influencer le niveau d’attentes et de satisfaction des individus. Notre recherche permet ainsi d’apporter des précisions sur le processus de création d’une expérience touristique mémorable mis en lumière par la littérature.

19Dans le cadre de la planification de l’expérience, celle-ci débute par la prise de conscience et le recensement des produits emblématiques d’une région. Ensuite viennent la recherche et la sélection des artisans, produits, producteurs que le touriste souhaite intégrer dans la planification des expériences à vivre lors de son séjour touristique. L’expérience touristique devenant mémorable par la combinaison de trois éléments que sont l’ambiance, la socialisation et l’émotion (De Freitas et al., 2018), notre recherche précise dans quelle mesure le produit alimentaire emblématique peut jouer un rôle. Ainsi, la proximité perçue et vécue avec le produit et l’ambiance perçue parfois comme authentique participent à la mémorisation de l’expérience. De même, les sens activés par la dégustation du produit mais également la signification symbolique qui se dégage de celui-ci participent à nourrir la perception des émotions vécues qui contribuent à la réminiscence de l’expérience. En définitive, cette étude exploratoire identifie trois facteurs générés par le produit emblématique d’une région et entrant dans les dimensions de l’expérience touristique mémorable identifiées par la littérature (Figure 1).

Figure 1

Les dimensions de la MTE au prisme du produit alimentaire emblématique

Figure 1

Les dimensions de la MTE au prisme du produit alimentaire emblématique

Conclusion

20On est désormais dans une « économie de l’expérience » où le tourisme s’organise afin de répondre « aux besoins d’authenticité des touristes avides de dépaysement, d’ambiance et d’exotismes folkloriques » (Lipovestsky, 2006, p. 58). D’autant plus que « les expériences doivent être conçues de manière à être authentiques et naturelles » (Smith et Hanover, 2016). Cette première étude exploratoire tend à montrer que les produits alimentaires emblématiques d’une région correspondent à cette argumentation. Pouvant constituer des marqueurs mémoriels, les produits alimentaires emblématiques recouvrent des caractéristiques de typicité, c’est-à-dire d’authenticité, empreinte d’histoire et de savoir-faire, acquise avec le temps et dont l’absence lors d’un séjour touristique engendre des sentiments de frustration et de manque qui provoquent une réelle déception. Comme toute recherche scientifique, cette étude présente des limites. Le caractère exploratoire ainsi que l’échantillon restreint retenu, même si la saturation sémantique ait été constatée par les deux codeurs lors des derniers entretiens, invitent à compléter cette étude. S’il convient d’approfondir ces résultats et les vérifier à travers une étude confirmatoire de type quantitatif, cette recherche ouvre à notre sens des perspectives intéressantes à creuser, notamment la place de la planification de l’expérience et le poids de sa non réalisation dans la création d’une MTE. De même, nous avons suggéré quelques pistes d’améliorations de l’échelle de Kim et al. (2012). Un autre axe de recherche pourrait être celui de l’influence des réseaux sociaux, blogs et autres influenceurs sur la co-construction d’une expérience touristique mémorable. En effet, la contribution des influenceurs ainsi que le contenu généré par les touristes eux-mêmes pour évoquer le vécu d’une MTE permet d’envisager l’idée d’une MTE co-créée dont la mise en récit est alimentée par plusieurs sources et parties prenantes complémentaires. Les réseaux sociaux sont désormais incontournables pour toucher les « food lovers » qui sont des adeptes des photos de plats et de produits alimentaires postés sur Instagram avec une consommation de quatre fois plus de contenus que les utilisateurs moyens (Digimind, 2018). D’après cette étude, 27 % des internautes se rendant sur Instagram partagent du contenu Food et 38 % en visionnent. Il s’agit donc d’un marché très porteur et qui fait constamment de nouveaux adeptes. D’autres recherches pourraient également se focaliser sur la perception et l’attribution au produit du caractère emblématique. Car si cette caractéristique trouve le plus souvent des fondements historiques et traditionnels, de nouveaux produits régionaux peuvent devenir emblématiques, comme certaines bières artisanales par exemple. Les déterminants de la typicalité des produits emblématiques pourraient donc être étudiés, dans la lignée des travaux de Bessière et Mognard (2012) sur l’innovation patrimoniale alimentaire. On peut dès lors émettre l’hypothèse de l’intérêt de la prise en compte du produit alimentaire emblématique d’une région lors de campagnes de promotion touristiques dans la mesure où une telle communication est susceptible d’activer chez les individus des réminiscences d’émotions gustatives et de perceptions de l’authenticité de l’expérience. Car les produits emblématiques constituent selon nous, des outils puissants de promotion et de valorisation des régions ou des pays sur le plan touristique, voire de fidélisation, les souvenirs liés à l’alimentation pouvant rendre les touristes émotionnellement attachés au lieu. Ceci ouvre la voie à l’étude de l’ensemble du processus d’une MTE au prisme du produit alimentaire emblématique afin d’en souligner l’influence sur les différentes phases de l’expérience touristique, avant, pendant et après.

Bibliographie

Bibliographie

  • ARNOULD E.J. et PRICE L. (1993), “River Magic : Extraordinary Experience and the Extended Service Encounter”, Journal of Consumer Research, vol. 20, p. 24-45.
  • ARSENEAULT P. et BELLEROSE P. (2016), « Dix tendances touristiques à l’aube de 2020 », Chaire de tourisme Transat ESG Université du Québec UQAM, https://chairedetourisme.uqam.ca/upload/files/10_tendances_tourisme_horizon_2020.pdf
  • BESSIÈRE J., MOGNARD E., TIBÈRE L. (2016), « Tourisme et expérience alimentaire, le cas du Sud-Ouest français », Teoros, 35, 2.
  • BESSIERE J. et MOGNARD E. (2012), « Sources et conditions d’émergence de l’innovation patrimoniale alimentaire », in Innovation et patrimoine alimentaire en espace rural, cood. Bessière J., ed Quae, Paris.
  • BESSIS R., LENEUF N. et FOURNIOUX J.C. (1994), "The bases of the typical traits of wines : grapevine cultivars and ‘terroirs’", Pour la science, Issue 203, p. 48-55.
  • BEVERLAND M.B. et FARRELY F.J. (2010), “The quest of authenticity in consumption : consumers’purposive choice of authentic cues to shape experienced outcomes”, Journal of Consumer Research, 36, 5, p. 838-56.
  • CARU A. et COVA B. (2003), « Approche empirique de l’immersion dans l’expérience de consommation : les opérations d’appropriation », Recherche et applications en marketing, 18, 2, p. 47-65.
  • CHIVA M. (1996), « Emotions et pratiques alimentaires : approches psychosociologiques du plaisir », le mangeur-ocha.com.
  • COHEN E. (1988), “Authenticity and commoditization in tourism”, Journal of Tourism Research, 15, p. 269-290.
  • CONWAY M. A., ANDERSON S.J., LARSEN S.F., DONNELLY C.M., MCDANIEL M.A., MCCLELLAND A.G. et LOGIE R.H. (1994), “The Formation of Flashbulb Memories”, Memory and Cognition, 22(3), p. 326-343.
  • CSIKSZENTMIHALYI M. (1975), Beyond boredom and anxiety of work, Jossey-Bass, San Franscisco, CA.
  • DE FREITAS C.M., DE SEVILHA GOSLIN M. et ARAUJO DE ALMEIDA A.S. (2018), “Tourism experiences : Core processes of memorable trips”, Journal of Hospitality and Tourism Management, 37, p. 11-22.
  • DERBAIX C. et FILSER M. (2011), L’affectif dans les comportements d’achat et de consommation, Economica, Paris.
  • DERBAIX C. et VANHAMME J. (2003), “Inducing word-of-mouth by eliciting surprise-a pilot Investigation”, Journal of Economic Psychology, 24(1), p. 99-116.
  • DIGIMIND (2018), « Le marché Food & Drink en France sur les médias sociaux : tendances, insights consommateurs », https://landing.digimind.com/le-marche-food-et-drink-france-sur-les-medias-sociaux
  • EL EUCH MAALEJ M., SALVADOR M., BENZI M. et BEGUET M. (2019), “Luxury timeless : What Drives the Purchase of Iconic Products ?”, International Conference Marketing Trends, Venice, January 17-19.
  • FISCHLER C. (1999), L’homnivore, O. Jacob, Paris. FLACANDI M. (2015), « Du souvenir de l’expérience à la relation à l’enseigne : une exploration théorique et méthodologique dans le domaine du commerce de détail », thèse de doctorat, université de Bourgogne, Cermab, 9 décembre.
  • GRAYSON K. et MARTINEC R. (2004), “Consumer perceptions of iconicity and indexicality and their influence on assessments of authentic market offerings”, Journal of Consumer Research, 3&1, p. 296-312.
  • HETZEL P. (2002), Planète conso : marketing expérientiel et nouveaux univers de consommation, Editions l’organisation, Paris.
  • IHAMAKI P. (2012), “Geocachers : The creative tourism experience”, Journal of Hospitality and Tourism Technology, 3(3), p. 152-175.
  • KIM J.H. et RITCHIE J.R.B. (2014), “Cross-cultural validation of a memorable tourism experience scale (MTES)”, Journal of Travel Research, 53(3), pp. 323-335.
  • KIM J.H. (2014), “The antecedents of memorable tourism experiences : The development of a scale to measure the destination attributes associated with memorable experiences”, Tourism Management, 44, p. 34-45.
  • KIM J.H., RITCHIE J.R.B. et MCCORMICK B. (2012), “Development of a scale to measure memorable tourism experiences”, Journal of Travel Research, 51(1), p. 12-25.
  • LIPOVETSKY G. (2006), Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d’hyperconsommation, Collection « Folio essais » (n° 512), Gallimard.
  • LORENZETTI R. et LUGLI L. (2012), “Sharing autobiographical memories : Effects of arousal and memory”, Studies in Communication Sciences, 12, p. 53-57.
  • MCCABE S. et FOSTER C. (2006), “The role and function of narrative in tourist interaction”, Tourism and Cultural Change, 4, pp. 194-215.
  • MACKENZIE S.H. et KERR J.H. (2013), “Stress and emotions at work : An adventure tourism guide’s experiences”, Tourism Management, 36, p. 2-14.
  • MAC LEOD P. (1993), La gourmandise. Délices d’un péché, Autrement, Coll. Mutations/Mangeurs n° 140, Paris.
  • MAK A., LUMBERS M., EVES A. et CHANG R. (2012), “Factors influencing tourist food consumption”, International Journal of Hospitality Management, 31, p. 928-936.
  • MERDJI M. (2002), L’imaginaire du dégoût : une approche anthropologique de l’univers émotionnel de l’alimentation, Thèse en Sciences de Gestion, Université Paris 9 Dauphine.
  • MILES M.B. et HUBERMAN A.M. (1994), Qualitative Data Analysis (2nd edition), Thousand Oaks, CA : Sage Publications.
  • MORGAN M. (2010), “The experience economy : 10 years on : Where next for experience management ? ». In M. Morgan, P. Lugosi & J.R. Brent Ritchie (Orgs) (Eds.), The tourism and leisure experience, pp. 63-77. Bristol : Channel View Publications.
  • OMT (2012), Global report on Food Tourism, OMT Publicaciones, Madrid.
  • PASSEBOIS-DUCROS J., TRINQUECOSTE J.-F. et VIOT C. (2012), « De l’influence du jugement de typicalité des étiquettes sur le jugement de typicité d’un vin : une application aux vins de bordeaux », 11e conférence Marketing Trends.
  • PEIRCE C.S. (1998), Collected Papers of Charles Sanders Peirce, ed. Charles Hartshorne. Paul Weiss, and Arthur Blank, 8 vols., Bristol : Thoemmes.
  • PINE B.J. et GILMORE J.H. (1998), “Welcome to the experience economy”, Harvard Business Review, p. 97-105.
  • QUAN S. et WANG N. (2004), “Towards a structural model of the tourist experience : An illustration from food experiences in tourism”, Tourism Management, 25, p. 297-305.
  • RICHARDS G. (2011), “Creativity and Tourism : The state of art”, Annals of Tourism Research, (38), p. 1225-1253.
  • SALAMONE F.A. (1997), “Authenticity in tourism : The San Angels Inns”, Annals of Tourism Research, 24, p. 305-321.
  • SALVADOR M. (2009), Mode de Fabrication marque et goût perçu du produit alimentaire : une analyse par les représentations mentales et la congruence, Thèse en Sciences de Gestion, Université de Bourgogne, 4 décembre.
  • SALVADOR M. (2018), « Les produits alimentaires locaux, des éléments de l’authenticité de l’expérience touristique », Management & Avenir, 104, p. 57-78.
  • SALVADOR M. (2012), « Tourisme culinaire et valorisation des produits artisanaux : vers un tourisme durable », Management & Avenir, 56, p. 114-133.
  • SERVIDIO R. et RUFFOLO I. (2016), “Exploring the relationship between emotions and memorable tourism experiences through narratives”, Tourism Management Perspectives, 20, p. 151-160.
  • SMITH K. et HANOVER D. (2016), Experiential Marketing : Secrets, Strategies, and Success Stories from the World’s Greatest Brands, New Jersey, USA : Wiley.
  • STHAPIT E. (2017), “Exploring tourists’ memorable food experiences : a study of visitors to Santa’s official hometown”, An International Journal of Tourism and Hospitality Research, vol. 28, Issue 3, p. 404-421.
  • STHAPIT E. (2019), “Memories of gastronomic experiences, savoured positive emotions and savouring processes”, Scandinavian Journal of Hospitality and Tourism, March, vol 19, Issue 2, p. 115-139.
  • SUTIN A.R. et ROBINS R.W. (2007), “Phenomenology of Autobiographical Memories : The Memory Experiences Questionnaire”, Memory, 15(4), p. 390-411.
  • TAN S.K., KUNG S.F. et LUH D.B. (2013), “A model of ‘creative experience’ in creative Tourism”, Annals of Tourism Research, 41, p. 153-174.
  • TUNG V.W.S., LIN P., QIU ZHANG H. et ZHAO A. (2016), “A framework of memory management and tourism experiences”, Journal of Travel & Tourism Marketing, 0(0), pp. 1-14.
  • TUNG V.W.S. et RITCHIE J.R.B. (2011a), "Exploring the essence of memorable tourism experiences”, Annals of Tourism Research, 38, p. 1367-1386.
  • TUNG V.W.S. et RITCHIE J.R.B. (2011b), “Investigating the memorable experiences of the senior travel market : An examination of the reminiscence bump”, Journal of Travel & Tourism Marketing, 28, p. 331-343.
  • VIGNOLLES A. et PAUL-EMMANUEL P. (2014), “A taste of nostalgia : Links between nostalgia and food consumption”, Qualitative Market Research : An International Journal, 17, p. 225-238.
  • WANG N. (1999), “Rethinking authenticity in tourism experience”, Annals of Tourism Research, Vol. 26, No. 2, p. 349-370.
  • ZAUBERMAN G., RATNER R.K. et KIM B.K. (2009), “Memories as Assets : Strategic Memory Protection in Choice over Time”, Journal of Consumer Research, 35(5), p. 715-728.

Notes

  • [1]
    Ce mécanisme illustre le fait que certains objets ou odeurs sont susceptibles de rappeler des souvenirs, mais surtout que le passé peut redevenir présent et donc que l’individu peut agir sur le temps en rompant la dichotomie entre passé et présent.
  • [2]
    Le storytelling, en tant que technique de communication, consiste en la narration ou la mise en récit des valeurs d’une marque par l’imaginaire et le symbolique.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.174

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions