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Article de revue

Enjeux et pratiques de l’IFRS 3 et IAS 36 - Etude de la communication financière du goodwill des sociétés françaises : impact des politiques de dépréciation

Pages 153 à 171

Notes

  • [1]
    Charlotte DISLE : Maitre de conférences, Grenoble IAE, Université Grenoble Alpes, Membre du CERAG - Charlotte.disle@iae-grenoble.fr
  • [2]
    Rémi JANIN : Maitre de conférences, Faculté d’Economie de Grenoble, Université Grenoble Alpes, Membre du CERAG - Remi.janin@univ-grenoble-alpes.fr
  • [3]
    Ont été considérés l’IAS 36, IAS 1, IFRS 3, les recommandations AMF : arrêtés des comptes de 2006 à 2016, l’ESMA Report-European enforcers review of impairment of good-will - and other intangible assets in the IFRS f inancial statements, January 2013| ESMA/2013/2 et l’étude de l’Organismo Italiano di Contabilità (Italian Standard Setter – OIC), Accounting Standard Board of Japan (ASBJ), European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG), Juillet 2014 – Should goodwill still not be amortised ? Accounting and disclosure for goodwill.
  • [4]
    Pour une présentation plus détaillée de la construction de l’indice, voir Disle et Janin (2015).
  • [5]
    Les informations nécessaires à l’analyse des 18 items ont été collectées dans les notes des documents de référence par deux chercheurs différents, leurs résultats ont ensuite été rapprochés. Les divergences éventuelles ont de nouveau été étudiées par le binôme de chercheurs (Krippendorff, 2013).
  • [6]
    Le rapport goodwill net sur capitaux propres peut descendre en-dessous de 5 % l’année d’une forte dépréciation, puis augmenter à nouveau suite par exemple à de nouvelles acquisitions génératrices de nouveaux goodwill.
  • [7]
    Pour réduire le degré de subjectivité dans le calcul de l’indice, chaque item se voit affecter le même poids (Tsalavoutas, Evans et Smith, 2010).

1Le goodwill, appelé également survaleur ou écart d’acquisition, apparaît en comptabilité lorsqu’une société-mère accepte de payer une prime par rapport à la juste valeur comptable des actifs et passifs identifiables de la société-fille qu’elle acquiert. Il est constaté lors de la première consolidation des comptes.

2À la suite de la multiplication des opérations de croissance externe et de fusions-acquisitions depuis la fin des années 1990, souvent surévaluées, le goodwill a pris un poids considérable dans les bilans des groupes à cette période. Ainsi, fin 2014, le goodwill représente encore en moyenne 30 % de l’actif immobilisé des sociétés du CAC 40 (Etude PWC Panorama 2014 des sociétés du CAC 40). Parallèlement, les règles d’enregistrement comptable du goodwill ont fait l’objet de nombreuses controverses et ont connu de nombreuses évolutions, tant au niveau national qu’international. En France, en particulier, depuis 2005 et conformément à l’IFRS 3, les groupes d’entreprises cotés ne doivent plus amortir systématiquement leur goodwill mais procéder à des tests annuels de dépréciation. La dépréciation est nécessaire si la société juge que les performances futures des sociétés acquises ne sont pas à la hauteur des attentes estimées lors de l’acquisition. En période de crise, les sociétés sont donc susceptibles de déprécier leur goodwill. Aussi, entre 2010 et 2014, les sociétés françaises ont enregistré 38,4 milliards d’euros de dépréciations de leurs écarts d’acquisition (Etude Duff&Phelps, entreprises françaises du Stoxx 600). Alors que le goodwill représente une part significative des capitaux propres des sociétés françaises, les tests de dépréciation sont essentiels pour apprécier si les sociétés ne sont pas surévaluées compte tenu du contexte économique des dernières années. Cependant, selon l’IFRS 3 et l’IAS 36, les tests de dépréciation impliquent une part importante de jugement. Les parties prenantes, et notamment les investisseurs, ont donc tout intérêt à ce que les sociétés soignent d’autant plus leur communication que le risque de perte de valeur de goodwill est important, et ceci sans attendre que ce risque soit avéré.

3L’objectif de cette recherche est donc d’étudier dans un premier temps la qualité des divulgations des entreprises sur le test de dépréciation de leur goodwill. Puis dans un deuxième temps, cette étude vise à examiner les pratiques de dépréciation du goodwill menée par les entreprises en temps de crise et à apprécier leurs impacts sur la qualité de l’information communiquée. Constate-t-on un enregistrement régulier de dépréciations des goodwill de la part des entreprises du SBF 120 durant la crise ou à l’inverse l’enregistrement d’une dépréciation conséquente sur un seul exercice ? De plus, est-ce qu’une entreprise qui déprécie régulièrement son goodwill adopte la même communication qu’une entreprise qui ne déprécie jamais ou à l’inverse qu’une entreprise qui enregistre sur une année une dépréciation importante ?

4La contribution de ces travaux est de réaliser un examen fouillé de la communication des entreprises en matière de goodwill par l’étude d’un indice de communication établi sur une période de cinq ans au cœur de la crise (2009-2013), à partir de 18 items collectés dans les notes des états financiers des sociétés du SBF 120. Cette étude permet également d’examiner les pratiques de dépréciation en matière de goodwill menée sur une période relativement longue, et d’analyser son impact sur la communication autour de cette perte de valeur. Nos résultats empiriques mettent ainsi en évidence que la communication des sociétés se distingue clairement selon le montant des dépréciations qu’elles constatent et le rythme adopté pour procéder à ces enregistrements comptables. Enfin, ces travaux s’inscrivent dans des réflexions menées actuellement par les normalisateurs sur la pertinence et poursuite ou non des tests de dépréciation du goodwill.

5Dans une première partie, nous présentons les questionnements et enjeux associés à la comptabilisation du goodwill à l’inventaire. Notre méthode de mesure de la qualité de communication sur le goodwill est expliquée dans une deuxième partie. Enfin, dans une dernière partie, nous étudions l’influence des pratiques de dépréciation adoptées par les entreprises en matière de goodwill sur leur communication financière.

1 – Les enjeux et pratiques en matière de comptabilisation du goodwill et de communication sur les tests de dépréciation

6Notre étude se concentre sur les goodwill acquis (et non ceux générés en interne) et donc reconnus en tant qu’actifs. Pour ces actifs particuliers, se pose la question de leur suivi à l’inventaire. L’IFRS 3 et l’IAS 36 exigent que les sociétés réalisent au minimum une fois par exercice un test de dépréciation de leur goodwill et qu’elles communiquent les informations relatives à ce test. Une perte de valeur est comptabilisée si la valeur comptable du goodwill est supérieure à la valeur recouvrable soit la valeur la plus élevée de sa valeur d’utilité et de sa juste valeur diminuée des frais de vente. L’information sur la perte de valeur du goodwill est essentielle car elle permet d’apprécier si les espérances de création de valeur associées aux acquisitions antérieures sont toujours justifiées, compte tenu des perspectives économiques des entreprises. Cependant, la revue post-application (PIR) d’IFRS 3, achevée le 17 juin 2015, indique que producteurs, auditeurs et utilisateurs de l’information financière estiment que le test de dépréciation est complexe, chronophage et cher, et qu’il induit des estimations significatives lors de la détermination des hypothèses utilisées dans le calcul de la valeur d’utilité et lors de l’affectation du goodwill aux unités génératrices de trésorerie (UGT). De plus, certains préparateurs expriment leurs préoccupations quant aux efforts nécessaires et aux coûts occasionnés pour se conformer à IFRS 3. Ils estiment que ces coûts peuvent, du moins dans certains cas, excéder les avantages retirés par les investisseurs. L’IASB prévoit alors de réexaminer l’efficacité et la complexité du test de dépréciation du goodwill.

7Le goodwill est un actif critique et complexe à analyser, et dont l’évaluation, particulièrement sensible en période de crise, permet des choix discrétionnaires sur les variables mobilisées lors des tests de dépréciation (Jahmani et al., 2010 ; Hamberg, Paananen et Novak, 2011 ; Hamberg et Beisland, 2014 ; Avallone et Quagi, 2015 ; Giner and Pardo, 2015). Ces choix peuvent être orientés pour :

  • constituer des réserves : l’entreprise conserve la valeur initiale du goodwill ; elle retarde ou ne fait pas les dépréciations nécessaires ;
  • nettoyer les comptes, notamment après une erreur stratégique ou après un changement de management ;
  • lisser l’impact sur le résultat des dépréciations en étalant dans le temps les dotations pour dépréciation.

8Pour certaines entreprises, ces différences ne sont pas forcément exclusives (Zucca et Campbell, 1992 ; Van de Poel et al., 2008). Les études de Zucca et Campbell (1992), Francis et al. (1996), Rees et al. (1996), Massoud et Raiborn (2003), Riedl (2004), Van de Poel, Maijoor et Vanstrealen (2009) indiquent notamment que les sociétés avec des résultats élevés ou au contraire faibles sont susceptibles d’adopter une politique comptable en matière de goodwill conduisant soit à lisser les dépréciations (income smoothing) soit à enregistrer une dépréciation importante afin d’éliminer pour tout ou partie le goodwill (big bath accounting). Si les résultats sont faibles, une politique de nettoyage des comptes par une dépréciation du goodwill permet de signaler que les mauvaises nouvelles sont passées et de ne pas grever les résultats futurs (Zucca et Campbell, 1992 ; Alciatore et al., 1998). Le changement de CEO peut aussi inciter à constater une forte dépréciation du goodwill afin de l’inscrire dans les résultats de l’exercice de la prise de fonction et pour ne pas sanctionner les résultats pendant les exercices suivants. Le lissage du résultat, peut, à l’inverse être recherché quand les sociétés affichent des résultats élevés. La constatation de dépréciation du goodwill permet alors de réduire le résultat et de se rapprocher davantage du résultat attendu. Cependant, des travaux académiques mettent en évidence une réaction négative du marché suite à l’annonce d’une dépréciation du goodwill (Hirschey et Richardson, 2002 ; Bens et Heltzer, 2005 ; Li et al., 2005 ; Feuilloley et Sentis, 2007 ; Lapointe-Antunes et al., 2009). Cette dépréciation traduit une mauvaise acquisition passée ou une acquisition à un prix trop élevé. En outre, Rees et al. (1996), Li et al. (2005), Bens et al. (2007) montrent que la constatation de dépréciation vise à offrir un véritable signal sur la perte de valeur des actifs et sur les perspectives de rentabilité de leur entreprise. Les entreprises peuvent alors être tentées de diluer cette mauvaise nouvelle en étalant la dépréciation dans le temps ou en la reportant à plus tard.

9Il convient donc que les utilisateurs des états financiers puissent disposer d’informations permettant d’apprécier le bien-fondé de la valeur du goodwill publiée au bilan suite au test de dépréciation. Plus précisément, les notes doivent informer les utilisateurs de l’information financière sur :

  • l’allocation du goodwill aux Unités Génératrices de Trésorerie,
  • les variables permettant de déterminer la valeur recouvrable du goodwill,
  • la sensibilité de la valeur recouvrable aux variations de ces variables.

10L’AMF rappelle pour sa part (recommandation 2015) que « les sociétés doivent présenter en annexes les jugements exercés et les hypothèses clés utilisées, ainsi que les analyses de sensibilité, lorsque leurs effets sur les comptes sont significatifs sur la période (par exemple, des dépréciations d’actifs…) ». En outre, selon l’AMF, les entreprises doivent donner des informations plus détaillées lorsque les conclusions des tests de dépréciation effectués présentent une faible marge de sécurité ou si l’entreprise a récemment comptabilisé des dépréciations du goodwill. Elles doivent communiquer des éléments sur les jugements clés en publiant une note suffisamment spécifique et détaillée les expliquant. Knauer et Wöhrmann (2016), en examinant dans le contexte américain les réactions du marché aux annonces de perte de valeur du goodwill, montrent que ces réactions dépendent de la qualité des explications que fournissent les sociétés sur les raisons justifiant ces dépréciations. Les résultats de Baboukardos et Rimmel (2014) suggèrent que les informations relatives aux dépréciations du goodwill sont jugées d’autant plus pertinentes que les entreprises fournissent dans les notes des éléments conformes aux exigences de l’IAS 36. De même, Paugam et Ramond (2015) montrent que les entreprises divulguant davantage d’informations sur leurs tests de dépréciation bénéficient d’une plus grande confiance de leurs investisseurs. Ceci se traduit par un coût du capital plus faible. Or, il semblerait que globalement la communication de la plupart des sociétés en la matière ne soit pas satisfaisante. Par exemple, au niveau européen, Amiraslani et al. (2013) montrent qu’en moyenne les entreprises semblent se conformer à 82 % des exigences de l’IAS 36 quant aux informations à fournir dans les notes sur les tests de dépréciations du goodwill. Cependant, ils soulignent que pour l’essentiel les informations fournies sont très générales et relèvent d’une communication creuse ne permettant pas de juger réellement la mise en œuvre des différents tests. De même, dans le contexte français, Disle et Janin (2015) montrent que si la communication financière des entreprises répond globalement aux exigences de l’IAS 36, il apparaît que les entreprises sont bien moins enclines à fournir de l’information dès lors qu’il s’agit d’en augmenter la substance en la détaillant par Unité Génératrice de Trésorerie (UGT) ou en la chiffrant, alors même que ce niveau de détail est explicitement demandé dans les IFRS.

11Nous proposons dans cet article, d’une part, d’examiner les pratiques comptables des sociétés du SBF 120 en matière de goodwill et, d’autre part, de vérifier dans quelle mesure ces pratiques influencent leur communication financière. Pour cela, nous considérons des informations détaillées, collectées dans les notes sur le goodwill des documents de référence de 89 sociétés du SBF 120. Ces informations, sur la façon dont ces sociétés explicitent leur méthode d’évaluation du goodwill, sont collectées sur une période de 5 années s’étendant de 2009 à 2013, soit au cœur de la crise économique. L’avantage de bénéficier d’informations sur une période relativement longue est que nous pouvons caractériser différentes pratiques de dépréciation des goodwill. Nous distinguons notamment la communication financière des sociétés qui, confrontées à une problématique de surévaluation de leur goodwill, le déprécient avec régularité, étalant ce faisant l’impact de la perte de valeur sur plusieurs années, de celles qui, au contraire, constatent une dépréciation brutale de leur actif en une ou deux années.

2 – L’évolution de la qualité de l’information publiée sur le goodwill sur la période 2009-2013

12Pour mesurer l’effort global de communication sur le goodwill, nous avons déterminé 18 items sur lesquels l’utilisateur des états financiers est en droit d’attendre une information conforme aux exigences de l’IAS 36 mais aussi aux recommandations des régulateurs [3]. En effet, du fait d’enjeux importants relatifs au goodwill durant la période étudiée, les régulateurs des marchés financiers et autres organismes normalisateurs ont multiplié les études sur la communication financière relative au goodwill. Les recommandations émises par la doctrine permettent d’apporter des précisions ou explications aux informations requises par l’IAS 36 ou de compléter la communication financière en matière de goodwill[4]. Le Tableau 2 présente les items retenus ainsi que les pourcentages d’entreprises de notre échantillon ayant fourni l’information attendue sur ces items pour les années 2009 à 2013 [5].

13Ces items ont été définis à partir d’un échantillon de 89 sociétés non financières issues du SBF 120. Nous n’avons retenu pour notre étude que les sociétés affichant un goodwill significatif (supérieur à 5 % de leurs capitaux propres au moins 3 années sur 5 entre 2009 et 2013 [6]) et appliquant la méthode du discounted cash-flows pour calculer la valeur recouvrable des goodwill. Pour nombre d’entre elles, le goodwill présente un risque important de surévaluation de leur patrimoine. Chaque année, pour un quart des sociétés le goodwill représente plus de 30 % de leur actif net et plus de 87 % de leurs capitaux propres (Tableau 1). Il est donc clair qu’étant un élément important de la valeur patrimoniale de ce type d’entreprise françaises, il convient pour les utilisateurs des états financiers de pouvoir disposer d’informations permettant d’apprécier la légitimité de la valeur du goodwill.

Tableau 1

Goodwill des sociétés industrielles et commerciales du SBF 120

Tableau 1
Goodwill net /Total actif net 2009 Goodwill net /Total actif net 2010 Goodwill net /Total actif net 2011 Goodwill net /Total actif net 2012 Goodwill net /Total actif net 2013 Q1 0,117 0,115 0,120 0,117 0,117 Médiane 0,194 0,190 0,184 0,187 0,178 Q3 0,307 0,320 0,314 0,311 0,303 Moyenne 0,211 0,210 0,208 0,211 0,204 Minimum 0,006 0,005 0,016 0,009 0,000 Maximum 0,574 0,533 0,502 0,611 0,585 Goodwill net/Capitaux propres 2009 Goodwill net/Capitaux propres 2010 Goodwill net/Capitaux propres 2011 Goodwill net/Capitaux propres 2012 Goodwill net/Capitaux propres 2013 Q1 0,350 0,298 0,308 0,332 0,312 Médiane 0,615 0,594 0,583 0,539 0,524 Q3 0,962 0,955 0,926 0,948 0,873 Moyenne 0,717 0,647 0,645 0,659 0,619 Minimum 0,016 0,011 0,051 0,015 0,000 Maximum 4,048 1,712 1,690 1,971 1,990

Goodwill des sociétés industrielles et commerciales du SBF 120

14Sur les cinq années de l’étude, 9 des 18 items relatifs à l’effort de communication des sociétés sur la valeur de leurs goodwill apparaissent peu discriminants dans la mesure où près ou plus de 80 % des sociétés ont fourni l’information attendue (Tableau 2). Entre 2009 et 2013, par exemple, 96,7 % à 100 % (84,3 % à 94,4 %) des sociétés ont communiqué sur le taux d’actualisation (taux de croissance à l’infini), mais seulement 59,6 % à 76,4 % (40,5 % à 53,9 %) ont fourni une information différenciée par UGT. Nous pouvons aussi noter que quasiment tous les items présentent des pourcentages stables ou à la hausse d’une année sur l’autre, plus particulièrement en ce qui concerne l’information sur le chiffrage des hypothèses clés (item N° 6, +10,11% entre 2009 et 2013), l’information sur les taux d’actualisation différenciée par UGT (item N°8, +16,85 % entre 2009 et 2013), l’information sur le chiffrage des tests pour les taux de croissance et pour les hypothèses clés (item N° 17, +25,84 % entre 2009 et 2013 ; item N°18, +38,83 %). En résumé, à l’instar d’études précédentes (Camodeca et al., 2013 ; Guthrie et Pang, 2013 ; ESMA, 2013), ces résultats témoignent d’une amélioration significative du reporting sur le goodwill de 2009 à 2013, avec des pourcentages très élevés pour de nombreuses informations requises (souvent supérieurs à 80 %). Nous constatons cependant que les items demeurent discriminants dès lors que l’information demandée doit être différenciée par UGT ou qu’un chiffrage est souhaité (hypothèses clés, primes de risque pour les taux d’actualisation).

15Pour mesurer l’effort global de communication, nous n’avons donc retenu que les 9 items réellement discriminants, dans la mesure où ils présentent sur la période d’étude des fréquences inférieures à 80 % (lignes en gras dans le Tableau 2). Pour chaque item, une information est codée 1 si elle a été fournie par la société, 0 sinon [7]. Le score maximal de l’indice est donc de 9. Avec une moyenne et une médiane, certes en progression mais demeurant inférieures à 4,5 sur les cinq années, le niveau de l’indice suggère bien les lacunes de communication des sociétés du SBF 120 dès lors qu’il s’agit de gagner en précision chiffrée ou en information détaillée par UGT. Avec une moyenne de 2,79 en 2009 et de 4,49 en 2013, on constate cependant une amélioration significative sur la période (Tableau 3).

Tableau 2

Les informations publiées sur le calcul et la sensibilité de la valeur d’utilité du goodwill entre 2009 et 2013

Tableau 2
N° Items Source % % % % % 2009 2010 2011 2012 2013 1 Les UGT sont clairement identifiés IFRS 77,53 % 96,63 % 97,75 % 100,00 % 98,88 % 2 L’intégralité du GW est répartie sur les UGT IFRS 77,53 % 85,39 % 84,27 % 86,52 % 86,52 % 3 L’information sur la période projection est fournie IFRS 88,76 % 91,01 % 91,01 % 93,26 % 91,01 % 4 L’information sur la période projection est différenciée par UGT IFRS + Doctrine 4,49 % 15,73 % 14,61 % 19,10 % 19,10 % 5 L’entreprise communique sur la nature de ses hypothèses clés IFRS + Doctrine 48,31 % 48,31 % 50,56 % 50,56 % 52,81 % 6 Les hypothèses clés communiquées sont chiffrées IFRS + Doctrine 8,99 % 12,36 % 12,36 % 19,10 % 19,10 % 7 L’information sur les taux d’actualisation est fournie IFRS + Doctrine 98,88 % 96,63 % 100,00 % 100,00 % 100,00 % 8 L’information sur les taux d’actualisation est différenciée par UGT IFRS + Doctrine 59,55 % 67,42 % 76,40 % 76,40 % 76,40 %
Tableau 2
N° Items Source % % % % % 2009 2010 2011 2012 2013 9 La méthode de calcul des taux d’actualisation est expliquée IFRS 75,28 % 77,53 % 76,40 % 82,02 % 79,78 % 10 L’entreprise communique de l’information chiffrée sur les primes de risque IFRS 13,48 % 14,61 % 15,73 % 15,73 % 16,85 % 11 L’information sur le taux de croissance à l’infini est fournie IFRS 84,27 % 89,89 % 92,13 % 93,26 % 94,38 % 12 L’information sur le taux de croissance à l’infini est différenciée par UGT IFRS 40,45 % 50,56 % 53,93 % 53,93 % 53,93 % 13 L’entreprise communique une information générale sur la conduite de tests de sensibilité IFRS + Doctrine 86,52 % 94,38 % 95,51 % 97,75 % 97,75 % 14 L’information sur la conduite de tests de sensibilité est différenciée par UGT IFRS 33,71 % 40,45 % 47,19 % 51,69 % 51,69 % 15 Les variables testées sont précisées IFRS + Doctrine 77,53 % 92,13 % 94,38 % 92,13 % 95,51 % 16 Les tests sur le taux d’actualisation sont chiffrés Doctrine 74,16 % 84,27 % 84,27 % 91,01 % 95,51 % 17 Les tests sur le taux de croissance sont chiffrés Doctrine 50,56 % 53,93 % 65,17 % 74,16 % 76,40 % 18 Les tests sur les hypothèses clés sont chiffrés Doctrine 25,84 % 32,58 % 49,44 % 60,67 % 60,67 %

Les informations publiées sur le calcul et la sensibilité de la valeur d’utilité du goodwill entre 2009 et 2013

Tableau 3

L’évolution de l’indice 9 de 2009 à 2013

Tableau 3
2009 2010 2011 2012 2013 Moyenne 2,79 3,35 3,85 4,21 4,49 Médiane 3,00 3,00 4,00 4,00 4,00 Minimum 0,00 0,00 0,00 1,00 0,00 Maximum 7,00 8,00 8,00 9,00 8,00

L’évolution de l’indice 9 de 2009 à 2013

3 – La politique comptable des entreprises en matière de dépréciations et son impact sur l’information publiée

16Alors même que le nombre de dépréciations diminue chaque année entre 2009 et 2013, le montant cumulé de dépréciation augmente très significativement à partir de 2011 et atteint plus de 10 milliards d’euros en 2012 et 2013 (Tableau 4). Lorsque ces montants de dépréciations cumulés sont exprimés en pourcentage du cumul de goodwill N-1, l’année 2011, avec un pourcentage supérieur à 2 % puis en forte hausse continue, apparaît bien marquer une rupture dans la pratique de dépréciations du goodwill des sociétés. Avec un pourcentage près de 1,5 % puis ensuite en forte hausse continue, la même tendance est observée sur la base du cumul des capitaux propres N-1. Cependant, ces chiffres s’expliquent par quelques sociétés ayant enregistré des dépréciations particulièrement importantes : en 2011, la dépréciation de goodwill enregistrée par Carrefour représente près de 35 % du cumul annuel, en 2012 celle comptabilisée par Arcelor Mittal représente près de 43 % du cumul annuel, en 2013 celle inscrite par GDF Suez représente plus de 44 % du cumul annuel. Plus globalement à partir de 2011, 10 % des entreprises de notre échantillon génèrent à elles seules plus de 90 % du cumul annuel des dépréciations de goodwill.

Tableau 4

L’évolution des dépréciations du goodwill de 2009 à 2013

Tableau 4
2009 2010 2011 2012 2013 Cumul Nombre de dépréciations enregistrées 50 45 43 40 38 216 Montants de dépréciations cumulés (millions d’euros) 3 678 2 622 5 590 10 076 12 995 34 961 Montants de dépréciations cumulés (en % du cumul de goodwill N-1) 1,59% 1,19% 2,15% 4,25% 6,65% - Montants de dépréciations cumulés (en % du cumul de capitaux propres N-1) 1,12% 0,71% 1,47% 2,54% 4,05% - Dépréciation moyenne (millions d’euros) 74 58 130 252 342 162 Dépréciation Max (millions d’euros) 615 584 1 942 4 308 5 775 6 085 Dépréciation max (% du cumul annuel) 16,72 % 22,27 % 34,74 % 42,75 % 44,44 % 17,41 % Part du cumul de dépréciations enregistrées par le décile 10 des sociétés dépréciant le plus 81,49 % 82,45 % 91,93 % 90,70 % 93,93 %

L’évolution des dépréciations du goodwill de 2009 à 2013

17Concernant la fréquence des dépréciations (Tableau 5), il apparaît que seules 15 sociétés sur 89 enregistrent une dépréciation chaque année entre 2009 et 2013, mais à elles seules elles cumulent 63 % du montant total des cumuls de dépréciations enregistrées. De même, les sociétés ayant enregistré au moins 4 dépréciations du goodwill en 5 ans cumulent près de trois quarts des dépréciations enregistrées sur la période. Il est clair que ces sociétés qui présentent de forts cumuls de dépréciations et/ou comptabilisent fréquemment des dépréciations ont des enjeux de communication spécifiques quant à la pertinence des méthodes d’évaluation de goodwill qu’elles utilisent et qui les amènent à déprécier.

Tableau 5

La répartition de l’échantillon en fonction du nombre de dépréciations enregistrées sur la période 2009-2013

Tableau 5
Nombre de dépréciations enregistrées 0 1 2 3 4 5 Nombre d’entreprises 16 15 17 12 14 15 Part des dépréciations cumulées sur la période 2009-2013 (%) 0 % 1 % 10 % 15 % 11 % 63 %

La répartition de l’échantillon en fonction du nombre de dépréciations enregistrées sur la période 2009-2013

18Pour affiner notre étude et analyser si la qualité de la communication financière des sociétés sur leur goodwill dépend de la fréquence de leurs dépréciations, nous segmentons notre échantillon en trois sous-groupes selon que les sociétés déprécient leur goodwill peu fréquemment (0 ou 1 dépréciation en 5 ans, groupe A) ou très fréquemment (au moins 4 dépréciations en 5 ans, groupe C) ; le groupe B (2 ou 3 dépréciations en 5 ans) étant le groupe intermédiaire. Le tableau 6 reporte pour chaque sous-groupe la valeur de l’indice 9 présenté en section 2 ainsi que la moyenne du cumul des dépréciations enregistrées sur la période exprimé en pourcentage des capitaux propres moyens de la période. Quelle que soit la fréquence des dépréciations, les trois groupes de sociétés ont leur indice 9 qui augmente chaque année, traduisant en cela une amélioration de leur communication financière sur les pertes de valeur du goodwill. Cependant, seules les sociétés du groupe C (les sociétés ayant le plus fréquemment déprécié leur goodwill) affichent une valeur d’indice 9 supérieure à la moyenne (4,5), mais seulement à partir de l’année 2011. Sur la période 2009-2013, l’écart d’indice entre les sociétés du groupe C et les sociétés du groupe A est compris entre 0,83 et 1,10. Mais ces écarts d’indice ne sont statistiquement significatifs à des seuils inférieurs ou égaux à 5 % qu’à partir de l’année 2011. Les écarts d’indice 9 sont également statistiquement très significatifs à partir de 2011 quand on compare les sociétés des groupes C et B. Par contre, les écarts d’indice 9 ne sont jamais statistiquement significatifs quand on compare les sociétés des groupes A et B. Autrement dit, si la fréquence des dépréciations enregistrées sur la période 2009-2013 influence bien la communication des sociétés sur leur méthode d’évaluation du goodwill, ce sont les sociétés qui enregistrent au moins 4 dépréciations en 5 ans qui se différencient véritablement en la matière. De plus, ce n’est qu’à partir de 2011 que ces sociétés semblent véritablement se démarquer. Or c’est à partir de cette même année que des montants très significatifs de dépréciations sont enregistrés suite aux difficultés économiques rencontrées par certaines entreprises dès le début de la crise en 2008 (voir le Tableau 4). C’est également en 2011, donc au cœur de la crise économique, que constatant dans les documents de référence de nombreuses insuffisances informationnelles sur les valorisations d’actif et leurs dépréciations, l’AMF a publié sa première recommandation, soulignant notamment, et en visant en particulier l’information publiée sur le goodwill, que « dans un contexte de marché difficile, caractérisé, actuellement, par une perte de confiance, une forte volatilité et des tensions sur la liquidité de certaines sociétés, il apparaît indispensable de veiller à la qualité et à la clarté des informations et des évaluations qui seront fournies et utilisées dans les prochains états financiers afin de répondre aux attentes des utilisateurs des comptes ». In fine, l’année 2011 semble donc vraiment marquer une rupture (une progression) dans la communication financière des sociétés ayant fréquemment déprécié leur goodwill.

Tableau 6

Evolution de l’indice 9 sur la période 2009-2013 en fonction de la fréquence des dépréciations

Tableau 6
Moyenne t de student Moyennes A. 0 ou 1 dépréciation N = 31 B. 2 ou 3 dépréciations N = 29 C. 4 ou 5 dépréciations N= 29 C. vs A. C. vs B. A. vs B. Dépréciations cumulées en 5 ans1 3,48%2 5,14% 8,75% 3,276*** 1,528* -1,748** INDICE 9 2009 2,55 2,69 3,14 1,330 * 0,923 -0,290 INDICE 9 2010 3,23 3,03 3,79 1,276 1,659 0,389 INDICE 9 2011 3,48 3,52 4,59 2,614 *** 2,281 ** -0,067 INDICE 9 2012 3,97 3,90 4,79 1,988 ** 2,133 ** 0,157 INDICE 9 2013 4,29 4,00 5,21 2,070 ** 2,889 *** 0,642

Evolution de l’indice 9 sur la période 2009-2013 en fonction de la fréquence des dépréciations

1 En pourcentage des capitaux propres moyens de la période.
2 La moyenne a été calculée en ne prenant en compte que les sociétés ayant enregistré 1 dépréciation.
*, ** et *** désignent une probabilité critique unilatérale inférieure à 10 %, 5 % et 1 % respectivement pour les t de student des comparaisons de moyenne (corrigé pour l’ hétérogénéité de la variance le cas échéant).

19Si on s’intéresse maintenant aux cumuls de dépréciations du goodwill enregistrés entre 2009 et 2013, les sociétés du groupe C enregistrent en moyenne des pertes de valeur du goodwill représentant 8,75 % de leurs capitaux propres moyens de la période contre 3,48 % en moyenne pour les sociétés du groupe A. Or, pour les sociétés du groupe A, cette statistique est, par construction, calculée sur la base d’une seule dépréciation. Certaines sociétés du groupe A déprécient donc en une seule année une part très significative de leur goodwill. Ces sociétés qui présentent de forts cumuls de dépréciations ont des enjeux de communication spécifiques. Elles ont intérêt à communiquer de façon détaillée sur les tests de dépréciations du goodwill qu’elles mettent en œuvre, afin de rassurer les investisseurs sur le bien fondé de leur méthode. Le Tableau 7 présente pour les 73 sociétés ayant déprécié au moins une fois leur goodwill entre 2009 et 2013 la fréquence de leurs dépréciations en fonction des déciles (D) des cumuls de dépréciation enregistrées sur cette période.

Tableau 7

La répartition des sociétés ayant déprécié au moins une fois leur goodwill sur la période 2009-2013, en fonction de la fréquence des dépréciations et du cumul de dépréciations enregistréesa,b

Tableau 7

La répartition des sociétés ayant déprécié au moins une fois leur goodwill sur la période 2009-2013, en fonction de la fréquence des dépréciations et du cumul de dépréciations enregistréesa,b

a En pourcentage des capitaux propres moyens de la période.
b Ces 18 sociétés ont un indice 9 moyen en augmentation chaque année sur la période 2009-2013, avec un plus bas à 3,39 et un plus haut en fin de période à 5,72. Ces indices moyens sont chaque année plus élevés que l’ indice moyen des 55 autres sociétés composant l’ échantillon et ces écarts sont chaque année statistiquement significatifs au seuil minimum de 1 % à partir de 2010 (5 % en 2009).

20Pour les vingt-neuf sociétés présentant les cumuls de dépréciations les plus importants en pourcentage de leurs capitaux propres moyens (tranche D7-D10), la moyenne de ce cumul est de 14,17 %. La majorité d’entre-elles (18 sur 29) comptabilise ces pertes de valeur en 4 ou 5 dépréciations. Ces dix-huit sociétés ont un indice 9 moyen supérieur chaque année à celui des 55 autres sociétés composant l’échantillon et qui augmente chaque année. Ces écarts sont tous statistiquement significatifs au seuil minimum de 1 % à partir de 2010, contre 5 % en 2009 (voir la note b du Tableau 7). Les sociétés qui ont beaucoup déprécié leur goodwill et de façon régulière sur la période soignent donc plus particulièrement leur communication financière en matière de goodwill. Parmi les vingt-neuf sociétés ayant fortement déprécié leur goodwill (tranche D7-D10), six le font de façon plutôt brutale (1 ou 2 dépréciations sur la période), ce qui pour le moins nécessite des explications en annexe des comptes pour légitimer leurs décisions. Or, vu le faible nombre de sociétés concernées, il ne nous est pas possible de réaliser un test statistique pour apprécier la qualité de leur communication en la matière. Aussi proposons-nous de les caractériser en détails dans le Tableau 8 en fonction de leurs indices 9 et des montants de dépréciations qu’elles ont enregistrés sur la période 2009-2013.

21Avec des pourcentages de dépréciations en fonction du goodwill N-1 proches ou égaux à 100 %, deux sociétés ont déprécié la totalité ou la quasi-totalité de l’actif (Société 2 et 4). Pour les quatre autres sociétés, les dépréciations cumulées représentent près ou plus de 25 % du goodwill N-1. Au minimum, les dépréciations cumulées représentent 4,13 % des capitaux propres N-1 (Société 1) et pour quatre autres sociétés plus de 10 %, voire près de 30 % des capitaux propres N-1 (Société 2, 3, 5 et 6). Pour ces six sociétés, il est troublant de constater qu’elles font disparaître en seulement une ou deux dépréciations une part conséquente de leur goodwill. Cinq d’entre-elles enregistrent ces dépréciations en fin de période (années 2012 et/ou 2013), dont 3 sur la base de deux dépréciations consécutives (Société 1, 2 et 3). Or, aucune de ces trois sociétés n’affiche une augmentation de l’indice en 2012 et 2013 ; la société 3 augmente cependant son indice en 2011. Sur les deux sociétés (Société 4 et 5) ayant enregistré une unique dépréciation en 2013, seule l’indice de la première augmente mais seulement d’un point. Au demeurant, en 2013, aucune de ces six sociétés ayant brutalement déprécié leur goodwill n’affiche un indice supérieur à 5. En cela, elles communiquent toutes de façon moins détaillée que la moyenne des dix-huit sociétés à forts cumuls et hautes fréquences de dépréciation qui elles affichent un indice 9 moyen de 5,72 (voir la note b du tableau 7). Deux de ces six sociétés ayant enregistré brutalement de très fortes dépréciations continuent même à afficher un indice de qualité de leur communication financière dramatiquement bas, soit un indice de 1 pour la société 1 et de 2 pour la société 2.

Tableau 8

L’évolution de l’indice 9 de 2009 à 2013 et les dépréciations enregistrées pour les 6 sociétés ayant enregistré brutalement (en 2 années maximum) des dépréciations de goodwill importantesa,b,c

Tableau 8
Société 1 Société 2 Société 3 Société 4 Société 5 Société 6 INDICE 9 2009 1 3 1 2 5 (218) 3 (122) INDICE 9 2010 0 3 1 1 5 3 INDICE 9 2011 1 4 4 1 5 4 INDICE 9 2012 1 (173) 2 (869) 6 (522) 3 4 5 INDICE 9 2013 1 (77) 2 (27) 5 (568) 4 (31) 4 (640) 5 DP CUM / CP N-1b 4,13 % 10,17 % 28,28 % 7,93 % 14,28 % 29,08 % DP CUM / GW N-1c 58,68 % 92,28 % 24,83 % 100,00 % 26,50 % 25,96 %

L’évolution de l’indice 9 de 2009 à 2013 et les dépréciations enregistrées pour les 6 sociétés ayant enregistré brutalement (en 2 années maximum) des dépréciations de goodwill importantesa,b,c

a Entre parenthèses le montant des dépréciations annuelles de goodwill en millions d’euros.
b DP CUM / CP N-1 = les dépréciations cumulées sur la période divisées par les capitaux propres du début de période de la première dépréciation. Pour la société 5, seule la dépréciation 2013 a été prise en compte et les capitaux propres retenus sont ceux de fin 2012.
c DP CUM / GW N-1 = les dépréciations cumulées sur la période divisées par le goodwill du début de période de la première dépréciation. Pour la société 5, seule la dépréciation 2013 a été prise en compte et le goodwill retenu est celui de fin 2012.

22Selon certaines études (cf. supra), la comptabilisation de la dépréciation peut-être guidée soit par des comportements opportunistes soit par le souhait de fournir une information privée pertinente. De fait, la communauté financière est légitime à attendre d’autant plus d’informations relatives à ces tests complexes et délicats que les motivations de comptabilisation ne sont pas forcément claires. Or, selon les résultats de notre étude, les entreprises pour lesquelles nous avons constaté un étalement de la perte de valeur du goodwill dans le temps (entreprise avec un cumul et une fréquence de dépréciations élevés), s’illustrent par une communication sur les tests de dépréciation du goodwill de meilleure qualité. Le reporting de ces entreprises permettrait alors de rassurer les utilisateurs de l’information financière sur le bien-fondé de la valorisation de leur goodwill. Néanmoins, lorsque les coûts de communications sont élevés et que les entreprises détiennent des informations pertinentes, ces dernières ne les communiquent pas toujours de façon complète (Grossman et Hart, 1980). En outre, Hamberg et al. (2011) suggèrent que les entreprises usant de choix discrétionnaires dans la réalisation des tests de dépréciation ont une communication généralement peu informative pour les investisseurs. Dans le même ordre d’idée, les résultats de notre étude suggèrent que les entreprises enregistrant des dépréciations importantes concentrées sur seulement un ou deux exercices de la période d’étude affichent des indices de qualité de leur reporting significativement faibles. C’est ainsi que, de façon surprenante, ce type d’entreprises ne prendrait pas la peine de divulguer des informations complètes et détaillées sur les raisons de ces dépréciations, malgré les interrogations légitimes sur les causes de ces pertes de valeur et les impacts et enjeux de celles-ci.

Conclusion

23Du fait de son poids significatif dans les bilans, de la subjectivité et de la technicité des règles comptables relatives à son évaluation, le goodwill demeure un actif particulièrement critique, nécessitant une communication appropriée de la part des sociétés concernant les méthodes qu’elles mettent en œuvre pour mener leurs tests de dépréciation. À l’heure où l’IASB et le FASB travaillent de concert sur les modalités et l’efficacité du test de dépréciation, nous avons examiné dans cet article si les pratiques de dépréciations des sociétés influencent leur communication. Sur la base d’un indice construit à partir de 9 items collectés dans les notes des documents de référence sur les tests de dépréciation et reflétant l’effort de communication détaillé par UGT ou chiffrée, nos résultats confirment que les sociétés semblent globalement peu disposées à fournir une information substantielle aux utilisateurs des états financiers. Cependant, il apparaît que parmi les sociétés qui ont beaucoup déprécié leur goodwill au cœur de la crise économique (période 2009-2013), ce sont celles qui l’ont fait avec le plus de régularité (au moins quatre dépréciations enregistrées en cinq ans) qui ont le plus soigné leur communication financière. Autrement dit, les sociétés qui in fine ont étalé l’impact dans leurs capitaux propres de la valeur perdue par leur goodwill fournissent une information plus riche sur leurs méthodes d’évaluation du goodwill, qui plus est lorsque les montants enregistrés sont conséquents. Nous avons également mis en évidence que quelques sociétés ayant brutalement déprécié leur goodwill pour des montants conséquents n’ont pas pour autant soigné leur communication. Pour le moins, et même si généralement les marchés ne sanctionnent pas les entreprises constatant des dépréciations du goodwill car cette perte de valeur est déjà anticipée, il conviendrait de percer à jour les motivations intrinsèques des sociétés qui, malgré l’importance des montants enregistrées et la radicalité de leur pratique comptable, ne prennent pas la peine de correctement communiquer sur leur méthode d’évaluation.

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Notes

  • [1]
    Charlotte DISLE : Maitre de conférences, Grenoble IAE, Université Grenoble Alpes, Membre du CERAG - Charlotte.disle@iae-grenoble.fr
  • [2]
    Rémi JANIN : Maitre de conférences, Faculté d’Economie de Grenoble, Université Grenoble Alpes, Membre du CERAG - Remi.janin@univ-grenoble-alpes.fr
  • [3]
    Ont été considérés l’IAS 36, IAS 1, IFRS 3, les recommandations AMF : arrêtés des comptes de 2006 à 2016, l’ESMA Report-European enforcers review of impairment of good-will - and other intangible assets in the IFRS f inancial statements, January 2013| ESMA/2013/2 et l’étude de l’Organismo Italiano di Contabilità (Italian Standard Setter – OIC), Accounting Standard Board of Japan (ASBJ), European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG), Juillet 2014 – Should goodwill still not be amortised ? Accounting and disclosure for goodwill.
  • [4]
    Pour une présentation plus détaillée de la construction de l’indice, voir Disle et Janin (2015).
  • [5]
    Les informations nécessaires à l’analyse des 18 items ont été collectées dans les notes des documents de référence par deux chercheurs différents, leurs résultats ont ensuite été rapprochés. Les divergences éventuelles ont de nouveau été étudiées par le binôme de chercheurs (Krippendorff, 2013).
  • [6]
    Le rapport goodwill net sur capitaux propres peut descendre en-dessous de 5 % l’année d’une forte dépréciation, puis augmenter à nouveau suite par exemple à de nouvelles acquisitions génératrices de nouveaux goodwill.
  • [7]
    Pour réduire le degré de subjectivité dans le calcul de l’indice, chaque item se voit affecter le même poids (Tsalavoutas, Evans et Smith, 2010).
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