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Article de revue

Les chemins d'accès à l'expérience de flow : le cas des jeux vidéo

Pages 120 à 143

Notes

  • [1]
    Une première version de cet article a été présentée lors de la 10ème Journée de Recherche sur le E-marketing organisée par le Professeur Jean-François Lemoine à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, le 9 Septembre 2011. Elle a ensuite été modifiée et enrichie suite à une évaluation anonyme par deux lecteurs sollicités pour la réalisation de ce cahier spécial.
  • [2]
    Linda Hamdi-Kidar, Doctorante contracutelle, IAE de l’Université Toulouse 1 Capitole (CRM), linda.hamdi@iae-toulouse.fr
  • [3]
    Laurent Maubiss On, Enseignant-chercheur contractuel, doctorant, IAE de l’Université Toulouse 1 Capitole (CRM), laurent.maubisson@ut-capitole.fr
  • [4]
    Les proximités et divergences des approches théoriques entre les concepts de flow et d’immersion sont exposées ci-après.
  • [5]
    Le terme anglais a été préféré car nous n’avons pas trouvé d’équivalent en langue française qui ne prête pas à confusion.
  • [6]
    Le terme “cadre narratif” se rapproche du concept de « compeling », parfois orthographié « compelling », qui peut alors signifier “ensemble de contraintes” (e.g. Jenkins, 2002) ou “fascinant” (e.g. Crispini, 2003).
  • [7]
    Nous noterons que la conceptualisation de ce processus (réalisée dans une démarche abductive) fait référence aux travaux de Maynadier et al. (2010) qui étudient l’expérience de consommation dans sa dimension sensible. Certains pôles de subjectivité - “sensations” et “sensibilité” - du consommateur qu’ils proposent dans leur modèle permettent ici de comprendre le processus d’accès à l’expérience de flow.

1L’évolution des NTICs affecte de manière croissante le nombre d’activités réalisées sur des supports virtuels (ordinateurs, téléphones, tablettes numériques, etc.). Le marché de ces supports et des médias qu’ils diffusent est devenu hyperconcurrentiel (Encadré 1). Si les acteurs de ce marché tentent de se démarquer par l’originalité de leur offre numérique, ils cherchent encore des leviers de différenciation afin d’améliorer la valeur perçue d’une expérience digitale. En ce sens, une des solutions appréciée par un grand nombre de praticiens du e-marketing, et qui a fait l’objet de nombreux travaux de recherche, consiste à immerger le consommateur dans l’environnement numérique proposé. Lorsqu’un consommateur est immergé dans une expérience de consommation divertissante, culturelle ou de navigation web, il ressent davantage d’émotions positives liées à la réalisation de cette activité et cela influence positivement sa satisfaction (e.g. Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2008 ; Novak, Hoffman et Yung, 2000). De ce fait, l’immersion dans ces environnements peut constituer un critère différenciateur du déroulement d’une expérience de consommation : un individu immergé dans un contexte expérientiel (proposé par un site web par exemple) passerait alors un moment intrinsèquement plus agréable qu’un consommateur non immergé.

2L’évaluation du degré d’immersion apparaît alors comme un élément d’appréciation du vécu personnel et subjectif du consommateur dans une situation donnée (Carù, 2007) ; ce qui justifie les nombreuses recherches qui mesurent l’état de flow[4] d’un internaute dans un environnement virtuel (e.g. Ghani et Deshpande, 1994 ; Novak, Hoffman et Yung, 2000). Cependant, très peu de travaux ont été réalisés concernant les facteurs permettant au consommateur de s’immerger dans une expérience virtuelle. Dans une perspective clairement managériale, il s’agit alors de savoir comment certains sites web ou fabricants de jeux vidéo réalisent des efforts dans le but de proposer des contextes expérientiels favorables à l’immersion du consommateur. La question de recherche formulée est la suivante : quels sont les facteurs d’influence qui peuvent conduire un consommateur à s’immerger dans un contexte expérientiel virtuel ?

3Si la majorité des travaux en marketing s’est focalisée sur la distinction entre état, processus d’immersion et expérience de flow, très peu ont réellement exploré et précisément décrit les conditions qui permettent à un consommateur de s’immerger dans un contexte proposé. Pourtant, c’est bien sur ces conditions que le travail des praticiens doit être le plus efficient : c’est lorsque le consommateur interagit avec le contexte expérientiel (digitalisé ou non) d’une marque que celle-ci dispose d’un maximum de leviers d’action pour lui permettre de s’immerger dans son univers.

Encadré 1 : E-commerce et jeux vidéo : en France, la tendance est à la hausse

L’achat en ligne a de beaux jours devant lui. Avec plus de 30 millions de cyberacheteurs en 2011 (15% d’augmentation en une année), ce mode de consommation affiche des records et progresse rapidement dans les habitudes des Français. Les premiers bénéficiaires sont les sites de vente en ligne qui enregistrent une hausse de 20% de leur chiffre d’affaires comparé au premier semestre 2010. Dans ce climat favorable, plus de 20 000 nouveaux sites ont bourgeonné sur la toile en une année (plus de 28%) hissant le nombre de sites à 90 000 en France.
En parallèle, le marché Français du jeu vidéo profite également de cette croissance et devrait peser 3,2 milliards d’euros en 2011. L’émergence d’une offre dématérialisée incluant les jeux en téléchargement, en ligne, sur les équipements portables (téléphones, tablettes numériques) ou encore sur les réseaux sociaux stimule les ventes. Par ailleurs, le nombre de joueurs actifs atteint les 24 millions, soit 42% de la population. La diversité de l’offre permet de toucher un plus large public tel que les séniors et les femmes qui jouent de plus en plus en famille aux casual games en s’installant dans les salons ou encore les entreprises et les services publics avec l’arrivée des serious games.

4Pour répondre à notre problématique, nous avons sélectionné les jeux vidéo comme terrain d’application car ils s’accordent avec les critères de choix suivants :

  • Un fort potentiel immersif (Hawkins, 1995 ; Turkle, 1984) soutenu par l’interactivité et le caractère évolutif de ces univers de jeu.
  • L’aspect ludique de l’expérience qui favorise l’immersion (Csikszentmihalyi, 1990).
  • L’aspect participatif : dans ces univers, également qualifiés de « synthétiques » (Castronova, 2001), l’individu participe pleinement à la coproduction de son expérience puisqu’il contrôle souvent des personnages ou avatars qu’il peut faire évoluer.
  • La marque a une forte empreinte sur l’expérience de jeu vidéo à proprement parler (les joueurs, même amateurs, disent « jouer à P.E.S. » et non « jouer à un jeu de foot »).
Ainsi, en choisissant le terrain d’étude le plus approprié à ce thème de recherche, les contributions attendues de ce travail visent, par une démarche méthodologique inscrite dans le paradigme de Spiggle (1994), présenté dans l’Encadré 2, à proposer un cadre conceptuel construit à partir des facteurs favorables à l’immersion.

Encadré 2 : Qu’est-ce que le paradigme de Spiggle ?

Le paradigme de Spiggle est privilégié pour le traitement de données qualitatives dont l’objectif principal est de comprendre le sens des expériences et le comportement des individus. Les techniques de collecte employées sont généralement des méthodes ethnographiques, des entretiens en profondeur, des documents historiques ou encore l’introspection, favorisant ainsi une description abondante et détaillée du phénomène étudié. L’auteur recommande d’analyser les données en respectant sept étapes puis de les interpréter comme s’il s’agissait de « déchiffrer un code » ou de « traduire » un texte.

5Cette démarche méthodologique est en adéquation avec l’objet d’étude de cette recherche : explorer les chemins d’accès à l’expérience de flow vécue par les joueurs de jeux vidéo. De par la nature prospective de cette recherche, une approche ethnomarketing (Desjeux, 1990 ; Badot et Lemoine, 2008) a été privilégiée pour la collecte (Figure 1 et Encadré 3), l’analyse et l’interprétation des données (Encadré 4).

Figure 1

Approche qualitative multi-méthodes

Figure 1

Approche qualitative multi-méthodes

6Pour mieux comprendre ce qui facilite l’accès à l’expérience immersive, des entretiens individuels auprès de consommateurs et d’experts du domaine des jeux vidéo ont d’abord été réalisés. Dans un souci de triangulation des données et d’une description approfondie du phénomène de consommation étudié, des observations non participantes ont été effectuées puis consignées dans un journal de bord par la suite. Au cours de ces observations, plusieurs séries de photographies ont été réalisées et deux vidéographies examinées pour rendre compte des phénomènes observés et caractériser les environnements expérientiels propices à l’immersion du consommateur.

Encadré 3 : Collecte des données

Les entretiens individuels : Sélection des répondants
Selon Spiggle (1994), le choix des répondants doit se faire suivant la technique de « l’échantillonnage théorique » (Glaser et Strauss, 1967). C’est sur cette base que le choix de nos répondants a été effectué. Nous avons, dans un premier temps, pris contact avec six joueurs expérimentés, sélectionnés sur la base de leur fréquence de jeu et de leur participation à d’importants tournois au niveau national et/ou européen. Nous leur avons demandé de « décrire un moment agréable » lors d’une expérience de jeu vidéo. En parallèle, quatre professionnels impliqués à différents niveaux du développement du jeu vidéo ont également été interrogés ; l’avis d’experts nous permettant d’appréhender la façon dont les environnements de jeux sont conçus pour améliorer le degré d’immersion du joueur. Le recours à ces deux échantillons répond aux critères de comparaison et d’itération au sens de Spiggle permettant de croiser des visions différentes mais qui demeurent complémentaires.
L’observation non-participante et la tenue du journal de bord
Dans le but de mieux apprécier les conditions favorables à l’accès aux expériences de flow dans un jeu vidéo, trois observations non-participantes ont été réalisées au domicile des joueurs, lieu qu’ils privilégient pour cette pratique. Deux ont été réalisées de façon individuelle alors que la troisième a été menée auprès d’un groupe de quatre joueurs. L’objectif était, d’une part, de rendre compte des caractéristiques de l’environnement réel (lieu, matériel, accessoires…) mais également celles de l’environnement virtuel (scènes, objets, personnages…) du joueur ; et d’autre part, de pouvoir observer le comportement du joueur en temps réel afin d’enrichir les propos recueillis en entretien. L’ensemble des informations collectées a été noté au fur et à mesure dans un journal de bord afin de restituer le plus fidèlement possible l’ensemble des observations liées à l’expérience de jeu.
Le matériel visuel : les photographies et vidéographies
Plusieurs séries de photographies d’écrans de jeux et de joueurs en action ont été réalisées pour appuyer les résultats obtenus lors des entretiens. Ainsi, comme le souligne Mc Grath (1989), l’intérêt de ces photographies est de « soutenir et illustrer l’argumentation », ce qui permettra de qualifier les contextes expérientiels favorables à l’immersion du joueur. De la même manière, des vidéographies d’expériences de jeux disponibles en ligne ont également été traitées à partir de notes rapportées dans un journal de bord. Les captures d’images ont été saisies lorsque l’individu semblait être totalement immergé dans le jeu, ce qui se traduit par des réactions physiques (mouvements brusques, cris, focalisation du regard sur l’écran…).

Encadré 4 : Analyser et interpréter des données qualitatives selon Spiggle

Analyse des données
La catégorisation des données (ou codage) ainsi que l’abstraction ont été réalisées sans a priori dans le but de faire émerger les facteurs conduisant à une expérience de flow. Les grilles d’analyse ont fait l’objet d’un double codage réalisé par les auteurs en vue d’atténuer le biais de subjectivité inéluctable dans le cadre d’une étude qualitative. En parallèle, les notes d’observations, les photographies et les vidéographies ont fait l’objet d’une lecture flottante et croisée avant d’être analysées dans leur ensemble, suivant la même procédure que les entretiens. Enfin, la triangulation des analyses d’entretiens et d’observations a consisté à confronter les résultats afin d’en extraire les similarités et les différences. Cette analyse holistique nous a permis : (1) de dresser un panorama des facteurs d’influence de l’expérience de flow, (2) d’enrichir leur description et (3) d’aboutir à un cadre conceptuel.
Interprétation des données
Souvent confondue avec l’analyse des données, l’interprétation constitue selon Spiggle une phase de transfert des connaissances à partir des données vers le chercheur. Chaque auteur a donc traduit les résultats selon sa propre expérience, l’un ayant l’habitude de jouer aux jeux vidéo et l’autre pas. La comparaison des deux interprétations nous a permis d’obtenir des clefs d’entrée pour mieux comprendre le processus d’accès du joueur de jeux vidéo à l’expérience d’immersion.

7Les résultats de cette étude permettent dans un premier temps de présenter les spécificités d’une expérience immersive et de simplifier son approche conceptuelle. Dans un deuxième temps, huit facteurs propices à l’immersion d’un consommateur dans l’expérience de jeux vidéo sont identifiés, décrits, analysés et catégorisés. Enfin, un cadre d’analyse issu des résultats obtenus est proposé et discuté afin de mettre à jour les contributions théoriques et managériales de ce travail.

1 – Expérience immersive et de flow

8Le concept d’immersion est abordé dans de nombreuses recherches anglo-saxonnes avec une terminologie fluctuante : flow, téléprésence, absorption cognitive (e.g. Agarwal et Karahanna, 2000). Les principaux travaux francophones se sont surtout employés à différencier le processus de l’état d’immersion (e.g. Carù et Cova, 2003). Le foisonnement de ces études a naturellement nourri le nombre d’angles d’approches de l’immersion, lui conférant ainsi autant d’essences conceptuelles différentes. Malgré la richesse de l’ensemble de ces travaux, nous pouvons regretter que les différents terrains d’étude aient toujours été considérés de manière isolée. Selon que l’état d’immersion soit appréhendé dans des environnements virtuels (e.g. Internet) ou réels (e.g. cinéma), l’immersion dans le premier cas (nommée état de flow) est le plus souvent associée et mesurée par le facteur « téléprésence » ; tandis qu’il s’agira pour le second (nommé état d’immersion) d’une « connexion avec l’expérience » ou d’une « déconnexion avec le réel ». Pourtant, à y regarder de plus près, la formulation des items qui constituent ces construits présente de forts rapprochements d’un point de vue sémantique.

1.1 – Divergence des approches théoriques

9L’expérience de flow est décrite comme le moment où le consommateur est immergé dans l’expérience qu’il réalise, (A) durant une certaine période, pour laquelle (B) le temps peut sembler s’arrêter et que (C) rien d’autre que ce qu’il fait ne semble important (Novak, Hoffman et Yung, 2000). Cette description rejoint la définition du flow, ressenti lors d’une navigation sur le web, qui caractérise cet état comme (D) une perte de conscience de soi, (E) favorable à une meilleure réceptivité des stimuli et qui (F) constitue un moment intrinsèquement agréable.

10Le concept d’état d’immersion dans un environnement réel, tel qu’il a été traité dans les recherches francophones, semble faire abstraction des facettes (B) « distorsion de temps » et (F) « caractère intrinsèquement agréable » (Hamdi et Maubisson, 2010). Il s’agit bien de (A) « brèves séquences » (plutôt que d’un grand plongeon ; Carù et Cova, 2003), pour lesquelles un consommateur se trouve dans un (C) « état d’activité intense » dans lequel « il a oublié la réalité extérieure », (D) « a perdu la conscience de ce qu’il est dans le monde réel », (E) « au profit d’un soi dans le contexte expérientiel » (Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2008).

11Mais au-delà de ce manquement (discuté dans le paragraphe suivant), c’est principalement une approche temporelle qui différencie conceptuellement l’expérience immersive de celle de flow. Ainsi, l’expérience de flow est caractérisée par une durée plus étendue, pendant laquelle le degré d’immersion du consommateur peut évoluer. Comme l’affirme le psychologue Csikszentmihalyi dans sa théorie d’accès au bonheur, l’objectif est de cumuler une succession d’expériences immersives afin qu’elles ne forment plus qu’un flux continu (le flow). Ces « petites » expériences immersives correspondent aux moments où le consommateur a la sensation de faire corps avec l’expérience, où il est totalement absorbé par son action.

12Dans le verbatim suivant, un joueur qui raconte son expérience de jeu indique qu’il « ne regarde pas le match », il vit une véritable expérience footballistique. On voit clairement dans la fin de cette description que le rythme s’accélère : à ce moment-là, son attention est totalement focalisée sur ce qu’il fait : il vit une expérience immersive.

13

« A PES, c’est de voir rapidement les trous, de vite… enfin tu as le jeu, et tu as le radar qui est en dessous. Tu dois savoir jouer uniquement avec le radar, sans regarder le match. Et dès que tu vois un trou, dès que tu peux centrer et qu’il y a tel mec, tu dois réagir vite à plein de facteurs différents, en même temps anticiper le mouvement de tes joueurs ».
Nizar, joueur

14Pendant cette expérience de flow, le joueur oscille entre ces moments où il perd conscience de son environnement immédiat et où il se reconnecte avec la réalité. C’est d’ailleurs parce qu’il perçoit ces variations qu’il est en mesure de les exprimer a posteriori.

1.2 – Proximité des essences conceptuelles

15A ce jour, la dimension de distorsion cognitive est celle qui transparaît dans l’ensemble des travaux qui traitent de l’état d’immersion ; parfois intitulée : « concentration » (Csikszentmihalyi, 1990 ; Ghani et Deshpande, 1994 ; Sénécal, Gharbi et Nantel, 2002 ; Chou et Ting, 2003), « téléprésence » (Novak, Hoffman et Yung, 2000), « cognitive » (Fornerino, Helme-Guizon et De Gaudemaris, 2005 ; Charfi et Volle, 2010), « cognitive individuelle » (Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2006) ou encore « évasion », « déconnexion avec le réel » et « connexion avec l’expérience » (Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2006, 2008). Malgré cette terminologie changeante, cette composante reste caractérisée par une déconnexion du consommateur de son environnement immédiat. C’est ainsi qu’un consommateur fortement immergé dans un environnement expérientiel, « oublie la réalité extérieure, perd la conscience de ce qu’il est dans le monde réel au profit d’un soi dans le contexte expérientiel » (Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2008).

16

« Moi, le jeu vidéo je le vis seul, dans mon petit monde, c’est un peu… que je me mets un moment donné dans un petit monde ».
Rémi, joueur

17Cette seule composante semble cependant insuffisante pour caractériser une expérience de flow, et a fortiori, immersive. En effet, pour les raisons exposées précédemment, les dimensions « distorsion de temps » (B) et « caractère intrinsèquement agréable » (F) constituent selon nous, des dimensions de l’expérience de flow qu’il convient de transposer à celle de l’immersion. Déconnecté de son environnement immédiat, le consommateur « perd ses repères temporels » (Charfi et Volle, 2010) ; sa notion du temps est alors altérée.

18

« Je perds la notion du temps. Des fois, j’ai l’impression que je ne joue pas beaucoup alors que… ça fait deux heures que je joue et pour moi, ça fait une heure ».
Victor, joueur

19La facette affective de l’état de flow a, elle-aussi, été approchée par différents concepts : « caractère hédonique » (Csikszentmihalyi, 1990), « bien-être » (Carù et Cova, 2003), « enjoyment » (Ghani et Deshpande, 1994 ; Huang, 2006), « émotionnelle » (Charfi et Volle, 2010). Carù (2007), s’est focalisée sur l’étude de cette dimension d’enjoyment[5] et la caractérise comme une sensation de plaisir intrinsèque qui oscille entre un simple plaisir ressenti (relatif à la stimulation des sens) et un sentiment de jouissance (intégrant la notion d’accomplissement de soi). A y regarder de plus près, c’est bien cette dimension qui permet de distinguer l’état d’immersion de celui de la concentration. Une personne fortement concentrée sur un objet peut ne pas ressentir de plaisir lié à cet état de concentration (réparer un circuit électrique sous-tension par exemple). Néanmoins, un fort degré de concentration peut être considéré comme une composante de l’état d’immersion (s’inscrivant alors dans la dimension cognitive).

20

« Il ne faut pas que ce soit répétitif, il faut que ce soit prenant, que les actions que tu fais, que tu sentes que tu prends du plaisir à les faire, tu sens que ça sert à quelque chose ».
Julien, professionnel

21A partir de ces rapprochements conceptuels entre flow et immersion, nous pouvons comprendre l’intérêt de conduire le consommateur à vivre une expérience de flow, caractérisée par trois principales composantes :

  • une dimension cognitive (évasion de soi, connexion avec l’expérience, téléprésence),
  • une distorsion de temps (perte de la notion du temps),
  • l’enjoyment (plaisir intrinsèque immédiat, sentiment de bien-être).

2 – Les chemins qui conduisent à l’expérience de flow

22A présent que les différentes facettes de l’expérience de flow ont été présentées et témoignent de l’intérêt d’immerger un consommateur dans un contexte expérientiel virtuel, il convient de s’intéresser aux chemins d’accès à ce type d’expérience. Si les praticiens ne peuvent pas proposer des expériences immersives prédéterminées (Carù et Cova, 2006), une des principales préoccupations dans l’industrie du jeu vidéo consiste à développer des contextes expérientiels favorisant l’immersion des joueurs. Dans cette perspective, cette recherche identifie huit facteurs facilitant l’accès à une expérience de flow, à partir de l’analyse des discours des répondants. Parallèlement, les observations réalisées lors de l’étude permettent de caractériser et de décrire les facteurs d’influence qui constituent les leviers d’action marketing à mobiliser pour immerger un consommateur dans son expérience de jeu. Enfin, nous proposons un cadre d’analyse permettant d’orienter la construction et l’amélioration de contextes favorables aux expériences de flow dans un enviroment virtuel.

2.1 – Identification des facteurs d’influence

23L’analyse du corpus des répondants (joueurs et professionnels) a permis de distinguer huit facteurs (Encadré 5) qu’il est possible d’associer soit à des caractéristiques situationnelles (relatives aux interactions joueurs-environnement virtuel), soit aux propriétés du contexte expérientiel. Cette dichotomie a été choisie pour clarifier la distinction entre les facteurs qu’un manager peut contrôler (les caractéristiques du contexte expérientiel), de ceux qui lui sont moins accessibles (caractéristiques situationnelles). Cependant, il convient de considérer que ces caractéristiques sont étroitement liées. Par exemple, de défi perçu par un joueur dans une situation de jeu dépend directement du cadre naratif (ensemble de rgles proposees dans le jeu ;Gonzalo, 2003) aquel il est exposé.

Encadré 5 : Facteurs d’influence de l’expérience de flow

Figure 1

2.1.1 – Facteurs liés aux caractéristiques situationnelles

24Parmi les facteurs situationnels qui permettent à un joueur de s’immerger expérience de jeu vidéo, l’équilibre entre le défi perçu et les compétences de l’individu est celui sur lequel les caractéristiques du contexte expérientiel digitalisé peuvent avoir le plus fort impact. Ce concept fait directement écho au "Four-Channel Flow Model" (Csikszentmihalyi et Csikszentmihalyi, 1988), largement mobilisé dans l’étude du comportement du consommateur sur Internet (e.g. Chen, Wigand et Nilan, 1998 ; Mathwick et Rigdon, 2004).

25Appliqué au contexte de cette étude, il stipule que :

  • Si le niveau de compétence du joueur est élevé alors que le niveau de challenge proposé par le jeu est faible : le consommateur peut ressentir de l’ennui ;
  • Si le niveau de compétence du joueur est faible alors que le niveau de challenge proposé par le jeu est élevé : le consommateur peut ressentir de l’anxiété ;
  • Si le niveau de compétence du joueur est faible et que le niveau de challenge est faible également : le consommateur peut ressentir de l’indifférence dans son expérience de jeu ;
  • Enfin, si le niveau de compétence du joueur est élevé et que le niveau de challenge l’est aussi : le consommateur sera suffisamment stimulé pour s’immerger dans son expérience de jeu.
Les professionnels de l’industrie des jeux vidéo doivent donc être attentifs à l’hétérogénéité des compétences de leurs consommateurs, afin de leur proposer un niveau de défi adapté. Quand ces derniers sont néophytes, ils font appel aux dispositifs d’apprentissage qu’ils peuvent utiliser dans différentes séquences de jeu (Figure 2).

Figure 2

Illustration d’un dispositif d’apprentissage

Figure 2

Illustration d’un dispositif d’apprentissage

26Ce niveau de compétence évolue donc au fil des expériences de jeu, faisant référence à la notion d’implication dans la catégorie de produit.

27

« Dans les jeux vidéo, c’est plus tu y passes du temps, plus tu as un gros niveau ».
François, joueur

28Mais la perception de certaines conditions de jeu peut également avoir un impact sur l’implication situationnelle du joueur car comme indiqué par Charfi et Volle (2010), le degré de challenge proposé par le contexte expérientiel doit être suffisamment élevé pour maintenir l’implication situationnelle du joueur.

29

« Tu as envie d’acheter les meilleurs joueurs et que ton équipe réussisse et tout ça… En fait, tu es ultra-impliqué dans ce qui se passe ».
Nizar, joueur

30Le challenge ressenti par le joueur (au sens de Ghani, Supnick et Rooney, 1991), est stimulé par les nombreux défis proposés sous forme d’objectifs relatifs au schéma narratif du jeu (e.g. marquer des buts pour un jeu de foot) ou tout autrement, par ceux que le joueur s’invente. Ces derniers émergent lorsque le cadre narratif le permet (avec un degré de liberté d’action suffisamment important) ou lors d’interactions sociales avec d’autres joueurs (Figure 3).

31

« Il faut que le jeu soit bien rythmé. Si le jeu est trop dur d’un coup, le joueur n’ira pas loin (…) il va laisser tomber (…) le level design, c’est vraiment comment ils ajustent le niveau pour que le joueur accroche ».
Julien, professionnel

Figure 3

Illustration du facteur social

Figure 3

Illustration du facteur social

32Ces interactions sociales au sein de cet environnement virtuel constituent une stimulation supplémentaire puisque nos répondants (joueurs avertis) nous ont confié qu’ils étaient à la recherche de reconnaissance par la communauté de joueurs et que leur objectif était d’exister grâce à l’octroi d’un statut spécifique.

33

« Quand tu rentres dans ce genre de truc, c’est qu’au final tu cherches aussi un moyen de te créer une communauté en dehors de la vie réelle ».
Brice, joueur

34Parallèlement, pour accéder à l’expérience de flow, le joueur doit être seul car il est plus enclin à se déconnecter de son environnement immédiat et à se laisser absorber dans l’univers narratif du jeu (Figure 4). Cette forme d’individualisme se prolonge par un processus d’individuation (au sens de Jung, 1964) qui permet au joueur de développer son « Soi » dans l’expérience de jeu et être ainsi plus attentif aux défis auxquels il est exposé.

35

« Online, je trouve que l’histoire ce n’est pas si important que ça, vu qu’il y a de vrais gens avec toi qui jouent. L’immersion ce n’est pas la même quoi… alors que c’est vrai que quand c’est un jeu solo, là il faut une histoire, il faut se mettre dedans comme dans un film ou comme dans un livre ».
François, joueur

Figure 4

Illustration de la dimension « individuation »

Figure 4

Illustration de la dimension « individuation »

36Enfin, dans toutes les analyses de contenu de nos entretiens, nous retrouvons la « focalisation de l’attention » (au sens de Hoffman et Novak, 1996) comme étant l’ultime étape avant d’être immergé dans son expérience de jeu. En effet, le joueur concentre toute son attention sur son activité de jeu et en oublie presque son environnement réel (Figure 5).

37

« Au moment de lancer l’attaque, il faut être concentré pour micro-gérer le truc ».
Brice, joueur

Figure 5

Illustration de la dimension « focalisation de l’attention »

Figure 5

Illustration de la dimension « focalisation de l’attention »

2.1.2 – Facteurs liés au contexte expérientiel

38Concernant les facteurs liés à la gestion du contexte expérientiel proposés dans les jeux vidéo, cinq composantes émergent des entretiens menés auprès des professionnels et des joueurs de haut niveau et semblent essentielles pour faciliter l’accès à l’expérience de flow : le « cadre narratif », le « caractère dynamique », la « personnalisation de l’avatar », la « gestion du facteur social » et le « réalisme/authenticité perçus ».

39Le cadre narratif [6] correspond à l’ensemble des contraintes, règles ou possibilités qui structurent le contexte expérientiel autour de l’histoire même du jeu. Il s’agit donc de la manière dont l’histoire est construite (Jenkins, 2002), ici même coconstruite, puisque les décisions prises par le joueur influencent le schéma narratif (scénario) de l’expérience de consommation (effet papillon). Ainsi, selon le degré de liberté d’action régi par cet ensemble de contraintes, le joueur peut plus ou moins exercer un contrôle (au sens de Ghani et Deshpande, 1994) sur l’équilibre défi perçu-compétences.

40

« c’est-à-dire la mécanique du jeu, qu’est-ce qui va faire que le joueur soit plongé dans le jeu, vraiment à fond, qu’au bout de dix minutes il ne décroche pas parce que c’est chiant, c’est répétitif donc il ne faut pas que ce soit répétitif, il faut que ce soit prenant, que les actions que tu fais, que tu sentes que tu prends du plaisir à les faire, tu sens que ça sert à quelque chose, à te faire avancer dans l’histoire et… justement l’histoire c’est important mais ce n’est pas le plus important, je le mettrai plus en second plan. Moi vraiment s’il y a un bon game play, les mécaniques de jeu qui soient prenantes, immersives, qui font que le joueur ne décroche pas au bout de dix minutes de jeu. Tu peux avoir une belle histoire sympathique, un beau jeu graphiquement mais si le game play est chiant, tu ne vas pas accrocher. Le joueur en général, va décrocher au bout de dix minutes et ne va plus rejouer à ton jeu ».
Julien, professionnel

41Dans le cadre des jeux vidéo, le cadre narratif est constitué de quatre facettes : (1) Le « game play » (employé dans le verbatim précédent) renvoie aux mécaniques du jeu qui régissent l’équilibre entre les contraintes et les libertés d’actions perçues par le joueur. Elles transparaissent dans le discours des répondants comme un ensemble de règles, orientées vers l’objet même du jeu (batailles, courses automobiles…) qu’un joueur peut appréhender avec suffisamment d’autonomie pour réaliser ses propres défis. Cela correspond finalement à l’ossature d’un jeu vidéo dans le sens où il est le même dans les différentes versions d’un même jeu (e.g. Call of Duty I, II, III). Il apparaît comme essentiel pour les consommateurs puisque l’immersion dans l’expérience de jeu et leur fidélité à la marque, dépendent en partie du degré d’appropriation et d’appréciation de ces mécaniques de jeu.

42

« Comme tous les RPG, il y a un gros background, avec tout un univers ».
Jessica, professionnelle

43

« Ce qui caractérise CSS, c’est le fait que c’est un jeu phare de l’histoire où tu progresses sans cesse et où c’est très encadré ».
Nizar, joueur

44(2) La deuxième facette du cadre narratif fait référence au « périmètre de l’expérience » de jeu. Celui-ci délimite l’aire de jeu dans laquelle se déroule l’expérience (Figure 6) ainsi que la configuration de cet espace (Figure 7). Les joueurs s’approprient ces éléments à partir des outils qui sont mis à leur disposition (plans, état d’avancement, repères, etc.) et développent des stratégies d’exploration, de nidification et de marquage (au sens de Carù et Cova, 2003).

45

« Oh Magic : casse toi là c’est ma fenêtre ! Sors de là, sors de là !!! ».
DarFun, joueur (vidéo youtube, 4 :02)

46

« Dans ce jeu tu peux explorer la ville de New York en bateau, en voiture ou hélico. Moi j’adore me balader à fond en voiture et faire des cascades, je peux y passer des heures. Il y a même des endroits prévus pour ça, qui sont comptabilisés mais j’aime bien aussi pouvoir me les improviser dans des endroits insolites ».
Léon, joueur

Figure 6

Illustration de la dimension “cadre narratif” - périmètre de l’expérience

Figure 6

Illustration de la dimension “cadre narratif” - périmètre de l’expérience

Figure 7

Illustration de la dimension « cadre narratif » - configuration de l’espace

Figure 7

Illustration de la dimension « cadre narratif » - configuration de l’espace

47Il est donc nécessaire que ce périmètre de l’expérience soit clairement délimité pour faciliter ce processus d’appropriation mais également parce qu’une densité spatiale contraignante entraîne davantage d’agressivité latente (Dion-Le Mee, 1999), favorable à une stimulation de l’individu à relever des défis. Les propos d’Evans (1979) cités dans la thèse de Dion-Le Mee confirment cela : « Evans explique que les restrictions spatiales élèvent le niveau d’activation de l’individu ».

48(3) Les « normes » correspondent à des repères qui apparaissent comme des passerelles entre le monde réel et l’expérience virtuelle que vit le joueur (Figure 8). Elles font référence à des éléments fondamentaux qui figurent dans le jeu, tels que le temps qui passe, l’alimentation (présence parfois de marques ; cf. verbatim infra), ou à d’autres repères davantage liés à l’individu comme la nécessité de respecter le code de la route par exemple. Bien qu’intégrées de manière périphérique dans le cadre narratif, ces normes semblent favorables à la projection du « soi » du joueur sur son avatar (téléprésence) et permettent également de ne pas trop l’éloigner de la trajectoire narrative du jeu.

49

« Donc là je vais prendre un Coca Cola (…) non non je ne fais pas de pub, j’ai pris une boisson pétillante gazeuse et sucrée ».
DarFun, joueur (vidéo youtube, 13 :07)

50

« Justement en jouant personne ne m’oblige à rouler à droite mais ça fait partie du truc. Si tu ne roules pas comme dans la vraie vie, tu ne prends pas de plaisir. C’est plus compliqué de doubler les voitures à la régulière mais ça fait plus réel et ça fait plus appel à mes talents de pilote ».
Léon, joueur (Figure 8, Photographie 3)

Figure 8

Illustration de la dimension « cadre narratif » - normes

Figure 8

Illustration de la dimension « cadre narratif » - normes

51(4) Enfin, la quatrième facette du cadre narratif d’un jeu vidéo est « l’histoire ». Par exemple, le jeu GTA débute par un scénario où l’on découvre le passé difficile de son avatar avant son arrivée à New York et qui justifie l’envie de devenir l’ennemi public n°1 de cette ville. L’histoire développée dans le jeu permet alors de proposer un univers narratif (Jenkins, 2002) favorable à l’émergence de défis préenregistrés ou simplement imaginés par les joueurs. Pour s’immerger dans cet univers, le consommateur interagit avec cet environnement : interactions conditionnées par les mécaniques du jeu elles-mêmes. Dans l’expérience de jeu GTA, le personnage est libre (selon la volonté du joueur) de tuer des individus (autres gangsters, policiers, passants), voler des voitures, etc. Mais ces scénarios peuvent également s’inscrire dans des faits plus historiques (Figure 9), afin d’enrichir et soutenir la notion de défi tout au long de l’expérience de jeu.

Figure 9

Illustration de la dimension « Cadre narratif » - histoire

Figure 9

Illustration de la dimension « Cadre narratif » - histoire

52Le deuxième antécédent de l’expérience de flow, relatif aux caractéristiques qui peuvent être contrôlées par l’éditeur du jeu, correspond au « caractère dynamique » du contexte expérientiel. Celui-ci permet de stimuler l’évolution du joueur dans l’expérience de jeu (selon Malone, 1980), le tempo étant associé au libre arbitre du joueur (prise de décisions), aux différents niveaux du jeu ou encore à la variété des paysages, des objets ou personnages environnants (e.g. armes, moyens de transport, etc.). Comme indiqué dans la revue de littérature, l’objectif est de permettre au joueur de vivre une succession d’expériences au sein d’un même univers de jeu, représentant ainsi autant d’occasions de s’immerger, afin qu’elles ne forment plus qu’un flux continu (au sens de Csikszentmihalyi, 1990).

53

« J’ai vu au fur et à mesure que j’ai travaillé avec les joueurs sur Internet, ils ont un désir de mise à jour éternelle ».
Jessica, professionnelle

54

« Suivant ce que l’on dit, l’histoire bascule suivant ce qu’on dit à plusieurs personnes, y’a plusieurs façons de finir le jeu, on peut devenir méchant, gentil. Pour moi c’est ça, c’est l’immersion totale ».
Rémi, joueur

55Le troisième antécédent, déjà abordé dans la revue de littérature en e-marketing (e.g. Merle, Saint-Onge et Sénécal, 2011), correspond à la « personnalisation de l’avatar et de certains éléments de l’environnement virtuel » que le joueur peut s’approprier. Nous noterons que dans le cas des jeux vidéo, le joueur peut faire appel à ce procédé au fil de ses différentes expériences. L’avatar ne représente pas nécessairement le joueur dans sa vie réelle mais plutôt le personnage dans lequel il se projette (Figure 10).

56

« Donner la possibilité aux joueurs de créer leurs propres habits, de créer par exemple leur propre personnage, de créer leur propre arme, leur propre carte par exemple pour évoluer dans le jeu ».
Noémie, professionnelle

Figure 10

Illustration de la dimension « personnalisation »

Figure 10

Illustration de la dimension « personnalisation »

57Le quatrième antécédent de l’expérience de flow que les éditeurs contrôlent correspond à la « gestion du facteur social ». Il permet de valoriser le consommateur au sein de sa communauté de jeu. Dans ce contexte, les joueurs se trouvent tantôt en compétition, tantôt partenaires de jeu, et plusieurs indicateurs leur permettent de s’évaluer afin de stimuler le défi proposé par cet environnement expérientiel. Le joueur endosse alors un statut identitaire dans l’espace virtuel qu’il valorise au sein de la communauté de jeu et qui légitime son existence dans cet environnement (Figure 11). Ce facteur est utilisé dans de nombreux forums de discussion.

58

« Ils se sentent valorisés parce que voilà quand leur site est fait, en général, ils sont dans un annuaire et donc ils sont quand même bien visibles et bien identifiés par la communauté ».
Benoit, professionnel

59

« Du moment qu’il y a des potes avec moi sur Internet ou à deux sur une console c’est dix fois mieux quoi. Ça implique qu’on ait mis en place une tactique et quand la tactique elle marche parfaitement et bien là c’est génial ! Et à la fin du match, quand t’as gagné une équipe qui est super bien classée et que hop ! Tu prends plein de points et que tu montes super vite au classement, ça fait toujours plaisir quoi ! ».
François, joueur

Figure 11

Illustration de la dimension « gestion du facteur social »

Figure 11

Illustration de la dimension « gestion du facteur social »

60Enfin, « l’authenticité et le réalisme perçus » de l’environnement virtuel facilitent l’immersion du joueur dans son expérience de jeu. Proche du concept de normes décrit précédemment, ce facteur fait référence aux repères de la vie réelle de l’individu.

61

« Vu que je faisais pas mal de sport avant et quand j’ai arrêté en fait j’ai commencé à faire de la compétition sur PES et je retrouvais un peu les sensations, enfin… un peu de stress, la pression et tout… en match, c’est très technique, c’est très mental quoi. (…) c’est comme si c’était un truc de la vie réelle ».
Nizar, joueur

62L’authenticité et le réalisme d’un environnement virtuel sont donc perçus au travers de la fluidité des actions que peut réaliser l’avatar, mais également par le truchement de la qualité de l’atmosphère perçue de cet environnement au sens de Baker, Grewal et Parasuraman (1994), notamment par les facteurs de design ou d’ambiance (Figure 12). Ce constat rejoint celui de Charfi et Volle (2010) qui précisent justement que la typologie de l’atmosphère du point de vente peut se transposer à l’e-commerce pour de nombreux avantages (Lemoine, 2008).

63De fait, le caractère réaliste et authentique d’un environnement virtuel intégrant ces facteurs peut faciliter l’immersion du joueur. La capacité d’un environnement virtuel à représenter la réalité peut amener celui-ci à se projeter au travers de ce qu’il voit et entend.

64

« Les joueurs vont demander des graphismes de plus en plus poussés pour approcher de plus en plus du réalisme ».
Jessica, professionnelle

Figure 12

Illustration de la dimension « authenticité et réalisme perçus »

Figure 12

Illustration de la dimension « authenticité et réalisme perçus »

2.2 – Processus d’accès à l’expérience de flow

2.2.1 – Comprendre les processus : proposition d’un cadre d’analyse

65Faisant suite à ce travail descriptif et analytique des différents facteurs d’influence de l’expérience de flow dans les jeux vidéo, la phase d’interprétation des résultats nous amène à proposer un cadre d’analyse qui permet de mieux comprendre les processus d’accès conduisant à une expérience immersive (Figure 13). Ainsi, il apparaît que lors d’interactions entre un joueur et l’environnement virtuel dans lequel il évolue, certains facteurs permettent d’activer des sensations favorables à son immersion (éléments davantage liés à la situation de jeu) tandis que d’autres présentent un caractère davantage durable (tels que l’intérêt qu’il porte aux jeux vidéo). Le cadre d’analyse proposé permet par exemple d’approfondir la compréhension du facteur « équilibre entre les défis perçus et les compétences du consommateur » dans ce contexte d’étude. En effet, les travaux qui mobilisent la théorie du « Four-Channel Flow Model » s’accordent à dire que la notion de défi perçu ne relève pas uniquement de la perception d’un stimulus (e.g. Csikszentmihalyi, 1990) : certaines personnes ont un caractère naturellement plus anxiogène que d’autres. De même, une personne fortement impliquée dans une catégorie de produit (c’est le cas des répondants interrogés dans cette étude) disposera davantage de compétences qu’un consommateur novice, et ne percevra donc pas le défi auquel elle est exposée de la même façon. C’est pour cette raison que les éditeurs de jeux vidéo agissent à la fois :

  • Sur des éléments liés à la situation de jeu, permettant ainsi de gérer et d’ajuster les défis perçus par les individus tout au long du jeu. Cette rythmique des difficultés à surmonter (i.e les enjeux) a pour objectif d’augmenter l’attention des joueurs qui se traduit par une acuité sensorielle élevée, sensation favorable à l’expérience de flow.
  • Sur la gestion de facteurs davantage durables (apprentissage, individuation, organisation de la communauté…), afin de permettre au consommateur de construire sa sensibilité à l’expérience (implication, passion, désir de reconnaissance…) et ainsi, sa propre volonté à s’immerger dans ce contexte expérientiel digitalisé.

Figure 13

Processus d’accès à l’expérience de flow dans les jeux vidéo

Figure 13

Processus d’accès à l’expérience de flow dans les jeux vidéo

66Sans pouvoir les traiter de manière isolée, l’expérience de flow semble donc émerger de l’équilibre entre ces deux routes principales.

  • La première est relative aux sensations [7] que le joueur peut éprouver. Elles sont activées par l’environnement avec lequel il interagit et le défi qu’il perçoit ; par exemple, si le joueur doit surmonter une épreuve, il se projette physiologiquement dans son avatar (stimulation de l’imaginaire) et si son attention est totalement focalisée sur ses actions dans le jeu (ouïe et vue), alors il sera en mesure de vivre une expérience de flow.
  • La seconde est relative au développement de la sensibilité du joueur à ses expériences de jeux vidéo ; cette sensibilité se construit progressivement durant une expérience de jeu, ainsi que dans la succession de différentes expériences de jeux. Une fois que le joueur s’est approprié les mécaniques du jeu et qu’il les apprécie, que l’histoire de son avatar et les missions qui lui sont confiées lui permettent de se défouler psychologiquement et ainsi de s’évader du monde réel, sa sensibilité au jeu lui permettra de développer sa propre capacité à s’immerger totalement dans cette expérience.

2.2.2 – Perspectives managériales : déclinaison du cadre d’analyse

67Les résultats obtenus dans le contexte des jeux vidéo permettent de formuler un certain nombre de recommandations managériales destinées aux professionnels de l’environnement numérique (concepteurs, développeurs, animateurs, etc.) qui utilisent des technologies similaires. En mettant en perspective les facteurs identifiés dans la première partie des résultats à partir du cadre d’analyse, plusieurs leviers d’action peuvent être proposés pour faciliter l’accès du consommateur à l’expérience de flow et faire en sorte que celui-ci passe un moment agréable (Encadré 6).

Encadré 6 : Illustration des leviers d’action

Figure 13

68Parmi les facteurs d’influence identifiés, ceux qui permettent d’activer les sensations favorables à l’expérience de flow sont principalement liés à des aspects « matériels » du contexte expérientiel digitalisé. Les améliorations technologiques permettront par exemple d’augmenter la vitesse d’interaction entre le joueur et son environnement numérique. Elles permettront également d’optimiser la qualité des graphismes (e.g. en développant les facteurs d’atmosphère de l’interface) afin que l’utilisateur puisse percevoir davantage de réalisme, de fluidité dans ses actions, et s’approprier plus facilement cet environnement. Les opérations d’appropriation (au sens de Carù et Cova, 2003 : exploration, nidification et marquage) menées par le joueur pourront être favorisées grâce à la gestion du cadre narratif (mécaniques du jeu, périmètre de l’expérience, normes et histoire). Le praticien doit dès lors tenir compte de l’ensemble de ces éléments pour optimiser la gestion du défi perçu par les joueurs. En effet, l’enjeu doit être en permanence réajusté suivant les compétences des joueurs. Par exemple, Gorriz et Medina (2000) indiquent que le réglage du défi dans les jeux vidéo permettrait de mieux cibler le marché féminin (la gestion du facteur social devant être orientée sur des logiques coopératives plutôt que compétitives). Par conséquent, la définition du cadre narratif peut constituer un critère de segmentation marketing efficace et un déterminant de l’équilibre défi perçu/compétences en tenant compte du paramètre subjectif de l’expérience.

69D’autres facteurs d’influence favorables à l’émergence d’une expérience de flow s’inscrivent dans une perspective temporelle plus élargie : ceux relatifs à la construction de la sensibilité du consommateur au jeu et à son univers. L’évolution de cette sensibilité exerce un rétrocontrôle positif sur sa capacité à s’immerger dans ce même environnement. Ainsi, la passion et l’intérêt ressentis pour l’expérience de jeu par le consommateur vont naturellement le conduire à favoriser son apprentissage, à cultiver son implication dans la catégorie de jeu (football, jeux de guerre…). Ces éléments vont alimenter les compétences du joueur, qui sera alors à la recherche de nouveaux défis que les praticiens doivent rythmer en proposant un environnement stimulant et évolutif. Les Sims 3 proposent par exemple aux joueurs de développer dix compétences différentes : le charisme, l’écriture, la cuisine, le jardinage, la guitare, l’athlétisme, la pêche, la logique, le bricolage et la peinture. Le joueur peut accroître une de ces compétences via l’entraînement ou les cours (payants) qui lui sont proposés et ainsi franchir différents niveaux. Un journal de compétences est mis à disposition avec des défis à relever et des bonus à gagner en échange. Ce subtil équilibre est aussi nécessaire lors de la gestion du facteur social au sein de l’environnement digitalisé. Il se trouve cette fois partagé entre le principe d’individualisme et d’individuation. L’enjeu pour les praticiens est alors de répondre à la volonté du joueur d’être seul, de s’accorder un moment privilégié, mais aussi de lui permettre parallèlement de développer son « Soi » dans ce nouvel environnement. Les outils d’auto-évaluation, de customisation, la référence à des normes ou la possibilité de briller au sein d’une communauté virtuelle permettent d’illustrer les propos de Jung (1964) à ce sujet : « l’individuation n’exclue pas le monde ».

70Enfin, il convient de préciser que ces facteurs d’influence (contrôlables par les praticiens) peuvent tout au plus favoriser l’accès à une expérience de flow mais en aucun cas provoquer une sensation d’immersion systématique.

Conclusion

71Dans cette recherche, une démarche prospective a été employée en vue de mettre à jour les leviers d’action facilitant l’accès à une expérience de flow. Huit facteurs favorisant l’accès à l’expérience de flow dans les jeux vidéo ont été identifiés et caractérisés. Si certains rejoignent ceux précédemment identifiés dans la littérature en e-marketing, d’autres sont contingents à l’univers des jeux vidéo (personnalisation de l’avatar, réalisme/authenticité des graphismes, etc.). Parallèlement, les préoccupations managériales considérées tout au long de ce travail ont permis : (1) de caractériser de manière détaillée chaque facteur d’influence identifié ; (2) de proposer un cadre conceptuel qui permette de structurer les recommandations managériales pouvant s’étendre à d’autres environnements virtuels.

72Ainsi, comme exposé dans l’Encadré 6, le cadre conceptuel développé dans ce travail peut se décliner en un véritable outil d’aide à la décision dans la mise en œuvre d’une stratégie marketing destinée à élaborer un contexte expérientiel favorable à l’immersion du consommateur. Au regard des résultats obtenus, nous postulons que l’expérience de flow peut effectivement être cultivée (suivant en cela Csikszentmihalyi, 1990) puisque les consommateurs peuvent co-construire leur sensibilité à une expérience particulière de consommation. Ce phénomène influence le rapport de l’individu à l’objet, lui permettant de le considérer comme une passion, ou plus fortement faisant parti de son idéal de vie. Dans cette perspective temporelle élargie, cette co-construction de sensibilité nourrit les sentiments de défis perçus et de compétences acquises ou mobilisées au fil des expériences de jeu.

73Bien que ces résultats aient été précisément obtenus dans le cadre des jeux vidéo, ils pourraient tout aussi bien s’appliquer à d’autres contextes virtuels comme des sites marchands. De fait, cela nécessite que le consommateur présente de bonnes prédispositions pour vivre ce type d’expériences et qu’il soit a minima impliqué. Ceci correspondrait à « un processus de construction de la sensibilité d’un consommateur à vivre une expérience de flow ».

74Par ailleurs, dans « un processus d’activation de sensations favorables à l’expérience de flow », un consommateur réceptif peut aisément s’immerger dans le contexte expérientiel auquel il est exposé. Plus proche du concept de ré-enchantement de la consommation, cela sous-entend que le consommateur est perméable aux stimuli expérientiels relatifs à l’objet ou à l’univers de consommation avec lequel il est en interaction.

75Bien entendu, cette recherche n’est pas exempte de limites, la principale étant liée à la taille et à la nature des échantillons. De plus, les spécificités du terrain d’étude relatives aux expériences de jeux vidéo réduisent quelque peu la validité externe de notre recherche.

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Notes

  • [1]
    Une première version de cet article a été présentée lors de la 10ème Journée de Recherche sur le E-marketing organisée par le Professeur Jean-François Lemoine à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, le 9 Septembre 2011. Elle a ensuite été modifiée et enrichie suite à une évaluation anonyme par deux lecteurs sollicités pour la réalisation de ce cahier spécial.
  • [2]
    Linda Hamdi-Kidar, Doctorante contracutelle, IAE de l’Université Toulouse 1 Capitole (CRM), linda.hamdi@iae-toulouse.fr
  • [3]
    Laurent Maubiss On, Enseignant-chercheur contractuel, doctorant, IAE de l’Université Toulouse 1 Capitole (CRM), laurent.maubisson@ut-capitole.fr
  • [4]
    Les proximités et divergences des approches théoriques entre les concepts de flow et d’immersion sont exposées ci-après.
  • [5]
    Le terme anglais a été préféré car nous n’avons pas trouvé d’équivalent en langue française qui ne prête pas à confusion.
  • [6]
    Le terme “cadre narratif” se rapproche du concept de « compeling », parfois orthographié « compelling », qui peut alors signifier “ensemble de contraintes” (e.g. Jenkins, 2002) ou “fascinant” (e.g. Crispini, 2003).
  • [7]
    Nous noterons que la conceptualisation de ce processus (réalisée dans une démarche abductive) fait référence aux travaux de Maynadier et al. (2010) qui étudient l’expérience de consommation dans sa dimension sensible. Certains pôles de subjectivité - “sensations” et “sensibilité” - du consommateur qu’ils proposent dans leur modèle permettent ici de comprendre le processus d’accès à l’expérience de flow.
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