Notes
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[22]
Cet article a fait l’objet d’une communication au congrès de l’Association Francophone de Comptabilité, en 2011, intitulée « L’instrumentation des activités publiques. Le cas d’une université »
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[23]
Benjamin Dreveton, Maître de conférences, IAE de Poitiers, Université de Poitiers, CEREGE, bdreveton@iae.univ-poitiers.fr
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[24]
Evelyne Lande, Professeur des Universités, IAE de Poitiers, Université de Poitiers, CEREGE, elande@iae.univ-poitiers.fr
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[25]
Marine Portal, Maître de Conférences, IAE de Poitiers, Université de Poitiers, CEREGE, mportal@iae.univ-poitiers.fr
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[26]
La LOLF (Loi Organique Relative aux Lois de Finances) de 2001 détermine le cadre juridique des lois de finances. Ses objectifs sont les suivants : mieux décider des crédits affectés à chaque politique (en présentant un budget par politique publique désormais appelées mission) ; la recherche de performance (l’action de l’État est suivie et évaluée, grâce à des indicateurs concrets et un rapport annuel de performance) ; l’apport de plus de clarté et de transparence au débat parlementaire et enfin une meilleure responsabilisation des gestionnaires publics.
-
[27]
La RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) a été lancée en 2007 pour déployer un programme de modernisation de l’État.
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[28]
Découpage de l’offre de formation en 3 niveaux : Licence, Master et Doctorat ; contre 5 niveaux préalablement : DEUG, Licence, Maîtrise, DEA ou DESS et Doctorat
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[29]
Les RCE (Responsabilités et Compétences Élargies) sont le volet le plus important de la loi LRU de 2007 en matière financière et de ressources humaines.
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[30]
« L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, 35 indicateurs », n°3, décembre 2009
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[31]
Au 1er janvier 2010, 51 universités sont passées aux RCE et 73 universités au 1er janvier 2011, soit 90% du total des établissements.
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[32]
La certification des comptes a été rendue obligatoire depuis le passage aux responsabilités et compétences élargies.
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[33]
Unité de Formation et de Recherche
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[34]
« Audit fonction Formation », IGAENR, 2011
1Est-il nécessaire d’instrumentaliser les activités publiques pour rendre les organisations appartenant à ce secteur plus performantes ? Si ce questionnement n’est pas méconnu (Djelic, 2004), il se pose aujourd’hui avec acuité aux acteurs de ces organisations. Confrontées à l’accélération du rythme des réformes (par exemple la LOLF [26] ou, plus récemment, la RGPP [27]), la réponse à cette interrogation semble évidente : de nombreuses organisations publiques mettent en œuvre des dispositifs visant à introduire de nouveaux outils de gestion.
2Identifié par de nombreux chercheurs en sciences de gestion, ce mouvement a donné naissance à un courant de pensée : le New Public Management (Hood 1991 ; 1995). Assimilé à une dynamique de managérialisation des organisations publiques, ce dernier tente d’introduire le concept de performance en favorisant le déploiement des outils de contrôle de gestion (Laplsey et Wright, 2003). Dès lors, l’applicabilité des mesures de performance utilisées par les organisations du secteur privé au sein des organisations publiques apparaît comme un enjeu fort du NPM (Ittner et Larcker, 1998) : le secteur privé constituant la référence, le NPM intègre des valeurs traditionnellement identifiées dans ces organisations afin de promouvoir l’efficience et l’efficacité des activités publiques. Néanmoins, les recherches menées sur l’introduction des outils de contrôle de gestion au sein des organisations publiques aboutissent à des résultats contrastés : si elles indiquent l’intérêt de ces démarches, elles signalent aussi toutes les difficultés de ces réformes (par exemple pour l’Université : Chatelain et al., 2006 ; Solle, 2001 ; Naro et Travaillé, 2010 ; Lande et Dreveton, 2011). L’étude du NPM génère donc des résultats disparates : l’enthousiasme de certain sur la nécessité d’implanter un pilotage de la performance au cœur du management public et confronté aux critiques dénonçant les effets pervers de l’obsession du chiffre véhiculés par l’utilisation des outils de contrôle de gestion (Talbot 2005 ; Bouckaert et Halligan, 2008).
3Face aux ambigüités de ces résultats, cette recherche propose d’analyser le processus d’émergence d’une instrumentation de gestion. De nombreuses études ont montré l’importance de ce processus dans le processus de diffusion d’un outil de gestion (Hatchuel et al., 1997 ; Moisdon, 1997 ; Demeestere, 2002 ; Dreveton, 2008). Ainsi, l’étude du processus de construction d’un outil est envisagée comme une opportunité à l’analyse des facteurs de réussite mais aussi de blocage de son processus de création. Au cours de cette recherche, nous nous intéresserons plus particulièrement au rôle joué par les acteurs au cours du processus d’élaboration d’un nouvel outil de contrôle de gestion. Ces derniers sont souvent identifiés comme un élément central des processus d’instrumentation (Naro, 1998 ; Bourguignon et Jenkins, 2004 ; Bartoli, 2009). Notre questionnement de recherche est le suivant : Quel est le rôle joué par les acteurs de l’organisation publique dans le processus d’émergence d’un outil de contrôle de gestion ? Pour répondre à cette problématique, cette étude s’appuie sur une recherche-observation menée sur une période d’un an au sein d’une université. À l’origine de cette collaboration, une université décide de s’engager dans la création d’un nouvel outil de contrôle de gestion (une comptabilité de gestion) qui prend appui sur l’introduction récente d’un outil de production de l’information comptable : SIFAC (Système d’Information Financier Analytique et Comptable).
4Afin d’étudier le processus d’émergence de ce nouvel outil, la première partie de cet article présente le cadre théorique mobilisé au cours de cette recherche. La seconde partie décrit la méthodologie de la recherche. La troisième partie expose les principaux résultats de l’étude de cas. Enfin, le rôle des acteurs dans le processus de construction d’une instrumentation de gestion est discuté.
1 – La théorie des représentations sociales : une grille de lecture des enjeux humains des processus d’instrumentation
5Après avoir rappelé l’importance du rôle joué par les acteurs dans les processus d’instrumentation des organisations publiques, cette première partie détaille le cadre théorique mobilisé pour cette recherche : la théorie des représentations sociales.
1.1 – Quelle place donner à l’analyse des acteurs au sein des processus d’instrumentation ?
6Le processus d’instrumentation de l’organisation publique peut être associé à un simple processus de transfert d’un outil traditionnellement mobilisé au sein des organisations privées. Cette première perspective se concentre sur les adaptations de l’outil au contexte des organisations publiques. Au sein d’une seconde perspective, le processus d’instrumentation peut être appréhendé comme un processus d’appropriation au sein duquel les acteurs tiennent une place centrale. Si la première perspective révèle une vision instrumentale de ces processus de changement, la seconde consacre leurs enjeux humains.
7Dans un premier temps, associer la création d’un outil de gestion à un unique défi « technique » aboutit à renforcer la vision instrumentale des réformes portées par le NPM (Lapsley et Wright, 2003). Au sein de ce courant, l’enjeu majeur pour l’organisation publique qui désire construire un nouvel outil consiste à s’appuyer sur les caractéristiques de cet outil et à les adapter aux spécificités de son organisation. Il s’agit donc de transférer un instrument de gestion traditionnellement mobilisé par les organisations privées au sein d’une organisation publique. Dès lors, la réussite de ces changements repose pour l’essentiel sur les caractéristiques intrinsèques de l’outil et sur ses capacités d’évolution et d’adaptation à un nouvel environnement. Le modèle développé par Roger (1995) sur la diffusion des innovations managériales rejoint cette vision. Pour cet auteur, la diffusion de l’instrumentation est dépendante de cinq facteurs dont, en premier lieu, les caractéristiques premières de l’innovation instrumentale. Au sein de ce modèle, l’acteur est identifié comme une variable influençant le rythme de l’innovation. Les relations entre l’outil et les acteurs se limitent aux conséquences de l’action de ces derniers sur l’avancée du processus d’instrumentation. Le rôle des acteurs est donc limité. S’ils influent sur l’instrumentation de gestion, ils ne peuvent être influencés par cette dernière.
8Aussi, dans un second temps, le processus d’implantation d’un outil de gestion peut être affilié à un processus d’appropriation. Comme l’indique Grimand (2006), les mécanismes d’appropriation des outils, au sein des organisations publiques comme privées, se révèlent être des enjeux centraux du processus de diffusion d’une nouvelle instrumentation de gestion. Cette seconde perspective permet d’introduire à l’analyse le rôle fondamental des acteurs. En effet, les acteurs de l’organisation sont appréhendés comme des éléments clé de la vie des outils de gestion (Bourguignon et Jenkins, 2004 ; Naro, 1998 ; Chavel, 2000) surtout lorsque ces derniers se déploient au sein des organisations publiques (Demeestere, 2000, Dreveton, 2008 ; Bartoli, 2009). Ainsi, expliquer l’action organisationnelle comme une adaptation de l’outil à des éléments internes (par exemple, les canaux de communication) ou externes (par exemple, des pressions institutionnelles) relègue en arrière-plan la présence de ruptures, d’adaptations, d’improvisations initiées par les acteurs. Comme le précisent Desreumaux et Hafsi (2006, p.5) : « Si le champ organisationnel importe toujours, la mobilisation des règles d’action qu’il véhicule par les acteurs sociaux encastrés dans leur organisation est tout aussi importante pour analyser les changements et comprendre les configurations stratégiques et organisationnelles auxquelles ils conduisent ».
9En synthèse, l’analyse du processus de construction d’un outil de contrôle de gestion doit explorer les stratégies d’acteurs afin de comprendre leur influence sur l’outil (tant sur la forme que le fond). Ainsi, le processus d’élaboration de l’instrumentation laisse aux acteurs la possibilité de réajuster, de « bricoler », de traduire (au sens de Callon et Latour) leurs outils afin que ceux-ci correspondent davantage à leurs aspirations. Afin d’explorer ces dynamiques, la théorie des représentations sociales est utilisée comme grille de lecture.
1.2 – Intégrer le rôle des acteurs à l’analyse de la construction d’un outil de gestion
10La théorie des représentations sociales constituent un cadre d’analyse permettant d’étudier le rôle des acteurs au sein des organisations. En effet, pour Jodelet, les représentations sociales sont des « formes de connaissances socialement élaborées et partagées ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (1997, p.53). Moliner et al. (2002) rejoignent cette définition en appréhendant les représentations sociales comme un ensemble d’éléments cognitifs sur un objet. Analyser les représentations sociales des acteurs permet d’expliciter leurs comportements, ces dernières étant envisagées comme des guides aux actions entreprises par les acteurs de l’organisation.
11Afin de les décrire, Jodelet (2008) présente et définit les trois sphères d’appartenance des représentations sociales :
- la représentation sociale est d’abord « subjective », elle est mobilisée par un individu ;
- la représentation sociale est aussi « intersubjective », elle se construit dans l’interaction ;
- la représentation sociale est « transsubjective », elle dépasse l’individu en proposant un cadre commun d’action.
12Dans un second temps, les représentations sociales se construisent dans l’échange. La représentation est, par essence, relationnelle : « Ce qui permet de qualifier de sociales les représentations, ce sont moins leurs supports individuels ou groupaux que le fait qu’elles soient élaborées au cours de processus d’échanges ou d’interactions » (Moscovici, 1997 ; p.99). Avec cette perspective, les représentations sont construites et manifestées dans et par les interactions. Roussiau et Bonardi (2001) insistent sur les conditions collectives de création de la représentation sociale et leur rôle prépondérant dans les rapports qu’entretient l’individu avec la réalité. Pour ces auteurs, la représentation sociale est « une organisation d’opinions socialement construites, relativement à un objet donné, résultant d’un ensemble de communications sociales, permettant de maîtriser l’environnement et de se l’approprier » (2001, p. 19). Cette vision rejoint celle défendue par les tenants de la sociologie phénoménologique (Mead, 1934 ; Schutz, 1967) ou encore de l’interactionnisme symbolique (Blumer, 1969). Ces auteurs placent au centre de leur préoccupation la découverte du sens que les individus attribuent à un objet. La réalité sociale est donc créée par les acteurs, par leur interprétation. Les travaux de Weick (1979) autour de la notion « d’enactment » reflètent cette dynamique : une pratique devient le résultat d’une dynamique d’interprétation entre l’individu et son environnement.
13Enfin, dans un troisième temps, il n’est pas nécessaire que tous les acteurs possèdent une représentation identique : la représentation individuelle existe mais elle est aussi sociale (dans la mesure où chacun fait appel à sa culture, à son langage acquis par des expériences passées et désire que sa vérité rejoigne celle des autres) et doit permettre une action collective (Vergnaud, 1991). Cette construction théorique permet ainsi d’appréhender la complexité des relations humaines au sein des organisations publiques. En effet, le processus de construction d’un outil de contrôle de gestion peut intéresser, directement ou indirectement, de multiples acteurs. Pour l’organisation portant le projet d’implantation d’un outil de contrôle, l’encadrement et les agents publics, en tant que futurs utilisateurs, constituent une cible probable du nouvel outil. Toutefois, les élus, les syndicats et les hauts responsables administratifs pourraient, eux aussi, être sensibles au projet. De plus, à l’extérieur de l’organisation, des usagers, des entreprises, des fédérations de métiers pourraient indirectement subir les conséquences de l’utilisation de l’outil et donc se sentir concernés par son processus de construction. Aussi, une étude des représentations sociales permet de mettre au jour ces visions de l’instrumentation mais surtout d’explorer comment ce collectif hétérogène, propre aux organisations publiques, se met en mouvement, se transforme pour, in fine, adopter, transformer ou rejeter l’outil.
14L’étude des représentations sociales des acteurs permet donc d’analyser les difficultés auxquelles pourraient se confronter le processus de création d’un outil de contrôle de gestion. Plus précisément, explorer les représentations sociales des acteurs participant à l’élaboration de l’outil permet d’appréhender les tensions « humaines » autorisant ou contrariant le déploiement d’un outil de contrôle de gestion au sein de l’organisation publique.
2 – Présentation de la méthodologie de la recherche
15Afin d’analyser les représentations des acteurs au sein des processus d’instrumentation des organisations publiques, nous avons décidé de réaliser une étude de cas dans une université. À l’origine de cette étude de cas, une collaboration générée par l’université qui s’engage dans le développement d’un nouveau projet : la création d’un outil de comptabilité de gestion pour répondre aux attentes des tutelles et à ses besoins internes de gestion.
2.1 – Une étude de cas fondée sur un contexte en pleine évolution
16L’environnement de l’université est marqué par une forte régulation qui intègre de nouvelles réformes rendant les universités de plus en plus dépendantes du ministère (Mailhot et Schaeffer, 2009). Parmi ces réformes, le passage au LMD [28] et aux RCE [29] a structurellement modifié la gestion des organisations :
- Le passage au LMD a généré un accroissement de l’offre de formation de niveau master. Dans un même temps, les effectifs étudiants se sont stabilisés en raison d’une internationalisation des universités [30]. Les évolutions restent cependant contrastées entre les composantes des universités, les effectifs pouvant diminuer de 50% pour certaines alors que pour des composantes comme la gestion et la médecine par exemple, les effectifs s’envolent.
- Le passage aux RCE a engendré ensuite de nouvelles contraintes [31], les universités devant désormais gérer elles même leur masse salariale (représentant 70% à 80% du budget de fonctionnement) en tenant compte de plafonds en nombre d’emplois et en euros.
17Le passage aux RCE et plus généralement la loi LRU ont donc un impact majeur qui porte sur l’autonomie budgétaire des universités. L’outil de gestion choisit pour piloter les ressources par de nombreuses université est un nouvel outil comptable, objet de l’étude : SIFAC (Système d’Information Financier Analytique et Comptable). Cet outil porte sur trois dimensions de la comptabilité : la comptabilité analytique, la comptabilité financière et la comptabilité budgétaire. La communication autour de SIFAC porte sur l’amélioration de la qualité des informations comptable ce qui conduit à faciliter la certification des comptes [32], autre composante de la réforme des universités. SIFAC représente finalement un changement conséquent car il modifie la chaîne de production de l’information financière et comptable. L’objectif de la mise en place de cet outil est d’assurer le suivi et la qualité des opérations budgétaires, ceci grâce à l’ajout d’un nouveau module, le module de comptabilité analytique (cette dimension de la comptabilité n’étant jusqu’à présent non prise en compte dans le schéma comptable des universités), un outil de comptabilité de gestion constituant l’objet de l’étude.
18L’université constituant le cas d’étude de cette recherche s’est portée pilote pour l’introduction de SIFAC. À l’origine, l’introduction de cet outil est portée par le Ministère, l’université étudiée représente donc un fort relai des pressions ministérielles. Pour déployer l’outil SIFAC, l’université étudiée a constitué des groupes de travail avec un groupe dédié au module de comptabilité analytique, objet de cette recherche. Le déploiement de SIFAC proposé par le ministère se veut global car préconisé pour toutes les universités. Il semble cependant que la vision du ministère tend à négliger les mécanismes d’adaptation des outils de gestion par les organisations et les acteurs impliqués dans ces mécanismes d’adaptation. La vision du déploiement de SIFAC du ministère tend donc à négliger également l’impact de la construction des rôles organisationnels et sociaux propres à chaque organisation. L’étude de cas s’intéresse donc à l’analyse et la prise en compte des représentations des acteurs impliqués dans le processus d’instrumentation des activités de l’université.
2.2 – Design de la recherche : une étude de cas par observation participante
19Au cours de cette étude, réalisée sur une période d’un an (2010-2011), les chercheurs assistent au processus de construction du module de comptabilité analytique de SIFAC. Cette implication se concrétise par l’implication des chercheurs au sein du groupe de travail créé pour le projet et par la réalisation d’entretiens individuels menés auprès des principaux acteurs de l’établissement. Au-delà des réunions du groupe de travail, les chercheurs ont également participé à des échanges informels sur ce sujet (par exemple au cours de réunions des différentes instances de décisions de l’université). L’opportunité de cette étude de cas est accentuée par le fait que l’université étudiée soit une université pilote dans ce projet, les échanges ont donc été enrichis par l’aspect novateur induit. Cette recherche a été réalisée selon la méthodologie de l’observation participante. David (2000) caractérise cette méthodologie de recherche comme un dispositif dans lequel le chercheur se contente d’être un observateur suivant les acteurs. Dans ce cadre, les chercheurs deviennent « le témoin de la réalité sociale que l’on va étudier » (Jodelet, 2003 ; p. 152). Cette méthodologie est mobilisée afin d’explorer le plus finement possible une situation de gestion : le processus de construction d’un nouvel outil de contrôle de gestion au sein de l’université. Pour réaliser cette étude, un protocole de recherche est défini. Au-delà de la participation aux réunions du groupe de travail, l’analyse des représentations sociales est réalisée sur deux principaux groupes d’acteurs : les parties prenantes intervenant au niveau central (services centraux et équipe présidentielle) et celles intervenant au niveau local (composantes pédagogiques de l’université, UFR, écoles et instituts). Le choix de ces parties prenantes peut être qualifié d’orienté : il ne s’agit pas de recueillir l’avis de toutes les catégories d’acteurs de l’université mais de prendre en considération ceux qui sont à des postes décisionnels et stratégiques (l’équipe présidentielle, les directeurs de composantes pédagogiques) et ceux qui sont à des postes managériaux importants (responsables administratifs et financiers de composantes pédagogiques ou responsables administratifs de services centraux tels que la direction des affaires financières, le secrétaire général, la direction de la prospective…). Sont ainsi exclus de cette étude des représentations, les acteurs représentés par les étudiants et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’orientation donnée à la recherche est donc clairement interne pour se concentrer sur les acteurs directement en relation avec l’émergence de l’outil.
20Au total, au cours de cette étude, treize entretiens semi-directifs d’une heure à une heure et demie ont été menés auprès des membres de l’université : six entretiens avec des acteurs au niveau des composantes et UFR [33] de l’université et sept autres auprès de l’équipe présidentielle ou de responsables de services centraux (cf. tableau n°1).
Entretiens réalisés
Entretiens réalisés
21Pour mener ces entretiens, une grille d’entretien a été construite. Celle-ci est structurée en trois parties :
- La première partie de l’entretien se donne comme objectif de caractériser la situation actuelle de l’université et d’étudier plus précisément son système d’informations ;
- la seconde partie tente de mettre en évidence et d’expliciter les attentes des acteurs en matière de comptabilité de gestion ;
- enfin, la dernière partie permet d’identifier les freins mais aussi les vecteurs de la création de ce nouvel outil de gestion.
Encadré 1 : Méthodologie de dépouillement des entretiens
- Extraction des phrases témoins
- Classement des phrases témoins par sous-thèmes et regroupées par thèmes
- Formulation d’idées-clés
- Calcul des fréquences d’expression des idées-clés
22Ce processus se rapproche de l’analyse catégorielle décrite par Miles et Huberman (2003) qui comprend une phase de condensation des données, une phase d’organisation et une phase de présentation des données (notre choix s’étant porté sur une carte des représentations). Au final, ce processus de traitement des données permet d’obtenir des classements à partir de propriétés communes dans l’objectif de construire un ensemble cohérent et qui est sollicité pour l’ensemble des données récoltées durant l’étude de cas (Bardin, 1993). Finalement les données traitées ont été triangulées avec des données issues de documentations internes et externes [34] afin d’assurer la validité des construits (Chalmers, 1987).
3 – Proposition d’une typologie des représentations des acteurs, un enjeu dans l’émergence de l’outil de comptabilité de gestion
23Cette recherche explore les représentations sociales des acteurs de l’instrumentation afin de mettre en exergue les enjeux humains auxquels se confronte ce type de projet. L’analyse des données permet de mettre en évidence la présence de quatre groupes d’acteurs. Or, comme l’indiquent les propos suivants, chacun de ces groupes développe une vision spécifique sur le futur outil de comptabilité de gestion.
3.1 – Un outil support à la décision stratégique
24Cette première catégorie d’acteurs regroupe des élus de l’université (équipe présidentielle de l’université). Les élus formalisent leurs besoins par la création d’un réel suivi uniformisé de l’information financière et des indicateurs de performance qui permettraient des comparaisons au sein de l’université mais aussi au niveau national : « Il faudrait mettre en place un réseau unique permettant par exemple à un intervenant de la Présidence d’obtenir instantanément un élément d’une UFR », « La mise en place d’un suivi commun pour les composantes et les services centraux de l’information financière permettrait d’améliorer notre visibilité ». L’évolution de la production et de la gestion de l’information financière de l’université doit permettre une « meilleure définition des choix et objectifs politiques » selon les acteurs interrogés et intègre donc globalement la définition de la stratégie de l’université. Pour ces acteurs, l’outil pourrait se matérialiser via un tableau de bord stratégique, essentiellement financier, permettant une remontée sélective des informations et un pilotage stratégique au service des décisions politiques. La représentation des élus de l’université les conduit ainsi vers un outil décisionnel axé autour d’une vision stratégique et caractérisé par une fonction de pilotage.
25Plus précisément, le nouvel outil de contrôle de gestion doit d’abord permettre une amélioration de la gestion budgétaire prévisionnelle et donc traduire une vision globale du budget axée sur le long terme. L’objectif principal est de mettre en place un outil qui autorise une traçabilité de la consommation des crédits : « Il est nécessaire de connaître l’évolution des crédits au fur et à mesure de l’exercice » ; « Aujourd’hui, il me manque un outil qui me permette de suivre précisément les dépenses budgétaires de l’établissement » ; « Au niveau central, le contrôle budgétaire devrait être amélioré afin d’organiser une meilleure réactivité ». Leur seconde attente est axée sur la nécessité de mettre en place une définition et un contrôle plus précis des centres de coûts et de recettes : « Le nombre d’heures complémentaires effectuées par les enseignants devra donc désormais être limité. C’est dans ce contexte qu’une connaissance plus fine et plus précise des centres de coûts et de recettes trouve son entière nécessité ; d’où le choix d’une comptabilité analytique ». La définition des coûts intégrant les taux de dépenses, d’investissement et de frais de personnel, devrait avant tout permettre de calculer le coût d’une formation (ou le coût maquette) et de gérer les heures complémentaires. Toujours selon ces acteurs, un système de comptabilité de gestion doit être fondé sur un ensemble d’indicateurs financiers simplifiés, en lien avec les objectifs, et distincts selon qu’ils s’adressent au niveau central ou au niveau des composantes (UFR). Il reste cependant nécessaire de définir un ensemble d’indicateurs de pilotage généraux et transversaux. L’objectif sous-jacent est de donner à l’université une vision claire et directe par composante ou laboratoire de recherche, comme le précise un acteur interrogé : « Nous avons besoin d’indicateurs précis afin de disposer d’un véritable tableau financier ».
3.2 – Un outil de quantification et de rationalisation du fonctionnement
26Le deuxième groupe d’acteurs regroupe les personnels des services centraux de l’université. Pour ces acteurs l’outil de comptabilité de gestion doit autoriser une évaluation des performances individuelles et collectives. Ces acteurs centralisent leur réflexion sur le besoin d’améliorer leur vision « comptable » à la fois sur l’activité des membres de l’établissement et sur l’offre de formation de l’université. L’outil créé doit permettre de rationaliser le fonctionnement de l’université et donc d’optimiser l’allocation des ressources financières. Afin d’atteindre cet objectif, les membres de services centraux attendent la mise en œuvre d’un outil de gestion pouvant se matérialiser par un outil de gestion budgétaire : des budgets opérationnels. Ce type d’outil amènerait les acteurs à rationaliser l’allocation des moyens financiers.
27Plus précisément, pour les acteurs des services centraux, l’outil déployé doit tout d’abord permettre de caractériser plus finement l’activité des personnels de l’université. Par exemple, pour les enseignants-chercheurs, l’objectif serait de créer un outil qui quantifie leurs charges administratives et leurs activités de recherche. Plus globalement, ils mettent l’accent sur la mise en place d’indicateurs financiers permettant de mesurer et de suivre les coûts de la masse salariale ainsi que des indicateurs plus qualitatifs permettant de piloter la productivité des acteurs (par exemple l’absentéisme). Les acteurs de ce groupe insistent sur le fait que cette quantification ne doit pas exclure l’aspect qualitatif car : « La concurrence est de plus en plus importante entre les universités. La qualité de l’enseignement reçue est donc très importante en ce qui concerne l’attractivité des universités à la fois pour les enseignants et les étudiants » ; « La réforme introduit de fait une primauté de la qualité et de la performance ». Si elle est délicate, cette quantification est primordiale pour ces acteurs, notamment pour attribuer les primes comme le précise un des acteurs rencontré : « L’État impose une distribution de primes en fonction des résultats mais il y a un manque de cohérence pour une distribution cohérente ». Ensuite, pour l’offre de formations, les acteurs des services centraux évoquent l’importance de déterminer un coût par diplôme centralisé (coûts maquette). Les coûts des différents diplômes doivent permettre : « (…) d’amener une réflexion sur la notion de service public qui vient en contradiction avec la notion de profits dans le domaine privé » et « (…) de connaître de façon précise le coût d’une formation ou d’un diplôme afin de faciliter l’aide à la décision ».
3.3 – Un outil aux vertus pédagogiques
28Le troisième groupe rassemble des acteurs situés au niveau des composantes (les doyens d’UFR ou les directeurs d’écoles et instituts). Les membres de ce groupe imaginent un outil qui d’une part permettrait d’optimiser, au niveau local, le pilotage des activités de l’établissement et, d’autre part, faciliterait la communication entre le niveau central et les composantes. C’est au travers de ces deux besoins que se matérialise une vision pédagogique de l’outil de comptabilité de gestion. Il est en effet très important pour les composantes d’avoir un outil permettant de mesurer et de contrôler le coût des formations avec un objectif central : diffuser et communiquer les coûts obtenus au niveau de la Présidence. L’outil doit leur permettre de mesurer les coûts des formations tout en assurant une bonne circulation de l’information avec les services centraux et la présidence de l’université. Les attentes de ces directeurs seraient, pour partie, satisfaites avec l’implantation de tableaux de bord opérationnels.
29Plus précisément, pour ces acteurs, un outil de comptabilité de gestion doit permettre tout d’abord de mesurer et quantifier le coût des formations et des diplômes. Ces calculs de coûts doivent être réalisés pour toutes les formations (formation initiale mais également pour la formation par apprentissage ou la formation continue) et doivent permettre in fine de dégager un coût de formation par étudiant. Comme le précise un acteur interrogé : « Nous avons des besoins en termes de consommation de matières non stockables et de coûts de formation prenant en compte les frais de personnel et les frais généraux ». L’un des enjeux de ce besoin central pour les composantes est de quantifier les heures de travail des enseignants-chercheurs : « Il est difficile d’établir dans le budget le nombre d’heures effectuées par un professeur. Beaucoup de données sont à prendre en compte : le problème des grèves, le taux effectif, les congés… Il est difficile de gérer les informations au dernier moment ». La détermination du coût d’un enseignant est donc importante dans la perception des attentes de l’outil de comptabilité de gestion pour cette catégorie d’acteurs. Le second besoin relevé est celui de l’optimisation de la remontée d’information vers la Présidence de l’université qui renvoie au besoin d’amélioration des systèmes d’information déjà abordé par les acteurs élus du niveau central et les acteurs administratifs des composantes. Les directeurs de composantes mettent en avant : « (…) une difficulté actuelle de transmission de l’information due à la pluralité des départements et composantes ». Il apparaît en effet nécessaire de formaliser davantage les procédures de transmissions d’information en uniformisant les formats de reporting ou bien encore en normalisant le type de données attendues. Les directeurs de composantes soulignent en effet que « (…) les informations transmises par les différentes composantes peuvent être vraiment très différentes, il est difficile de les interpréter et surtout de les comparer car les modes de calcul ne sont jamais les mêmes ». L’optimisation de la remontée d’information doit donc comporter une phase d’harmonisation de la nature des données et une phase d’harmonisation des formats et supports utilisés.
3.4 – Un outil d’optimisation du contrôle financier
30Pour les acteurs issus de l’administration des composantes, les attentes d’un outil de comptabilité de gestion sont axées sur le suivi opérationnel des coûts. Un outil de comptabilité de gestion doit permettre de simplifier et d’optimiser la gestion financière de la composante. Il doit ainsi constituer une aide au suivi budgétaire afin d’avoir la vision la plus précise possible de la situation financière de la composante. L’outil doit finalement permettre à la fois une vérification et un suivi des informations financières. La mise en œuvre d’une comptabilité analytique, véritable outil de retraitement et d’analyse de l’information financière semble correspondre aux attentes exprimées au travers de la représentation des composantes et satisfaire la mission de reporting selon une vision opérationnelle qui lui est imputée.
31Plus précisément, ce pilotage nécessite d’abord la mise en œuvre d’un suivi budgétaire permettant de connaître la consommation des crédits à l’image du besoin exprimé par les acteurs élus du niveau central : « le suivi budgétaire doit nous permettre de connaître l’évolution de la consommation au fur et à mesure de l’exercice ». Ce groupe d’acteurs met alors en évidence une complexification du découpage des comptes qui ne permettent pas de suivre aisément la consommation des crédits. De plus, le suivi des coûts nécessite une connaissance des heures complémentaires et de leur utilisation sur une période définie. On retrouve ainsi le besoin de quantification des heures de travail exprimé par les acteurs des services centraux de l’université. L’objectif d’un outil de comptabilité de gestion pour cette catégorie d’acteur est donc de : « faciliter les procédures administratives des achats et de centraliser les besoins des instituts ».
32L’étude des attentes des principales parties prenantes met au jour des divergences de représentations sur le nouvel outil de contrôle de gestion et permet ainsi d’identifier quatre groupes d’acteurs possédant leur propre vision de l’instrumentation d’une comptabilité de gestion. La carte des représentations (schéma n°1) permet de présenter une synthèse des entretiens selon deux axes :
- La vision des acteurs : stratégique ou opérationnelle
- La finalité du contrôle : pilotage ou reporting
Représentations sociales d’un outil de comptabilité de gestion
Représentations sociales d’un outil de comptabilité de gestion
33Cette carte des représentations met en évidence la pluralité des outils envisageables pour le système de comptabilité analytique. Cette pluralité est traduite par des visions différentes (opérationnelle versus stratégique) mais également des besoins différents (reporting versus pilotage). La première implication de ce constat touche à la composition même du système de comptabilité analytique. Celui-ci devrait en effet être à même, à terme, d’intégrer chacun des outils issus et traduits des représentations des acteurs.
34Ces oppositions signalent les difficultés que pourrait rapidement rencontrer le déploiement d’un outil de comptabilité de gestion au sein de cette université. En effet, si l’étude des représentations sociales des acteurs sur le futur instrument de gestion permet de distinguer quatre outils différents, il semble alors délicat, voire utopique, de penser qu’un unique outil de comptabilité de gestion intégrera et donc répondra à l’ensemble de ces attentes.
4 – Discussion sur un outil perdu au milieu des dynamiques entre représentations
35Pour déterminer le rôle joué par les acteurs de l’organisation publique dans le processus d’émergence d’un outil de contrôle de gestion, cette recherche met en évidence deux apports. Le premier est lié aux représentations sociales et à la nécessité de mettre en œuvre un pilotage de ses représentations dès le processus de construction de l’outil. Le second met en évidence l’importance du rôle joué par une catégorie d’acteurs au sein de ces processus d’instrumentation : les élus.
4.1 – De l’importance des représentations sociales au sein du processus de construction de l’outil
36Face à la multiplicité des attentes placées dans l’outil, l’université est confrontée à un dilemme : comment construire un outil qui réponde, dans le même temps, à l’ensemble des représentations identifiées ? Deux possibilités peuvent alors être envisagées :
- Une évolution des représentations des acteurs conduisant à une transformation de leurs attentes. La poursuite du projet pourrait avoir comme objectif de trouver un socle commun qui rassemble la plus grande partie des acteurs de ce projet.
- La domination d’un des groupes d’acteurs entraînant l’imposition d’une représentation sociale, et donc d’un outil, au détriment des attentes exprimées par les autres acteurs.
37Ce choix révèle la volonté des acteurs décisionnels, les élus de l’équipe présidentielle, de mettre de côté le développement d’un outil de comptabilité de gestion au profit du développement de l’outil statistique. Cette attitude témoigne d’une non-gestion des représentations. Face à la difficulté de faire émerger une représentation sociale commune, cette catégorie d’acteur impose sa solution. Celle-ci génère de nombreuses frustrations pour les participants du projet qui voient dans ce comportement un renforcement d’un contrôle bureaucratique, mécaniste et centralisateur. Indirectement, cette analyse signale la nécessité pour l’organisation publique d’engager un pilotage actif des représentations des acteurs dès le processus de construction de l’outil de contrôle de gestion.
4.2 – Le rôle des élus dans l’organisation publique : un retour à un « Old Public Management » ?
38L’étude de la trajectoire de l’outil de comptabilité de gestion au sein de cette université amène à questionner plus particulièrement le rôle d’une catégorie d’acteurs : les élus des services centraux de l’université. Les élus ont joué un rôle prépondérant dans la rénovation de l’outil statistique et dans l’interruption du projet d’implantation d’une comptabilité de gestion. Ces analyses rejoignent ici les observations réalisées par Hood (2000) sur les paradoxes de la gestion publique. Pour cet auteur, les effets oratoires censés aider les gestionnaires à se libérer des bureaucraties procédurières et autocentrées finissent par entraîner une accumulation encore plus grande de procédures et de réglementations. En effet, l’abandon du projet de comptabilité de gestion au profit de l’outil statistique génère des conséquences attendues : une centralisation des informations et une bureaucratisation des relations entre les UFR, instituts, écoles et les services centraux.
39Ce cas met à jour les dangers entourant les relations entre les élus et les administratifs. Pour caractériser la subtilité des échanges entre administrateurs et politiciens, Hood (2000) parle de « transactions de service public ». Cette expression met en avant l’idée que la collaboration entre élus et gestionnaires (que celle-ci soit forcée ou non) aboutit à des accords déterminants sur les droits et les obligations de chacun. Or, même s’ils sont fixés dans un texte de loi, ces accords sont par natures instables. En effet, en raison d’intérêts divergents, de circonstances particulières, ils peuvent être remis en question, voire contournés. La notion de négociation (« Public service bargains ») met en évidence l’instabilité de la relation et la concurrence entre les deux fonctions. Dans le cas étudié, les élus ne cherchent pas à obtenir un consensus sur le déploiement d’un outil qui pourrait satisfaire le plus grand nombre des membres du groupe de travail. Ils entrent en concurrence avec le groupe et décident de développer un outil qui ne correspond pas aux souhaits de ses membres. La « négociation » avec les membres du groupe est interrompue, le projet mis de côté. Au final, nous retrouvons les conséquences attendues d’un retour au Old Public Management : un renforcement des travers de la bureaucratisation qui pourrait, à terme, scléroser le fonctionnement de l’organisation.
40En synthèse, si l’outil de comptabilité de gestion devait participer à la décentralisation des pouvoirs, à la responsabilisation des acteurs et à l’autonomie de la structure vis-à-vis des tutelles, les décisions prises par les acteurs de cette université semblent révélatrices de la persistance d’un « Old Public Management ».
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Notes
-
[22]
Cet article a fait l’objet d’une communication au congrès de l’Association Francophone de Comptabilité, en 2011, intitulée « L’instrumentation des activités publiques. Le cas d’une université »
-
[23]
Benjamin Dreveton, Maître de conférences, IAE de Poitiers, Université de Poitiers, CEREGE, bdreveton@iae.univ-poitiers.fr
-
[24]
Evelyne Lande, Professeur des Universités, IAE de Poitiers, Université de Poitiers, CEREGE, elande@iae.univ-poitiers.fr
-
[25]
Marine Portal, Maître de Conférences, IAE de Poitiers, Université de Poitiers, CEREGE, mportal@iae.univ-poitiers.fr
-
[26]
La LOLF (Loi Organique Relative aux Lois de Finances) de 2001 détermine le cadre juridique des lois de finances. Ses objectifs sont les suivants : mieux décider des crédits affectés à chaque politique (en présentant un budget par politique publique désormais appelées mission) ; la recherche de performance (l’action de l’État est suivie et évaluée, grâce à des indicateurs concrets et un rapport annuel de performance) ; l’apport de plus de clarté et de transparence au débat parlementaire et enfin une meilleure responsabilisation des gestionnaires publics.
-
[27]
La RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) a été lancée en 2007 pour déployer un programme de modernisation de l’État.
-
[28]
Découpage de l’offre de formation en 3 niveaux : Licence, Master et Doctorat ; contre 5 niveaux préalablement : DEUG, Licence, Maîtrise, DEA ou DESS et Doctorat
-
[29]
Les RCE (Responsabilités et Compétences Élargies) sont le volet le plus important de la loi LRU de 2007 en matière financière et de ressources humaines.
-
[30]
« L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, 35 indicateurs », n°3, décembre 2009
-
[31]
Au 1er janvier 2010, 51 universités sont passées aux RCE et 73 universités au 1er janvier 2011, soit 90% du total des établissements.
-
[32]
La certification des comptes a été rendue obligatoire depuis le passage aux responsabilités et compétences élargies.
-
[33]
Unité de Formation et de Recherche
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[34]
« Audit fonction Formation », IGAENR, 2011