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Article de revue

L’encastrement des relations économiques et sociales : une synergie créatrice de valeur au sein des chaînes logistiques

Pages 175 à 195

Notes

  • [1]
    Nejib FATTAM : Professeur, Université Internationale de Tunis, Responsable de la filière Management - n.fattam@uit.tn.
  • [2]
    Gilles PACHÉ : Professeur des Universités, CRET-LOG, Aix-Marseille Université - gilles.pache@univ-amu.fr.
  • [3]
    Les auteurs remercient chaleureusement les deux évaluateurs anonymes de Management & Avenir, dont les commentaires et suggestions ont permis d’améliorer de manière significative la première version de l’article.

Introduction

1 Pendant des années, autour d’un même lac américain, le directeur général de Walmart et celui de Procter & Gamble ont partagé une passion commune : celle de la pêche à la ligne. Au fil du temps, et des nombreuses discussions engagées, une amitié profonde est née entre les deux hommes, à la tête de deux géants du commerce et de l’industrie. Loin de tout, loin de tous, une relation durable s’est formée entre eux, faite de complicité, d’écoute et de bienveillance. Cette histoire est désormais connue et relatée dans de multiples ouvrages de marketing. Elle ne cesse d’interpeller de nombreux chercheurs : l’amitié cultivée entre ces deux hauts dirigeants n’expliquerait-elle pas l’alliance logistique et marketing que leurs entreprises ont fini par nouer dans les années 1990 ? Si tel était le cas, il serait possible d’en conclure que les partenariats entre entreprises doivent être appréhendés non seulement du strict point de vue économique, mais en fonction de logiques relationnelles construites pas à pas entre des individus. Les échanges inter-entreprises reposeraient ainsi sur le nécessaire traitement analytique de deux dimensions : les relations interpersonnelles et les relations inter-organisationnelles.

2 Force est d’admettre que le milieu des affaires s’avère souvent incapable de reconnaître l’importance et le rôle des relations interpersonnelles dans la construction de relations économiques entre partenaires. Pour Granovetter (2000), l’individu n’est pas une personne isolée : les liens avec autrui influencent fortement ses trajectoires, il est « encastré » dans un contexte social qui conditionne en partie ses actes. De ce point de vue, l’encastrement peut être vu comme une tentative d’introduire les relations sociales dans le fonctionnement de toute activité économique. Il en résulte une autre conception de l’activité économique qui ne se réduit pas à expliquer le comportement des acteurs à partie de transactions purement marchandes. En d’autres termes, l’approche par l’encastrement permet de lier analytiquement deux niveaux habituellement disjoints, et conçus de manière asymétrique, l’économique et le social, ce qui doit conduire au final à une image plus fidèle de la réalité des relations inter-organisationnelles.

3 Le concept d’encastrement implique une transgression du clivage entre sociologie et économie. Elle possède la particularité d’articuler deux figures de la réalité, à savoir les liens interpersonnels et les relations inter-organisationnelles (Granjon et Lelong, 2006). L’économie est considérée ici comme étant fortement insérée dans un tissu de relations sociales et dans le système des institutions, normes et valeurs de la société. Concept fécond et porteur de pistes d’analyse prometteuses, l’encastrement facilite la compréhension des formes contemporaines de coordination et dépasse la rationalité purement instrumentale, souvent encore prégnante en Sciences de Gestion (Fulconis et Paché, 2011). Selon cette perspective, le fonctionnement des organisations économiques ne s’explique pas uniquement par des contrats, des marchés et des individus rationnels, autrement dit des « monades » dépourvues de toute relation sociale poursuivant leurs seuls intérêts personnels. Au contraire, les organisations évoluent selon une construction sociale et une conceptualisation de l’échange marchand prenant en compte la primauté des relations interpersonnelles, potentiellement porteuses d’un fonctionnement satisfaisant du système d’échange (Uzzi, 1997).

4 L’article souhaite s’appuyer sur le concept d’encastrement pour appréhender le caractère social des transactions économiques et interpréter ainsi une série d’actions économiques dans toute leur complexité. Pour cela, nous prendrons comme unité d’analyse la chaîne logistique en tant que système inter-organisationnel fondé sur des interactions soutenues entre de multiples acteurs (fournisseurs de matières premières et composantes, industriels, distributeurs, prestataires de services logistiques [PSL], etc.). Pendant de longues années, la perspective dominante en logistique fut de l’examiner uniquement à travers le management d’interfaces, conflictuelles ou coopératives, entre des entreprises collectivement impliquées dans des processus de création de valeur. Une telle vision ne permet plus de comprendre comment des partenariats logistiques, par exemple entre un PSL et un distributeur, peuvent se construire, puis parfois se déliter au fil de la relation. En effet, des individus sont partie prenante de décisions managériales, et il est fort possible, en suivant Granovetter (2000), que le contexte social surdétermine leur comportement organisationnel. Pour aborder la question, nous indiquerons, dans un premier temps, les principaux bénéfices issus de l’encastrement des relations économiques et sociales tels qu’ils ressortent de la littérature. Dans un deuxième temps, nous préciserons la méthodologie retenue dans le cadre d’une recherche conduite en France auprès de PSL. Dans un troisième temps, les principaux résultats seront exposés, avant d’aborder, dans un quatrième temps, les trois implications managériales à retenir [3].

1 – Bénéfices issus de l’encastrement

5 Adopter un regard sociologique sur divers processus économiques au sein d’une chaîne logistique renvoie à un couplage délicat entre les relations interpersonnelles (sociales) et les relations inter-organisationnelles (économiques). L’interpénétration de ces deux niveaux d’analyse, ou encore encastrement, permet d’accroître l’accès à l’information en favorisant le transfert de connaissances complexes et souvent difficiles à codifier. Les relations dites encastrées reposent sur trois composantes principales qui influencent les attentes et les comportements des partenaires de l’échange, à savoir : (1) la confiance et les modalités de résolution conjointe des problèmes, (2) l’économie de temps, et (3) la capacité à capitaliser rapidement les opportunités offertes par le marché (Uzzi, 1997). L’encastrement protège également de l’opportunisme qui tend à détruire les relations marchandes suite à une dégradation du climat des affaires (Comet, 2007) ; il renforce l’engagement mutuel entre partenaires d’échange, crée des opportunités économiques, favorise la réciprocité et le partage des ressources et des risques, et accroît les possibilités d’accès aux informations critiques (Uzzi, 1997). Ce contexte d’encastrement favorise la performance économique à travers la mise en commun de ressources inter-entreprises, mais aussi un compromis quant à la résolution des problèmes de coordination (Comet, 2007).

1.1 – Encastrement, confiance et réduction de l’incertitude

6 Les partenariats verticaux échouent en grande partie à cause de l’attention mineure accordée à la dimension interpersonnelle qui unit les partenaires d’échange (Dubini et Aldrich, 1991 ; Hutt et Stafford, 2000 ; White, 2011). En effet, dans les relations de partenariat, les investissements impliquent non seulement le partage de ressources technologiques et économiques, mais aussi des engagements sociaux et des éléments conduisant à l’enchevêtrement d’individus. La confiance interpersonnelle, en facilitant les échanges économiques (Galaskiewicz, 1985 ; Grossetti et Bès, 2001), représente une forme alternative de contrôle, d’organisation et de résolution des problèmes à un niveau inter-organisationnel (Ring et Van de Ven, 1994 ; Mothe et Ingham, 2000). Ainsi, les acteurs d’une chaîne logistique, reposant sur une double dimension organisationnelle et humaine, s’influencent mutuellement dans la structuration des flux physiques, ce qui impacte le système d’échange. Plus largement, un système fondé sur la prédisposition motivationnelle et cognitive des individus à s’engager dans la relation modélise et structure les relations inter-organisationnelles (Ring et Van de Ven, 1994). Ainsi, les relations interpersonnelles s’appuient sur un processus qui transforme la transaction économique en une relation socialement intégrée, en l’infusant de normes et de valeurs qui permettent à la relation de perdurer au-delà du contexte actuel en favorisant la construction de la confiance inter-organisationnelle.

7 Fondée sur une heuristique plutôt que sur un comportement strictement calculatoire, contrairement à la position défendue par Williamson (1993), la confiance permet de véhiculer des ressources immatérielles qu’il est difficile de mobiliser dans le cadre de liens purement marchands (Uzzi, 1997). Elle agit en effet en tant que mécanisme de contrôle informel des échanges entre les acteurs d’un même système inter-organisationnel, comme peut l’être une chaîne logistique, en facilitant innovation, apprentissage et partage d’expériences. Un niveau élevé de confiance entre plusieurs entreprises travaillant autour d’un même projet collectif facilite ainsi l’échange d’informations confidentielles, par exemple sur les stratégies d’introduction de nouveaux produits, ce qui accroît les chances de voir ces entreprises s’engager durablement dans un échange qui devient dès l’instant plus « relationnel » que « transactionnel » (Morgan et Hunt, 1994). Comme le notent DiMaggio et Louch (1998), s’engager dans des relations économiques avec un partenaire de confiance, dont on est socialement proche, est particulièrement efficace dans un environnement turbulent et incertain, dans la mesure où le contexte de l’échange est immergé dans un ensemble de processus sociaux qui œuvrent pour préserver durablement la relation (Macneil, 1980).

8 La confiance permettant de mieux anticiper le comportement du partenaire, elle réduit l’incertitude liée aux interactions avec lui. Plusieurs chercheurs se sont intéressés à l’incertitude entourant les transactions économiques, depuis les travaux séminaux de Simon (1957). Une réponse organisationnelle alternative à l’incertitude et à l’anticipation des défaillances du marché est l’adoption d’une orientation plus sociale dans le choix des partenaires de l’échange (Podolny, 1994). L’échange, tel que décrit par Bourdieu (2000), représente le produit d’une construction sociale, de sorte qu’on ne peut décrire adéquatement les processus économiques sans faire appel à la sociologie. La connexion indissociable de l’acteur avec son cadre social, selon Beckert (2003), n’est pas seulement le constat d’une interpénétration de l’action économique, des relations personnelles et des structures organisationnelles. Elle est également une voie féconde pour façonner et motiver l’ajustement coordonné des systèmes d’action (Uzzi, 1996). Elle permet notamment aux acteurs de tisser des relations qui procurent des avantages à un niveau aussi bien individuel que collectif, et d’accroître l’efficience économique reposant sur l’apprentissage inter-organisationnel, le partage des risques et la vitesse d’accès aux informations les plus pertinentes.

1.2 – Encastrement, opportunisme et création de valeur

9 Un réseau de relations interconnectées favorise l’émergence d’un maillage de compétences (Dubini et Aldrich, 1991), et il représente un conduit d’informations précieuses observées dans les contextes les plus variés, allant des liens interpersonnels utiles à la recherche d’un emploi (Granovetter, 2000), jusqu’à l’emboîtement des conseils d’administration (Mizruchi, 1989 ; Del Vecchio, 2010). En effet, les échanges inter-organisationnels se fondent sur une information relationnelle ainsi que sur le partage d’expériences antérieurement vécues par les entreprises. Ces relations d’échange renforcent l’attractivité sociale des partenaires éventuels en faisant régner un climat de confiance et d’engagement mutuel, de réciprocité, de normes communes, d’équité et d’efficacité (Van de Ven, 1994). Elles génèrent également des retombées sociales telles que l’amitié, qui a une valeur intrinsèque au-delà du seul calcul économique. Même lorsque l’amitié est absente, les relations d’échange fournissent des informations sur autrui et conduisent, de manière fiable, à dissuader les comportements opportunistes chez chacun des partenaires (Gulati, 1995). Les réseaux interpersonnels représentent ainsi une sorte d’infrastructure au service d’un fonctionnement efficace des réseaux d’affaires, en agissant de la même manière que des systèmes de télécommunication, des chemins de fer ou des moyens de transport assurant le développement d’un pays (Hallen, 1992).

10 La question de l’opportunisme est évidemment omniprésente dans les recherches sur l’encastrement des relations économiques et sociales. Les interlocking directorates, ou encore conseils d’administration croisés, sont des formes d’encastrement très connues qui s’appuient sur les liens interpersonnels informels et jouent un rôle important dans la prise de décision et l’orientation stratégique des entreprises (Shropshire, 2010 ; Simoni et Caiazza, 2013). Ils permettent un apport considérable d’informations clés pour l’organisation, facilitant par la suite la conduite des affaires. Plus généralement, grâce aux interactions répétées au fil du temps, les relations formelles deviennent encastrées dans une socialisation incrémentale et progressive (Ring et Van de Ven, 1994). Cet encastrement est la manifestation d’une interaction sociale représentant l’ossature sur laquelle reposent les échanges économiques. Un tel investissement contribue considérablement à réduire les comportements opportunistes et à accroître la confiance perçue dans l’Autre. Granovetter (2000) évoque différents exemples dans lesquels les relations interpersonnelles sont décisives (entre commerciaux, entre directeurs d’entreprise, etc.), et il insiste sur les associations professionnelles, les clubs privés et les autres formes de sociabilité externes à l’entreprise. En d’autres termes, l’étude des échanges économiques doit s’ouvrir largement à des dimensions non économiques pour comprendre en quoi l’opportunisme peut être contenu (Grossetti et Bès, 2001).

11 Toutefois, il ne faut jamais oublier qu’établir et gérer une relation reste un processus coûteux. Il doit être considéré comme un investissement impliquant deux ou plusieurs acteurs interagissant le plus souvent selon des déterminants tels que la confiance, la communication, l’influence et l’ajustement mutuel (Hakansson et Snehota, 1995). Etant caractérisée par un dynamisme continu, la relation d’échange se présente comme un processus cumulatif qui se nourrit des expériences antérieures, créatrices de valeur. Les relations interpersonnelles permettent aux organisations de mieux identifier de nouvelles opportunités d’affaires, d’entrer dans de nouveaux réseaux qui génèrent à leur tour l’exploration de nouveaux marchés. Ainsi, s’associer avec des partenaires réussissant dans leurs domaines d’activité respectifs permet aux entreprises de capitaliser sur la réputation des autres entreprises (Emerson, 1976 ; Chetty et Agndal, 2008). Le chevauchement et l’imbrication des sphères relationnelles, économique et sociale, implique l’impossible irréductibilité des échanges inter-organisationnels à de simples relations économiques causales, ainsi que la complémentarité des échanges marchands et sociaux devenus aujourd’hui indissociables (Granovetter, 2000 ; Brass et al., 2004 ; Ferrary, 2010). Le concept d’encastrement, représentant un élément central des systèmes inter-organisationnels et traduisant parfaitement la dialectique entre l’économique et le social, retrace finalement une représentation récursive de la dynamique de relations enchevêtrées qui joignent ces deux sphères.

2 – Méthodologie de la recherche

12 Afin d’étudier en quoi l’encastrement des relations économiques (dans une perspective inter-organisationnelle) et sociales (dans une perspective interpersonnelle) peut être ou non une source de création de valeur au sein des chaînes logistiques, nous avons opté pour une recherche exploratoire de nature qualitative, fondée sur l’analyse de contenu du discours des individus (décideurs) qui évoluent dans des entreprises de prestation de services logistiques en France. L’approche semble pertinente pour identifier les évolutions les plus significatives en œuvre et comprendre des choix dans des situations de gestion fortement contextualisées (Giordano, 2003). La démarche qualitative permet d’étudier en profondeur des phénomènes émergents, en acceptant, voire en valorisant, la spécificité et les différences dans des contextes singuliers, tout en offrant plus de garanties quant à la validité interne des résultats (Marshall et Rossman, 1989). Les enjeux de ce type d’analyse sont ceux d’une démarche discursive ayant une capacité à emporter la conviction de la communauté scientifique en dépit du caractère local de l’étude (Avenier et Gavard-Perret, 2008).

13 Nécessitant un degré d’explicitation élevé (Giordano, 2003), la méthodologie qualitative a pour objectif soit d’explorer, soit de rendre intelligible un phénomène, soit de produire une explication raisonnée sur une situation complexe (Miles et Huberman, 2003). Pour aborder l’encastrement de l’économique et du social dans un contexte de chaîne logistique, nous avons décidé de rencontrer un nombre significatif de décideurs pouvant être impliqués dans la création de réseaux d’affaires. La mobilisation d’une telle méthodologie semble essentielle pour rendre compte des divers contenus des échanges éventuels pouvant exister entre les individus impliqués dans plusieurs relations d’affaires entre plusieurs entreprises. La prestation de services logistiques est, de ce point de vue, très attractive car les PSL entretiennent simultanément une multiplicité de relations commerciales avec un grand nombre de clients chargeurs. La posture méthodologique retenue doit nous aider à saisir des causalités complexes et à comprendre comment les relations interpersonnelles et les relations inter-organisationnelles s’articulent. La démarche retenue se structure par conséquent autour d’une analyse thématique du discours dans le contexte de chaînes logistiques multi-acteurs.

2.1 – Contexte de la recherche

14 Le PSL est un acteur désormais majeur et essentiel des chaînes logistiques, dont il assure le fonctionnement, et auxquelles il apporte souvent une capacité d’innovation de première importance pour réduire les coûts de distribution et améliorer la qualité de service rendue aux clients, mais également pour assurer la transition efficace vers des choix durables d’organisation (George et al., 2014). Il est directement la résultante des processus d’externalisation qui se sont développés à partir des années 1970 au niveau des entreprises industrielles et commerciales, souhaitant alors se recentrer sur des compétences clés, telles que la conception de nouveaux produits ou la communication autour de marques mondiales (Barthélémy, 2007). L’émergence d’un puissant secteur de la prestation de services logistiques, d’abord en Europe puis en Amérique du Nord et en Asie, s’est manifestée dans le cadre du basculement des activités industrielles vers des activités de services aux entreprises, ce que d’aucuns ont pu dénommer la « tertiarisation des économies ». Le terme de PSL est appliqué le plus souvent dans une acception large, en faisant référence à des transporteurs, des entreprises de transport, des tiers fournisseurs de services logistiques ou encore des entreprises de services logistiques (Fabbe-Costes et al., 2008 ; Forslund, 2012).

15 La prestation de services logistiques peut être définie comme une succession ou une combinaison d’activités complémentaires qui contribuent à la création de valeur ajoutée. Fulconis et al. (2011) présentent la définition suivante des PSL : « entreprises assurant la réalisation d’activités logistiques pour le compte d’un industriel ou d’un distributeur ». Néanmoins, les auteurs affirment que, dans la littérature, les PSL sont décrits de manière très générale et que leur dimension opérationnelle n’est pas au cœur des analyses. Les activités prises en charge peuvent concerner des opérations liées à la rupture de charge (réception et contrôle des matières et marchandises, manutention, stockage, etc.), des opérations para-industrielles (réparation, assemblage, finition, etc.), des opérations para-commerciales (préparation de commandes, constitution de lots promotionnels, prévision de vente, marquage des prix, etc..), des opérations de gestion proprement dites (suivi des dates de préemption, retour des palettes, gestion des stocks, etc.), des activités de conseil et, enfin, des opérations de transport (traction, affrètement, achat / négociation de fret, etc.). La diversité des activités prise en charge, notamment en termes de services à valeur ajoutée, est désormais vue comme une réalité structurante pour les chaînes logistiques contemporaines.

16 L’approche en termes d’encastrement des relations économiques et sociales dans le contexte logistique découle des enjeux liés au pilotage des flux, qui nécessite la coordination d’une multitude d’entreprises en interaction continue pour assurer au mieux la mise à disposition de produits au client final. L’importance de dimensions relationnelles a notamment été souligné par Radzeviciene et Nugaras (2012), dans une recherche conduite auprès de chargeurs et de PSL opérant aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Lituanie. Il en ressort que la confiance qui s’établit entre les membres d’une même chaîne logistique dépend de manière significative de la présence de gatekeepers dynamiques et de l’intensité de leur interaction sociale. Plus largement, les décideurs au sein de chacune des entreprises partenaires vont participer à des réunions communes pour échanger des informations et débattre sur les meilleurs choix possibles, ce qui finit par construire une relation interpersonnelle très utile afin de faire face aux problèmes rencontrés dans le pilotage au jour le jour de la chaîne logistique. En tant que système inter-organisationnel, la chaîne logistique renvoie effectivement à une action collective qui oblige à penser un dialogue entre les décideurs impliqués dans un processus de décision par nature multi-acteurs (Rouquet, 2009 ; Galaskiewicz, 2011).

2.2 – Recueil et traitement des données

17 La démarche de recherche repose sur le recueil d’une masse importante de données provenant d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de décideurs salariés de PSL dont la clientèle de chargeurs est constituée à la fois d’industriels et de distributeurs. Nous adoptons la position selon laquelle le discours des individus est le révélateur d’une éventuelle imbrication de logiques individuelles et de réalités organisationnelles complexes. Le questionnaire a été structuré en cinq grands thèmes relatifs au contexte d’affaires, au capital social et relationnel, à son rôle dans la construction de la confiance, à la conjonction des relations interpersonnelles et des relations inter-organisationnelles, et à la diversité des relations personnelles (voir le Tableau 1). La population interviewée est composée de personnes affectées à des postes clés dans les entreprises (responsables d’études et développement, directeurs généraux, directeurs logistiques, etc.), repérées comme étant les plus légitimes pour représenter l’organisation dans laquelle elles s’investissent. Tous les entretiens ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone et entièrement retranscrits pour assurer une meilleure exploitation des résultats. Le nombre total d’entretiens s’élève à 78. La durée moyenne des interviews est de 54 minutes par personne interrogée, pour un total de 71 heures d’enregistrement.

Tableau 1

Structure du questionnaire

Tableau 1
Thèmes Items Questions posées Généralités et contexte Contexte Quelle est votre vision de la prestation de services logistiques en France ? Niveau organisationnel Pourriez-vous me présenter en quelques mots la philosophie de votre entreprise ? Niveau individuel Quel est votre parcours professionnel ? Capital social et relationnel Nature du réseau relationnel Quel type de liens entretenez-vous avec des personnes appartenant à d’autres entreprises partenaires, par exemple en termes amicaux, de conseil ou de collaboration ? Poids du réseau relationnel dans les affaires Pensez-vous que vos relations personnelles vous permettent d’atteindre des clients difficilement accessibles ? Capital relationnel et construction de la confiance Confiance interpersonnelle Dans votre portefeuille relationnel, parmi vos connaissances au niveau professionnel, y-a-t-il des individus avec qui vous partagez des valeurs communes ? Confiance inter-organisationnelle Selon vous, un comportement honnête et intègre entre personnes appartenant à deux entreprises partenaires permet-il d’améliorer les relations commerciales entre ces entreprises ? Thèmes Items Questions posées Conjonction des relations interpersonnelles et des relations inter-organisationnelles Encastrement Selon vous, existe-t-il une interdépendance entre les relations personnelles et les relations d’affaires entre entreprises ? Bénéfices de l’encastrement L’interpénétration entre les deux types de relations, personnelles et professionnelles, permet-elle de créer des opportunités d’affaires pour votre entreprise ? Diversité des relations personnelles Relations interpersonnelles et coordination des chaînes logistiques Pensez-vous que les relations interpersonnelles favorisent l’acquisition des ressources relationnelles et informationnelles permettant à votre entreprise de créer des opportunités de développement futur pour les chaînes logistiques auxquelles vous participez ?

Structure du questionnaire

18 À la traditionnelle analyse de contenu thématique, nous avons associé une analyse propositionnelle de discours, notamment utilisée par Fernandez Bonet (1999) dans son étude approfondie des relations de conflit et de coopération entre industriels et distributeurs en France. Les discours individuels ont été déconstruits et synthétisés pour lever le plus possible les ambiguïtés qui pourraient les sous-tendre. Il s’est ensuite agi de créer des dictionnaires qui s’apparentent aux catégories de l’analyse thématique (en très grande partie les mêmes), selon les scenarii développés à l’aide du logiciel d’analyse sémantique Tropes (Ghiglione et Blanchet, 1991 ; Seignour, 2011). Ces dictionnaires permettent de regrouper des mots, soit sur la base de leur synonyme, soit parce qu’ils se rattachent à une même thématique. Autrement dit, il s’est agi de mettre en évidence des associations thématiques ou des relations particulières entre certains des cinq thèmes, ce qui a servi ensuite à créer des variables pour recoder le corpus et faire apparaître des catégories conceptuelles ou thématiques.

19 Les discours en tant que productions langagières sont des opérations cognitives effectuées par un locuteur qui met en scène des mondes causalement liés. C’est une suite d’énoncés de complexité variable et un ensemble cohérent aux plans référentiel et thématique permettant d’interpréter des régularités linguistiques et de dévoiler en particulier le non-dit. Les actes langagiers, appelés discours, constituent une organisation structurée et complexe des contenus facilitant ainsi une analyse cognitivo-discursive qui cherche principalement à détecter les propositions remarquables d’un discours. Pour cela, l’analyse cognitivo-discursive s’appuie sur une série de comptages et d’algorithmes que fournit le logiciel Tropes (Ghiglione et Blanchet, 1991) ; il représente, de ce point de vue, une méthodologie d’analyse textuelle approfondie favorisant une analyse très fine des énoncés discursifs (Seignour, 2011). Les algorithmes permettent de calculer des fréquences d’occurrence et de co-occurrences de mots qui possèdent une signification voisine (classes d’équivalent), ou des propositions grammaticales (sujet-verbe-prédicat). En effet, plusieurs indicateurs langagiers correspondent aux catégories de verbes (factifs, statifs, déclaratifs, performatifs), aux modalisations (plus connues sous le nom d’adverbes), aux connecteurs (appelés aussi conjonctions de coordination), et aux catégories d’adjectifs (objectifs, subjectifs, numériques), indicateurs définis par l’analyse propositionnelle du discours (Ghiglione et Blanchet, 1991 ; Fernandez Bonet, 1999).

3 – Principaux résultats

20 Le travail d’analyse et d’interprétation a permis, en fonction des stratégies discursives adoptées par les locuteurs, de dessiner les tendances et les orientations du discours autour de deux thématiques centrales. Ces thématiques, jugées significatives à partir des résultats fournis par l’analyse propositionnelle du discours, représentent des trajectoires qui ont marqué la population interrogée et qui représentent des réponses aux thématiques relatives aux enjeux de l’encastrement des relations économiques et sociales dans le contexte des chaînes logistiques. Nous avons ainsi pu procéder à une extraction et un regroupement thématiques selon les axes suivants : (1) la confiance à deux niveaux relationnels différents, mais indissociables ; (2) le capital social et la construction de la confiance. Des verbatim jugés significatifs illustrent les principaux résultats obtenus.

3.1 – Se faire personnellement confiance

21 Il apparaît que le capital social détenu par et entre les acteurs d’une organisation génère de la confiance, à un double niveau interpersonnel et inter-organisationnel ; elle se présente comme un construit fondamental qui réduit considérablement l’opportunisme et les asymétries informationnelles, et qui constitue le fondement des contrats relationnels propres aux partenariats à valeur ajoutée, comme l’a d’ailleurs indiqué Gulati (1995) dans sa recherche sur les alliances. Qu’elle soit interpersonnelle ou inter-organisationnelle, la confiance agit sur le processus de négociation et sur la performance des échanges au sein des chaînes logistiques. Cependant, elle ne peut émerger que dans le cadre d’une proximité relationnelle et grâce à des liens interpersonnels étroits développés entre les membres d’une même chaîne logistique. Elle est construite par les individus, puis s’élargit aux réseaux d’affaires afin de façonner et influencer le comportement d’échange interpersonnel et inter-organisationnel. La double dimension économique et sociale peut alors déboucher sur une modélisation des flux de type social network analysis, à l’image de la chaîne logistique du vin étudiée par Saglietto et al. (2016).

22 La confiance est conditionnée par la durée de la relation d’affaires, la stabilité du management et le respect des engagements antérieurs. D’une certaine manière, les répondants semblent développer des phénomènes de mimétisme, ou plus exactement d’isomorphisme normatif au sens de DiMaggio et Powell (1983). La prééminence d’une relation interpersonnelle conduit progressivement les décideurs à s’ajuster les uns les autres sur un système commun de règles auquel tenter de déroger peut conduire à l’exclusion de certains réseaux ; le développement de liens sociaux est en partie issu d’un tel processus. Le discours des répondants est ainsi marqué par la présence assez forte de la notion de confiance générée par le capital immatériel ou le tissu relationnel ; le niveau de confiance entre des individus, qui se connaissent et qui développent entre eux une affinité professionnelle, dépasse le cadre strict de la relation économique. Se connaître personnellement, se faire confiance, permet de conclure plus rapidement des affaires et de dépasser des problèmes formels et procéduraux imposés par des structures organisationnelles souvent rigides. En bref, la sensibilité à l’égard de la confiance est fortement liée à la notion du capital social progressivement dévelopé. Les répondants s’accordent d’ailleurs, de manière significative, sur l’importance des réseaux relationnels dans la formation de la confiance (entretiens 21 et 24). Cette dernière est une dimension primordiale qui découle d’une dynamique liée directement au tissu relationnel qu’un décideur a su construire au fil du temps (entretiens 32 et 41).

Encadré 1 - Extraits de verbatim significatifs

Entretien 21 : « Je donne ma confiance à des personnes que je connais et cette confiance va se construire et se nourrir. J’ai tendance à dire que la confiance est le premier fondement avant de concevoir un partenariat parce que vous pouvez parfaitement construire un partenariat avec quelqu’un qui répond à tous les critères et être le meilleur spécialiste, etc., mais si vous n’avez pas confiance en lui, ça ne sera plus un partenaire, ça sera un fournisseur. Cette confiance ajoute de la pérennité dans la relation ».
Entretien 24 : « Comme je l’ai expliqué, avec les personnes qui ont muté vers d’autres entreprises ou autres secteurs, on a gardé les relations aujourd’hui parce que tout d’abord ils sont compétents, mais aussi parce qu’il y a une certaine marge de confiance et quand on travaille avec des clients pendant trois ans, quatre ans ou plus, on peut dire qu’à un moment donné, il y a une confiance qui est acquise et qui est reconnue. Donc, on est à un moment donné évidemment au-delà de la simple relation client-prestataire. Avec le temps, évidemment, il y a une connaissance de l’un et de l’autre qui fait que, voilà, on se connaît bien et chacun sait très bien ce qu’il peut apporter à l’autre ».
Entretien 32 : « Cette confiance, j’ai tendance à dire qu’elle est issue du réseau de connaissances que je détiens. La notion de réseau est ici importante et puis dans la logistique, on est dans un petit monde, c’est-à-dire à partir du moment où vous faites partie d’une association, vous rencontrez des gens, vous tissez votre réseau et vous obtenez des informations. J’ai tendance à dire aujourd’hui que le relationnel est un atout, et une qualité que les managers doivent posséder pour créer des relations avec les fournisseurs, avec les clients, avec les collaborateurs, pour agrandir leurs champs de vision par rapport aux partenaires éventuels et potentiels par exemple ».
Entretien 41 : « Pour moi, la confiance est un passage obligé à un moment donné. Pour moi, ça entre dans la relation entre deux personnes et on dit toujours qu’on gagne la confiance de l’autre. A un moment donné, dans la relation entre deux personnes dans le cadre professionnel, il y a celui qui va devoir faire preuve qu’il est une personne de confiance et devoir montrer en gros patte blanche, et montrer que c’est une personne qui est digne de confiance. Et vous avez l’autre qui est une personne qui donne la confiance et elle doit être aussi flexible à certains moments et se dire là, ma confiance, il faut que je la donne pour pouvoir permettre à l’autre de faire preuve qu’il est une personne digne de confiance ».

3.2 – Partager des informations et des connaissances

23 L’encastrement des relations économiques et sociales se présente dans notre recherche de terrain comme une source potentielle d’échange d’informations entre les acteurs d’une même chaîne logistique. Pour les répondants, les liens interpersonnels facilitent le développement d’ajustements mutuels, en permettant de partager des informations de pilotage pour éviter des dysfonctionnements tels que des retards de livraison, ou des erreurs de préparation de commandes. Une telle interconnexion entre individus permet la transmission de ressources informationnelles utiles aux interactions continues de l’entreprise avec son environnement externe. Etant considéré comme un vecteur d’acquisition d’informations, l’univers de la relation interpersonnelle se recoupe avec la sphère des relations économiques (inter-organisationnelles) pour permettre aux décideurs de se construire une idée sur le degré de fiabilité du partenariat logistique (entretien 47). Cet univers relationnel est porteur de solutions et de performance en termes de réactivité, et un soutien de communication, de négociation et d’apprentissages croisés s’il est fondé sur une confiance fortement ancrée (entretien 44). En bref, la connaissance que l’on a dans une personne, et les informations que l’on peut échanger avec elle dans un cadre professionnel ou extra-professionnel, tendent à augmenter l’indice de confiance accordée, et impactent positivement sur la volonté de travailler avec elle dans une perspective inter-organisationnelle (entretien 27).

Encadré 2 - Extraits de verbatim significatifs

Entretien 27 : « Alors, le fait de se connaître et de travailler ensemble, et que cette relation apporte satisfaction pour les deux personnes, c’est certain, la personne refait appel à vous. C’est parce qu’il y a un élément fort dedans, je le résume dans un mot : la confiance. Cette confiance qui s’est créée entre les personnes bien entendu ».
Entretien 44 : « C’est un métier dans lequel il faut avoir un portefeuille extrêmement important, une crédibilité, une réputation. Le relationnel m’apporte de l’efficacité parce que quand vous connaissez quelqu’un, vous avez déjà un élément de confiance avec lui. Je pense globalement que le fait de se connaître, ça facilite parce qu’on a confiance, on arrive à conclure les choses assez vite. Le fait de se connaître et d’être en confiance avec quelqu’un, ça réduit les éléments liés aux risques dans une relation ».
Entretien 47 : « Effectivement, avec certaines personnes, et là je pense plutôt du côté des clients, le fait d’avoir un très bon relationnel et une relation de confiance avec les gens, ça nous permet effectivement de pouvoir être un peu plus ouvert dans la discussion, et d’avoir accès à des informations qui sont assez utiles et qui sont moins tronquées. Donc, c’est beaucoup plus une relation personnelle qui sert de régulateur et de mesure de la relation entre mon entreprise et la sienne. Parce qu’il y a une relation de confiance qui s’est créée et ce que je vis moi, en tant que fournisseur. Cette relation est un peu ambiguë avec ce personnage-là. La proximité me permet d’avoir effectivement une certaine complicité et elle me donne de l’information que je n’arrive pas à obtenir directement avec d’autres personnes ».

4 – Implications managériales

24 D’un point de vue managérial, les résultats de la recherche, illustrés par plusieurs verbatim significatifs, indiquent que les entreprises peuvent mettre en œuvre des stratégies relationnelles reposant sur l’encastrement, le capital social, la confiance et les liens interpersonnels qui se développent dans un cadre à la fois professionnel et extra-professionnel. Le concept d’encastrement permet aux décideurs d’appréhender une nouvelle lecture socialisée des registres organisationnels, à condition que le top management soit en mesure de comprendre l’intérêt d’entretenir des relations sociales avec les partenaires d’affaires, et comment ces relations peuvent créer de la valeur (à partager) au sein des chaînes logistiques. L’intérêt pour les décideurs est finalement d’apprendre à développer leur habileté à gérer des relations interpersonnelles à valeur ajoutée ; une telle habilité réside dans l’acquisition d’une compétence relationnelle favorisant la coordination et le pilotage des chaînes logistiques. Au vu des résultats obtenus, nous pouvons suggérer des préconisations managériales sur un sujet finalement, et hélas, peu abordé jusqu’à présent.

4.1 – La relation interpersonnelle comme facilitateur des échanges

25 Au fil des entretiens, il est apparu que la relation interpersonnelle est une ressource rarement valorisée dans nombre d’entreprises. Pourtant, l’univers des relations interpersonnelles permet de faire jouer des phénomènes d’apprentissage, et de se connecter à d’autres univers professionnels. Il est également évident qu’une fois la confiance instaurée, les partenaires feront chacun de leur côté des arbitrages en interne, tournés vers la préservation du partenaire ainsi que de ses intérêts, et non pas uniquement orientés vers la rentabilité économique propre à leur entreprise. Cartographier sa galaxie relationnelle, et faire l’inventaire de ses relations fondées sur la confiance, permet à une entreprise de développer un réseau hétérogène à fortes aspérités. À l’évidence, il s’agit avant tout d’une affaire de stratégie élaborée et appliquée systématiquement par les instances dirigeantes ; elles ont tout intérêt à encourager et à développer cette démarche pour maintenir et développer l’activité, ce qui veut dire sortir impérativement de la gestion quotidienne et participer à des manifestations professionnelles pertinentes par rapport aux objectifs et aux cibles visés. C’est plus précisément le tissu associatif, les manifestations culturelles et sportives, les liens développés au sein de syndicats professionnels et de clubs, qui représentent un véritable apport en termes d’expérience, de nouvelles initiatives et d’animation de réflexion autour d’un certain nombre de problématiques communes aux acteurs d’une chaîne logistique.

26 L’un des exemples les plus intéressants en matière de logistique est celui des clubs de réflexion qui associent industriels, distributeurs et PSL dans des réflexions sur la manière d’aborder le tournant du développement durable. Les participants à de tels clubs, tels que Demeter en France, voient ainsi émerger des solutions adoptées par des concurrents, mais aussi par des clients et par des fournisseurs. Outre les enjeux en termes de benchmarking, pour se situer comparativement aux autres acteurs plus avancés en matière d’optimisation des tournées de livraison, de réduction des gaz à effets de serre ou encore d’entreposage HQE, il est alors possible de nouer des contacts utiles pour le futur. Le responsable français de la logistique d’une grande entreprise de restauration rapide a ainsi été impliqué dans plusieurs projets de rationalisation des flux dans l’espace urbain, notamment à Bordeaux, et il a su tirer bénéfice de rencontres régulières avec plusieurs opérateurs publics et privés, mais aussi avec des hommes politiques influents, pour identifier les points clés d’amélioration de son offre de services en contexte de logistique urbaine durable. Mieux encore, ce même responsable logistique entretient des relations personnelles étroites avec le président et le secrétaire général d’un puissant syndicat professionnel lui permettant d’être partie prenante de projets de réorganisation en cours dans plusieurs villes françaises, notamment en matière d’implantation de centres de distribution urbaine. C’est par conséquent un savoir être nouveau qui émerge, celui d’un décideur capable de se placer au bon moment dans les bons réseaux pour améliorer le positionnement concurrentiel de son entreprise.

4.2 – La relation interpersonnelle inductrice d’opportunités d’affaires

27 Faire partie de groupes de réflexion d’industriels, évoluer dans le milieu associatif, fréquenter des salons professionnels, des colloques et des forums, favorise l’accroissement du portefeuille de connaissances, comme indiqué précédemment. Un tel univers relationnel représente de fait une alternative intéressante pour développer des opportunités d’affaires et acquérir des informations d’un degré de pertinence variable, mais qui pourraient éventuellement créer de la valeur pour l’organisation. Le business networking constitue un art subtil, un état d’esprit particulier et une réelle philosophie de vie. Assurant un avantage compétitif significatif, le réseau est une arme méconnue et une démarche efficace dans le monde des affaires. L’objectif est ici de faire du business networking une clé de la stratégie commerciale, un élément fortement différenciateur et un pourvoyeur d’avantage compétitif. Dans le cadre du développement d’une approche commerciale qualifiée de non agressive, la prise de contact se fait souvent grâce à la recommandation d’un connecteur dénommé par les praticiens apporteur d’affaires ; les relations interpersonnelles jouent ici un rôle central. Cette démarche réfléchie et professionnelle repose sur la confiance qui représente le socle intangible du réseautage efficace, et le lubrifiant indispensable dans les rouages complexes de toute relation humaine.

28 Une telle approche est assez courante en logistique, notamment chez les PSL. Beaucoup d’entre eux gèrent des contrats partagés, c’est-à-dire communs à plusieurs clients chargeurs. Leur intérêt est de bénéficier d’un effet de levier en utilisant un client actuel, par exemple un distributeur, pour atteindre un client potentiel, par exemple l’un des industriels qui travaille avec le distributeur et se trouve en relation directe avec le PSL. Si le PSL est perçu par son client actuel comme particulièrement efficace, le travail de prospection de ses commerciaux auprès de l’industriel sera facilité par la présence de connecteurs chez le distributeur, qui joueront le rôle de gatekeepers. On imagine sans peine que si le commercial du PSL réussit à entretenir une relation interpersonnelle de qualité, faite d’écoute et d’empathie, avec l’acheteur de services logistiques du côté du distributeur, les portes seront plus aisément ouvertes chez l’industriel qui fournit ledit distributeur. Encore faut-il qu’une confiance se soit établie pas à pas entre le vendeur et l’acheteur de services logistiques, et qu’aucun incident critique ne soit venu l’altérer, par exemple la présence d’un comportement jugé, à un moment donné, déloyal.

4.3 – La relation interpersonnelle comme vecteur d’acquisition d’informations

29 C’est à travers le rapprochement et l’association entre les deux sphères, celle des relations interpersonnelles et celle des relations inter-organisationnelles, que les entreprises arrivent à bénéficier d’un levier cognitif. Ce rapprochement permet en effet d’acquérir des informations issues de sources totalement différentes, d’assurer une réactivité et une agilité élevées quant à la prise de décision, de disposer de canaux d’information formels et informels pouvant intervenir dans l’acquisition des opportunités d’affaires, et d’assurer la résolution conjointe et rapide des problèmes au niveau opérationnel. Détenir un portefeuille relationnel et un réseau de connaissances étendu contribue donc à positionner efficacement l’entreprise dans la réponse aux appels d’offres, ou à être sollicitée prioritairement dans le développement d’une affaire. Valoriser un tel capital social et humain, en mettant en place des stratégies relationnelles adéquates, est un axe de développement stratégique qui doit impérativement être mis en valeur. Un tissu relationnel dense positionne l’entreprise sur des opportunités d’affaires et assure une veille informationnelle fiable. La relation interpersonnelle se présente ainsi comme un démultiplicateur et un catalyseur de la relation d’échange permettant de bénéficier d’une visibilité et d’une attractivité facilitant les mises en contact, le développement de l’activité et le pilotage efficace des chaînes logistiques.

30 Le cas du fonctionnement des réseaux logistiques de proximité dans l’industrie automobile constitue une excellente illustration de l’importance de la relation interpersonnelle dans les ajustements mutuels entre acteurs. On sait en effet que de nombreux constructeurs ont souhaité que leurs principaux fournisseurs de rang 1 se localisent dans une zone géographique proche de l’unité d’assemblage pour faciliter la coordination des flux physiques ; Adam-Ledunois et Renault (2013) se sont intéressées de longue date à cette question centrale. Or, il apparaît clairement que la proximité permet aussi et surtout des échanges interpersonnels aisés entre clients et fournisseurs, à travers la circulation continue de données dialogiques, difficilement formalisables (à la différence des données monologiques). Lorsqu’un dysfonctionnement survient, par exemple dans l’approvisionnement d’une ligne de production, il est alors possible de trouver une solution au problème dans de brefs délais, des délais d’ailleurs d’autant plus brefs que les individus, du côté du client et du côté du fournisseur, n’ont cessé d’apprendre à mieux se connaître au fil du temps, et à partager des savoirs tacites particulièrement utiles dans un contexte d’hyperréactivité obligée face aux aléas. Chacun a fini par assimiler et partager de multiples registres d’action qui, au final, augmentent la résilience de la chaîne logistique confrontée à des dysfonctionnements plus ou moins récurrents.

Conclusion

31 Les relations inter-entreprises au sein des chaînes logistiques, qui s’avèrent de plus en plus complexes quant à leur configuration imbriquée, semblent implicitement reposer dans leur mise en œuvre sur une confiance faisant intervenir des relations interpersonnelles dans le cadre de réseaux sociaux aux contours parfois flous. La confiance que nous pouvons avoir dans certains individus est inséparable de la confiance que nous pouvons avoir dans un système donné ou dans une institution donnée. Personnelle ou inter-organisationnelle, les deux formes de confiance s’articulent parfaitement pour constituer la base de toute relation. L’univers interpersonnel, favorable à la constitution de nouveaux circuits de communication réactifs, est favorable à la flexibilité et à l’échange croisé d’informations, y compris tacites. Il permet de faire face à un environnement complexe et dynamique, en supprimant les cloisonnements entre entreprises. Il ressort de notre recherche exploratoire que l’investissement relationnel permet de mieux faire face aux incertitudes et à l’opacité du marché, de pallier les comportements purement calculateurs et opportunistes et de mieux répondre aux attentes des clients. L’article a ainsi souligné l’importance du registre relationnel qui façonne les relations inter-organisationnelles, un registre dans lequel les entreprises doivent investir pour constituer un capital immatériel qualifié de stratégique. Elles doivent s’engager ainsi dans une culture relationnelle et un maillage social favorable au développement d’actions collectives plus efficaces.

32 Le travail conduit n’est cependant pas exempt de limites, qui ouvrent autant de pistes de recherche futures. La première limite est liée à la méthode d’enquête retenue, à savoir un échantillon significatif d’entreprises, mais dans le cadre d’un nombre limité de contacts, relativement brefs. Ceci rend difficile une réelle compréhension des processus, la manière dont se construisent dans le temps des relations interpersonnelles, et ce qui peut conduire, à un moment donné, au fait que les relations se distendent suite à un incident critique, par exemple suite à une incompréhension entre deux individus. Pour surmonter cette première limite, il serait intéressant d’avoir recours à des études de cas multiples auprès de différents PSL, dans une perspective longitudinale, avec une immersion dans le terrain sous forme d’observation non participante, sur le modèle de la recherche conduite par Medina (2006) sur les stratégies d’enracinement menées par les PSL dans leur relation avec leurs clients chargeurs.

33 La deuxième limite, assez traditionnelle dans les recherches en logistique et en distribution, est d’évacuer une approche dyadique tenant compte de la manière dont le client du PSL perçoit, de manière convergente ou divergente, les questions relatives à l’encastrement dans sa double dimension économique et sociale. L’article a uniquement opté pour le point de vue du décideur chez le PSL, en ignorant le point de vue du décideur chez l’acheteur de services logistiques, peut-être réticent au final à « entrer dans le jeu » de son interlocuteur. Une analyse interactionniste de type dyadique pourrait ici nous éclairer sur une réalité encore trop peu méconnue, dont la volonté est de replacer l’Humain au cœur de l’organisationnel.

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Notes

  • [1]
    Nejib FATTAM : Professeur, Université Internationale de Tunis, Responsable de la filière Management - n.fattam@uit.tn.
  • [2]
    Gilles PACHÉ : Professeur des Universités, CRET-LOG, Aix-Marseille Université - gilles.pache@univ-amu.fr.
  • [3]
    Les auteurs remercient chaleureusement les deux évaluateurs anonymes de Management & Avenir, dont les commentaires et suggestions ont permis d’améliorer de manière significative la première version de l’article.
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