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Article de revue

Les usages-types d'un outil de gestion des risques à l'hôpital

Pages 215 à 236

Notes

  • [49]
    Ce papier reprend pour partie des éléments issus de la thèse de l’auteur, « La mise en usage des outils de gestion par la qualité par les professionnels de santé à l’hôpital : une approche par la théorie instrumentale », 2 décembre 2009, IAE de Tours
  • [50]
    Régis Martineau, Enseignant Chercheur Permanent, Groupe ESC Troyes, regis.martineau@get-mail.fr

1Trente années de recherche sur les instrumentations de gestion ont permis de mieux comprendre l’activité individuelle et organisationnelle médiée par des outils. On en sait aujourd’hui beaucoup sur l’interaction entre les individus, les instruments et les organisations. Ces recherches ont notamment permis de préciser le concept d’outil ou d’instrument de gestion, en lui conférant un statut relativement clair : en première analyse, un outil de gestion est un « dispositif formalisé permettant l’action organisée » (David, 1998 : 44).

2Tous les auteurs s’accordent à reconnaître que les acteurs n’utilisent pas de la même manière les outils qui leur sont proposés pour l’action, remettant largement en cause une vision trop technique et déterministe des outils. À un outil neutre qui serait le simple prolongement de la volonté de son concepteur ou de son prescripteur, les auteurs opposent la variété des comportements et des usages qu’un outil suscite. Un outil peut être abandonné, rejeté, accepté, ou encore faire l’objet de comportements ritualisés et factices. Il peut aussi subir des modifications, en retour de l’action des utilisateurs. Il peut venir modifier les structures organisationnelles, ou au contraire se trouver modifié par elles. Les cadres d’analyse mobilisés dans cette tradition empruntent principalement au modèle structurationniste (Giddens, 1987), notamment pour l’étude des NTIC (De Sanctis et Poole, 1994 ; Orlikowski, 2000) ; ainsi qu’au modèle de l’acteur réseau (Akrich, Callon et Latour, 1988). Par ailleurs, des recherches ont permis de mieux connaître les outils de gestion : leur « morphologie » (Hatchuel et Weil, 1992 ; Bayart, 1996 ; Gilbert, 1998) ; leur rôle (Berry, 1983 ; Moisdon, 1997 ; David, 1998) ; leur place dans l’action collective située médiée par des instruments (Lorino, 2002 ; Engeström, 2000) ; ou encore le processus d’appropriation des instruments de gestion (De Vaujany, 2005 ; Grimand, 2006).

3Tous ces travaux fournissent des clés de compréhension de l’usage des outils de gestion. À leur suite, nous chercherons à décrire le résultat du processus, à savoir ce qui résulte de l’usage des outils : nous proposons, à travers une étude empirique centrée sur un outil, d’interroger les formes de ces usages, tels qu’ils se manifestent. Ce questionnement s’adresse plus particulièrement aux managers qui sont, forcément, dans leur quotidien, en charge de les encadrer ou de les gérer. Peut-on reconnaître des types d’usages des outils de gestion ?

4Une étude a été menée au sein d’un Centre Hospitalier Régional Universitaire afin de répondre à cette question. Nous nous sommes focalisés sur un outil de gestion particulier, à savoir une Fiche de Signalement d’Incident, un outil de reporting dédié à la gestion des risques. La première partie précise les aspects théoriques de ce travail, la deuxième présente la méthodologie, la troisième les résultats obtenus, et enfin la dernière discute les principaux enseignements de la recherche.

1 – Les outils de gestion comme objets manipulables et modifiables

5Des travaux sur les objets en sciences humaines de manière générale ont pointé les usages plus ou moins inattendus que leur manipulation par les utilisateurs occasionne. Une revue de littérature en donne ici un aperçu, avant de présenter un cadre d’analyse qui permet selon nous d’approfondir cette question dans le cas des outils de gestion.

1.1 – Manipulations et modifications des objets dans les recherches en sciences sociales

6Majoritairement, les objets dans les sciences humaines ne sont pas pris comme objets d’études, celles-ci privilégiant l’étude des individus souvent abstraits de leur environnements matériels (Dagognet, 1989). Par ailleurs, De Certeau (1990) encourageait les chercheurs à s’intéresser aux « arts de faire », c’est-à-dire aux micro-pratiques individuelles, aux tactiques se glissant dans les interstices laissés vacants par les cadres stratégiques. Ce même auteur soulignait d’ailleurs l’intérêt d’étudier les braconnages et les catachrèses, ce dernier terme désignant l’usage d’un mot au-delà de son acception propre, ou à la place d’un autre, et par extension, l’utilisation d’un outil à la place d’un autre ou l’utilisation d’outils pour des usages pour lesquels ils ne sont pas conçus. De même, le courant de l’Actor Network Theory a montré le caractère éminemment sociopolitique de toute innovation technologique (Akrich et al., 1988). Dans cet esprit, on trouve des recherches, notamment en sociologie et en systèmes d’informations, qui se sont interrogées sur les manipulations des objets et des outils.

7Le courant de la sociologie de l’usage (Perriault, 1989 ; Lacroix et al., 1993 ; Vitalis, 1994 ; Flichy, 2003) s’est intéressé à l’appropriation des usages des médias et des nouvelles technologies et analyse particulièrement les formes d’usages déviants et inattendus. L’usage se situe au croisement de quatre logiques : celle du social, celle du technique, celle du concepteur et celle de l’utilisateur. Dans ce cadre, malgré les modes d’emplois prescrits par les inventeurs des technologies, les pratiques des utilisateurs font apparaître des déviances, des variantes, des détournements et des arpèges par rapport aux modes d’emploi prescrits par les inventeurs des technologies. Perriault (1989) établit une différence entre l’usage conforme – principale raison pour laquelle la machine a été créée par l’inventeur – et l’usage que les utilisateurs en font, en détournant l’instrument pour leur propre intérêt. Dans une autre tradition mais dans la même perspective, Dodier (1995) a montré que même sur des objets aussi peu malléables que des machines à l’intérieur des usines, les acteurs arrivaient à développer des virtuosités dans leur manipulation, allant jusqu’à apporter des modifications concrètes sur ces machines.

8En systèmes d’information, la théorie de la structuration (Giddens, 1987) a été appliquée à l’étude des technologies (De Sanctis et Poole, 1994 ; Orlikowski, 2000). Ces modèles considèrent que les structures sont enactées par les utilisateurs pendant l’utilisation d’une technologie. Loin du déterminisme technologique, on considère ici que la technologie, tout en contraignant l’action, est aussi modifiée par elle. L’interaction des utilisateurs avec la technologie est récursive : dans leur pratique récurrente, les utilisateurs forment la structure de la technologie qui en retour forme leur usage. Les structures de la technologie ne sont donc pas situées dans les organisations ou dans les technologies, indépendamment de l’action des hommes ; elles ne sont pas incorporées dans les technologies, attendant d’être appropriées par les acteurs. Plutôt, elles sont virtuelles, émergent des interactions répétées et situées des acteurs. Ces structures enactées sont nommées « technology-in-pratice » (Orlikowski, 2000). Le point de vue de la « pratice lens » permet ainsi de considérer les pratiques comme dynamiques, sans présumer d’une quelconque stabilité de la technologie, ce qui permet de laisser la possibilité de modification de la technologie.

9Ces travaux ont influencé les recherches sur les outils de gestion, évoquées en introduction. Notamment, en analysant le processus d’appropriation, De Vaujany (2005) et Grimand (2006) ont montré les différentes « valeurs » prises par les outils, qui n’ont pas le même statut selon que l’on se place du point de vue des concepteurs ou des utilisateurs, ou qui diffèrent en fonction du moment de l’analyse (adoption ou suite du processus). De plus, il a été montré que les outils de gestion ne prédéterminent pas complètement l’usage qui va en être fait par les acteurs, car la dynamique d’usage de l’outil incorpore aussi bien du technique que du social. Enfin, une co-construction à l’usage (De Vaujany, 2005) s’opère, rompant avec une vision idéalisée de l’opposition concepteur/utilisateur.

10Une idée commune ressort de ces travaux : entre un usage prescrit par un concepteur, et l’usage qui est fait, il y a une différence, un gap, que ces théories permettent de comprendre. C’est en partant de ce constat que Madeleine Akrich (2006) dégage des catégories d’usage des objets techniques. Elle classe les usages selon le degré de modification de l’objet d’une part ; et selon le degré de modification par rapport à l’usage prescrit (usage initialement prévu par le concepteur) d’autre part. L’utilisateur actif génère ces quatre formes d’interventions sur des dispositifs déjà constitués :

Tableau 1

Quatre formes d’intervention sur les objets techniques

Tableau 1
Non modification de l’objet Modification de l’objet Non modification de l’usage prescrit Application : l’utilisateur ne modifie pas l’objet et l’utilise de la manière prévue par le concepteur. Adaptation : consiste à introduire quelques modifications dans le dispositif qui permettent de l’ajuster aux caractéristiques de l’utilisateur ou de son environnement sans pour autant toucher à sa fonction première. Modification de l’usage prescrit Déplacement : consiste à modifier le spectre des usages prévus d’un dispositif, sans annihiler ce en vue de quoi il a été conçu, et sans introduire de modifications majeures dans le dispositif. L’outil prescrit est souvent volontairement incomplet, laissant des marges de manœuvre à l’utilisateur. Détournement : un dispositif est détourné lorsqu’un utilisateur s’en sert pour un propos qui n’a rien à voir avec le scénario prévu au départ par le concepteur et même annihile du coup toute possibilité de retour à l’usage précédent. Le détournement prend nécessairement appui sur des propriétés de l’objet de départ, même si à la différence des cas précédents, ces propriétés peuvent être marginales dans la définition de l’objet et même peuvent n’émerger en tant que telles que dans la confrontation avec un nouvel usage.

Quatre formes d’intervention sur les objets techniques

(adapté de Akrich, 2006)

11Cette proposition d’usages types s’applique aux objets techniques mais pose problème : dans quelle mesure cette typologie mise en évidence dans le domaine des objets techniques est-elle transposable pour les outils de gestion ?

12Pour faire ce parallèle, nous mobilisons ici une conception particulière des outils de gestion, qui emprunte aux travaux de Lorino (2002, 2007, 2011), inspirée du pragmatisme américain (Dewey, 1938 ; Peirce, 1978) et de l’ergonomie (Rabardel, 1995). Ce positionnement permet de prendre en compte toute la complexité de l’interaction outil/utilisateur, en se plaçant de son point de vue, dans l’action, dans un certain contexte. Ce regard sur l’utilisateur en action est particulièrement opportun pour notre propos puisqu’il permet de rendre compte des usages inattendus des outils. Il invite à distinguer de manière analytique deux éléments fondamentaux constituant tout outil de gestion : un artefact, et un schème d’interprétation.

1.2 – L’artefact : l’aspect matériel des outils de gestion

13Dans le cas des objets techniques (Akrich, 2006), on appréhende aisément ce que signifie « modifier un objet » (bricoler une voiture, déconstruire un ordinateur). En revanche, il est plus difficile de le concevoir dans le cas des outils de gestion, car il est plus difficile de se référer à l’aspect matériel de l’outil, tant il est vrai que les outils peuvent être purement immatériels. Pour Vygotski (1933), qui est à la source de la plupart des travaux traitant de la question des outils et des utilisateurs, l’outil repose sur un artefact, qui peut être matériel ou non : les mots, les idées, les pensées par exemple sont des artefacts qui constituent la médiation entre le monde et le sujet.

14Toutefois, la notion d’artefact peut aussi désigner des artefacts plus matériels et manipulables. Les outils de gestion font partie de cette catégorie car ils s’appuient généralement sur un artefact manipulable et identifiable par l’utilisateur (un tableau de bord, une feuille de route, un compte rendu, l’interface d’un logiciel, etc…). Au final, c’est cette forme qui constitue en quelque sorte sa matérialité. On peut donc appréhender l’aspect matériel et tangible d’un outil par la notion d’artefact. La modification de l’objet technique correspondra donc pour les outils à la modification de leur artefact.

15L’artefact fait donc référence à tout ce qui va permettre le maniement de l’outil : l’interface d’un logiciel et les possibilités d’interaction, la disposition des traits, des formes et des lignes sur une feuille de papier, la possibilité d’écrire ou simplement de cocher des cases, etc… Il existe d’ailleurs des artefacts plus ou moins manipulables, plus ou moins malléables, plus ou moins « ouverts » : les artefacts ouverts sont ceux que l’on peut à loisir modifier ou qui laissent une grande liberté d’action à l’utilisateur ; alors que des artefacts fermés laissent peu de place à la fantaisie de l’utilisateur (par exemple, les logiciels comptables laissent relativement peu de marge de liberté).

16Par ailleurs, l’artefact fait partie d’un tout technique, il communique avec d’autres artefacts qui font système, tout comme les objets techniques font partie d’un tout (Dodier, 1995) : il sera question ici de la compatibilité de l’interface d’un logiciel avec l’ensemble technique et matériel de l’organisation et de son environnement ; ou encore du circuit dans lequel s’insère une feuille de papier, sa disponibilité, etc… Cet ensemble technique dans lequel s’insère l’outil est lui aussi plus ou moins fermé ou ouvert, et va déterminer la malléabilité de l’outil.

1.3 – Le schème d’interprétation et la fonction de l’outil

17Dans le cas des objets techniques (Akrich, 2006), on voit aisément à quoi correspond la fonction d’un objet. Pour l’outil de gestion, cette fonction est parfaitement précisée dans les manuels de gestion, qui décrivent à quoi doit servir un organigramme, une cartographie, un diagramme de Gantt, etc. Plus précisément, Akrich (2006 : 163) parle de « script » ou de « scénario » : « par la définition des caractéristiques de son objet, le concepteur avance un certain nombre d’hypothèses sur les éléments qui composent le monde dans lequel l’objet est destiné à s’insérer : ils définissent des acteurs avec tels ou tels goûts, compétences, motivations, aspirations, opinions politiques, imaginent telle ou telle évolution des mœurs, des techniques, des sciences, de l’économie, etc…Une grande part de leur travail de conception consiste à « inscrire » cette (pré)vision du monde dans les contenus techniques de leur innovation. Nous proposons d’appeler l’aboutissement de ce travail « script », ou « scénario » : cette mise en forme technique, par le concepteur, de son point de vue sur les relations nécessaires entre son objet et les acteurs qui doivent s’en saisir se veut une prédétermination des mises en scène que les utilisateurs sont appelés à imaginer à partir du dispositif technique et des prescriptions (notices, contrats, conseils…) qui l’accompagnent ».

18Cette idée se retrouve dans les travaux sur les instruments de gestion : il y aurait « quelque chose » dans l’outil qui s’appuie sur une pré-vision du monde et qui préfigure ce à quoi doit servir l’outil et selon quelles modalités : chez Hatchuel et Weil (1992) cela renvoie au concept de philosophie gestionnaire ; chez De Vaujany (2005) aux concepts d’objets et de règles de gestion; chez les sociologues de la gestion au concept de Logos gestionnaire alliant Maîtrise, Performance et Rationalité (Maugeri, 2001 ; Boussard, 2008) ; pour Gilbert (1998) aux croyances et hypothèses intégrées dans tout instrument ; chez Lorino (2002, 2007) au concept de schème d’interprétation générique. Nous retenons ici ce dernier concept, inspiré de travaux plus anciens en psychologie (Vytgotski, 1933) et en ergonomie (Rabardel, 1995), qui désigne la philosophie dans laquelle le maniement de l’instrument est envisagé par son concepteur. Ce schème d’interprétation générique, puisqu’il concerne un outil de gestion, réclame un genre d’interprétation de nature économique, dans le sens où il lit le monde en termes d’efficacité, d’efficience et de recherche de performance (Berry, 1983 ; Lorino, 2002).

19De la même manière qu’un artefact peut être plus ou moins malléable, le schème d’interprétation de l’outil peut être plus ou moins ouvert. Il faut ici comprendre cette notion au sens de Eco (1999) : un texte est plus ouvert qu’un autre lorsqu’il laisse plus d’espaces de liberté au lecteur dans son interprétation. Certains textes, comme les modes d’emploi des objets techniques, laissent peu de place à l’interprétation : c’est leur efficacité même qui le nécessite. Une poésie, à l’inverse, fonctionne sur les larges espaces d’interprétations laissés au lecteur. Un outil comme le plan comptable sera en principe plutôt fermé (une catégorie de bien appartient très précisément et sans ambiguïté à un compte précis) ; alors qu’un référentiel qualité, par exemple, même s’il tend à une grande précision, laissera plus de marges d’interprétation. Précisons que, dans cette perspective, aucun outil, aussi précis soit-il, ne peut être parfaitement fermé à l’interprétation : il est toujours possible de renouveler l’interprétation d’un objet, même quand cet objet semble être figé dans un usage rituel.

20Les outils de gestion sont composés d’artefacts plus ou moins malléables, et font l’objet d’une interprétation plus ou moins ouverte (et donc d’une attribution de fonctions plus ou moins variées, inattendues). Armés de cette grille de lecture des usages des outils de gestion, nous pouvons maintenant étudier un outil en particulier, afin de voir s’il émerge des usages types.

2 – Analyse de l’usage d’un outil de reporting des incidents dans un hôpital

21Cette partie a pour objectif de présenter le périmètre d’analyse de la recherche ainsi que la méthodologie sur laquelle elle s’appuie. Nous présentons tout d’abord l’outil étudié et le schème d’interprétation qu’il porte, en la resituant au sein de la politique qualité au sein des établissements de santé en France. Nous présentons ensuite le design méthodologique de la recherche.

2.1 – La Fiche de Signalement d’Incident (FSI)

22La Fiche de Signalement d’Incident (FSI) est un outil communément implanté dans tous les établissements de santé et est un élément important des démarches Qualité. C’est d’ailleurs comme telle que se présente la fiche aux professionnels de santé puisqu’il y est noté : « La gestion des risques s’inscrit dans le cadre de la démarche d’assurance qualité engagée par le CHRU ». Le manuel de certification et d’accréditation des établissements de santé produit par la Haute Autorité de Santé (HAS) (agence chargée, sur le territoire français, de mener à bien la procédure de certification des établissements de santé) note par ailleurs que le signalement des événements indésirables, leur analyse, la gestion des alertes, la traçabilité des produits sont des éléments du processus d’organisation de la qualité et de la gestion des risques.

23Le but de cette fiche est d’identifier les risques afin de pouvoir ensuite les analyser. La FSI fait partie des systèmes de reporting, qui visent à collecter l’information sur les évènements indésirables et les erreurs. Selon l’HAS, l’événement indésirable est une situation qui s’écarte de procédures ou de résultats escomptés dans une situation habituelle et qui est ou qui serait potentiellement source de dommages. Il existe plusieurs types d’événements indésirables : les dysfonctionnements (non-conformité, anomalie, défaut), les incidents, les événements sentinelles, les précurseurs, les presque accidents, et les accidents.

24Le maniement de cette FSI par les utilisateurs s’inscrit dans une philosophie qui considère que tout incident a pour origine un problème d’organisation. Une cellule « gestion des risques » a pour tâche la centralisation et l’analyse des évènements indésirables, afin de permettre des actions correctives et préventives pour améliorer la qualité des soins et la sécurité des patients, des personnels et des familles. Il faut bien noter ici que l’événement indésirable ne vise pas la personne qui commet l’incident, mais on ira plutôt rechercher l’origine de l’incident à différents niveaux, tels que la tâche à effectuer, l’équipe de travail, l’environnement de travail, ou l’organisation (Vincent et al., 1998). Après les incidents, la question est plutôt « qu’est ce que cela nous dit sur notre système ? » plutôt que « qu’est ce que cela nous dit sur cet individu ? » (Vincent, 1997 ; Kohn et al., 2000). Les cas individuels illustrent alors la complexité de la chaîne d’événements qui a mené à un incident. Les causes des incidents généralement identifiés touchent à tous les aspects de l’organisation (Vincent et al., 1998) : ces systèmes déclaratifs constituent donc de véritables mines d’information pour les managers, surtout dans des organisations complexes comme les hôpitaux universitaires.

25Cet outil de gestion donne lieu potentiellement à une multitude d’utilisations différentes, et donc à des usages-types. Au niveau de l’artefact, la FSI se présente, dans cette étude, sous forme papier et est en principe facilement accessible à tous les professionnels de santé. Une face recto se présente sous forme d’une vingtaine de cases à cocher en fonction de l’événement à signaler. Un cadre laissé libre permet de décrire l’événement de manière manuscrite et libre. La fiche une fois remplie doit être transmise à la cellule de gestion des risques (ce qui est expliqué au verso de la fiche), et par ailleurs elle fait l’objet d’une traduction dans une base de données ACCESS qui répertorie les différentes fiches retenues : elle s’inscrit donc dans un circuit qui la dépasse et avec lequel elle doit être cohérente.

2.2 – Méthodologie : enquêter sur un outil

26L’analyse fine de l’usage d’un outil de gestion nécessite une approche qualitative, par étude de cas qui permet une exploration en profondeur et contextualisée (Yin, 1994). Cette recherche visait à appréhender les usages et les utilisations des outils. Les utilisations sont par définition situées « ici et maintenant » dans un certain contexte à un certain moment, et donc de ce fait très difficiles à saisir pour le chercheur, spécialement dans le cas des incidents, par nature imprévisibles. Une étude ethnographique prolongée (Van Maanen, 1979 ; Barley, 1990) aurait alors été nécessaire. Les conditions de la recherche n’ont cependant pas permis ce type d’étude. Toutefois, nous avons eu accès à une base de données de plus de 11 000 fiches recueillies entre 2000 et 2007 que nous avons pu analyser. Cela a permis l’accès à la FSI effectivement « en usage », dans le sens où les fiches présentes dans cette base de données sont la manifestation concrète de l’utilisation qui en a été faite. Pentland et Feldman (2005) signalent l’intérêt du recours à l’étude des artefacts ayant été utilisés (artefacts dans leur aspect « performatif ») pour les chercheurs dans les organisations, car ils sont la trace de première main de l’activité habituelle, concrète, des individus. L’analyse de ce matériel empirique a donc permis de mettre en évidence des utilisations récurrentes.

27Ensuite, 42 entretiens semi-directifs de une heure en moyenne ont été menés afin d’approfondir la connaissance des habitudes d’usage des professionnels de santé, complétés par des observations non participantes d’une dizaine de réunions et de formations sur le thème de la qualité. Ces entretiens avaient pour but de mieux comprendre le fonctionnement organisationnel dans lequel doit s’insérer l’outil, les pratiques de travail et les représentations des professionnels de santé vis-à-vis de cet outil. Les professionnels interrogés étaient des cadres de santé, des paramédicaux et des médecins. En effet, l’outil étudié devant être utilisé indifféremment par l’ensemble des professionnels de santé quelque soit leur métier, nous avons fait le choix d’interroger des professionnels constamment au contact des patients et de l’acte de soin. De plus, nous avons interrogé des personnes ayant une expérience dans le domaine de la qualité (ce qui est très souvent le cas des cadres de santé), mais aussi des professionnels n’ayant aucune compétence particulière dans ce domaine.

28Les entretiens semi-directifs se sont appuyés sur un canevas qui visait tout d’abord à appréhender le contexte du répondant et ses principales activités. Nous avons fait le choix de présenter un exemplaire vierge de la FSI au répondant durant l’entretien. Cela lui permettait de donner un avis sur l’artefact, qu’il n’avait pas toujours forcément en tête. Ensuite, les questions portaient sur les caractéristiques perçues de l’artefact par les répondants. Puis, nous avons tenté d’appréhender de quelle manière le schème d’interprétation générique était interprété par les utilisateurs, notamment en essayant d’identifier les fonctions attribuées à la FSI.

29L’analyse des données a été réalisée sur la base d’un codage de l’ensemble des entretiens, et ensuite, d’une analyse du contenu thématique (Miles et Huberman, 2003). Les données collectées ont fait l’objet d’une analyse de contenu à partir des thèmes prédéfinis. Quatre thèmes ont été retenus : un premier portant sur le contexte et l’histoire personnelle du répondant (notamment ses expériences dans le domaine de la qualité) ; un deuxième portant sur la connaissance et l’usage déclaré de l’outil ; un troisième portant sur l’artefact ; et un quatrième portant sur les fonctions attribuées à l’outil. Les catégories utilisées dans cette analyse ont donc été définies, en partie, avant le codage effectif des données (méthode a priori), mais, à l’intérieur de ces catégories prédéfinies, elles ont émergé lors du processus de codage (méthode a posteriori). La méthode adoptée peut donc être qualifiée de « semi-formatée » (Roussel et Wacheux, 2005). Face au nombre important de données collectées, nous avons utilisé un logiciel nous permettant de gagner en clarté et en temps d’analyse. Cette phase de codage a, par conséquent, été réalisée à l’aide du logiciel NVivo 8.0.

3 – Résultats : des usages types émergents

30Signalons tout d’abord que l’usage de la FSI est peu répandu. Le défaut d’usage relevé dans la littérature (Leape, 2002) est confirmé pour cet hôpital. Le recours à la FSI ne semble pas inscrit dans les habitudes et les réflexes de travail, comme le pense ce cadre de santé : « Mais, très honnêtement, je pense qu’il y a plus de choses qui se passent qui ne sont pas validées sur la fiche de risque, que la réalité. Je pense que l’on voie très peu de fiches de risques par rapport aux évènements qui peuvent se passer ». L’analyse de la base de données a permis de mettre en lumière les principaux évènements recensés : ce sont, pour environ la moitié des fiches, des chutes de patients qui sont signalées. Ensuite, quatre autres catégories d’évènements ont pu être identifiées : les agressions, vols et violences ; les dysfonctionnements organisationnels ; les dysfonctionnements dans les actes médicaux ; et les dysfonctionnements techniques. Les signalements traitant de problèmes organisationnels constituent le matériau de réflexion le plus intéressant pour la Direction et la cellule de gestion des risques en charge de les analyser, cependant ils sont relativement rares. On peut cependant distinguer des usages qui relèvent de cas sensiblement différents.

3.1 – Des cas d’application, de déplacement et d’adaptation

31Le Tableau 2 ci-dessous présente les principales instrumentations de la FSI, qui donnent une idée de la variété des statuts que l’outil acquiert au quotidien.

Tableau 2

Usages types et buts poursuivis par les utilisateurs

Tableau 2
Usage type Statut de l’outil Buts poursuivis par les utilisateurs Application Instrument d’investigation du fonctionnement organisationnel Amélioration des dysfonctionnements dans la prise en charge des patients Déplacement Instrument de valorisation Mettre en valeur les difficultés rencontrées dans un service Instrument de revendication Obtention de moyens supplémentaires Instrument légal Caution juridique en cas de poursuites Instrument de management en interne Contrôle et pilotage par un cadre de santé sur son service Adaptation Instrument de management interne Contrôle et pilotage par un cadre de santé sur son service Amélioration de l’artefact

Usages types et buts poursuivis par les utilisateurs

32L’application

33L’application consiste à instituer la fiche comme instrument d’investigation du fonctionnement organisationnel, dans le but d’améliorer la qualité de prise en charge du patient : « Je pense effectivement qu’à chaque fois qu’il y a un élément de violence, s’il y avait un signalement, on pourrait modifier des choses » (un cadre de santé). Pour que le système de reporting fonctionne, il faut que les informations soient collectées en nombre suffisant pour permettre l’analyse : « il faut que les gens puissent déclarer, et il faut qu’ils déclarent beaucoup, parce que si les gens ne déclarent que de temps en temps et pas de manière exhaustive, on n’a pas matière à réfléchir » (un cadre de santé). Dans ce premier cas, les utilisateurs appliquent donc la fiche, en respectant à la fois son artefact et en l’interprétant selon le schème d’interprétation générique.

34Le déplacement

35Dans ce cas, l’artefact est respecté mais l’outil est interprété diversement par rapport au schème d’interprétation générique. La FSI est instrumentalisée par les acteurs qui trouvent dans la fiche une occasion d’exprimer une de leurs préoccupations. Quatre principaux cas sont décrits ici :

36La « revendication » institue la FSI comme un moyen de faire valoir une revendication, souvent pour obtenir des moyens supplémentaires, ou pour se plaindre, comme l’explique à travers un exemple cette cadre supérieure : « on met en place une organisation qui est complètement nouvelle, donc forcément il y a des mécontents. On a commencé en septembre, donc on en a pour un an avant que les choses se tassent réellement. Donc là, les feuilles, je peux vous dire que j’en ai ! ».

37La « valorisation » institue la FSI comme vecteur d’image du service ou de l’individu auprès de l’ensemble de l’établissement : « Oui, quand on le fait, dans notre esprit, c’est purement ça, montrer la charge de travail. En particulier, il y a eu une recrudescence de violence, il faut gérer, le signaler. Plus on en remplit, plus ça peut mettre en évidence… » (un infirmier). Ici, c’est notamment le pôle psychiatrie qui a institué l’outil comme moyen de valoriser la difficulté du travail au quotidien, car ce pôle, isolé du reste de l’établissement sur un site à part, souffre d’un manque de reconnaissance vis-à-vis du reste du CHRU. Les acteurs ont trouvé dans la fiche un moyen d’exprimer ce mal être, car autrement les actes de violences font partie des symptômes « normaux » de la maladie, et n’ont pas, dans cette logique soignante, à être signalés. Dans le même ordre d’idée, l’usage de la FSI permet de montrer que des dispositifs de gestion des risques sont mis en œuvre, ce qui est valorisant notamment aux yeux des auditeurs externes de l’HAS, qui vérifient l’existence de ce système de reporting.

38La « caution juridique » institue la FSI comme moyen de protection juridique, pour prouver la bonne foi des personnels et de l’hôpital vis-à-vis de l’extérieur lors d’un incident délicat.

39Le « management interne » institue la FSI comme outil gestion d’un service pour un cadre de santé, dans la mesure où cela lui permet d’identifier des évènements qui se produisent en son absence, et parfois de « filtrer » les informations qui sortent du service.

40L’adaptation

41Dans ce cas, l’artefact est modifié, mais l’interprétation correspond au schème d’interprétation générique. L’encadré ci-dessous présente un cas de « bricolage » autour de la FSI.

Un cas de « bricolage » autour de la FSI

Dans un des pôles du CHRU, la FSI a été informatisée, à l’initiative d’un cadre et d’un médecin, indépendamment de la Direction. Mobilisant leurs compétences en informatique et leurs connaissances en gestion des risques, ils ont décidé, sans appui financier, de transformer cette fiche papier en fiche informatisée, accessible sur tous les postes informatiques du pôle grâce à un raccourci installé sur le bureau des ordinateurs. La principale motivation de cette opération était de moderniser le système (l’utilisation du papier étant jugée archaïque). L’artefact a été modifié dans ses propriétés intrinsèques, mais dans ses propriétés extrinsèques aussi, puisque le circuit de la fiche s’en est trouvé modifié. Toute personne signalant un événement peut dorénavant le faire directement sur l’ordinateur, et plus seulement, comme c’était souvent le cas, dans le bureau du cadre. La fiche est ensuite automatiquement envoyée par mail à un cadre modérateur, qui se charge de la rediriger au cadre responsable du service dans lequel l’événement a eu lieu, mais aussi à l’ensemble des cadres du pôle. Les signalements sont alors filtrés par ce cadre, qui n’envoie à la Direction que les signalements qu’il estime utile de transmettre. Enfin, la Direction, recevant ces fiches sous une forme inhabituelle, doit les traiter différemment des fiches papier. On le voit, ce changement d’artefact remet en cause des zones de pouvoir et de responsabilité. Le cadre n’a plus la main sur les évènements signalés, et peut désormais découvrir en même temps que d’autres un problème dans son service. Le « modérateur » peut filtrer les évènements à signaler à la Direction, alors qu’auparavant, le pouvoir de « filtrage » était diffus, c’est-à-dire partagé entre chaque cadre. Enfin, pour la Direction, ce système vient s’ajouter et se superposer à d’autres manières de signaler les évènements (oral, dossier du patient, systèmes de reporting externes, etc…), et ajouter ainsi de la difficulté à la centralisation de l’information. D’un outil permettant l’analyse des causes à l’échelle de l’établissement, la FSI informatisée est localement dans ce pôle devenue un instrument de management interne.

42Effets sur les dynamiques organisationnelles

43Il est difficile de se prononcer sur les conséquences organisationnelles de chacun de ces usages. Les différents usages-types peuvent potentiellement avoir différents effets. Le principal effet attendu concerne évidemment l’apprentissage organisationnel en simple et en double boucle : l’analyse des incidents est censée apporter des modifications et ajustements ponctuels permettant de régler un dysfonctionnement (apprentissage en simple boucle, comme par exemple la mise en place d’une nouvelle procédure de vérification d’un médicament) ; ou des modifications des agencements organisationnels permettant de régler un dysfonctionnement (apprentissage en double boucle, comme la modification du circuit du médicament dans son ensemble). Ainsi, nous avons eu connaissance d’études assez poussées effectuées sur les chutes de patients ou sur les problèmes de linge par exemple. D’autres, plus ponctuelles, ont concerné les transports par les ambulanciers ou la livraison des repas, donnant lieu à des dysfonctionnements organisationnels récurrents. Notons que les usages-types « déplacés » fournissent à ce niveau en termes d’apprentissage des informations précieuses (surtout dans le cas des revendications et des valorisations), révélant quelque chose sur les dysfonctionnements organisationnels qui intéressent le manager, davantage que les signalements classiques liés à des actes médicaux, qui ont leur importance sur d’autres plans mais moins pour l’analyse du manager. Ainsi, la FSI est un outil qui se nourrit efficacement des interprétations diverses dont il fait l’objet.

44Un deuxième effet important concerne les modifications des zones de pouvoir et les jeux d’acteurs à l’intérieur de l’organisation, la FSI étant « traversée » par ces enjeux politiques qui la dépassent. Les relations entre la direction et les services, ou les difficultés entre corps de métier très prégnants à l’hôpital voient dans la fiche une occasion de s’exprimer, au travers du pouvoir de « filtrage » de la fiche, qui permet de contrôler ce qui ressort du service, ou au travers de négociations de moyens supplémentaires en s’appuyant sur le signalement d’un incident. Le cas d’adaptation relaté ici montre bien les modifications de zones de pouvoir suite à la modification de la FSI. D’ailleurs, un troisième effet organisationnel apparaît dans ce cas : le fait de modifier l’artefact pose un problème majeur pour l’organisation car le nouvel outil vient se superposer à d’autres dispositifs déjà existants, complexifiant ainsi la gestion des signalements à l’échelle de l’établissement.

3.2 – Le problème du rejet

45À l’opposé, nous avons pu, via les entretiens, reconnaître beaucoup de cas de non usages, par définition difficiles à identifier, puisque ce sont des non-actes. Le cas du rejet n’est donc pas quantifiable : il n’est guère possible d’estimer le nombre d’évènements non signalés. En revanche, il est possible d’inférer à partir du cadre conceptuel proposé et des données recueillies les raisons de ce rejet. Plusieurs modalités peuvent être décrites pour expliquer le rejet : soit c’est l’artefact qui est en cause, soit c’est l’interprétation de l’outil qui est en cause. Le Tableau 3 précise les différentes causes de rejets, leurs conséquences et les actions à mener pour le manager pour les éviter.

Tableau 3

Causes et conséquences du rejet

Tableau 3
Types de difficultés Problèmes rencontrés Actions à mener Difficultés liées à l’artefact Artefact trop complexe Trop de cases, mauvaise description des incidents, pas assez d’espace libre pour la description des incidents, etc… Circuit de la FSI obscur Modifier l’artefact en le rendant plus adéquat aux besoins Clarifier le circuit organisationnel de la FSI Artefact peu efficace Manque de retour suite à l’utilisation de l’artefact Montrer les progrès réalisés, communiquer sur les résultats d’analyse d’évènements indésirables Faire plus de retours lors d’une déclaration Artefact peu praticable Fiche papier jugée archaïque, parfois non accessible Informatiser et automatiser la FSI Difficultés liées aux schèmes d’interprétation Incompréhension de l’outil Les acteurs ne comprennent pas à quoi peut servir l’outil Encourager la mise en place de formations à la qualité, notamment lorsque les praticiens sont en école (école des cadres, des médecins et des paramédicaux) Montrer le lien entre un signalement et la résolution du problème Interprétations de l’outil nuisant à son utilisation Peur associée à l’outil Tension entre corporations associée à l’outil Comprendre les interprétations défavorables. Reconnaître les jeux d’acteurs qui se nouent autour des outils. Tolérer et dédramatiser Porter attention à la manière dont des cadres se servent de l’outil (contrôle de leur service, circulation de l’information)

Causes et conséquences du rejet

46En ce qui concerne les difficultés liées à l’artefact, elles concernent le design de l’artefact en lui-même, mais aussi et surtout le circuit de la FSI. En effet, les répondants estiment que ce circuit n’est pas clair : « Alors, je ne sais pas ce qui s’est passé en aval de tout ça. Quand on fait un signalement, c’est Mr X. qui la reçoit, et on l’envoie après. Parce que quand Mr X. les reçoit après il les envoie au service, et après à la direction de la qualité, je pense, je ne sais pas trop comment ça se passe après » (une cadre de santé). Le circuit de la fiche semble donc interpeller les acteurs et souffre d’un manque de lisibilité. De même, le manque de retour suite à l’envoi d’une fiche est vivement critiqué (même si l’attente d’un retour n’est pas systématique pour tous les types de signalements, pour certains, le manque de retour est mal vécu) : « Au moins de savoir si elle a été prise en compte. C’est-à-dire que si on fait tout ça pour que personne ne donne suite à notre demande, forcément on va arrêter » (une infirmière). En ce qui concerne les difficultés liées à l’interprétation, tout d’abord, le but de l’outil peut ne pas être compris par l’utilisateur, même dans le cas d’un outil aussi peu complexe que la FSI. En effet, il faut comprendre la fiche pour y trouver un intérêt. Or, la FSI réclame une vision globale de l’organisation : ce n’est qu’en ayant une représentation de l’organisation dans son ensemble que l’on peut saisir l’intérêt de la multiplication des signalements, pouvant mener à des analyses statistiques. Or, pour certains répondants, la vision de l’organisation est autocentrée sur le service ou le pôle dans lequel le soignant évolue : « cette vision là des problématiques des autres services, elle est pas partagée en fait. Nous, on voit bien nos problèmes à nous, mais les problèmes des autres… Et, du coup, ça manque de fluidité dans la prise en charge d’une personne » (un cadre de santé). Le recours à une vision globale de l’organisation n’est pas incompréhensible, mais ne relève simplement pas d’un schème dit « familier » (Rabardel, 1995).

47Ensuite, l’outil peut être compris, mais rejeté. Une multitude d’interprétations peuvent mener au rejet. Par exemple, la FSI renvoie à un sentiment de culpabilité et de peur, comme le soulignait Leape (2002). En effet, avouer une faute, de soi-même ou d’un collègue, n’est pas évident. Les professionnels de santé se sentent bien souvent responsables et n’osent pas avouer leur faute. Une cadre de santé raconte cette anecdote qui résume bien la situation : « C’était une vieille infirmière, qui a très mal vécu cet incident et qui était pas prête à faire une déclaration. Elle avait peur pour sa carrière en fait. Alors que ça n’a aucune incidence ». Bien sûr, cependant, cette « peur » attachée à la FSI a des effets ambigus : en cas de poursuite judiciaire par un patient, le fait d’avoir matérialisé un signalement sur une fiche permet à l’hôpital de montrer sa bonne foi. Ainsi, le « fautif » est-il au moins soutenu par ses pairs en cas de difficulté. Ainsi, la peur peut inhiber ou favoriser l’usage de l’outil. Signalons une autre interprétation qui joue un rôle important et qui est celle que les paramédicaux assignent à la FSI par rapport à l’encadrement : pour eux, la FSI est avant tout l’instrument du cadre. Elle est souvent dans son bureau, et elle passe par lui pour être envoyée à la direction. Ainsi, cette infirmière ne se sent pas forcément concernée par l’outil : « Mais pour nous c’est pas un outil de travail. Peut-être que c’est un outil de travail pour l’encadrement, pour la gestion, pour l’organisation. Mais pour nous, non ». La FSI vient s’inscrire alors dans un débat récurrent à l’hôpital entre administratifs et soignants (Kervasdoué, 2004).

48Ces fonctions attribuées « inattendues » n’épuisent bien sûr pas l’ensemble des interprétations possibles attachées à la fiche. Nous avons choisi ici d’approfondir ces deux aspects car ils apparaissent particulièrement pertinents pour comprendre les cas de rejet de la FSI.

3.3 – Proposition d’une typologie d’usages

49Les cas de l’application, du rejet, du déplacement et de l’adaptation ont donc été mis en évidence au cours de cette étude. Un autre cas, présent dans la grille d’Akrich (2006) ne s’est pas présenté à l’analyse : celui du détournement, lorsque l’artefact est modifié et est utilisé pour un tout autre motif que celui prévu au départ. On aurait pu imaginer en effet par exemple la transformation de la FSI (via la modification de ses items) en instrument de surveillance des personnels. Dans ce cas, la FSI évoluerait vers toute autre chose. On sait, par ailleurs, que le Balanced Scorecard a subit ce genre de transformation, la faisant passer d’un outil d’aide à la prise de décision à un véritable outil de mise en œuvre stratégique (Cobbold & Lawrie, 2002), mouvement qui avait eu entre autre conséquence la modification de la forme de l’artefact. Toutefois, un cas de détournement ne s’est pas présenté à l’analyse lors de cette recherche.

50En somme, on peut mettre en évidence trois usages types, et un non usage, le rejet, ce que résume le Tableau 4 :

Tableau 4

Trois usages et un non usage

Tableau 4
Respect du schème d’interprétation générique Non respect du schème d’interprétation générique Respect artefact Application Déplacement Non respect artefact Adaptation Rejet

Trois usages et un non usage

51Le non respect du schème et/ou de l’artefact correspond à la définition du détournement, mais aussi du rejet, dans la mesure où la non-utilisation de l’outil peut être considérée comme une forme d’ignorance ou de désaccord avec l’outil.

52La proposition de cette catégorisation vise un double intérêt, théorique et managérial. D’une part, la production de classifications et de typologies vise à mettre de l’ordre dans les matériaux recueillis et à en réduire la complexité (Coenen-Huther, 2006). Nous ne prétendons toutefois pas avoir produit une réelle typologie à l’issue de cette analyse : le cas du détournement n’a pas émergé de l’étude, et le cas du rejet ne constitue pas à proprement parler un usage-type. Le Tableau 4 ne représente donc pas une typologie d’usages. Toutefois, nous proposons deux axes qui permettent une classification multi critères (Bailey, 1994). Il semblerait utile de poursuivre des recherches dans cette voie pour tenter de « tester » cette proposition d’axes de catégorisation.

53L’intérêt serait de mettre de l’ordre dans cet ensemble hétéroclite et confus que constituent les usages des outils de gestion, et ainsi ouvrir la voie à une meilleure compréhension des micro-pratiques dans les organisations, meilleure connaissance appelée de leurs vœux notamment par les représentants du courant de la Strategy-As-Practice (Johnson et al., 2007). D’autre part, le manager en situation serait à même d’identifier quel type d’usage il souhaite voir ou ne pas voir, et d’en faire le diagnostic au sein de son périmètre d’activité, pour tenter de les faire évoluer. Les actions à mener, développées dans le Tableau 3, reposent avant tout sur le développement de l’intelligence des managers sur les usages de l’outil, aspect souvent sous estimé, selon le principe encore vivace de l’ « intendance suivra » (Grimand, 2006). À partir de là, la communication autour de l’outil (et son design) pourra être ciblée et adaptée aux véritables préoccupations des acteurs.

4 – Discussion

54Nous discutons ici des rôles et des apprentissages autour des outils de gestion, avant de mettre en perspective les usages-types avec le processus d’appropriation des instruments de gestion.

4.1 – Rôle des outils de gestion et apprentissage

55Pour Moisdon (1997), les outils de gestion permettent de conformer les comportements, d’accompagner le changement, d’explorer le nouveau et d’investiguer le fonctionnement organisationnel. Pour Berry (1983), le principe de l’outil est de réduire la complexité du réel, il est un « abrégé du vrai et du bon ». Pour Gilbert (1998), l’outil a une fonction d’opérateur, d’analyseur, de régulateur et de moniteur. La théorie de la genèse instrumentale décrite par Rabardel (1995) et reprise par Lorino (2002) permet de mieux comprendre comment les outils de gestion remplissent ces rôles heuristiques et épistémologiques.

56C’est par un processus complexe d’apprentissage que l’utilisateur s’empare d’un outil, selon deux mouvements : l’instrumentation et l’instrumentalisation. Le cas de l’instrumentalisation concerne l’émergence et l’évolution des composantes « artefact » de l’instrument, lorsque l’utilisateur investit l’artefact d’un schème préexistant : sélection, regroupement, production et institution de fonctions, détournements et catachrèses, attributions de propriétés, transformation de l’artefact (structure, fonctionnement, etc.). Par exemple, la FSI est traversée par des schèmes préexistants lorsqu’elle est détournée de sa fonction première par des professionnels de santé qui trouvent en elle une occasion de revendiquer de nouveaux moyens : leur préoccupation du moment a fait qu’ils ont trouvé dans la FSI un instrument de revendication.

57À l’inverse, le cas de l’instrumentation concerne la propre évolution de l’utilisateur lui-même lorsqu’il s’empare d’un instrument. Ils sont relatifs à l’émergence et à l’évolution des schèmes d’utilisation et d’action instrumentée : leur constitution, leur fonctionnement, leur évolution par accommodation, coordination, combinaison, inclusion et assimilation réciproque, l’assimilation d’artefacts nouveaux à des schèmes déjà constitués, etc. Par exemple, nous avons pu constater que le fait de poser des questions sur la FSI amenait des acteurs ne connaissant que peu la fiche à s’interroger plus sérieusement sur son utilisation. Régulièrement, ils se rendaient compte que la FSI pouvait leur servir à quelque chose qui les préoccupaient (« Oui, c’est vrai, maintenant que je la voie, je me dis que je pourrais l’utiliser pour dénoncer les problèmes », une infirmière) ; et parfois à faire naître chez eux l’idée d’une nouvelle attitude (« oui, c’est vrai qu’on est pas suffisamment entendus, qu’il faut dire les choses », une infirmière). Car c’est une des propriétés des outils que de faire naître des possibilités et d’habiliter l’action. La FSI, par sa présence, encourage la formation de schèmes relevant de la logique de circulation d’information, et d’une vision décloisonnée de l’organisation. Ce n’est pas le moindre des avantages de la FSI car l’hôpital, en tant que bureaucratie professionnelle (Mintzberg, 1982), souffre des cloisonnements entre services (Kervasdoué, 2004).

58Ainsi, on le voit, le recours à cette perspective permet de mieux comprendre en quoi les outils jouent à la fois des rôles plutôt normatifs (normalisation des comportements, par acceptation des schèmes génériques), et des rôles plutôt habilitants (exploration du nouveau et accompagnateurs du changement, par assimilation et recombinaison de schèmes préexistants). Les types d’usage de l’outil décrits ici ne sont que les manifestations « visibles » de ces apprentissages.

4.2 – Types d’usage et appropriation

59Les trois types d’usage proposés ici n’ont pas qu’une vocation descriptive. Il est important de noter que le processus d’appropriation, qui mène à l’usage, ne se résume pas uniquement à l’usage de type « application ». Le fait que les utilisateurs détournent, déplacent, adaptent ou même rejettent l’outil de gestion participe de ce mouvement d’appropriation. Les usages inattendus ne doivent pas être considérés comme des « problèmes », mais bien au contraire comme des manifestations du processus d’appropriation. Le manager ne doit alors pas s’alarmer d’une utilisation non conforme d’un outil. Le fait que la FSI soit mobilisée par certains dans un but de revendication, ou utilisée pour signaler autre chose que des évènements indésirables au sens strict du terme, ne doit pas être le signe d’usages déviants qu’il faut réprimer, mais comme le signe d’une « vitalité » de l’outil, et d’une réelle appropriation. Ainsi, le manager soucieux d’évaluer l’accueil par les membres d’une organisation d’un nouvel outil de gestion devra se pencher non pas seulement sur les manifestations de l’application de l’outil, mais aussi et surtout sur les manifestations de rejet, de déplacement, de détournement et d’adaptation de l’outil. Un cadre de santé rencontré proposait d’utiliser la FSI pour signaler des « évènements désirables », et non plus seulement indésirables, dans le but de signaler « ce qui marche » : ce type de comportement, loin de signifier une dérive dangereuse par rapport à l’outil prescrit, constitue le signe que l’appropriation de l’outil a été menée jusqu’à son terme. On peut y voir la manifestation concrète du processus d’appropriation décrit par De Vaujany (2005) dans ses aspects rationnels, sociopolitiques et psychocognitifs.

Conclusion

60La représentation de l’outil de gestion en tant que réunion d’un artefact et d’un schème d’interprétation permet de mieux comprendre comment émergent des usages types de l’outil (application, déplacement, adaptation) et des non usages (rejet). Appliqué au cas de la FSI dans un hôpital, cela permet de comprendre comment une multitude de logiques propres à la situation des individus vont conditionner des usages conformes ou non à la volonté d’un concepteur. D’un point de vue théorique, cela permet d’affiner la réflexion sur l’action instrumentée des individus, et d’alimenter le débat sur l’interaction homme/outil dans les organisations : l’action peut-elle être pensée en dehors de la référence aux artefacts qui y participent ?

61Une limite de cette recherche porte sur l’aspect collectif de l’appropriation des outils de gestion. Nous considérons ici des utilisateurs en situation qui forment leur représentation de l’outil de manière individuelle. Cependant, nous pensons que les interactions sociales et collectives des acteurs participent pleinement de la formation de ces représentations : Rabardel (1995) parle d’ailleurs de la formation de schèmes sociaux d’utilisation. Il est vrai toutefois que la manière dont se forment ces schèmes sociaux n’a pas été approfondie dans cette étude.

62En tous les cas, le cadre conceptuel retenu ici permet d’enrichir une vision trop techniciste des interactions entre les objets et les hommes au sein des organisations. Il permet donc d’éviter la simplification excessive qui consiste à voir dans un cas de rejet une inadéquation de l’artefact aux possibilités limitées des acteurs, ou dans un cas de réussite le succès technique d’un concepteur éclairé. Au-delà de ces aspects qui jouent et qui permettent d’expliquer en partie les usages, des logiques invisibles et des forces informelles influencent l’usage.

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Notes

  • [49]
    Ce papier reprend pour partie des éléments issus de la thèse de l’auteur, « La mise en usage des outils de gestion par la qualité par les professionnels de santé à l’hôpital : une approche par la théorie instrumentale », 2 décembre 2009, IAE de Tours
  • [50]
    Régis Martineau, Enseignant Chercheur Permanent, Groupe ESC Troyes, regis.martineau@get-mail.fr
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