Notes
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[42]
Nicolas Aubouin, Professeur Associé, ResearchLab, ESG Management School, naubouin@esg.fr
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[43]
Emmanuel Coblence, Professeur Assistant, ISG Paris, emmanuel.coblence@isg.fr
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[44]
Frédéric Kletz, Maître Assistant, Centre de Gestion Scientifique, Mines ParisTech, frederic.kletz@ensmp.fr
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[45]
« L’État en quête de performance », in Problèmes économiques, n° 2907, La documentation française, 2006.
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[46]
La pression que la gestion exerce sur la sphère artistique, varie selon la situation financière de l’entreprise, le pouvoir de contrôle ou la fixation de paramètres artistiques (Chiapello, 1998).
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[47]
Tendance qui se traduit par le primat des enjeux de gestion financière, équilibre des budgets, standardisation des financements, évolution des profils des équipes de direction (issues de formations de type master de « gestion culturelle »).
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[48]
La Lettre d’Échanges de la FNCC, n°15, Septembre 2008.
1Les outils de gestion prolifèrent dans les entreprises industrielles (Moisdon, 1997). Partout, ils se développent, se renforcent ; de nouveaux instruments émergent, qu’ils visent à accentuer le suivi de la production, contrôler les performances ou orienter l’action. À côté de ces entreprises marquées par la multiplication d’outils, existent des organisations réputées particulièrement rebelles aux outils de gestion, et au-delà, à toute forme de rationalisation gestionnaire : les organisations culturelles et artistiques, et plus généralement les « mondes de l’art » (Becker, 1982). Les raisons invoquées sont d’abord l’incompatibilité des outils de gestion, et plus largement du management, avec les valeurs artistiques : « les règles de l’art n’ont rien à voir avec celles de la gestion. Toute tentative de rationalisation et d’optimisation des moyens ne peut que heurter de plein fouet le projet artistique » (Chiapello, 1997). Le modèle de l’artiste romantique reste profondément ancré dans le secteur, avec l’idée que la créativité des « culturels » ne doit pas être enfermée dans des carcans gestionnaires, et que la gestion n’est pas légitime pour piloter les activités artistiques. Par ailleurs, les outils de gestion produisent des biais de représentation, et traduisent de manière superficielle et infidèle la réalité complexe d’une organisation qui agit dans l’univers culturel, aux prises avec la créativité, les productions symboliques et la sémiotique des œuvres (Coblence, 2011). Enfin, le dernier frein à l’utilisation des critères d’évaluation dans ce type d’organisations n’est pas tant dû aux limites de l’outil qu’aux idées que les acteurs eux-mêmes s’en font. Ce constat marque l’une des caractéristiques centrale des outils de gestion : ce sont des construits sociaux (Moisdon, 1997) qui donnent à voir tout autant l’objet qu’ils cherchent à représenter que les caractéristiques de celui qui les a conçus (Dreveton, 2008).
2Pourtant, pour des raisons multiples (nouvelles attentes des visiteurs, incitations des pouvoirs publics, difficulté à soutenir une forte croissance, émergence de nouveaux responsables formés aux méthodes de management…), ces dernières années ont marqué le développement spectaculaire des outils de gestion et des démarches de rationalisation dans le secteur culturel (Zan, 2000 ; Moore, 1999 ; Luisiani et Zan, 2010). Comme l’atteste la multiplication des recherches rediscutant les standards du management dans ce domaine (Evrard et Colbert, 2000), ce phénomène marque la montée en puissance des problématiques managériales des grandes organisations culturelles, avec la mise en œuvre d’une grande variété d’outils de gestion : outils comptables (bilan, compte de résultat, comptabilité analytique), outils d’organisation de l’activité et des équipes (organigramme, planning), outils d’évaluation (grille d’évaluation, rapport de performance, questionnaire, bilan d’activité)… (Griffin et Abraham, 2001 ; Gilmore et Rentschler, 2002). Ce processus visant à se doter d’une instrumentation gestionnaire ne se limite pas aux grandes organisations. Des organisations artistiques plus petites et souvent en marge de l’institution connaissent des phénomènes similaires. Plusieurs travaux ont montré qu’au cours des processus de reconnaissance institutionnelle de pratiques artistiques émergentes – pratiques qu’on retrouve dans les squats ou friches artistiques – apparaissaient des outils de structuration de l’activité comme des comptabilités de caisse ou des bilans d’activité (Aubouin, 2010 ; Le Theule, 2007). Ce processus est tout à fait paradoxal sachant que ces lieux naissent justement en rupture par rapport aux cadres traditionnels de gestion des activités artistiques (Aubouin, 2010). Dans cet article, nous ménageons une place particulière à l’analyse des lieux culturels émergents, car se plaçant en première ligne du mouvement critique à l’égard des démarches de rationalisation et d’introduction d’outils, l’évolution de leur comportement est intéressante à décrypter.
3Que ce soit dans les grandes institutions ou dans les lieux moins reconnus, l’émergence d’un appareil gestionnaire est désormais un phénomène très général dans le secteur culturel. Quels sont les outils de gestion déployés dans les organisations culturelles, institutionnalisées ou émergentes ? Comment sont-ils mis en place et quels sont leur impact sur l’activité artistique de ces organisations ? Qu’est-ce que cette prolifération révèle de la dynamique du secteur ? À travers l’étude de quatre cas d’introduction d’outils de gestion dans de grandes institutions culturelles comme le musée d’Orsay ou le musée du Louvre, de leur tutelle (ministère de la Culture) mais également dans des structures moins institutionnalisées, comme le squat Électron Libre, nous analysons les transformations des organisations et des représentations portées par les parties prenantes (responsables de projets, directions des institutions culturelles, personnel des lieux artistiques, administration publique) au cours du processus d’implantation des outils. Ces cas ont été étudiés par une démarche de recherche-intervention, et nous les avons choisis pour mettre en perspective la diversité des outils, des fonctions recherchées et des contextes organisationnels. La construction de nouveaux outils de gestion dans des univers traditionnellement hésitants face aux rationalisations gestionnaires, est à la fois le signe et le ferment d’une transformation profonde du secteur culturel.
4Ces questions sont aujourd’hui débattues au sein des organisations culturelles : les réflexions portent sur les usages des outils, les acteurs qui auront à les faire vivre, mais également sur les façons d’inventer des outils adaptés aux spécificités du secteur, laissant la place à des points de vue plus qualitatifs et moins normatifs. L’article vise à montrer que derrière la mise en place d’outils de gestion dans les organismes culturels, se cachent des enjeux spécifiques et un mode inédit d’utilisation : loin de constituer un frein à la créativité et à l’innovation artistique, les outils apparaissent comme de puissants moteurs pour stimuler le processus de création, pour explorer de nouvelles propositions artistiques et intégrer des dimensions plus immatérielles, souvent méconnues des outils développés dans les univers plus industriels.
1 – Organisations culturelles et outils de gestion : entre résistance et adoption
1.1 – La place des outils de gestion dans les organisations
5À la suite des travaux précurseurs de M. Berry (1983) et J.-C. Moisdon (1997), le champ de recherche qui s’intéresse à la place des outils de gestion dans les organisations s’est beaucoup développé. « Technologie invisible » (Berry, 1983), outils structurants, outils lacunaires, normatifs, véhicules d’une philosophie gestionnaire (David, 1998), outils pragmatiques et sémiotiques (Lorino, 2002), dépassement de l’opposition entre conception et usages des outils (De Vaujany, 2005, 2006), dynamiques d’appropriation (Grimand, 2006), « objets frontières » (Star et Griesemer, 1989 ; Brown et Duguid, 1998) permettant aux acteurs d’explorer la nature des savoirs et relations qui les unissent…, de multiples propriétés de ces outils ont pu être mises en évidence, mettant l’accent sur l’effet que la mise en place des outils pouvait avoir sur l’organisation, sur les dynamiques d’apprentissage impactant les relations entre l’organisation et ses parties prenantes, ou encore sur l’incapacité de ces mêmes outils à véritablement traduire la réalité organisationnelle (Besson et al., 1998).
6Ce regard particulier sur les outils de gestion a connu un regain d’intérêt quand il s’est agi d’analyser leur application dans des univers où ils émergeaient plus difficilement. Dans cette veine, le secteur public a donné lieu à de multiples travaux, notamment dans les années 1980-90, avec l’arrivée du New Public Management (NPM), nouveau corpus qui a marqué l’univers de la gestion publique (Emery, Giauque, 2005), et dans les années 2000, avec l’implantation de la LOLF en France, qui a cristallisé la mise en place des démarches du contrôle de gestion et de rationalisation dans le secteur public. Ainsi, par exemple, l’article 51 de la LOLF dispose que la présentation des actions de l’État devra être faite au regard « des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié ». Par ces termes, la loi renforce la notion d’indicateurs dans l’évaluation des politiques publiques en en rendant l’usage obligatoire : « évaluer une politique publique, c’est d’abord en mesurer l’efficacité à l’aide d’indicateurs de performance pour, dans un second temps, en apprécier la pertinence » [45]. Dans son étude sur l’irruption de l’évaluation dans l’univers public, M.-C. Bureau souligne « la montée irrésistible (…) depuis environ un demi-siècle, d’une culture de l’évaluation. En effet, celle-ci procède à l’évidence de l’entreprise moderne de rationalisation, de cette conviction que l’on peut en principe maîtriser toute chose par le calcul, mais elle acquiert surtout ses lettres de noblesse par les objectifs qu’elle se donne : la reconnaissance du travail à sa juste valeur, la transparence démocratique et l’efficacité de l’action publique » (Bureau, 2010).
7Depuis l’instauration de la loi organique et des démarches d’évaluation des performances des administrations et entreprises publiques, un nouveau courant de recherche, plus critique, a vu le jour, montrant l’incapacité des démarches de quantification à rendre compte de l’activité réelle des services. V. Boussard, dans son analyse sur la mise en place de la LOLF au Ministère des Affaires étrangères l’a très bien décrit : « les critères et les indicateurs concrets de performance (…) sont d’autant plus problématiques que l’action à évaluer ne peut être appréciée par le seul biais de données quantitatives (…). En privilégiant ce qui peut être facilement dénombré (…), on réduirait la performance de la diplomatie française à des activités périphériques. D’autre part, il serait impossible de quantifier certaines activités, comme la prise de contact, la négociation, les relations avec les homologues, etc. Cette quantification pervertirait la performance réelle de la diplomatie car atteindre les objectifs quantifiés demandés ne peut se faire sans qu’un réel travail diplomatique soit mené ; les résultats ne peuvent être mesurés que sur le long terme et de façon plus qualitative que quantitative » (Boussard, 2008).
8Dans le secteur culturel, les analyses sur l’inadaptation de certains outils de gestion ont connu un fort développement. Décrits comme peu efficaces, pervers ou injustes, des indicateurs quantitatifs peuvent-ils saisir la réalité d’une activité ou d’une production culturelle ? Comment des acteurs externes peuvent-ils se faire une idée des activités créatives, à travers quelques indicateurs mutilants ? C’est ce point que nous allons étudier maintenant.
1.2 – Les résistances aux outils de gestion dans les organisations culturelles
1.2.1 – Des résistances spécifiques : la critique artiste du management
9On retrouve dans les résistances à l’implantation des outils de gestion dans les organisations culturelles les traits d’un mouvement plus profond de la critique artiste du management (Chiapello, 1998). Selon E. Chiapello, cette critique apparaît à travers les contraintes que le système de gestion impose aux membres de l’entreprise. Dans les organisations artistiques traditionnelles, le manager établit des limites de délais, de rythme, de rendement, mais peut aussi imposer les méthodes de fabrication voire intervenir sur le contenu de la création [46]. Cette opposition aux valeurs du management prend différentes formes au sein des organisations artistiques, et plus particulièrement au sein de celles, au front de la création, qui naissent en rupture par rapport aux cadres traditionnels. Dans les discours des responsables de projets émergents, qui mettent en avant leur répulsion pour la gestion et ses dérives possibles, il est fait part de critiques très virulentes sur la tendance à la « managérialisation » [47] de certaines institutions culturelles, comme les musées ou les galeries d’art et corrélativement l’affirmation du primat du projet artistique face aux enjeux de rentabilité économique (Chatelain, 2005). Si l’on suit le cas singulier des squats et des friches, c’est par l’intermédiaire des préoccupations comptables et juridiques que l’instrumentation s’introduit progressivement dans les lieux. Le développement des outils de gestion dans une organisation demande néanmoins l’acquisition de compétences par les artistes eux-mêmes ou l’engagement de personnes dédiées à ces fonctions (administrateur, comptable, etc.). Cette phase de mise en œuvre vient parfois heurter le caractère éphémère des friches ou squats, contingent à leur activité : la précarité de certains lieux empêche alors le développement de ces pratiques de gestion et réduit la capacité de l’organisation à pérenniser ces outils.
1.2.2 – Des résistances plus globales : les limites à représenter la nature des activités
10Le second niveau de critique à l’origine de la résistance des acteurs et des organisations est leur crainte d’être mal compris, à travers des outils forcément mutilants, trompeurs, mettant abusivement l’accent sur les résultats quantitatifs. Ce niveau porte donc sur la nature même de l’outil, qui valorise ce qui est chiffrable, et sous-valorise ce qui ne l’est pas (Burlaud, 2000). Ces positions sont portées à la fois par des chercheurs, mais surtout par les acteurs du secteur culturel, comme le montrent les débats, parfois anciens, qui marquent la vie culturelle en France. Hortense Archambault, codirectrice du Festival d’Avignon, expliquait ainsi lors des rencontres organisées en marge du festival : « quels comptes rendre sur l’utilisation des fonds publics et sur notre mission de service public et comment le faire de manière pertinente, au-delà des seuls chiffres (budgets, fréquentation, etc.) (…) Mais on voit tout de suite qu’au-delà des chiffres bruts, qui n’ont aucun intérêt et peuvent même se révéler pervers en focalisant l’attention sur une évaluation faussée par rapport à ce qui se passe réellement, nous manquons d’outils. Comment faire pour que l’évaluation soit réfléchie à l’intérieur même du projet ? Comment définir ensemble des critères utiles ? » [48]. Il apparaît que le rapport entre les images, les créateurs et le public échappe aux instruments actuels de mesure et d’analyse et contredit même le fonctionnement institutionnel qui classe les types de production et de public, les genres, les sujets, les modes de diffusion. Par ailleurs, l’irruption des outils de gestion dans le secteur culturel est également extrêmement critiquée par les professionnels des lieux, en particulier des conservateurs (Clair, 2007 ; Rykner, 2008). L’essor des démarches de rationalisation alimente chez ces acteurs la critique d’une dérive des musées vers des logiques de marché : « La préoccupation de gestion des organisations semble tenir lieu aujourd’hui de lingua franca, sinon de nouvelle vulgate, tandis que les savoirs traditionnels de l’histoire de l’art (…) connaissent une relative marginalisation » (Poulot, 2005, p.5).
11Ce rejet est donc d’autant plus fort pour les organisations émergentes comme les squats artistiques que ces derniers reposent en grande partie sur une économie informelle et non-monétaire qui privilégie notamment le bénévolat. Le bénévolat est souvent couplé avec des activités salariées ce qui accroît encore davantage les difficultés de son évaluation (Aubouin, 2010). À cette critique des outils de management qui ne représentent pas fidèlement, selon les porteurs de projets, la nature des activités s’ajoute une seconde limite au développement de ces outils dans ce type de lieux : l’impossibilité matérielle, liée à la grande précarité de certains lieux, qui empêche soit le recours à des compétences gestionnaires spécifiques, soit le développement de ces compétences par les artistes. Comment pérenniser l’usage d’outils de gestion dans les lieux culturels les moins institutionnalisés et au caractère éphémère ?
1.3 – Les organisations culturelles vers une adoption des outils de gestion
12Malgré l’ensemble de ces critiques, ces dernières années ont vu une montée en puissance de l’instrumentation gestionnaire et des démarches de rationalisation dans les lieux culturels. De multiples auteurs ont témoigné de ce développement dans des contextes variés, comme l’opéra (Agid et Tarondeau, 2006), le musée (Chatelain, 1998 ; Tobelem, 2005 ; Coblence, 2011), le théâtre (Amans, 2011). Cet essor trouve son origine principale dans la pression exercée par les tutelles pour structurer le fonctionnement des organisations et donner à voir leurs performances dans un contexte croissant de rationalisation budgétaire et de refondation des principes de l’action publique, depuis notamment la mise en place de la LOLF, mais également d’autonomie croissante des institutions culturelles. Ainsi l’outil est vu d’abord comme un moyen de rendre des comptes et de moderniser l’action publique en quantifiant les résultats et les impacts des actions engagées. Cette logique de l’évaluation se généralise dans l’administration publique et le secteur de la culture n’y échappe pas (Chatelain, 1998). Le processus d’instrumentation a alors moins vocation à structurer les relations internes aux organisations, qu’à permettre un dialogue avec les représentants de la puissance publique, tant du côté de l’administration centrale que des collectivités territoriales. Ce souffle gestionnaire qui a commencé à apparaître d’abord dans les grandes institutions culturelles dans les années 1980 (Véran, 1987 ; Carrieu-Costa, 1990), s’est généralisé dans l’ensemble du paysage culturel (centres d’art contemporain, bibliothèques municipales, squats artistiques…), avec un rôle moteur joué par le ministère de la culture. Non seulement le ministère a cherché à se doter lui-même d’un appareil de gestion de plus en plus sophistiqué et étendu, mais il a fortement encouragé les lieux culturels à faire de même, en consolidant ou en construisant des instruments de gestion et des dispositifs formalisés de pilotage gestionnaire. Ainsi, le ministère s’est-il lancé dans des opérations de contractualisation avec les établissements sous tutelle, avec la signature de « contrats de performances » constitués d’indicateurs de suivi d’activité ou de contrôle de l’atteinte d’objectifs extrêmement quantifiés (fréquentation par catégorie de visiteurs, coûts des productions, taux d’autofinancement, etc.). Dans le cas des musées par exemple, qui a donné lieu à de nombreux travaux, P. Ughetto explique : « Les musées font désormais l’objet d’une véritable gestion, au sens actif du terme : ils donnent lieu à des actions visant à leur développement, au renouvellement et à l’élargissement de ce qu’ils offrent à voir et à faire au public (…). D’où la montée de tâches purement gestionnaires : établissement d’un programme à destination des scolaires et des adultes, organisation de la sécurité (mise aux normes incendie…), recherche de financements par appel au mécénat ou location de salles, plans de formation des agents, etc. » (Ughetto, 2006). Cette vague d’instrumentation s’explique également par l’arrivée de nouveaux profils dans ces organisations, comme les contrôleurs de gestion, les gestionnaires et administrateurs, les financiers et les chefs de projet (voir par exemple Berman, 1999). Enfin, la concurrence internationale que se livrent les grandes organisations culturelles et les problématiques de valorisation économique ont suscité la construction de nombreux outils, notamment de benchmarking et de marketing (Bayart et Benghozi, 1993 ; Tobelem, 2005).
2 – L’émergence progressive des outils de gestion : quatre cas d’étude
13Les chercheurs du Centre de Gestion Scientifique de Mines ParisTech ont été sollicités à de maintes reprises, ces dernières années, pour accompagner la mise en place de nouveaux outils au sein du secteur culturel : des outils de GRH (grilles de classification par exemple), des outils de suivi d’activité (tableaux de bord), des outils de gestion de projet (cf. le cas du Louvre ci-dessous), des outils de remontée d’informations à destination des tutelles (Ministère de la culture, Mairie de Paris…), des outils d’analyse de la fréquentation et des publics, des outils de reporting comptable et financier… Nous allons donner quatre exemples de ces outils et de leur mise en place, susceptibles d’offrir un aperçu de l’inflation gestionnaire :
- Le cas de la gestion de projet au Louvre-Lens
- Le yield management au Musée d’Orsay
- Le référentiel des emplois au ministère de la Culture
- Les outils comptables à l’Électron libre.
2.1 – La gestion de projet au Louvre-Lens
14Dans le cadre d’une recherche réalisée entre 2007 et 2009 au Louvre, nous avons pu suivre le processus de conception d’une antenne du musée à Lens. Nous avons accompagné l’équipe-projet du Louvre-Lens, travaillant au sein du Louvre, dans la conception et la mise en œuvre d’outils de management de projet. Cette recherche-intervention s’est accompagnée de la réalisation d’une trentaine d’entretiens avec les parties-prenantes internes et externes, ainsi que d’une étude d’archives et de documents internes permettant d’apprécier la trajectoire du projet. Le projet Louvre-Lens, lancé en 2005 et dont l’ouverture au public est prévue pour 2012, est piloté conjointement par l’État, les collectivités locales à tous les niveaux (commune, intercommunalité, département, région) et le Louvre. Le protocole d’accord, signé entre le ministère de la Culture, le Louvre et les collectivités locales, prévoit comme principes de coopération que « la Région est maître d’ouvrage du projet, dont le programme scientifique et culturel est établi (…) par le Musée du Louvre. Le Musée du Louvre est étroitement associé, à toutes les phases et sur tous les aspects, à la conception et à la réalisation du projet » (Protocole d’accord, 1er mai 2005, article 2). En pratique, l’établissement est donc en charge de l’activité de conception du musée : choix des œuvres présentées et de leur muséographie, programmation d’expositions temporaires pour les premières années de fonctionnement, formulation d’une politique de médiation contextualisée, proposition d’une structure juridique, d’une organisation et d’un budget de fonctionnement pour le futur musée. Les caractéristiques innovantes du Louvre-Lens, mises en avant dans les discours (pilotage partenarial du projet, absence de collections propres, volonté d’une co-élaboration de la programmation par les conservateurs et les chargés de médiation et de développement des publics, et surtout une présentation transversale des collections du Louvre), interrogent les équilibres actuels du musée et se heurtent à son organisation, structurée autour de huit départements d’histoire de l’art relativement compartimentés. Ces caractéristiques posent des questions sur la transformation induite par un tel projet et sur le modèle d’organisation permettant de gérer cette innovation.
15Or, l’une des instrumentations majeures dans la conception du nouveau musée est l’utilisation massive d’outils de « gestion de projet » (Garel, 2007). Par la construction et la mise en œuvre de ce type d’outils, nous avons apprécié les objectifs poursuivis par le musée :
- formaliser et fixer des responsabilités en matière d’organisation des actions menées par le musée. Il permet de décentraliser la mise en œuvre des décisions prises au niveau de la direction générale. En ce sens, le management de projet est un formalisme capable de soutenir la croissance de l’activité, la multiplication des actions menées et l’explosion des objectifs ;
- renforcer et systématiser les mécanismes de contrôle, avec la mise en place de jalons et d’indicateurs standardisés, en particulier autour du triptyque Qualité / Coûts / Délais. Le mode projet permet d’envisager une unification du mode de pilotage des actions de l’organisation ;
- améliorer la détection des problèmes (blocages, retards, réalisation de risques…) en amont, affecter à chaque tâche des ressources et des responsables (appelés « pilotes »), et réduire le cas échéant les délais d’arbitrage par la direction générale ;
- fournir des documents partagés afin de communiquer en interne et avec les parties prenantes sur l’avancement des projets. Dans le cas du Louvre-Lens, les outils de projet favorisent le dialogue avec les collectivités locales, les tutelles et, dans certains cas, les mécènes.
2.2 – Le yield management au Musée d’Orsay
16Dans le cadre d’un travail de recherche mené en 2011 par l’un de nos étudiants, nous avons eu l’occasion de suivre la construction au musée d’Orsay de nouveaux outils de gestion très formalisés, dans le domaine de la politique tarifaire. Le point de départ de la réflexion était lié à la place des expositions temporaires dans la stratégie du musée. Dans un contexte muséographique national et international en évolution, et de pression financière accrue sur les musées (Frey et Meier, 2003), le musée d’Orsay a développé, à l’instar de bon nombre d’autres grands musées dans le monde, une politique d’expositions temporaires extrêmement ambitieuse, qui a permis une augmentation sensible de sa fréquentation, mais de manière différenciée selon les expositions. Certaines ont donné lieu à une véritable sur-fréquentation et une congestion, alors que d’autres attiraient un public moins abondant. Pour faire face à ces difficultés, dans un contexte d’incitation des tutelles envers les institutions culturelles à développer leurs ressources propres, s’est posée la question de la politique tarifaire - question qui peut paraître saugrenue dans un lieu public patrimonial où la marge de manœuvre sur les tarifs est limitée (sujet sensible, contrôle par la tutelle, prégnance de la logique de démocratisation culturelle…). Pourtant, le Musée d’Orsay a bien envisagé d’utiliser ce levier qui lui était inédit, et a décidé de construire différents modèles de tarification et d’en évaluer les effets potentiels. Plusieurs scénarios ont été testés (tranches horaires d’application de tarifs réduits, montant de la variation tarifaire…), sur la base de nombreuses hypothèses (taux de fréquentation, taux de déportation de la fréquentation, élasticité du prix…). De tels outils, très développés dans les secteurs des services, et connus sous le nom de « yield management » (Zrelli, 2010), n’avaient jusqu’à présent jamais franchi la porte des musées français. Cet exemple révèle un attribut important des outils de gestion dans l’univers culturel : l’outil a introduit l’idée qu’une certaine forme de flexibilité était possible, alors que l’hypothèse de la forte rigidité du système tarifaire était ancrée dans le secteur culturel (Benhamou, 2003) ; il ouvre ainsi le champ des possibles. Il illustre également la nouvelle légitimité que revêt ce type d’approches au sein des institutions culturelles : alors qu’on aurait pu s’attendre à une levée de boucliers, au nom des différents arguments relevés plus haut (la culture ne peut être enfermée dans des modèles de gestion, aussi formalisés, voire mathématiques), la construction de cet outil s’est faite sans grandes contestations.
17Certes, il est encore trop tôt pour savoir quel sort sera finalement réservé à l’outil, puisque ce dernier n’a pas encore donné lieu à une application concrète, alors qu’on sait que c’est souvent au moment où l’outil « rencontre » l’organisation que les réactions peuvent se manifester, mais il est intéressant de constater la mobilisation de ce type d’outils dans une institution culturelle, révélant ainsi un véritable changement de paradigme. En effet, pour qu’un outil de gestion soit saisi par une organisation, il faut que celle-ci ait réuni plusieurs conditions d’acceptabilité et de viabilité de l’outil. L’adoption d’un outil révèle toujours un changement d’état de l’organisation. Combien de mutations, de changements de représentations, de déplacements des regards (sur les publics, le levier tarifaire, la démocratisation culturelle, les relations avec la tutelle, la place des expositions…) a-t-il en amont fallu pour que l’appel à un tel outil soit rendu possible et légitime au sein du musée ? On va voir sur un autre exemple qu’en aval cette fois, l’adoption d’outils de gestion induit également des changements, parfois profonds, dans l’organisation d’accueil (changements de regard des acteurs, d’équilibre interne, déstabilisation du compromis social…).
2.3 – Le référentiel des emplois au ministère de la Culture
18Le ministère de la Culture est certes considéré comme un petit ministère, mais il gère directement ou à travers ses opérateurs, près de 25 000 agents. Or, jusqu’au milieu des années 2000, il était assez dépourvu d’outils pour gérer ses effectifs, en dehors des outils traditionnels pour toute la Fonction Publique de gestion administrative de ses corps. Pourtant, symptôme de l’évolution de la posture du secteur culturel à l’égard des outils de gestion, le ministère a décidé de se doter de nouveaux instruments de gestion de ses personnels, à travers la mise en place d’un référentiel des emplois, et a encouragé les établissements culturels à faire de même. Les enjeux sont fondamentaux (Kletz et Lenay, 2007) : un référentiel est loin de se résumer à une liste des emplois existant dans le périmètre choisi ; il constitue une véritable révolution dans l’approche gestionnaire du ministère, dans ses relations avec les établissements sous tutelle, dans la place qu’occupe la gestion (versus l’administration) au sein du ministère, mais il induit également des transformations dans les pratiques artistiques. En effet, construire un tel outil suppose pour le ministère de connaître les métiers, de reconnaître leur existence et les compétences qui leur sont liées et d’accompagner leur évolution. En symétrie, construire l’outil suppose cette fois pour les porteurs de ces métiers qu’ils acceptent de perdre un peu d’autonomie (en dotant le ministère d’une capacité de pilotage), l’opération s’avérant d’une certaine violence, puisqu’il s’agit de faire « rentrer » un métier, une identité professionnelle, dans une grille et une structure très formalisée, forcément éloignée de leur représentation multi-dimensionnelle.
19Le ministère de la Culture nous a confié une recherche visant à élaborer cet outil de GRH et à l’aider à tirer un certain nombre d’enseignements à partir de cette expérience, à la fois sur la capacité des bureaux du ministère à se doter d’une capacité à utiliser le référentiel et sur la compréhension des évolutions des métiers culturels. Pour ce faire, nous avons mis en place une méthodologie reposant sur de multiples entretiens avec les porteurs des métiers (plus de 200), la mobilisation d’un comité de pilotage représentant les différentes grandes directions du ministère, et un processus participatif de validation progressive des fiches métiers. La construction du référentiel a duré plusieurs années, tant l’organisation et le corps social du ministère étaient éloignés de l’état requis pour absorber de tels outils. Certains acteurs ont refusé d’entrer dans la démarche, réfutant toute possibilité pour l’outil d’attraper la réalité de leur métier, d’autres ont fait part de leurs craintes de voir leur activité désormais gérée par un outil « inhumain » ; d’autres encore ont vu là la preuve irréfutable de l’entrée de la culture dans l’ère du management, et du soutien du ministère à cette démarche destructrice. À côté de ces violentes critiques, certains acteurs ont au contraire cherché à saisir cette occasion pour faire reconnaître la spécificité de leur activité et de leur identité professionnelle, et donc les protéger. Enfin, des acteurs, aussi bien du côté des porteurs des métiers que du côté de l’administration du ministère, ont profité de l’opportunité offerte par la construction du référentiel, pour faire évoluer la représentation posée sur leur métier. À cet égard, l’exemple des documentalistes (dont les représentants cherchaient à faire acter la dynamique professionnelle) ou de contrôleur de gestion (dont l’administration du ministère voulait faire un « vrai » métier, alors qu’il n’en était qu’à un stade embryonnaire) était particulièrement révélateur. L’outil apparaît alors comme un acteur à part entière, avec lequel les autres acteurs doivent composer, acteur qui fait naître des débats, qui contribue à les arbitrer et qui structure la réalité (Kletz et Lenay, 2007). L’outil constitue ainsi un nouvel espace d’apprentissage pour les professionnels de la sphère culturelle.
2.4 – Les outils comptables à l’Électron libre : structuration et dialogue
20La mise en place des normes comptables dans les squats artistiques pose la question du rôle des outils de gestion des organisations artistiques en émergence. Elle apparaît en effet dans un moment particulier de ces organisations, correspondant à l’établissement d’un cadre administratif comme le cadre de l’association de loi 1901, qui apparaît souvent comme une condition d’existence aux yeux des pouvoirs publics. Ce statut juridique conditionne l’établissement de cahiers des charges et d’organigrammes qui contribuent à structurer l’activité et les équipes, mais qui accroît aussi le poids des charges de gestion dans le lieu.
21Les tenants des friches et des squats artistiques doivent se soumettre pour bénéficier du soutien public, au respect des normes comptables et des normes juridiques. D’ailleurs, Le Theule (2007) explique que l’établissement d’une comptabilité dans certains squats a plus vocation à répondre aux conditions de légitimation par les pouvoirs publics qu’à améliorer la gestion interne du lieu (trésorerie, activités, etc.). Les outils comptables permettent d’abord de rendre visibles les flux et de formaliser les relations dans l’organisation et avec son environnement. L’utilisation de la comptabilité permet aussi de montrer que les dépenses ne sont pas réparties de la même façon que dans les institutions culturelles. Par exemple, la part des dépenses de fonctionnement dans les budgets des structures est bien plus forte pour les institutions culturelles que pour les squats. Cette différence de structure de coûts conditionne les stratégies de ces lieux, qui, dans le cas des squats, cherchent à concentrer les moyens financiers sur les projets artistiques. Ces outils apparaissent donc plus comme des outils de dialogue, de négociation, de représentation des activités que des outils de structuration interne. Pour autant, ils participent à structurer chez les porteurs des projets, à la fois les pratiques et le regard qu’ils portent sur leurs pratiques (Moisdon, 1997).
22Pour illustrer ce double rôle de l’outil de gestion, nous prenons l’exemple du squat parisien Électron Libre, étudié sous la forme d’une observation participante au cours de la phase de mise en place d’une comptabilité de caisse et de gestion, tenue par l’un des membres fondateurs du lieu (Aubouin, 2010). La collecte et l’analyse des données ont été effectuées dans ce cas par l’observation directe du fonctionnement du lieu, par la participation aux réunions d’équipes, par la réalisation d’une dizaine d’entretiens avec les différents membres du collectif d’artistes fondateur du lieu ainsi qu’auprès de responsables du service culturel de la mairie de Paris. Cette étude met en évidence le rôle multiple de ces outils qui visent d’abord à favoriser à la fois une transparence vis-à-vis de l’extérieur mais aussi, et surtout, vis-à-vis des membres du squat. Cette comptabilité a permis de peser dans les négociations que le squat avait entamées avec la Mairie de Paris pour se faire racheter. En plus de la représentation des flux économiques, les tenants de ce squat ont établi une comptabilité de gestion décrivant l’ensemble des activités : quantification du nombre d’ateliers, de spectacles, d’œuvres réalisées, de visiteurs accueillis. Les squatters ont utilisé ces documents comme principaux outils de dialogue avec les collectivités, d’autant plus que peu de représentants de l’administration publique sont venus constater in situ le fonctionnement du lieu. Ils ont le plus souvent demandé des documents retraçant ses activités pour déterminer leur soutien du squat.
23Cependant, pour mettre en place ces outils de gestion, il faut au préalable avoir formalisé l’activité (Moisdon, 1997), c’est-à-dire avoir identifié les différents paramètres pris en compte par l’instrument, être capable de quantifier les activités (dans le cas de la comptabilité de gestion par activités), connaître les relations entre les variables. Bref, pour représenter l’activité des squats, les tenants de ces pratiques doivent être à même de définir, donner à voir, agencer les différentes activités présentes dans ces espaces. Là se trouve l’un des principaux freins à la mise en place de ces outils, car ces organisations reposent justement en grande partie sur l’informel et l’improvisation. Néanmoins, certaines règles se mettent progressivement en place, conditionnées par le recours à différents statuts juridiques. Les squats se sont rapidement structurés autour de multiples outils de gestion des projets et des équipes, de nature sensiblement différente de ceux proposés par les institutions culturelles : outils de contrôle et de sélection plus ouverts et informels ; critères d’évaluation qui prennent en compte d’autres dimensions des projets artistiques (la durée de création et de diffusion, la nature des relations avec le public, l’implication des populations dans le projet) ; organigramme plus ouvert (cercles de direction). Les porteurs des projets vont ainsi adapter les outils à leur pratique, mais vont aussi chercher dans les outils existants ceux qui leur paraissent plus adaptés à leurs activités. Cependant, à côté des outils standards de gestion, se développent dans ces entités des outils mutualisés entre projets ou organisations artistiques. Ce type d’outils répond à la philosophie de partage des équipes qui incite les acteurs à mettre en commun les moyens administratifs et aussi à la précarité des lieux qui oblige à répartir le poids des outils sur différentes structures (Aubouin, 2010). Il s’agit également d’une lutte entre différentes logiques : la logique de l’outil (rationalisatrice, contrôleuse ou normative) et celle de l’organisation (créative, dénonciatrice, voire subversive).
24La diversité de ces cas permet de mettre en évidence une multiplicité des trajectoires d’implémentation des outils selon leur nature, leurs effets et leur contexte organisationnel. Nous proposons de synthétiser ces différentes caractéristiques dans le tableau suivant.
Tableau de synthèse : quatre outils de gestion étudiés
Tableau de synthèse : quatre outils de gestion étudiés
3 – L’impact : une transformation des organisations
25Nous voyons donc par ces quatre cas le développement d’outils de gestion dans le secteur culturel : des outils qui semblent très classiques dans leur nature et dans l’existence de freins se dressant face à leur déploiement ; des outils de rationalisation et de conformation. Pourtant, une analyse plus fine révèle de substantielles différences, pas tant dans les outils eux-mêmes que dans leurs effets et la façon de les utiliser. P.-J. Benghozi explique bien l’originalité de cette émergence : « Les organisations culturelles sont ainsi, face à la « gestion », dans une situation contradictoire. Archaïques par leur difficulté de développer des instrumentations de gestion sophistiquées courantes dans les firmes traditionnelles, elles sont pourtant en position de précurseur car, sans en avoir conscience, elles ont su développer des solutions originales en matière d’organisation et de maîtrise du processus de production dans un contexte où les connaissances positives de gestion n’apportaient pas de solutions satisfaisantes » (Benghozi, 2006). Cette dernière partie va s’intéresser aux spécificités des outils introduits dans le champ culturel et à leur impact. Comment sont-ils mis en place et quels sont leur impact sur l’activité artistique de ces organisations ?
3.1 – Un espace d’apprentissage
26Que se passe-t-il après la première phase de contestation que l’émergence des outils et d’approches de rationalisation suscite ? Tout d’abord, dans un certain nombre de cas, la mise en place des outils s’accompagne de l’émergence de nouveaux savoirs et de nouveaux questionnements. Les outils de gestion sont d’abord des instruments de connaissances, même s’ils sont également des dispositifs de pouvoir (Moisdon, 1997). Ainsi, le musée d’Orsay a-t-il commencé à s’intéresser à la marge de manœuvre qu’il pouvait dégager en termes de politique tarifaire, et explorer, par l’analyse de différents scénarios, de nouvelles voies pour concilier enjeux d’ouverture et préoccupations économiques. De même, le ministère de la Culture a-t-il tiré des enseignements essentiels sur les modalités de prise en charge des activités sur le terrain, ou sur l’évolution des différents métiers qui les assurent, ce qui a pu également orienter certains de ses choix ou susciter certaines questions : jusqu’où pousser la convergence du travail entre les archivistes et les documentalistes ? Quel rôle donner aux médiateurs ? Comment accompagner l’évolution du travail des conservateurs ?
27Les outils de gestion des ressources humaines offrent également une perspective de reconnaissance des logiques professionnelles. L’exemple du référentiel montre que l’outil, loin de prescrire aux agents les modalités d’exercice de leur métier, fait remonter au ministère l’activité telle qu’elle se fait sur le terrain et reconnaît par là-même l’existence de cette activité, sa légitimité et son autonomie. Dans les organisations culturelles, les outils participent ainsi de la construction des professions. Notre travail alimente ainsi les recherches précédentes qui soulignent le rôle des organisations dans la professionnalisation des métiers culturels (Aubouin, Coblence, Kletz, 2011). Un autre exemple de transformations induites par des outils de gestion est l’apprentissage des analyses de performances. Comme on l’a vu, les organisations culturelles sont de plus en plus appelées à rendre des comptes, à justifier leurs choix, à faire part de leurs performances. Les outils adoptés aident à apprivoiser ce nouvel objet de gestion, qui est, peut-être plus que dans d’autres secteurs, extrêmement compliqué et difficile à saisir. Ainsi, la mise en œuvre des outils de gestion a-t-elle donné lieu à une formidable soif de savoirs, à la mise en place de dynamiques d’apprentissage, et à l’accompagnement des mutations du secteur culturel (exploration de scénarios, meilleure connaissance de son environnement…).
28Une autre spécificité dans la construction et l’utilisation d’outils de gestion est l’habitude du secteur à composer avec des processus chaotiques et tourbillonnaires. Alors que le processus de contrôle de gestion est très linéaire (définition d’objectifs, construction d’instruments de mesure, détection d’écarts, mise en place de réajustements…), la vie organisationnelle est très éloignée de ce schéma. De là naissent les difficultés du contrôle de gestion dans les univers industriels (co-existence de différentes logiques, effets pervers des actions…). Le secteur culturel, quant à lui, cherche plus spontanément à composer avec différentes représentations (l’artiste, le critique, les publics…). Quand le contrôle de gestion et les outils de gestion ont été introduits dans le secteur, il a donné lieu plus facilement à une intégration d’indicateurs plus immatériels, plus qualitatifs et a souvent évité le piège de la brutalité des indicateurs purement numériques. Il a mieux préservé les marges et les interstices pour permettre le dialogue et le questionnement. Certes, les acteurs peuvent chercher à faire dérailler la machine de gestion, mais par là-même, ils lui donnent toute son épaisseur, puisque lui confèrent un rôle et une légitimité, qui incite à décaler le regard, à changer les routines. L’outil de gestion apparaît alors moins comme un outil de conformation qu’un instrument d’exploration et de déstabilisation, qui en apportant un autre regard et par le déplacement de l’angle de vue, va amener les acteurs à envisager autrement leur proposition culturelle, et finalement constituer un ferment pour la créativité.
3.2 – Derrière le pavé (des chiffres), la liberté : des acteurs transformés
29On connaît le caractère conventionnel des outils de gestion (Kletz, Moisdon et Pallez, 1997). La construction de toute formalisation fait appel à des hypothèses, qui rendent les résultats fragiles et les représentations qu’elle offre partielles. Face à ces questions, deux types de stratégies d’acteurs ont été successivement rencontrées dans l’univers culturel. D’abord, une stratégie de contournement a émergé. Comme nous l’avons vu, il s’est agi de retrouver son autonomie à l’intérieur de l’espace de formalisation, en jouant avec la marge de manœuvre laissée par l’outil. Ainsi, le cas d’Électron Libre et du Louvre-Lens illustrent la capacité des porteurs de projets (par le truchement des outils comptables et de projet) à rentrer en dialogue avec les tutelles, les partenaires et les parties prenantes. Dans le cas particulier des lieux émergents et squats, ce dialogue - structuré par l’instrument - établit une relation de compromis plutôt que de compromission. L’instrumentation participe ainsi au processus d’institutionnalisation de ces lieux. L’une des formes spécifiques de contrôle qui s’y développent est ce que Le Theule (2007) appelle le contrôle par improvisation, caractérisé à la fois par une souplesse du dispositif (processus d’essai erreur, cadres redéfinis selon les projets) et par une intériorisation des codes et des normes (interdits et obligations) par les membres de ces lieux. Ces codes sont transmis oralement lors de l’accueil d’un nouvel artiste et portés par l’ensemble de l’équipe, dans laquelle néanmoins les fondateurs du lieu jouent un rôle bien spécifique. Cette dynamique d’institutionnalisation s’accompagne le plus souvent d’une pérennisation des lieux caractérisée à la fois par une formalisation plus poussée des outils comptables et l’appel à des compétences extérieures pour gérer les activités d’administration du lieu, comme ce fut le cas pour Électron Libre. Dans d’autres lieux, les collectifs d’artistes cherchent a contrario à concilier la pérennisation de l’usage d’outils de gestion et le caractère éphémère du projet par le développement d’outils mutualisés au sein de réseau de lieux (Aubouin, 2010). L’outil constitue alors non seulement un support d’apprentissage en interne mais aussi la source de construction de relations externes entre les différents porteurs de projets et les collectivités locales.
30Le second mouvement revêt un aspect plus original. Des acteurs, plutôt que de contester ou de contourner les outils ainsi construits, ont cherché à les rendre « signifiants », à les enrichir, les compléter ou à les confronter systématiquement à d’autres formats de représentations. Cette construction du sens, au prisme des outils, souligne la capacité des instruments à jouer un rôle de vecteur de réflexivité, à questionner le rapport des acteurs à leur pratique et à l’organisation, et à articuler la dynamique de construction des savoirs et des relations, comme l’a montré A. Hatchuel (2000). En ce sens, les outils de gestion des organisations culturelles permettent de structurer les relations entre acteurs du « monde de l’art ». Ainsi, sont nées dans des organismes culturels, des formes de pilotage passant par des débats contradictoires, permettant la confrontation organisée entre outils de gestion et autres connaissances, savoirs, sentiments, réactions, d’autres modalités d’accès au réel. À ce titre, les multiples tentatives qui se font jour actuellement dans les organismes culturels, visant à impliquer les publics dans la construction de l’offre, et à enrichir la représentation sur laquelle elle va reposer, peuvent d’une certaine manière, en constituer une illustration. On voit ainsi se développer des outils moins brutaux, moins quantitatifs, moins conformistes et moins conformateurs ; des outils intégrant davantage des dimensions qualitatives et les points de vue des parties prenantes, notamment des publics. L’outil suscite, par sa mise en débat, que les formes de l’évaluation qu’il va finalement porter soient réfléchies au sein même du projet.
3.3 – Au-delà de la critique artiste : des instruments stimulant l’activité de création
31Les résistances à l’implantation des outils de gestion dans les organisations culturelles prennent principalement la forme d’une critique artiste de l’instrumentation et du management (Chiapello, 1998). À travers nos différents cas d’étude, nous avons effectivement constaté que beaucoup d’acteurs sur le terrain formulaient des craintes de voir leur créativité, ou la nature artistique de leur activité, étouffée par la mise en place d’outils de gestion (d’évaluation de la performance ou de classification des emplois, par exemple). Cependant, nos recherches montrent qu’une thèse opposée pouvait être avancée. Dans les cas présentés dans cet article, la mise en place d’outils formalisés de suivi, de pilotage, voire même d’évaluation de l’activité semble avoir accompagné et favorisé le processus créatif. Ainsi, le déploiement d’une gestion de projet (diagramme des tâches, tableau des risques, indicateurs de suivi sur les coûts, les délais et la qualité…) a constitué le ferment d’une nouvelle organisation du travail des conservateurs pour le Louvre-Lens : par la constitution d’une équipe projet transversale au musée, le cloisonnement des départements de conservation est en cours de dépassement, ce qui permet de générer des types d’accrochage inédits (transversaux et chronologiques) des collections. La construction du référentiel des métiers du ministère de la Culture a permis à l’institution de voir les métiers de la culture et leurs évolutions, ce qui a suscité des réflexions sur les besoins en compétences, le soutien des professions artistiques et la nécessité de reconnaître la spécificité de certains métiers culturels.
32Si les activités de création ne sont pas toujours modélisables, certaines formalisations sont cependant possibles, aidant ainsi à préserver et encourager l’espace de créativité. Certaines recherches récentes ont déjà montré que les connaissances nécessaires au processus artistique ou culturel peuvent être partagées, qu’il existe des techniques qui en permettent l’acquisition : « les organisations peuvent elles-mêmes être porteuses de créativité par le biais de règles, routines ou procédures, et par des dispositifs originaux capables de favoriser la rencontre, l’émergence, l’apprentissage… » (Paris, 2010). Nos travaux empiriques alimentent l’idée d’un lien entre innovation artistique (de nouvelles propositions symboliques et des formes inédites de création) et innovation managériale (de nouveaux instruments de pilotage et de suivi de ces activités), que des recherches ultérieures pourraient approfondir. Cette perspective s’inscrit dans le retournement du discours managérial classique sur l’art : loin d’étouffer la créativité ou de formater les produits culturels, les outils constituent de puissants stimuli dans le processus créatif. Les créateurs (artistes, commissaires d’expos, médiateurs…) ont besoin de contraintes, de jalons, d’objectifs… Ces outils constituent alors des dispositifs d’exploration, permettant de tester des nouvelles façons de faire l’art. Paradoxalement, la critique artiste renforce l’instrumentation de gestion, car elle oblige à transformer les outils : enrichis par des données plus qualitatives et plus immatérielles, ils deviennent ainsi plus légitimes pour gérer les composantes symboliques de l’activité artistique. Dès lors, l’une des questions posées par nos cas porte sur la « bonne » distance entre l’outil et l’organisation. En effet, si l’outil est trop proche de la réalité organisationnelle actuelle ou du discours organisationnel dominant, il aura du mal à réactiver les processus d’apprentissage organisationnel, à régénérer les produits et les expertises. À l’inverse, si l’outil apparaît trop dissonant avec les cadres de référence de l’organisation, la tentation du rejet risque de l’emporter. La manière de gérer cette distance entre l’outil et l’organisation, entre sa nécessaire adaptation et son potentiel de déstabilisation, constitue une perspective stimulante pour de futures recherches.
Conclusion
33Nous avons vu que les organisations du secteur culturel avaient adopté différentes positions face aux outils de gestion. À la suite d’une longue période de rejet et de refus devant toute velléité de les introduire, ces dernières années ont marqué le développement spectaculaire des outils de gestion et des démarches de rationalisation dans le secteur culturel, pour des raisons multiples liées aux publics, aux tutelles et à la concurrence. Nos recherches empiriques tendent à montrer qu’une nouvelle forme de rencontre entre l’outil et l’organisation culturelle a émergé : les outils apparaissent aujourd’hui moins comme des freins que constituant de puissants moteurs pour stimuler le processus de création, explorer de nouvelles propositions artistiques et intégrer des dimensions plus immatérielles, plus qualitatives et portant la voix d’autres parties prenantes. Autant de dimensions souvent méconnues des outils développés dans les univers plus industriels. La critique artiste qui semblait traduire le rejet définitif et irréversible de tout outil de gestion et de toute forme de rationalisation, s’est révélée en fait bien différente, en permettant d’enclencher un autre type de démarches : dans un bon nombre de cas, les acteurs culturels ont appris non seulement à composer avec les outils, mais à les enrichir de cette critique artiste, à contraindre ces outils à intégrer des éléments plus critiques et immatériels, supports de discussions, de débats et d’explorations nouvelles.
34Ce compromis ainsi atteint peut intéresser bien d’autres industries, de plus en plus confrontées à des problématiques que le secteur culturel connaît depuis fort longtemps (place de la création et de l’innovation, rôle des créateurs, émergence de nouveaux modèles dans lesquels la rationalité économique doit composer avec d’autres logiques, intégration des parties prenantes, développement durable…). La place que les outils de gestion finissent par occuper dans les organisations culturelles est alors sans doute annonciatrice des formes de compromis sur lesquelles les entreprises industrielles pourraient se stabiliser.
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Notes
-
[42]
Nicolas Aubouin, Professeur Associé, ResearchLab, ESG Management School, naubouin@esg.fr
-
[43]
Emmanuel Coblence, Professeur Assistant, ISG Paris, emmanuel.coblence@isg.fr
-
[44]
Frédéric Kletz, Maître Assistant, Centre de Gestion Scientifique, Mines ParisTech, frederic.kletz@ensmp.fr
-
[45]
« L’État en quête de performance », in Problèmes économiques, n° 2907, La documentation française, 2006.
-
[46]
La pression que la gestion exerce sur la sphère artistique, varie selon la situation financière de l’entreprise, le pouvoir de contrôle ou la fixation de paramètres artistiques (Chiapello, 1998).
-
[47]
Tendance qui se traduit par le primat des enjeux de gestion financière, équilibre des budgets, standardisation des financements, évolution des profils des équipes de direction (issues de formations de type master de « gestion culturelle »).
-
[48]
La Lettre d’Échanges de la FNCC, n°15, Septembre 2008.