Notes
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ObSoCo (2013), Observatoire des consommations émergentes, Vague 2.
1 – Introduction
1En France, la dissociation de l’accès et de la propriété progresse dans l’opinion publique et 83 % des Français adhérent à l’idée qu’il est plus important de pouvoir utiliser un produit que de le posséder (ObSoCo, 2013) [1]. Le partage (Belk, 2007 ; 2010), qui englobe emprunt et achat partagé, est l’une des formes d’accès les plus étudiées en marketing. Plus récemment, la location via des plateformes Internet est venue enrichir les possibilités d’accès (Bardhi et Eckhardt, 2012), bouleversant ainsi le rapport aux objets. Dans l’univers du luxe, les sites de location de vêtements et d’accessoires prospèrent ainsi, ciblant principalement les femmes (e.g. Une robe un soir, Ma Bonne Amie, Panoply City, Les Cachotières).
2La multiplication des possibilités d’accès remet en question la construction marketing autour des modèles basés sur la possession (Eckhardt et Bardhi, 2015). Pourtant, la littérature marketing n’a pas encore développé de cadres conceptuels théoriques présentant les schémas de partage comme étant différents des modalités traditionnelles de possession (Lamberton et Rose, 2012). Ce n’est que très récemment que la revue Journal of the Association of Consumer Research (2016) y consacre un numéro spécial en mettant l’accent sur le besoin de plus de théorie et de recherches autour des questions de la possession. Au niveau du consommateur, l’exploration du rapport aux objets dans un contexte d’accès s’avère également nécessaire. Pour Herbert et Collin-Lachaud (2016), la possession est l’un des quatre concepts-clés que l’accès interroge. Il s’agit de discuter de la non-possession des objets par les consommateurs dans la vie moderne et plus globalement de l’attachement des individus aux objets dans un monde contemporain digitalisé. Plusieurs questions méritent d’être étudiées, comme la façon dont la substitution entre accès et possession se fait (Schaefers et al., 2016), le sens que prend la propriété dans une logique d’usage (Dabadie et Robert-Demontront, 2016) ou encore la multiplicité des trajectoires selon les profils de consommateurs (Peugeot et al., 2015).
3Dans une période de construction ou de consolidation identitaire que représentent l’adolescence et le début de l’âge adulte, l’apparence est primordiale (Erikson, 1963), surtout quand elle est valorisée par la société (Lipovetski, 1983), par exemple à travers les bloggeuses ou les stars qui appellent à la consommation ostentatoire. Cela peut créer un attrait pour la possession de produits de mode. Les jeunes filles ont pourtant pris pour habitude de porter des vêtements qui ne leur appartiennent pas, elles échangent des vêtements (Lurie, 1981) ou partagent un achat avec des pairs (Belk, 2007). Ce partage commence dans l’enfance et donne aux jeunes l’impression d’avoir une plus grande garde-robe à un coût limité (Belk, 2007). Pour les adolescentes, le partage de vêtements correspond à une expérience collective forte qui leur permet d’affirmer et de consolider leur relation au sein des groupes de pairs (Gentina, 2014). Mais l’intérêt pour la possession subsiste et peut même s’exacerber lorsqu’il s’agit de vêtements ou d’accessoires de luxe. Ces derniers sont en effet au carrefour d’enjeux identitaires, de statut social et de style de vie (Seo et Buchanan-Oliver, 2017). La question de la possession des vêtements et accessoires de luxe dans les modèles d’accès s’avère ainsi importante à étudier. Le double constat d’une part des enjeux propres à l’univers du luxe et d’autre part de la multiplication des formes d’accès à des vêtements et accessoires dans ce secteur (Chandon et al., 2017 ; Eckhardt et al., 2015) permet de dresser le cadre de cette recherche. L’objectif de ce travail est donc de voir si les alternatives à la propriété exclusive (i.e. emprunt, location et achat partagé) de produits de mode, haut de gamme et luxe chez les jeunes femmes et adolescentes interrogent la question de la possession : comment cette population appréhende-t-elle les vêtements et accessoires de luxe en accès par rapport à ceux possédés exclusivement ? Et comment cela impacte-t-il le rapport à soi et aux autres ?
2 – Revue de littérature
4La revue de littérature s’articule autour de deux points et donne un éclairage sur la place que la possession prend chez le consommateur de façon générale puis dans le cas spécifique des produits de luxe.
2.1 – Le rapport à la possession : entre centralité et prise de distance
5Dès l’enfance, dans nos sociétés occidentales, les individus apprennent le sens de la propriété (Floyd, 2016) au sein de leur famille (Belk, 2007). La possession est souvent appréhendée avec le prisme du matérialisme. Conceptualisé comme un trait de personnalité (Belk, 1985) puis comme une valeur (Richins et Dawson, 1992 ; Burroughs et Rindfleisch, 2002 ; Richins, 2004), le matérialisme désigne l’importance que le consommateur peut attacher aux possessions temporelles (Belk, 1985 ; Richins et Dawson, 1992). Peu d’études se sont penchées sur la construction du matérialisme chez les enfants (Chaplin et John, 2005). Leurs résultats montrent que le rapport aux possessions se construit dès l’enfance (Belk, 2007 ; Richins et Chaplin, 2015) et se renforce pendant l’adolescence (Chaplin et John, 2005 ; Schor, 2004 ; Chaplin et John, 2005 ; 2007), même si cette période peut également être synonyme de partage avec les pairs (Gentina, 2014). Le matérialisme s’atténue pour certains à la fin de l’adolescence (Chaplin et John, 2005 ; 2010). Certaines recherches réfutent cependant l’influence de l’âge sur le matérialisme (Chan, 2013).
6Le matérialisme se construit et se développe de façon innée et acquise à la fois. Certaines recherches en neurologie montrent que la part innée du matérialisme est indéniable, que ce dernier fait partie de l’ADN de l’être humain (Rochat et al., 2009) et qu’il peut s’expliquer par des raisons propres à l’individu comme une situation de pauvreté ou d’insécurité (e.g. Kasser et Sheldon, 2000). Un grand nombre de recherches considère cependant le matérialisme comme un construit culturel (Burroughs et Rindfleisch, 2012). Plusieurs d’entre elles montrent qu’il est acquis durant l’enfance sous l’influence des parents (Goodnow, 1992 ; Goldberg et al., 2003 ; Richins et Chaplin, 2015), en particulier la mère (Flouri, 1999) et peut se renforcer pendant l’adolescence sous l’influence des pairs (Chaplin et John, 2007). Ces interférences avec l’entourage qui alimentent le matérialisme de l’individu peuvent être confortées à l’échelle de la société. Les sociétés occidentales ont en effet en partie bâti leurs politiques de croissance économique sur le désir de posséder les objets, faisant de la possession le fait le plus basique du comportement du consommateur (Belk, 1988). La consommation et le désir de possession sont fondamentaux dans l’idéologie capitaliste, ils nourrissent la vitalité économique et concrétisent une part importante de la façon dont le consommateur s’exprime (Bardhi et al., 2012 ; Richins, 2004 ; Shankar et al., 2006). Le modèle économique associé met l’accumulation au centre des motivations de consommation et donne du sens à l’existence par le biais de la profusion et l’abondance (Baudrillard, 1970). Quand une famille de quatre personnes possédait en moyenne 150 à 200 objets dans les années 1960, elle en possède aujourd’hui plus de 2000 (Habib, 2012).
7Le matérialisme exige des consommateurs de posséder de plus en plus d’objets et leur attribue un meilleur statut sur cette base (Snare, 1972). Le possesseur a souvent été élevé au rang de meilleur citoyen, meilleur voisin, voire meilleur parent (Durgee et O’Connor, 1995). Posséder permet de s’affirmer, se définir et se consolider (Chaplin et John, 2007). Pour différentes recherches anglo-saxonnes, le possesseur est également censé accéder à plus de bénéfices, de satisfaction et de bonheur (Belk, 1985 ; Hudders et Pandelaere, 2012 ; Richins et Dawson, 1992), point à nuancer dans la société française (Ladwein, 2005).
8Ainsi, dans le contexte capitaliste, historiquement, les possessions ont eu un statut central dans la vie du consommateur. Or, plusieurs recherches s’accordent à dire que l’arrivée de l’accès comme alternative de consommation et les changements socio-économiques actuels interrogent les paradigmes marketing basés sur la possession (Bardhi et al., 2012 ; Eckhardt et Bardhi, 2015) et remettent en question les hypothèses matérialistes de primauté de la possession (Chen, 2009). Pour certains, nous sommes en train d’entrer dans l’économie de la post-propriété (Belk, 2014) dans laquelle la possession est questionnée en tant qu’extension de soi (Belk, 1988) et d’expression ultime du désir du consommateur (Chen, 2009). L’accès permet d’alléger le fardeau que représente la propriété (Moeller et Wittkowski, 2010 ; Bardhi et al., 2012 ; Schaefers et al., 2016) et de générer la décision de réduire la possession (Schaefers et al., 2016). Il fait ainsi disparaître la possession à l’échelle de la société (Rifkin, 2005 ; Botsman et Rogers, 2011), le recours à un service basé sur l’accès remplaçant souvent l’usage d’un produit possédé. Parallèlement, plusieurs recherches sur le consommateur montrent qu’il se détache des possessions (Gonzalez et al., 2009 ; Özçağlar-Toulouse, 2009).
9La baisse de la centralité de la possession peut s’expliquer par la liquidité de la société actuelle (Bauman, 2007 ; 2013). Bardhi et al. (2012) identifient et construisent le concept de relation liquide vis-à-vis des possessions pour caractériser la façon détachée et flexible dont les élites contemporaines se lient aux objets en percevant leur usage comme plus important que leur possession. Sur cette base, il est possible d’admettre que nous assistons à la fin de la possession ou, tout du moins, à l’émergence d’une contre-culture de la non-possession (Dabadie et Robert-Demontront, 2016).
10Parallèlement à la liquidité de la société, plusieurs recherches montrent que donner un rôle prépondérant aux possessions tend à s’atténuer dans les sociétés les plus riches (Belk, 1985) et ne va pas de pair avec le bien-être du consommateur (Burroughs et Rindfleisch, 2002 ; Varey, 2010) ni de la planète (Speth, 2008). Beaucoup d’études reprises par Burroughs et Rindfleisch (2002) montrent que les individus très matérialistes sont moins heureux et moins satisfaits de leur vie et peuvent connaître des désordres psychologiques plus forts - que chez les individus moins matérialistes - ou nourrir des sentiments de solitude et d’isolement.
11Cependant, le détachement de la possession est contredit par certaines recherches récentes qui affirment que la possession reste centrale dans l’esprit du consommateur et que les nouveaux modèles ne modifient pas profondément le rapport à la propriété (Peugeot et al., 2015). Les situations d’accès sont transitoires et peuvent par exemple s’expliquer par un contexte économique et social difficile (Bardhi et Eckhardt, 2015) dont l’amélioration refait basculer le consommateur dans la possession (Bardhi et Eckhardt, 2012). Ainsi, même lorsqu’ils ont un sentiment de jouissance des produits sans réelle distinction entre l’usage et la possession, les consommateurs restent attachés à la possession (Herbert et Collin-Lachaud, 2016) qui demeure un idéal pour eux (Bardhi et Eckhardt, 2012).
2.2 – Le rapport à la possession dans le cas spécifique des produits de luxe
12À notre connaissance, les alternatives à la possession dans le cas spécifique du luxe sont peu explorées. Pourtant, Chandon et al. (2017) font le constat d’une floraison des sites d’accès aux produits/accessoires de luxe à travers le monde. Ils citent Sundarajan (2016) concernant l’intérêt de ces sites pour le consommateur et la facile rentabilisation du modèle, ainsi que Andjelic (2015) quant à la primauté de l’expérience sur la possession en matière de produits de luxe. Ils s’interrogent sur la disparition potentielle de la propriété dans le domaine du luxe et invitent les chercheurs à explorer le sujet. Parallèlement, Eckhardt et al. (2015) voient dans le développement des sites d’accès aux produits de luxe un bouleversement profond dans le secteur et un levier d’évolution vers un nouveau type de consommation.
13Jusque-là, comme le soutiennent Llamas et Thomsen (2016), la recherche sur le consommateur a traditionnellement associé le luxe à l’ostentation et l’a appréhendé comme un moyen pour les classes aisées de manifester leur richesse, leur pouvoir et leur statut. Les recherches prenant le luxe par le prisme de l’ostentation ne distinguent généralement pas le fait que le produit soit possédé ou pas ou font l’hypothèse implicite qu’il est possédé. Qu’en est-il alors du rapport à la possession ? Comme pour les autres produits, dans le cas spécifique des produits de luxe, la possession peut renforcer l’estime de soi et exprimer l’identité de l’individu (e.g. Belk, 1985 ; Eastman et al., 1997 ; Han et al., 2010 ; Vigneron et Johnson, 1999), même au-delà de sa mort (Kessous et al., 2017 ; prolongeant Bergadaà, 2005). Elle peut également impacter le statut. Bien que la prédominance du besoin de statut avancée par Veblen dès 1899 soit aujourd’hui relativisée ou associée uniquement à certaines situations et certains profils de consommateurs (Han et al., 2010), elle reste prééminente dans l’univers du luxe (Chandon et al., 2017). En matière de possession, les enjeux liés au statut peuvent être encore plus importants que pour les autres produits. La particularité du désir de possession d’un produit de luxe est en effet que la propriété est traditionnellement associée de façon systématique au statut que l’individu souhaite avoir à travers sa consommation (e.g. Han et al., 2010) et au prestige que lui procure l’objet possédé (Grossman et Shapiro, 1988).
14De façon générale, comme le rappellent Turunen et Leipämaa-Leskinen (2015), les possessions de produits de luxe peuvent répondre à trois fonctions : utilitaire, expérientielle et symbolique. La possession de produits de luxe peut également jouer le rôle de signal dans les relations avec les autres. À titre d’exemple, Wang et Griskevicius (2014) expliquent comment les femmes peuvent utiliser les produits de luxe qu’elles possèdent pour montrer aux autres femmes le niveau de dévouement de leur partenaire amoureux.
15Ainsi, la possession de produits de luxe renvoie à différents enjeux de statut et de symbolique, à l’échelle individuelle ou vis-à-vis du groupe. Cela pencherait pour une centralité de la possession encore plus forte que pour les autres catégories de produits, certains chercheurs ayant établi une corrélation entre le matérialisme et la recherche de statut (Eastman et al., 1997). Dans une étude effectuée auprès d’adolescents brésiliens, Gil et al. (2012) valident l’hypothèse de l’importance du matérialisme comme source de motivation à la consommation des produits de luxe. Parallèlement, Wiedmann et al. (2009) indiquent un niveau de matérialisme élevé au sein des consommateurs de produits de luxe. Il serait possible d’en déduire l’importance accordée aux possessions dans cet univers. Cette conclusion peut cependant être questionnée par deux recherches récentes. D’une part, dans le cadre du don, Llamas et Thomsen (2016) montrent que lorsque le possesseur donne un produit de luxe, son acte n’est plus synonyme de matérialisme et de possessions mais devient l’occasion de faire évoluer son identité par la transformation de la vie des autres. Les auteurs profitent de cette approche sociologiquement disruptive pour faire évoluer la définition du luxe. D’autre part, plus largement, Eckhardt et al. (2015), en soulignant la montée du phénomène émergeant de la consommation non-ostentatoire dans l’univers du luxe, mettent l’accent sur la possibilité pour le consommateur d’accéder au produit sans le posséder. Dans ce cas, ils estiment que ses motivations seront moins matérialistes et qu’il sera plutôt intéressé par le plaisir de jouir d’un moment de partage avec un groupe de personnes sensibles comme lui à la discrétion au détriment de l’ostentation.
3 – Méthodologie de la recherche
16Afin d’étudier comment les alternatives à la propriété de produits de mode, haut de gamme et luxe chez les adolescentes et jeunes adultes interrogent la question de la possession, une étude qualitative a été conduite sur les vêtements et accessoires. Ils ont un caractère hédonique, reflètent l’image de soi par rapport aux autres (Joubert et Stern, 2005) et constituent un marqueur social (Auty et Elliott, 2001). Pour les adolescentes en particulier, le développement de la personnalité impacte la consommation de vêtements (Marion, 2003 ; Muzinich et al., 2003) et des modifications de comportements peuvent être constatées à cette période. Néanmoins, l’attention donnée aux marques peut être importante et constituer un levier pour s’attacher davantage aux possessions lorsqu’il s’agit de produits à caractère ostentatoire. La relation au luxe et les motivations à consommer des produits ou services de luxe sont donc modifiées à l’adolescence et chez les jeunes adultes. Chez les adolescents (16-25 ans) le luxe permet de se conformer aux attentes des autres et offre un statut social alors que chez les 26-39 ans, il sert à exprimer une identité propre (Schade et al., 2015). D’autres travaux soulignent que les produits de luxe permettent d’exprimer son caractère unique (Bian et Forsythe, 2012), surtout chez les adolescents qui souhaitent se distinguer de leurs parents (Gil et al., 2012).
17Dix-huit entretiens individuels ont ainsi été réalisés auprès de neuf adolescentes et jeunes filles (16-25 ans) et de neuf jeunes adultes (26-39 ans) conformément aux tranches d’âge décrites dans le process de développement identitaire (Erikson 1963 ; repris par Schade et al., 2015). Chacune des femmes composant notre échantillon a déjà pratiqué une des trois formes d’accès au luxe étudiées : l’emprunt, la location ou l’achat partagé. La totalité des femmes interrogées ont déjà emprunté des vêtements/accessoires de luxe à leur maman, sœur ou amies, quatre ont déjà loué des vêtements de luxe et sept ont réalisé des achats groupés de vêtements ou accessoires de luxe. Parallèlement, elles ont toutes déjà porté des accessoires ou vêtements de luxe, dont neuf régulièrement.
4 – Résultats de la recherche
18L’analyse des entretiens montre que les configurations d’accès et de possession exclusive présentent à la fois des éléments invariants et des éléments de différenciation. Pour les femmes interrogées, trois points de similarité peuvent être observés entre l’accès et la possession exclusive : le bien-être, le choix offert et le fait de montrer aux autres la variété de ce que l’on a. À cet égard, que ce soit dans une configuration de possession exclusive ou d’accès, c’est porter les vêtements ou les accessoires qui semble l’élément moteur, la façon de se les procurer est secondaire. Hormis ces ressemblances, les formes d’accès et de possession exclusive donnent lieu à plusieurs points de différence qui seront mis en exergue dans la suite de ce papier. Ils se déclinent dans le rapport à soi et aux autres, aux objets et aux process.
4.1 – Le rapport à soi et aux autres
19Dans le rapport à soi, l’accès se distingue de la possession exclusive par la façon de projeter son identité. Comme pour la possession exclusive, les femmes interrogées n’acceptent de porter des vêtements ou accessoires de luxe empruntés que lorsqu’elles ressentent une cohérence ou une compatibilité avec ce qu’elles sont. Pour Inès (35 ans), si le produit ne lui correspond pas, elle ne peut pas le porter « c’est parce que ce n’est pas un objet qui me représente moi ». Parallèlement, certaines femmes pensent qu’il ne suffit pas de porter un produit pour changer d’identité. Un accessoire de luxe ne permet donc pas de devenir une autre comme nous l’indique Juliette (33 ans) « c’est pas parce que t’as un sac à main Lancel, Vuitton ou autre que t’es forcément… ». Cependant, l’accès se singularise par le fait qu’il peut permettre de vivre temporairement autrement son identité. Cela vaut pour des jeunes femmes qui y trouvent l’occasion de se glisser dans la peau d’une autre, comme Ecem (25 ans) avec l’emprunt d’une robe de soirée d’une cousine qu’elle affectionne. Il semblerait ici qu’avec l’âge, l’intensité d’un changement identitaire potentiel devienne plus faible.
20L’importance de la cohérence entre l’objet et l’identité implique que l’accès ne se conçoit que dans la similarité entre les acteurs, aussi bien sur un plan morphologique qu’au niveau des goûts et des styles. Dans le cas spécifique de l’achat partagé, cette contrainte de similarité est inhérente à la nature de l’accès. Une fois le frein de la similarité levé, l’accès va se baser sur une bonne relation avec les autres qui ne pose pas question dans le cadre d’une possession exclusive. Lors d’emprunts, la qualité de la relation repose souvent sur le besoin de réciprocité. Marie (21 ans) précise par exemple que « je le vois plus comme un échange que comme un prêt ou un emprunt, je pense. Enfin c’est… ça circule… ». Et lorsqu’on élargit à tous les cas d’accès, la relation doit obligatoirement s’appuyer sur la confiance.
21Une fois le préalable de confiance assuré, l’accès aura incontestablement des conséquences sur le degré d’attention donnée aux produits portés. Les jeunes femmes interrogées pointent l’importance de faire attention à ce qui n’est pas à elles. Ce niveau d’attention, plus fort que dans le cadre d’un produit possédé, peut générer un certain stress chez les femmes pourtant habituées à l’accès. Ce stress va varier en fonction de la valeur du produit, du profil du possesseur et du caractère de l’emprunteur ou du loueur. D’abord, le stress augmente avec la valeur du produit. Cela s’applique naturellement pour les tenues de soirée et les vêtements de luxe. Inès (35 ans) n’a par exemple jamais voulu emprunter une robe de soirée par peur de l’abîmer « je n’ai jamais demandé à ce qu’on me prête une robe de soirée, ou quelque chose comme ça, parce que j’aurais trop peur en fait et donc je n’aurais plus ce plaisir de porter la robe par peur de salir, déchirer… ». Anne (19 ans) exprime le même malaise en le justifiant, quant à elle, par le prix du vêtement de luxe « … je serais pas très bien toute la soirée parce que en fait… quand je porte quelque chose de grande marque, j’ai l’impression d’avoir dans la tête le prix qui revient, revient, revient, revient, et du coup je fais extrêmement attention à tous mes gestes, mouvements, où je m’assois et voilà quoi, je suis pas très bien toute la soirée… je suis un peu mal à l’aise quoi ». En définitive, ce stress fait que les vêtements de luxe sont en général moins portés en accès que des vêtements plus ordinaires. Ensuite, le stress est d’autant plus important que l’on pense que le possesseur attache de l’importance au produit qu’il prête. Enfin, le stress peut être plus fort pour certaines personnes ayant un tempérament naturellement stressé. Il en est ainsi pour Emilie (35 ans) qui est très nerveuse d’emprunter parce qu’elle a constamment peur d’abîmer le vêtement ou que ses enfants l’abîment. Elle a déjà vécu une expérience négative lors du prêt d’un sac de luxe par une amie en se rendant compte après l’avoir utilisé qu’il y avait une très légère rayure. L’amie avait beau la rassurer, elle se sentait très mal à l’aise « J’ai failli lui racheter, j’étais mal, mal, mal elle m’a dit : « mais je t’assure ça y était avant, déstresse » et tout ça, tu vois je suis traumatisée par ça… J’ai toujours la peur d’abîmer ». Emilie se sent tellement gênée qu’elle peut emprunter un produit sans finalement l’utiliser comme elle le raconte pour des accessoires de luxe empruntés pour un mariage mais jamais portés. Chez les femmes qui n’ont jamais loué, l’argument de la peur d’abimer est régulièrement évoqué. À l’inverse, certaines personnes n’ont pas tendance à stresser, elles déclarent faire plus attention parce que le produit ne leur appartient pas mais cela ne devient pas une souffrance pour elles, même lorsqu’il s’agit d’un vêtement de luxe. C’est le cas de Marie (21 ans) qui explique qu’elle ferait « vraiment plus attention si c’était pas à moi, mais… Sans non plus le stress quoi. »
22L’accès est également considéré comme un vecteur de lien social. Les femmes parlent de la dimension ludique et du plaisir qu’elles ont à emprunter avec des amies ou de la famille. Amandine (32 ans) décrit le système de mise en commun au sein de sa famille. Mère, tantes, sœurs et cousines déposent toutes au sein du grenier de la maison familiale les robes de cocktail et de soirée ainsi que les accessoires possédés. Les pièces sont ainsi mises à disposition de chacune qui peut les emprunter dès qu’elle en a besoin. Cette création ou consolidation de lien social est propre à l’accès entre personnes qui se connaissent. Elle peut conduire à la valorisation de l’emprunt par rapport à la location.
4.2 – Le rapport aux objets
23Les jeunes femmes interrogées nous dévoilent plusieurs raisons pour lesquelles la possession exclusive de vêtements/accessoires de luxe est importante à leurs yeux. Une première est que la possession exclusive est un support de satisfaction. Bien plus que pour d’autres types de produits, la volonté de possession est vécue comme une récompense. Isabelle (35 ans) dresse un parallèle entre la valeur de l’objet et l’effort consenti « c’est à toi, ça peut être une victoire entre guillemets si c’est un objet de valeur, ça veut dire que t’as assez travaillé pour t’offrir ça donc il y a un côté récompense ». Dans le cas des plus jeunes, comme Mélodie (16 ans), la satisfaction à posséder un objet de luxe représente une preuve de sa capacité à économiser « Si moi j’ai économisé pour l’avoir bah j’verrais pas pourquoi j’me l’achèterais pas, de mon propre argent ». Le désir d’avoir des belles pièces est un autre ressort de la possession et peut résulter de l’occasion pour laquelle elles ont été achetées. Ainsi Juliette (33 ans), qui parle souvent de sa volonté de se procurer de « belles pièces » qu’elle pourra remettre, aime acquérir pour un événement particulier un objet de valeur « pour les mariages, j’aime bien casser ma tirelire et m’acheter vraiment un beau truc ». Enfin, le désir de possession peut s’expliquer par l’envie de conserver le produit et d’en jouir à volonté. Pour Bianca (23 ans), un produit de luxe symbolise la beauté et le bien-être, elle veut pouvoir en avoir un usage illimité et l’accès ne serait donc pas envisageable pour elle.
24À l’inverse, la possession exclusive peut perdre son sens si le vêtement n’est porté qu’une seule fois. Cette situation peut conduire à un emprunt ou à la location. Juliane (24 ans) nous explique ainsi qu’elle privilégie la location « Parce que moi du coup j’ai trouvé cette solution… là il va y avoir la saison des mariages et si je trouve ce que je veux sur le site… ». L’utilisation de l’objet est ici liée à une occasion, un laps de temps précis où il faut être en mesure de porter une belle pièce mais en aucun cas à une récompense ou une fierté. La possession exclusive n’est donc pas nécessaire.
25Lors des entretiens, la notion d’appropriation est apparue de manière récurrente et spontanée dans le discours de nos répondantes. Pour les vêtements en général, les femmes différencient l’accès et la possession non sur leur capacité d’appropriation de l’objet (parfois source de stress cf. supra) mais sur la durée d’usage de l’objet. Certaines considèrent que posséder ou avoir accès à un objet c’est similaire pendant l’usage, « Je l’avais adoptée vraiment en fait pour la soirée » (Ecem - 25 ans). C’est juste la logistique qui est différente. Toutes les participantes qui empruntent ou louent des vêtements ou accessoires sont conscientes que cette appropriation, même si elle se passe le plus souvent très bien, est limitée dans la durée. Elles jouissent ainsi pleinement du produit sur une durée déterminée « Je me dis l’emprunt quelque part c’est posséder ce qu’on n’a pas, puisque ça reste un emprunt si on le rend » (Maëlle - 22 ans). Le niveau d’appropriation se révèle différent dans le cas du luxe. Certaines femmes préfèrent ne pas emprunter de peur de ne pas s’approprier le produit. Un trop grand stress rend l’appropriation impossible. Jade (16 ans) explique par exemple qu’elle n’empruntera jamais les pièces de luxe de sa mère « c’est un peu sacré ». Ce manque d’appropriation empêche la démarche-même d’emprunter ou louer. Dans le cas particulier de la location, un autre frein apparaît autour de la caution qui accroît le coût perçu de cette transaction comme l’évoque Emilie (35 ans) « si je l’abîme euh… en plus ça me coûte encore plus tu vois. Donc ça va me coûter trop cher ».
4.3 – Le rapport au process
26Lorsque les différentes possibilités de porter un vêtement ou un accessoire sont évoquées avec nos répondantes, une grande majorité parle du plaisir procuré par l’acte d’achat exclusif ou partagé lui-même, plaisir qu’elles ne retrouvent pas dans l’emprunt ou la location. L’achat en tant qu’étape naturelle préalable à la possession apparaît comme un levier favorisant pour cette dernière, ce qui est exacerbé dans le domaine du luxe. Acheter joue positivement sur le moral. Maud (30 ans) évoque ainsi l’intention particulière qu’elle peut alors recevoir de la part des vendeurs « c’est un énorme kif (…) tu te fais lécher les bottes et c’est énorme » et qu’elle ne pense pas retrouver dans un cas d’accès au produit. Parallèlement, les femmes évoquent la frustration qu’elles peuvent ressentir suite à un emprunt ou une location lorsqu’elles doivent rendre le produit. Juliette (33 ans) explique que suite à l’emprunt d’une robe de soirée qui lui avait beaucoup plu elle a ressenti une grande frustration à ne pas pouvoir l’acheter car il s’agissait d’une ancienne collection et que la pièce n’était plus trouvable. Posséder le produit est donc ici un moyen de pouvoir en jouir et de le conserver, qui évitera la frustration de le rendre. Cette frustration pouvant aller jusqu’à un sentiment de jalousie comme l’évoque Juliette « t’es jalouse du vêtement que ton pote te prête et que tu rêves de l’avoir, l’envie de posséder ». Maëlle (22 ans) évoque le même sentiment de frustration dans le cas de la location « Si on aime un objet et qu’on est obligé de le renvoyer… je vais être vraiment très, très frustrée. »
27Dans notre étude, il apparaît aussi que la possession prend du sens dans le discours des femmes complexées. Les quatre participantes qui évoquent un rapport plus difficile à leur corps semblent en effet avoir une pratique de partage de vêtements différente. Ces jeunes femmes ne sont pas des consommatrices de vêtements de luxe car elles savent que l’offre ne leur est pas adaptée, comme le souligne Maud (30 ans) « Il n’y a pas ma taille quoi » et Emilie (35 ans) « Moi c’est pas compliqué je peux pas acheter de marque de luxe parce que je ne rentre jamais dedans ». De même elles pratiquent peu, voire pas, l’emprunt ou la location car elles savent, ou pensent, ne pas trouver leur taille, comme le décrit Isabelle (35 ans) « la corvée en fait de trouver, où c’est incertain de trouver un truc qui te plait, parce que c’est pas comme dans une boutique où je pense qu’une fille qui rentre dans un 38 elle rentre dans la boutique elle se dit chouette je vais tout choisir. » Pour les accessoires, le problème morphologique ne se posant plus il y a alors des comportements similaires aux personnes non complexées. Maud (30 ans) décrit avec enthousiasme ses achats d’accessoires de luxe alors qu’Emilie (35 ans), moins sensible à ce côté ostentatoire « j’ai pas d’effet de prestige comme ça voulu auprès des gens quoi, je m’en fous quoi », privilégiera l’achat de produits de luxe quand il s’agit d’électroménager par exemple.
28Pour l’ensemble des femmes, dans le cas du luxe, l’usage peut se faire de différentes façons, l’accès pouvant être, ou pas, un chemin vers la possession. Lorsque la femme a besoin d’une belle pièce, l’emprunt peut être la première solution envisagée, la première possibilité d’accès au produit. Pour Isabelle (35 ans), l’emprunt d’une belle tenue est considéré avant de penser à en acheter une « Donc je commence avant d’aller acheter à aller voir chez maman ce qu’il y a ». De même pour Juliette (33 ans), emprunter permet de porter plus de vêtements haut de gamme. Dans ces cas, qui s’apparentent essentiellement à des occasions très particulières, in fine, il n’y a pas de possession, c’est l’usage à un moment donné qui prévaut. Pour d’autres femmes, l’achat d’une pièce de luxe étant impliquant, elles préfèrent avoir recours à l’emprunt ou à la location pour essayer sur une longue période le produit et être ainsi certaines de leur achat. Maëlle (22 ans) nous explique ainsi la différence entre l’essai en boutique et un « essai long » résultant d’une location « Entre le temps d’essayer en cabine d’essayage, allez maximum cela prend 20 minutes, voir si vraiment elle va bien etc. Que plutôt la porter pendant une soirée, voir le regard des autres, entre guillemets… et voilà… et même regarder, savoir si ça nous va ou pas, le temps est différent ». Bianca (23 ans) exprime préférer tester et ensuite acheter si elle aime vraiment. L’emprunt est une étape intermédiaire pour elle qui conduit à la possession.
29Par ailleurs, certaines femmes disent acheter à plusieurs une belle pièce afin d’avoir accès à des produits qu’elles ne pourraient s’offrir seules. Ce type de pratique est davantage observé chez les plus jeunes. Pour Marie (21 ans), c’est avec ses amies que les achats collectifs se font : « Un peu le début où on commençait à faire du shopping toutes seules, et du coup on n’a pas trop de sous, mais on a un peu la poudre aux yeux et du coup parfois on se mettait en commun et on a gardé ça, enfin on a gardé des échanges, mais c’était des échanges longs, on s’échangeait peut-être tous les, je sais pas peut-être tous les 2 mois… ». Pour Ecem (25 ans), c’est avec sa maman : « avec ma mère ça m’est déjà arrivé d’acheter des vêtements qu’on a décidé de porter à deux en fait (…) Et parce que le vêtement était assez cher aussi donc du coup pour nous c’était, comment dire, une bonne option de décider de le porter à deux, comme ça reste occasionnel en fait, donc voilà c’était une bonne option pour nous, ça m’est arrivé souvent avec ma mère ». Dans ces cas d’achat collectif, la « garde » du vêtement chez l’une ou chez l’autre est toujours évoquée en amont du process et ne pose aucun problème dans l’usage du produit.
5 – Discussion
30Cette étude sur l’accès vs. la possession exclusive de vêtements et accessoires de luxe par les femmes de 16 à 39 ans indique que le rapport aux objets n’est pas problématique et que l’appropriation se fait le plus souvent sans problème. Ce qui apparaît comme primordial pour les personnes interrogées est la cohérence entre l’objet et la personne, c’est-à-dire l’image de soi. Les différences entre possession exclusive et accès portent principalement sur les relations aux autres induites par l’accès et sur les process mobilisés.
31Le choix de réaliser cette étude dans le cadre de l’accès aux vêtements et aux accessoires de luxe se basait sur le postulat que cette catégorie de produits se différenciait des autres catégories jusque-là étudiées dans la littérature. Les dimensions expérientielle, ludique ou sociale de l’accès apparues dans notre échantillon sont également constatées pour d’autres produits à caractère symbolique. En contrastant le comportement des collectionneurs et celui des visiteurs de musées, Chen (2009) met en avant la primauté de l’expérience de l’accès sur la possession en ce qui concerne les œuvres d’art. Ozanne et Ozanne (2011) montrent comment les ludothèques offrant des jouets en accès génèrent du lien social entre les participants. À l’inverse, pour des produits à vocation utilitaire tels une voiture en partage (exemple de Zipcar étudié par Bardhi et Eckhardt, 2012), l’accès n’est pas associé à une dimension expérientielle. De surcroît, il ne génère pas d’identification au produit alors que vêtements et accessoires de luxe supposent à la fois appropriation et cohérence avec l’image de soi.
32Dans le cadre des vêtements et accessoires de luxe, l’analyse des résultats montre que l’existence de différentes modalités d’accès ne remet pas en question la centralité de la possession, qui reste un objectif ultime dans trois situations. D’abord, pour les plus jeunes consommatrices de notre échantillon, encore en manque de moyens et de confiance en elles-mêmes, l’accès est un chemin vers la possession. Cela corrobore les travaux de Bardhi et Eckhardt (2015) sur l’aspect transitoire de l’accès. Ensuite, la possession semble majoritairement préférée lorsque les motivations sont d’ordre ostentatoire, et permet ainsi d’accéder à un meilleur statut (Durgee et O’Connor, 1995 ; Snare, 1972). Enfin, si le produit de luxe est considéré comme une récompense alors la consommatrice penchera pour la possession au détriment de l’accès.
33Cependant, même sur un produit directement lié à l’image renvoyée, il s’avère que la possession n’est pas nécessairement centrale pour l’ensemble des femmes interrogées. Il en est ainsi pour les consommatrices qui ont besoin d’une belle pièce de façon très ponctuelle et qu’elles ne porteront pas une seconde fois. Ici, la possession perd tout son sens et ne peut pas procurer un réel bien-être (Burroughs et Rindfleisch, 2002 ; Varey, 2010).
34Un autre fondement de la possession de vêtements ou accessoires de luxe repose souvent, pour les femmes interrogées, sur un achat pour soi. Cela abonde dans le sens de précédents travaux ayant montré que les vêtements sont souvent des produits achetés pour se faire des cadeaux (Mick et DeMoss, 1992). Dans le cas spécifique du luxe, une apparente contradiction peut naître lors de l’achat pour soi car le fait de s’offrir quelque chose est un acte orienté vers soi alors que la littérature décrit la possession des produits de luxe comme orientée vers les autres. Kauppinen-Räisänen et al. (2014) permettent la cohabitation de ces deux orientations en montrant qu’une motivation à l’achat pour soi de produits de luxe est la modification de la perception de l’image renvoyée aux autres. Dans la présente recherche, les motivations à l’achat pour soi d’une pièce de luxe décrites par les femmes sont principalement internes et liées à un événement particulier ou une récompense.
35La littérature abonde sur le développement de l’identité entre 16 et 39 ans. Cette construction passe, en partie, par la création d’un style vestimentaire (Auty et Elliott, 2001 ; Marion, 2003), permettant à certains de parler de code linguistique du vêtement. Cette construction identitaire impacte ainsi la consommation de vêtements et les motivations à consommer des produits de luxe (Schade et al., 2015). Parallèlement à cette construction identitaire, l’évolution du budget vestimentaire avec l’âge des femmes est à prendre en compte. Dans la présente recherche, il apparaît, consécutivement, que l’âge influe sur le rapport à la possession et à l’accès de produits de luxe. Ainsi, plusieurs femmes nous disent avoir évolué dans leur rapport aux produits. Dans le cas des produits de luxe, il semblerait que les participantes les plus âgées (26-39 ans) soient moins dans la consommation ostentatoire, dans la nécessité de changer régulièrement ou dans l’envie d’avoir de nouvelles pièces. Elles privilégient ainsi l’achat de quelques belles pièces qu’elles peuvent porter de nouveau. Ce changement peut sans doute aussi en partie s’expliquer par un pouvoir d’achat plus important. Une autre caractéristique de cette tranche d’âge est qu’elle semble moins encline à une transformation identitaire par le biais de l’accès. La transformation identitaire induite par les possessions (Arnould et Thomson, 2005), et exacerbée dans l’univers du luxe (Seo et Buchanan-Oliver, 2017), semble se manifester davantage chez les plus jeunes dans les configurations d’accès. Ces deux points semblent être les seuls à distinguer clairement nos répondantes en fonction de leur tranche d’âge. De nouvelles études pourraient investiguer plus en profondeur l’évolution du rapport aux objets et conduire à une adaptation de l’offre d’accès à l’âge et aux attentes des femmes. Plus spécifiquement, une étude longitudinale pourrait nous éclairer sur un éventuel « apprentissage » de l’accès vs. la possession exclusive ainsi que sur l’atténuation, au fil de l’âge, de la transformation identitaire permise par l’accès.
36Une autre piste de recherche envisageable serait de vérifier la prédominance de la pratique de l’emprunt par rapport à la location dans la catégorie des vêtements et des accessoires de luxe. En effet, dans notre étude, les femmes étaient beaucoup plus enclines à emprunter qu’à louer - la plus jeune de nos loueuses ayant 24 ans. Il pourrait être intéressant de vérifier à plus grande échelle que la location est peu pratiquée par les adolescentes. Si cela se confirmait, cela viendrait compléter la littérature récente dans ce domaine qui se focalise davantage sur l’accès transitant par le marché. Ces formes d’accès régulées par le marché sont actuellement en plein essor en France tout autant que dans les pays anglo-saxons (Chandon et al., 2017).
37Le choix de réaliser cette étude auprès de jeunes femmes s’inscrit dans le prolongement d’une littérature qui s’est beaucoup plus largement intéressée à la population féminine. Étudier les différentes modalités d’accès auprès des hommes de la même tranche d’âge pourrait être une voie d’investigation intéressante à explorer et permettrait d’isoler l’effet générationnel dans la centralité de la possession.
38Une limite de la présente recherche porte sur le choix d’interroger des femmes qui portent des accessoires ou vêtements de luxe occasionnellement ou régulièrement et qui ont déjà pratiqué une des trois formes d’accès au luxe étudiées. Cependant, parmi ces jeunes femmes, peu ont expérimenté la location. Afin d’obtenir plus d’informations sur la perception et les pratiques de location dans cet univers, de futurs travaux pourraient s’intéresser à des femmes dont la position sociale et/ou professionnelle implique une représentation régulière et dont les besoins en pièces haut de gamme et luxe sont plus fréquents.
6 – Implications managériales
39Les implications managériales concernent d’une part les sites de location et d’autre part une nouvelle forme d’accès qui pourrait voir le jour.
- L’amélioration de l’offre des sites de location
40En analysant les motivations de leurs clientes potentielles, les sites de location peuvent affiner leur marketing. Dans le discours des femmes interrogées, le besoin de variété est apparu comme un ressort récurrent pour l’accès. Parallèlement, certaines femmes ont exprimé une frustration à se séparer d’un vêtement ou accessoire qui ne leur appartient pas. Afin de satisfaire toutes ces femmes, les sites de location peuvent privilégier les systèmes d’abonnement plutôt que les locations ponctuelles, offrant ainsi un large choix de façon illimitée dans le temps. Des systèmes d’abonnement commencent d’ailleurs à apparaître sur plusieurs sites (ElssCollection, L’habibliothèque, Une robe Un soir, etc.). De plus, en simplifiant la logistique (pressing, récupération et retour du vêtement…) et en prévoyant une caution raisonnable, ils peuvent transformer leur assortiment en un prolongement de la garde-robe de la consommatrice qui peut « se servir de façon simple, et à volonté ». Les sites peuvent également satisfaire les femmes pour qui l’accès est un chemin vers la possession en leur permettant d’acheter les produits dont elles ne veulent plus se défaire. La plupart des sites s’inscrit déjà dans ce schéma en organisant des ventes privées de façon régulière.
41L’amélioration de l’offre des sites de location porte aussi sur un éventail de tailles plus important. En effet, l’analyse des résultats dresse le constat d’une appétence pour le luxe pour des femmes plus rondes et conduit à inciter les professionnels, créateurs de belles pièces, à développer une offre de vêtements pour des morphologies ne correspondant pas aux canons actuels du luxe. Des entreprises de location ou de partage pourraient aussi se positionner sur cette cible car nos répondantes, pour qui l’achat de vêtements n’est pas toujours un moment plaisant, semblent assez favorables à cette pratique.
- La création de lieux d’échange physiques
42Les consommatrices interrogées dans le cadre de notre étude privilégient généralement l’accès auprès de leur famille et amies, aussi bien à travers les emprunts que les achats partagés. Si elles expliquent ce comportement par la confiance plus facile à établir avec l’entourage, elles mettent également en avant l’aspect très agréable du moment de partage. Une idée de lancement d’entreprise serait alors de créer un espace de partage physique dans lequel les femmes viennent vivre une réelle expérience plaisante et unique en essayant des vêtements/accessoires apportés par les autres femmes et/ou fournis par des marques partenaires. Elles pourraient par la suite louer les vêtements qui leur plaisent, la plateforme d’échange se portant comme tiers de confiance.
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