Notes
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[1]
Le présent article fait suite à une communication au 35e congrès de l’Association Française de Comptabilité tenu à Lille les 27 et 28 mai 2014, et à la First Finance Week Conference tenue au Groupe ESC PAU les 5 et 6 décembre 2013, sous le titre « Utilité de l’information sur les actifs immatériels aux analystes f inanciers et aux gérants de portefeuilles lors des augmentations de capital : une enquête par questionnaires dans le contexte français ».
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[2]
Manel LABIDI : Docteur en sciences de gestion – ATER, IAE NICE – Université de Nice Sophia Antipolis, France – manel.labidi@iscae.rnu.tn
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[3]
Mohamed Ali OMRI : Professeur des Universités – College of Business Administration ; Northern Border University ; Saudi Arabia and Tunis El Manar University – Tunisia – medomri@gmail.com
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[4]
Bukh et al. (2005), Striukova et al. (2008), Li et al. (2008), Campbell et Rahman (2010), etc.
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[5]
Ce faible nombre de participants se justifie par le fait que lorsque la population d’une cible de répondants est restreinte, un pré-test de cinq questionnaires est suffisant (Giannelloni et Vernette, 2012).
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[6]
D’après Michaïlesco (1998), les analystes financiers préfèrent cette échelle, car elle leur offre plus de liberté pour exprimer leurs avis.
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[7]
Voir Iacobucci (2001) et Stewart (1981) en ce qui concerne le choix de rotation des facteurs.
Introduction
1Les actifs immatériels ont connu durant ces dernières décennies une importance croissante, du fait de leur rôle déterminant dans la création de valeur. La difficulté de reconnaissance comptable dont ils font l’objet serait à l’origine du déclin de la pertinence du contenu informatif des états financiers (Francis et Schipper, 1999 ; Lev et Zarowin, 1999 ; Dontoh et al., 2004), ainsi que d’une mauvaise allocation des ressources sur les marchés boursiers (Zéghal et Maaloul, 2011). Afin de pallier ce déclin de pertinence, la diffusion d’informations sur les actifs immatériels par les entreprises leur est de plus en plus recommandée, que ce soit par des experts (Sveiby, 1997), des organismes de normalisations comptables (FASB, 2001 ; IASB, 2010), des institutions publiques (MEFI, 2011), ou encore internationales (OCDE, 2013). Bien que la normalisation de la communication sur la RSE, le développement durable et le contrôle interne est venue enrichir les données afférentes aux actifs immatériels, les informations pertinentes sur ces actifs disponibles sur le marché restent limitées, comme en témoigne le dernier rapport de l’OCDE (2013) sur l’immatériel. Ainsi que l’analyse des pratiques des entreprises qui met en évidence un faible niveau de communication sur l’immatériel. En effet, les informations contenues dans les rapports d’activité ne représentent que 30 % des indices adoptés dans l’évaluation de l’étendue de cette communication (Petty et Cuganesan, 2005 ; Bejar, 2006 ; Maaloul et Zéghal, 2015). En France, l’étude des pratiques des entreprises cotées montre que celles-ci communiquent peu d’indicateurs sur ces actifs, rendant ainsi leur valorisation difficile par les analystes financiers (Guyot, 2010). Cette communication se caractérise par un discours souvent positif ou neutre (Guyot, 2010). Un manque de cohérence et de comparabilité est également constaté en raison de l’absence d’un référentiel normatif en plus de la diversité des indicateurs publiés (OCDE, 2013). Ce qui soulève la question de l’efficacité de cette diffusion d’information dans les prises de décision des investisseurs. L’enjeu que représente les actifs immatériels pour les entreprises est tel qu’en France le Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie a chargé, en 2010, un groupe de travail (Thésaurus-Bercy), représentant toutes les parties prenantes, de la mission de proposer des méthodologies opérationnelles permettant de mesurer, gérer et communiquer sur ces actifs. Cette mission a donné lieu à la publication, l’année suivante, du rapport Thésaurus-Bercy, dans lequel il est vivement conseillé aux entreprises cotées d’améliorer leur communication financière en adossant à leur bilan comptable le Bilan Thésaurus Bercy (BTB) des actifs immatériels, afin de compléter des états financiers reconnus d’être peu informatifs.
2Sur les places financières, la création de richesse dépend fortement d’une allocation efficiente des ressources, en fonction du risque dont l’évaluation nécessite incontestablement des informations fiables et pertinentes sur les facteurs de création de valeur (OCDE, 2013). Par conséquent, une communication inadéquate sur les actifs immatériels peut entraîner pour les entreprises des difficultés de financement ou un coût de capital élevé (OCDE, 2013). Cela pourrait être le cas des entreprises cotées qui se retournent vers les marchés boursiers pour se financer par émissions de nouvelles actions. En effet, ces émissions sont caractérisées par une asymétrie d’information importante liée au fait que les connaissances des dirigeants au moment de l’émission sont supérieures à celles du marché. Une asymétrie additionnelle liée aux actifs immatériels s’ajoute pour deux principales raisons. Premièrement, parce que ces actifs sont inadéquatement reflétés par le bilan comptable. Deuxièmement, parce que les bénéfices qu’ils sont susceptibles de générer sont incertains. Communiquer adéquatement sur ces actifs lors des augmentations de capital en numéraire pourrait être bénéfique aux entreprises. Toutefois, quelle information une entreprise devrait-elle communiquer tandis que les utilisateurs externes n’expriment pas les mêmes attentes ?
3L’objectif de ce papier est d’apporter une contribution à la question à travers un examen de l’utilité, selon les utilisateurs des rapports annuels, des 81 items et sous-items les plus cités dans la littérature consacrée, d’une part, dans leurs décisions d’investissement dans les sociétés faisant appel public à l’épargne, et d’autre part, dans leur évaluation de ces mêmes sociétés. Aborder cette question nous paraît très important, pour quatre principales raisons. D’abord, cela permettrait d’identifier les besoins informationnels de ces utilisateurs, et ce dans le contexte des émissions de nouvelles actions, jusque-là non connus. Deuxièmement, éclairer les émetteurs sur ces besoins pourrait les guider dans leurs politiques de communication, et leur permettre, ainsi, de répondre plus efficacement aux attentes du marché. Ensuite, une collecte d’informations en interne bien ciblée sur des éléments jugés utiles par le marché favorise, sans doute, un gain de temps et une réduction du coût de collecte et de diffusion de l’information. Enfin, mieux communiquer sur leurs parties cachées aux augmentations de capital, permet aux émetteurs de réduire l’asymétrie d’information et de se financer dans de meilleures conditions de marché.
4Le papier est organisé de la manière suivante ; nous présentons, tout d’abord, une revue de la littérature. La deuxième section est consacrée à la présentation de notre méthodologie de recherche. Dans la troisième section, nous présentons et discutons les résultats issus de cette étude. Enfin, nous concluons ce travail de recherche tout en dégageant les limites et en suggérant des pistes de recherches futures.
1 – Revue de la littérature
5Les actifs immatériels peuvent être définis comme toute ressource de l’entreprise, non financière, sans substance physique, difficilement mesurable, et génératrice de bénéfices économiques futurs. Ils sont très diversifiés, et ne peuvent, de ce fait, être appréhendés uniquement sous l’angle comptable, qui, adoptant des critères stricts, les réduit à quelques éléments, notamment, les frais de R&D, les brevets, les licences, le goodwill, et les marques commerciales lorsqu’elles sont acquises. Plusieurs appellations existent pour désigner ces actifs ; capital immatériel, actifs intangibles et capital intellectuel. Dans la conception anglo-saxonne (Sveiby, 1997), les actifs immatériels sont définis en trois composantes principales : le capital structurel appelé aussi capital organisationnel (culture d’entreprise, philosophie de gestion, système d’information, etc.), le capital relationnel (parts de marché, relations avec la clientèle, image de marque, etc.) et le capital humain (savoir-faire, esprit entrepreneurial, relations avec les employés, compétences, etc.). L’école française propose une définition plus détaillée de ces actifs. Fustec et Marois (2006), par exemple, identifient neuf catégories, et ce en séparant des trois composantes susmentionnées les partenaires, le système d’information, la connaissance, les marques, les actionnaires et l’environnement. Pour Walliser (2014), ces actifs se décomposent en sept catégories ; capital organisationnel, capital humain, capital relationnel, capital partenaire, capital savoir, valeur des marques et système d’information. En revanche, Cappelletti (2012) propose une typologie binaire sériant ces actifs en seulement deux composantes, à savoir, le capital humain et le capital négociation. Il introduit dans sa définition d’autres éléments non pris en compte dans la conception anglo-saxonne. Il s’agit de la RSE, du développement durable, des règles de gouvernance, etc. Toutefois, il faut souligner le fait que ces éléments ne représentent pas des actifs immatériels au même titre que la marque, les compétences de l’équipe dirigeante, le savoir-faire, etc. D’un point de vue managérial, une différence fondamentale existe entre ces éléments. Selon Fustec et Marois (2006), à travers une approche ISO ou une démarche RSE, l’entreprise étudie ce qu’elle fait, et donc évalue les actions du management. Alors que le capital immatériel lui permet d’apprécier son stock de richesse immatérielle et vise essentiellement à ne recenser et à ne suivre que les principaux facteurs constitutifs de la valeur de l’entreprise (Fustec et Marois, 2006). À l’instar de Bessieux-Ollier et al. (2014) et de Maaloul et Zéghal (2015), nous adoptons la conception anglo-saxonne pour définir ces actifs. C’est celle qui a largement influencé ce champ de recherche.
6L’information non financière occupe une place prépondérante dans les décisions d’investissements, comme le montrent de nombreuses enquêtes (Eccles et Mavrinac, 1995 ; Mavrinac et Siesfeld, 1998 ; etc.), et plus particulièrement, celle relevant des éléments immatériels (Bejar, 2006 ; Ousama et al., 2011). Sur le plan empirique, plusieurs travaux de recherche montrent la pertinence des informations liées aux différentes composantes des actifs immatériels des entreprises, dans les prises de décisions. Dans le contexte américain, Ittner et Larcker (1998) mettent en évidence l’impact négatif et significatif du contenu informatif des indices de satisfaction de la clientèle (indicateur de la valeur du capital client) sur les erreurs de prévision des analystes financiers. Hsu et Chang (2011) dans le contexte taiwanais, de même que Vafaei et al. (2011) dans un contexte multinational, trouvent un résultat identique. Les auteurs concluent au fait que l’intégration des informations diffusées sur les actifs immatériels permet aux analystes financiers d’émettre des prévisions plus précises. La littérature empirique montre également que le marché financier réagit positivement à l’annonce d’information sur le capital client (Ittner et Larcker, 1998), sur les nouvelles informations sur les nouveaux clients, les alliances stratégiques, ainsi que les décisions stratégiques (Fernandez et al., 2011), et sur le capital humain (Gamerschlag, 2013). En outre, la diffusion d’informations sur ces actifs assure aux entreprises cotées une capitalisation plus élevée (Abdolmohammadi, 2005), surtout lorsqu’elle est de qualité (Maaloul et Zéghal, 2014), et favorise une baisse du coût capital (Kristandl et Bontis, 2007 ; Boujelbene et Affes, 2013). Toutefois, une relecture plus profonde de cette littérature permet de soulever deux points importants. Premièrement, les utilisateurs, internes et externes, des rapports annuels ne manifestent pas les mêmes attentes et n’accordent pas le même ordre de priorité aux informations portant sur ces actifs. Si les dirigeants des entreprises attribuent une place plus importante, dans leurs prises de décisions, aux informations sur le capital humain (Miller et al., 1999), les cadres supérieurs, quant à eux, attribuent une priorité aux informations relevant de la culture d’entreprise, de la philosophie de gestion et des compétences des employés qu’ils considèrent comme « extrêmement utiles » (April et al., 2003). Dans le domaine de l’analyse financière, les informations les plus citées dans les rapports des analystes financiers sont celles liées aux nouveaux investissements, aux nouveaux produits, aux alliances stratégiques, au leadership et à la stratégie (García-Méca et Martinez, 2007). Dans l’étude de Sakakibara et al. (2010), ce sont plutôt les informations communiquées sur l’équipe dirigeante, les opportunités de croissance, l’implication des employés, la politique de succession aux cadres dirigeants, la satisfaction de la clientèle, les investissements en recherche et développement, la formation et la satisfaction du personnel, qui sont les mieux appréciées par les analystes financiers japonais. Par ailleurs, l’enquête d’Ousama et al. (2011) montre que les analystes financiers, créanciers, et dirigeants, s’accordent sur l’utilité supérieure des informations communiquées sur le capital structurel dans leurs prises de décisions, plutôt que celles concernant le capital humain et le capital relationnel.
7Deuxièmement, l’impact de cette communication sur les marchés financiers est sujet à controverse, et ce, dans le contexte spécifique des introductions en bourse. Du point de vue de la théorie du signal, l’offre volontaire d’information par l’équipe dirigeante est motivée par la volonté de réduire le décalage informationnel avec le marché financier. Dans ce cadre, les dirigeants des entreprises nouvellement introduites en bourses utilisent l’information sur l’immatériel comme moyen de signalisation de la valeur de leur firme, ce qui favorise la réduction de la sous-évaluation initiale des titres émis (Bejar, 2006). En revanche, la théorie de la manipulation (McCornack, 1992) prévoit que l’équipe dirigeante peut délibérément induire les investisseurs en erreur au profit des actionnaires en manipulant l’information discrétionnaire. Singh et Van der Zahn (2007) montrent ainsi que la diffusion d’information sur l’immatériel, semble-t-il, augmente la sous-évaluation boursière, car elle favorise un environnement de spéculation malsain. Ils avancent que les investisseurs ne tiennent pas compte du fait qu’il est possible de conditionner le marché financier et de manipuler ainsi l’environnement informationnel par une communication d’information sur les actifs immatériels. Sur optimistes quant au potentiel de création de valeur des entreprises nouvellement introduites en bourses, ils n’hésitent pas à surenchérir les nouveaux titres. Et donc, à augmenter artificiellement leur valeur de marché, de manière à s’assurer le pouvoir de les acquérir. Lorsque leurs attentes en termes de rentabilité ne sont pas satisfaites, ils révisent alors à la baisse leur évaluation.
8Les vecteurs de communication volontaire sur l’immatériel qui s’offrent aux entreprises sont très variés (rapport annuel, rapport RSE, Internet, conférences de presse, etc.). Ils assurent certes une information abondante, toutefois superfétatoire ne répondant pas aux attentes du marché. En l’absence d’une communication normative et certifiée, les investisseurs font face à une information dont la fiabilité ne peut être avérée. L’impact que cela peut avoir sur leurs prises de décisions est non négligeable. D’où la nécessité, pour certains, de réglementer ces pratiques. Toutefois, la tétranormalisation oblige aujourd’hui les dirigeants à mettre en place un ensemble de normes issues de quatre grands pôles (Savall et Zardet, 2005) ; comptables et financiers ; social ; qualité, sécurité et environnement ; commercial et technique. Ces différents domaines de normalisation résultant des attentes et des exigences contradictoires des parties prenantes, conduisent à des conflits normatifs (Savall et Zardet, 2005) et par conséquent, à un accroissement du degré de complexité de la gouvernance des entreprises (Cappelleti, 2008). La normalisation de la communication sur l’immatériel pourrait, à cet effet, accentuer la difficulté d’une implantation efficace de nouvelles normes au sein des organisations. Nul doute, aujourd’hui, que les entreprises doivent compléter leurs états financiers par une communication sur leur partie cachée. Cela est d’autant plus important lors des augmentations de capital où l’asymétrie d’information est à son niveau le plus élevé. Une communication efficace nécessite l’identification, a priori, des actifs immatériels sur lesquels elles doivent communiquer. Nous proposons donc, à travers cette étude, d’identifier les informations les plus appréciées par les utilisateurs externes des rapports annuels dans le contexte des émissions de nouvelles actions.
2 – Méthodologie de recherche
2.1 – Élaboration et administration du questionnaire
9Une enquête par questionnaires a été menée auprès de 53 utilisateurs externes de rapports annuels, analystes financiers vendeurs et gérants de portefeuilles adoptant le stock-picking comme mode de gestion de portefeuilles. La revue exhaustive des indices [4] de divulgation d’information sur les actifs immatériels, d’une part, et des recommandations des organismes de normalisation comptable en la matière, d’autre part, nous a permis de dégager une liste de 81 items et sous items. Afin d’en assurer la compréhension par notre population cible, nous avons procédé à un pré-test [5] auprès de 3 analystes financiers et 2 gérants de portefeuilles qui nous a conduits à préciser, dans la version finale du questionnaire, la définition de cinq items qui prêtaient à confusion lors des entretiens téléphoniques réalisés : la culture d’entreprise, la philosophie de gestion, le système d’information, les relations financières et les processus de gestion. Le questionnaire est structuré en trois parties. Dans la première partie, nous invitons les participants à évaluer, sur une échelle de Likert à 7 niveaux (allant de 1 : utilité très faible, à 7 : utilité très forte), l’influence de chaque item sur leurs prises de décisions dans l’investissement et l’évaluation des actions nouvellement émises. Dans la seconde partie, nous examinons dans quelle mesure le contenu et le niveau d’offre d’informations répondent convenablement à leurs attentes. La troisième partie du questionnaire est consacrée à l’identification des motivations que ces utilisateurs des états financiers prêtent aux entreprises cotées qui offrent cette catégorie d’information. 250 analystes financiers vendeurs ont été invités, par voie électronique, à participer à l’enquête via des entretiens téléphoniques. Et 120 gérants de portefeuilles adoptant le « stock-picking » comme mode de gestion des actions, ont été contactés par voie postale. Une relance a été faite après trois semaines. Seuls 35 analystes ont accepté de participer à l’entretien téléphonique et uniquement 18 gérants de portefeuilles nous ont retourné le questionnaire rempli. Cela fait un total de 53 participants, soit un taux de réponse à hauteur de 14,32 %. Toutes les réponses sont exploitables sauf celles relatives aux secteurs d’activité où opèrent les entreprises suivies.
2.2 – Analyse factorielle en composantes principales
10Compte tenu du nombre élevé des items proposés et de la difficulté qu’il peut engendrer dans l’analyse des résultats, nous avons choisi de procéder à une analyse factorielle en composantes principales. Cette approche nous a ainsi permis, non seulement d’en réduire la liste en les regroupant autour des facteurs les plus signifiants, mais également de faciliter l’interprétation des résultats. Nous avons ainsi effectué une analyse factorielle sur chaque composante des actifs immatériels. L’analyse factorielle a pour objectif de simplifier, structurer et interpréter un ensemble de variables de départ grâce à un nombre de variables plus petit obtenu par regroupement des variables de départ (Giannelloni et Vernette, 2012). Toutefois, cette analyse ne peut être élaborée si ces dernières sont non-factorisables. Le test de sphéricité de Bartlett et l’indice de Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) constituent les deux tests statistiques qui permettent de vérifier l’adéquation de l’analyse factorielle aux données étudiées. Le seuil toléré par l’indice de KMO permettant une analyse factorielle est de 0,5. Trois critères nous ont permis de déterminer le nombre de facteurs à retenir pour chaque analyse factorielle. La première voie d’interprétation consiste à analyser les coefficients de corrélation. D’après Evrard et al. (1993), il faut retenir seulement les items dont les coefficients sont supérieurs au seuil de 0,5. La détermination sur la base de la valeur propre consiste à ne retenir que les facteurs dont la valeur propre est supérieure à 1. Le critère du test du coude ou « Scree test » consiste quant à lui à identifier les facteurs à retenir sur la base du graphique de la courbe des valeurs propres. Seuls ceux qui se situent après le point d’inflexion de cette courbe doivent être retenus.
3 – Résultats empiriques
3.1 – Profil des répondants
11Le Tableau 1 fournit des indications sur les spécificités des répondants. Il montre que les gérants de portefeuilles sont en moyenne plus expérimentés que les analystes financiers. Ils ont à leur actif, en moyenne, une expérience de 15 années. Il ressort également que 33,33 % d’entre eux ont acquis une expérience supérieure à 20 ans dans l’exercice de leur profession. On observe une ancienneté moyenne de 10 ans chez les analystes interrogés, dont 60 % déclarent une expérience de 6 ans en moyenne dans l’analyse financière, et 40 % une expérience supérieure à 15 ans. L’analyse de profil permet également de relever certaines particularités quant au nombre de sociétés suivies par les répondants. D’après les résultats du Tableau 1, les participants suivent en moyenne 38 entreprises.
Spécificités de l’échantillon des répondants
Spécificités de l’échantillon des répondants
3.2 – Perception de l’utilité des informations publiées sur les biens immatériels
3.2.1 – Appréciation de l’utilité des informations publiées sur le capital structurel
12Les participants à l’enquête ont été amenés à exprimer leur avis, sur une échelle de 7 degrés [6], sur l’importance qu’ils accordent aux informations relatives au capital structurel dans leur processus décisionnel. L’indice de KMO renvoie une valeur de 0,676 et le test de Bartlett une valeur de 383,6 (pvalue = 0,000). La rotation Oblimin a été choisie en raison des corrélations élevées entre les facteurs. L’analyse factorielle met en avant trois principaux facteurs expliquant 65 % de la variance totale. La rotation Oblimin [7] permet de caractériser le premier facteur, rassemblant les items 1.a, 1.b, 1.c, 7.a, 7.b et 7.c, expliquant 32 % de la variance totale. Ce facteur a trait aux « informations sur l’innovation », dont les analystes financiers et les gérants de portefeuilles reconnaissent la pertinence. La moyenne des items composant ce facteur, établie à 5,44, le place ainsi en première position. La valeur de l’alpha de Cronbach, 0,80, montre la cohérence interne forte de l’échelle employée pour mesurer ce facteur. Le deuxième facteur est composé des items 3, 4 et 5. La moyenne des items le constituant, de 4,57, le positionne en 3ème place en termes d’utilité. Cet axe factoriel représente les informations sur les actifs d’infrastructure au sens de l’IFAC (1998). L’analyse de la fiabilité interne de l’échelle de mesure montre une valeur de 0,73. Le troisième facteur, qui regroupe les items 2.a, 2.b et 2.c, rend compte de 14 % de la variance totale. Les items qui le composent renvoient une moyenne de 4,61 qui le place en 2e position. L’alpha de Cronbach indique une valeur de 0,85, ce qui signifie que la cohérence de l’échelle est forte.
Perception de l’utilité des informations sur le « Capital Structurel »
Perception de l’utilité des informations sur le « Capital Structurel »
3.2.2 – Appréciation de l’utilité des informations publiées sur le capital relationnel
13Le Tableau 3 présente les résultats du jugement que portent les analystes financiers et les gérants de portefeuilles interrogés sur le bénéfice qu’ils tirent des informations concernant le capital relationnel. L’indice de KMO renvoie une valeur de 0,55 et le test de Bartlett donne un résultat significatif au seuil de 1 %. Les corrélations considérées non fortes (< 0,7) entre les facteurs justifient le choix de la rotation Promax. L’analyse factorielle, après une rotation Promax sur l’ensemble des items du capital relationnel, nous a permis de caractériser trois facteurs expliquant 62 % de la variance totale. Le premier facteur, qui explicite 29 % de la variance, est composé des items 6, 10, 11.a, 11.b, 11.c, 17, 18 et 19. Il synthétise les différentes informations en rapport avec la relation de l’entreprise avec ses clients et ses parties prenantes, considérées sous l’angle de leur utilité dans le processus décisionnel. La moyenne des items, égale à 5,10, établit ce facteur, que nous décidons de nommer « relation avec les clients et les parties prenantes », en 3e position en termes d’utilité. La cohérence interne de l’échelle est forte comme l’indique la valeur de l’alpha de Cronbach (0,84). Le deuxième axe factoriel, qui reflète la pertinence des informations sur « la stratégie de croissance externe » des entreprises, regroupe les 4 items suivants : 12.a, 12.b, 12.c et 15. Ce facteur représente 18 % de la variance totale. La moyenne des 4 items, établie à 5,21, le place ainsi en 1re position. Le résultat du test de fiabilité nous permet de considérer la forte cohérence interne des items retenus pour ce facteur. Le troisième facteur, qui rassemble les items 3, 4, 7 et 16, explique 15 % de la variance totale. Il concerne l’utilité des informations relatives aux parts de marché, à l’acquisition de nouveaux marchés, etc. La moyenne des items qui le composent est de 5.23, ce qui le situe en 2e position. Nous synthétisons les différents items qui constituent ce facteur sous l’appellation de « capital client ». En ce qui concerne la fiabilité des items qui constituent ce facteur, la valeur élevée de l’alpha de Cronbach, de 0,72, indique une forte cohérence interne.
Perception de l’utilité des informations sur le « Capital Relationnel »
Perception de l’utilité des informations sur le « Capital Relationnel »
3.2.3 – Appréciation de l’utilité des informations publiées sur le capital humain
14Les moyennes des items rattachés au capital humain, présentées dans le Tableau 4, nous indiquent que les analystes financiers et les gérants de portefeuilles consultés perçoivent l’information concernant « la politique d’intéressement de l’équipe dirigeante » comme la plus utile dans leurs prises de décision. L’indice de KMO renvoie une valeur de 0,832 et le test de Bartlett donne un résultat significatif au seuil de 1 %. Les corrélations faibles entre les deux facteurs justifient le choix de la rotation Promax. L’analyse factorielle portée sur l’ensemble des items relatifs au capital humain fait ressortir deux principaux facteurs. Il est à noter que les items dont le score moyen s’élève à 3 ont été exclus. Nous rappelons que ce score indique l’utilité faible de l’item dans la prise de décision. Le premier facteur explique 50 % de la variance et regroupe les items 1.c, 4.a, 4.c, 5.a, 5.b, 5.c, 5.d, 5.e, 6.a, 6.b, 7.c, 7.d, 7.e, 7.f et 8.b. La moyenne de ces items (4,56) permet de situer en 2e position ce facteur qui reflète l’utilité des informations concernant le « personnel employé » dans la prise de décision. Le test de cohérence interne indique une valeur d’alpha de Cronbach élevée, soit 0,95. Le deuxième axe factoriel rassemble les items suivants : 3, 7.a, 7.g, 8.c et 8.d. Il a trait à l’efficience des informations « sur l’équipe dirigeante » dans la prise de décision. La moyenne des items le composant, qui s’est établie à 5,27, permet de le classer en 1re position. Les différents éléments constituant ce facteur montrent une cohérence interne élevée (0,84). Le test de cohérence interne indique une valeur d’alpha de Cronbach élevée, soit 0,83.
Perception de l’utilité des informations sur le « Capital Humain »
Perception de l’utilité des informations sur le « Capital Humain »
3.3 – Appréciation des analystes financiers et des gérants de portefeuilles quant au contenu et au niveau d’offre d’informations sur les actifs immatériels
15Les participants ont été invités à exprimer, sur une échelle de Likert à 5 degrés (de 1 = très faible jusqu’à 5 = élevé), leur perception du niveau d’offre d’informations sur les actifs immatériels. Nous pouvons clairement déduire du Tableau 5 que la majorité des répondants considère ce niveau d’offre plutôt faible. Toutefois, ces résultats font apparaître des avis nettement partagés. En effet, 39,6 % des répondants considèrent que ce niveau est plutôt moyen, ce qui n’est pas négligeable au vu des résultats.
Perception par les analystes financiers et les gérants de portefeuilles du niveau d’offre d’informations sur les actifs immatériels
Perception par les analystes financiers et les gérants de portefeuilles du niveau d’offre d’informations sur les actifs immatériels
16D’après les résultats présentés par le Tableau 6, la plupart des répondants (43,4 %) estiment peu satisfaisant le contenu des informations publiées sur les actifs immatériels. Les statistiques obtenues montrent également que 39,6 % d’entre eux considèrent ce niveau d’offre moyennement satisfaisant, quand 17 % le jugent plutôt satisfaisant.
Satisfaction des utilisateurs vis-à-vis du contenu des informations publiées
Satisfaction des utilisateurs vis-à-vis du contenu des informations publiées
3.4 – Pourquoi les sociétés publient-elles des informations sur leurs actifs immatériels ?
17Les répondants ont été amenés à choisir, parmi un ensemble de propositions, celle(s) qui exprime(nt) selon eux la (les) principale(s) motivation(s) incitant les entreprises à publier volontairement des informations sur leurs actifs immatériels lors d’émissions de nouvelles actions. Les réponses obtenues indiquent qu’ils considèrent que l’offre volontaire d’informations est déterminée par différents éléments. D’après les résultats (cf. Tableau 7), la motivation première d’une entreprise cotée serait de « donner plus de précision sur sa valeur ». Viennent ensuite la soumission à un effet de mode (39,6 % des répondants), puis la volonté de réduire l’asymétrie d’information.
Motivations que prêtent les utilisateurs des états financiers aux sociétés diffusant volontairement des informations sur leurs biens immatériels
Motivations que prêtent les utilisateurs des états financiers aux sociétés diffusant volontairement des informations sur leurs biens immatériels
18Il est à noter cependant que 30,2 % des participants à l’enquête supposent que la diffusion volontaire d’informations par les entreprises répond à des motivations « autres » (cf. Tableau 7) que celles énumérées dans le questionnaire. Nous avons dès lors invité ces derniers à formuler librement les motivations qu’ils privilégiaient, que nous pouvons résumer en sept points :
- Se conformer à ce qui est perçu comme une forme d’obligation émanant des normes comptables internationales, qui incitent résolument les sociétés à publier volontairement des informations sur leurs actifs immatériels.
- Éviter le risque de dévaluation des actifs immatériels des entreprises qui visent une croissance externe.
- Répondre aux attentes des analystes financiers et des investisseurs.
- Se rendre socialement responsable et rechercher une certaine forme de respectabilité.
- Justifier le développement, la gestion, l’amortissement des biens immatériels.
- Gonfler leur valorisation boursière.
- Entrer dans les indices des agences de notation extra-financières.
3.5 – Synthèse et discussion des résultats
19À l’issue de l’étude menée, de nombreuses conclusions se dégagent. D’abord, il apparaît clairement que les experts de l’analyse financière et de la gestion de portefeuilles basent leurs prises de décisions d’investissement et d’évaluation des actions nouvellement émises, non seulement sur les indicateurs financiers traditionnels, mais également sur des indicateurs non financiers liés aux actifs immatériels. Ce résultat s’inscrit dans la lignée des travaux de Amir et Lev (1996) et de Vafaei et al. (2011), qui montrent que les investisseurs ne lisent pas la valeur des entreprises uniquement dans les états financiers, mais également dans les informations à caractère non financier. Ces informations permettent d’éclairer l’appréciation de la valeur des entreprises et sont de ce fait complémentaires des documents financiers (Lev, 1996 ; Vafaei et al., 2011). En outre, les résultats issus de cette enquête rejoignent de nombreuses études antérieures sur l’utilité des informations non financières liées aux actifs immatériels pour les analystes et les investisseurs (Ittner et Larcker, 1998 ; Cumby et Conrod, 2001 ; Abdolmohammadi, 2005 ; Kristandl et Bontis, 2007 ; Hsu et Chang, 2011 ; Vafaei et al., 2011 ; Boujelbene et Affes, 2013 ; Maaloul et Zéghal, 2014). De plus, l’enquête révèle, conformément à l’étude d’Ousama et al. (2011), l’utilité supérieure des informations relatives au capital structurel. D’autres études concluent plutôt à l’utilité supérieure des indicateurs relatifs au capital humain (Miller et al., 1999 ; April et al., 2003 ; Cuganesan et al., 2005). De multiples raisons peuvent expliquer ces résultats contradictoires. Certains facteurs comme l’expérience des analystes financiers, leur domaine d’expertise (entreprise locale ou étrangère), le secteur d’activité, ainsi que la maturité des entreprises qu’ils suivent sont des déterminants de l’intérêt que ces experts portent à telle ou telle information portant sur l’immatériel (Sakakibara et al., 2010). Une autre raison liée à l’utilisation de différents indices de divulgation, du fait de l’absence d’un consensus, peut également expliquer ce résultat. Enfin, les besoins informationnels des utilisateurs externes peuvent varier selon les opérations de marchés financiers réalisées par les entreprises. Dans le contexte des émissions de nouvelles actions, la priorité accordée aux informations sur l’innovation, la stratégie de croissance externe et l’équipe dirigeante, peut s’expliquer par le fait que les répondants estiment que ces composantes immatérielles impactent fortement la performance boursière postérieure à l’émission. Les informations les concernant semblent avoir un pouvoir prédictif supérieur aux autres informations, favorisant une meilleure anticipation de cette performance. Par ailleurs, les résultats soulignent un manque d’intérêt pour certains items comme les processus de gestion, les relations financières, l’implication des clients, etc. Ce résultat peut être expliqué par la faible portée informationnelle de ces indicateurs, pour la prise de décision. La difficulté de les mettre en perspective peut également expliquer le peu d’intérêt que les répondants accordent à ces informations. Une autre explication réside dans le fait qu’ils sont considérés comme peu crédibles. En effet, certains participants nous ont fait part de leur scepticisme vis-à-vis de certaines informations communiquées par les émetteurs, tels que les bénéfices tirés des technologies et des alliances stratégiques, les relations financières et la connaissance des besoins de la clientèle. Car ils estiment qu’elles relèvent essentiellement d’un travail d’analyse que seul l’analyste financier peut faire. Et qui doivent être, de ce fait, considérées avec réserve. Il ne faut pas oublier, en effet, que les entreprises peuvent être amenées à communiquer volontairement par hypocrisie organisationnelle (Brunsson, 2002). C’est-à-dire, non pas dans un objectif d’utilité financière, mais pour se conformer à des pratiques exigées par le marché. Le fait, par exemple, de communiquer sur l’implication des clients dans le développement de nouveaux produits et services n’indique pas forcément que les produits et les services développés sont réellement influencés par cette consultation, etc. Et les participants semblent être conscients de ce comportement. En outre, les résultats de cette enquête indiquent que les répondants considèrent que le niveau de diffusion d’information tend à être faible. Nous pouvons constater, toutefois, que leurs avis sont nettement partagés. En effet, presque 40 % d’entre eux estiment que le niveau de communication sur l’immatériel est plutôt moyen, ce qui n’est pas négligeable au vu des résultats. Cela rejoint plusieurs études antérieures qui montrent un faible niveau d’offre volontaire d’informations sur les actifs immatériels (Petty et Cuganesan, 2005 ; Bejar, 2006 ; Maaloul et Zéghal, 2015, etc.). Ils estiment, par ailleurs, que le contenu de cette communication est plutôt peu satisfaisant. Ce qui met en évidence une inadéquation entre les pratiques des entreprises et les attentes du marché financier. Il faut souligner le fait que les actifs immatériels présentent des problèmes d’identification, de mesure et de gestion pour les managers. L’environnement tétranormalisé pourrait les accentuer. Cela conduirait à une offre d’information inadéquate. Par ailleurs, nous pouvons aussi clairement remarquer que les répondants tendent à considérer que l’offre volontaire d’information sur ces actifs par l’équipe dirigeante est motivée avant tout par la volonté de réduire l’asymétrie d’information sur les marchés. La soumission de cette communication à un effet mode constitue selon les répondants la deuxième motivation. Elle a été choisie par 39 % des participants. Dans l’ensemble, nos résultats impliquent que les répondants perçoivent utiles, pour leurs prises de décisions, les informations afférentes aux actifs immatériels dans le contexte des augmentations de capital en numéraire, mais montrent, toutefois, une certaine réserve vis-à-vis de plusieurs indicateurs.
Conclusion
20L’information publiée sur les actifs immatériels représente une variété importante de l’information non financière dont nous nous sommes proposés d’étudier l’utilité auprès d’un échantillon de 53 utilisateurs de rapports annuels (analystes financiers et gérants de portefeuilles). Nous avons pu mettre en évidence l’utilité de ces informations dans leurs prises de décisions, en relevant une priorité accordée aux informations liées à l’innovation, au capital client et à l’équipe dirigeante. À travers cette enquête, les répondants ont exprimé leur insatisfaction vis-à-vis du contenu des informations publiées et considèrent que le niveau d’offre est faible. Quant aux motivations qui poussent les entreprises à diffuser volontairement des informations sur leurs biens immatériels, les analystes et les gestionnaires interrogés considèrent qu’elles relèvent d’une volonté d’optimiser l’appréciation de leur valeur, ce qui explique l’intérêt qu’ils accordent à certaines de ces informations. Les résultats de notre étude sont porteurs d’enseignements à différents égards. En premier lieu, sur le plan théorique, ils viennent compléter la littérature, encore très succincte, relative à l’influence de l’offre volontaire, par les sociétés cotées, d’informations liées à leurs biens immatériels sur les décisions d’investissements dans leurs actions nouvellement émises et, plus largement, sur leur évaluation. En second lieu, ils nous ont permis de constater l’incidence négligeable d’un certain nombre d’items que met en avant la littérature de l’offre volontaire d’informations sur les biens immatériels. Il s’agit notamment de la plupart des informations sur le profil du personnel, sur la propriété intellectuelle – que les entreprises continuent de communiquer en dépit de l’existence de bases de données, à la disposition des utilisateurs des rapports annuels, sur les produits brevetés – et sur leur réputation, dont certains analystes financiers contestent la fiabilité, estimant qu’il est de leur ressort de l’évaluer. En troisième lieu, sur le plan managérial, nos résultats sont susceptibles d’orienter dans leur stratégie de communication sur leurs actifs immatériels les dirigeants des entreprises cotées qui envisagent une levée de fonds pour renforcer leurs capitaux propres, dans la mesure où ils leur offrent des indications sur le degré de pertinence accordé à telle ou telle information par les gérants de portefeuilles et les analystes financiers chargés d’émettre des recommandations. Il nous faut néanmoins émettre une réserve quant à la fiabilité de nos résultats. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que notre enquête a été soumise à un panel restreint de 53 utilisateurs de rapports annuels. Il appartiendra dès lors à de futures études de cibler une population plus large afin d’assurer une meilleure fiabilité des résultats. Il demeure néanmoins que notre travail ouvre de nombreuses voies de recherches : à titre d’exemple pourrait être envisagée une étude de la nature et de l’ampleur de l’influence de chaque catégorie d’information relative aux actifs immatériels sur les erreurs et la dispersion des prévisions des analystes financiers, aux fins d’identifier empiriquement les informations les plus pertinentes. Par ailleurs, l’absence d’une norme, qui atteste ou non de la fiabilité de la communication sur les actifs immatériels, pose problème pour les gérants de portefeuilles et les analystes financiers chargés d’émettre des prévisions. De plus, les entreprises ne communiquent pas toutes les informations sur ces actifs. Mais dans le cadre de cette étude, nous n’avons pas cherché à comprendre comment les utilisateurs peuvent s’assurer de la fiabilité des informations disponibles et obtenir celles manquantes. Ainsi, une voie de recherche sur cette problématique mériterait de retenir l’attention. Enfin, les répondants donnent d’autres raisons que celles proposées dans le questionnaire qui motivent les entreprises à communiquer volontairement sur leurs actifs immatériels. Néanmoins, nous n’avons pas pu vérifier si la re-soumission du questionnaire complété de ces motivations les amènerait ou non à modifier leur réponse initiale. Il serait intéressant de creuser ce point-là dans des recherches futures. Il est même pertinent d’aller plus loin par une recherche qualitative visant à cerner les motivations que prêtent les utilisateurs des états financiers aux émetteurs de nouvelles actions diffusant volontairement des informations sur leurs biens immatériels.
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Notes
-
[1]
Le présent article fait suite à une communication au 35e congrès de l’Association Française de Comptabilité tenu à Lille les 27 et 28 mai 2014, et à la First Finance Week Conference tenue au Groupe ESC PAU les 5 et 6 décembre 2013, sous le titre « Utilité de l’information sur les actifs immatériels aux analystes f inanciers et aux gérants de portefeuilles lors des augmentations de capital : une enquête par questionnaires dans le contexte français ».
-
[2]
Manel LABIDI : Docteur en sciences de gestion – ATER, IAE NICE – Université de Nice Sophia Antipolis, France – manel.labidi@iscae.rnu.tn
-
[3]
Mohamed Ali OMRI : Professeur des Universités – College of Business Administration ; Northern Border University ; Saudi Arabia and Tunis El Manar University – Tunisia – medomri@gmail.com
-
[4]
Bukh et al. (2005), Striukova et al. (2008), Li et al. (2008), Campbell et Rahman (2010), etc.
-
[5]
Ce faible nombre de participants se justifie par le fait que lorsque la population d’une cible de répondants est restreinte, un pré-test de cinq questionnaires est suffisant (Giannelloni et Vernette, 2012).
-
[6]
D’après Michaïlesco (1998), les analystes financiers préfèrent cette échelle, car elle leur offre plus de liberté pour exprimer leurs avis.
-
[7]
Voir Iacobucci (2001) et Stewart (1981) en ce qui concerne le choix de rotation des facteurs.