Notes
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[1]
Isabelle Barth, EM Strasbourg, HuManiS (Humans and Management in Society, EA1347), isabelle.barth@free.fr
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[2]
Isabelle Géniaux, IAE de Lyon, ISEOR, geniaux@iseor.com
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[3]
Par exemple : article du Nouvel Observateur n° 2259 du 21/02/08 : « Les littéraires sont les bienvenus »
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[4]
« Les élites, gardes du cœur », Le Nouvel Economiste n°1499, Jeudi 26 Novembre 2009
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[5]
Ce questionnaire a été élaboré avec Catherine Laizé, professeur à Negocia-Advancia à partir de ses travaux sur les compétences sociales et relationnelles. Qu’elle en soit ici remerciée.
1Les futurs managers sont actuellement formés en école de management et à l’Université et passent encore, pour la grande majorité, par des filières spécialisées en gestion et management. Des expériences d’autres cursus menant à ces métiers, sont périodiquement mises en avant mais restent finalement très confidentielles [3].
2On constate que les enseignements prodigués restent essentiellement centrés sur les savoirs et les savoir faire [4] dans une exigence d’efficacité et un contexte d’allocation de ressource restreinte (les maquettes horaires des cursus diplômants sont périodiquement allégées).
3Or, l’environnement actuel de l’activité managériale a profondément évolué ces dernières années et les compétences requises pour les maîtriser sont maintenant d’une autre nature. Les recruteurs professionnels et autres DRH admettent régulièrement que les critères de choix dépassent largement le champ strict des compétences techniques. Le savoir être prend une place d’autant plus grande que le poste est lié à des fonctions (ou futures fonctions) de management et d’encadrement d’équipes.
4Ainsi, un certain nombre d’études (Sharma, 2009) révèlent l’importance des soft skills pour accéder à un emploi, assumer un poste avec succès et pour l’évolution de carrière, alors que ces compétences sont peu développées dans les cursus de formation. Ces compétences s’avèrent fondamentales notamment pour transformer les problèmes en opportunités. Faute d’offres dans les formations diplômantes, on peut observer qu’un nombre croissant d’entreprises est amené à proposer des formations courtes à leurs managers pour les accompagner dans l’acquisition et la mise à jour de ce type de compétences relationnelles et comportementales.
5On peut alors légitimement se poser la question de la formation initiale : comment les cursus d’enseignement supérieur préparent-ils les managers de demain à leurs fonctions sur ces aspects relationnels ? Avec quels moyens, quelles méthodes les aident-ils à prendre conscience de ces compétences non-codifiées, maintenant fréquemment nommées soft skills (Muir, 2004 ; Goleman & co, 2005 ; Mamidenna, 2009 ; Sharma, 2009) ? à les développer et à les maîtriser ? Nous faisons l’hypothèse que les pédagogies classiques (enseignements de la théorie pour aller de façon déductive vers l’exemple et l’application ; processus didactique « descendant », de l’enseignant - le « sachant » - vers les apprenants ; supports pédagogiques limités aux ouvrages, manuels, polycopiés ou autres présentations power point…) marquent maintenant leurs limites. Nous pouvons observer, dans les entreprises, de nombreuses innovations pédagogiques comme le recours au théâtre, à la mise en situation, à l’œuvre d’art (Barth et Maruani, 2006)… qui confortent l’idée, qu’au-delà de la séduction de la nouveauté (qui n’est pas à sous estimer en matière de pédagogie), ces méthodes proposent un apport véritable.
6Il est évident, que, dans l’enseignement supérieur, des efforts sont faits pour proposer des pédagogies innovantes : c’est ainsi que certains cursus mobilisent les jeux de simulation de gestion. Le développement de ces outils reste néanmoins limité, Hourst et Thiagarajan (2004) avancent plusieurs facteurs explicatifs de la désaffectation pour ces outils de la part du système éducatif : tout d’abord, le recours aux jeux de simulation de gestion donne l’impression de ne pas être sérieux en utilisant des jeux ; le second facteur renvoie à la peur de l’enseignant de perdre le contrôle de sa classe (en effet, les simulations se font par groupes et impliquent forcément des échanges parfois virulents, donc du bruit) ; enfin, les jeux de simulation de gestion, contrairement aux autres jeux présentés par les auteurs exigent du matériel informatique, une organisation particulière ainsi que des locaux adaptés.
7Pourtant, le jeu de simulation offre une grande richesse pédagogique. Au-delà de l’objectif classique d’acquisition de connaissances diverses, il permet aux participants d’appréhender l’approche systémique, et par la mise en situation, de faire l’apprentissage de la prise en décision en groupe, en temps limité et en situation d’information imparfaite et de concurrence. Nous faisons donc l’hypothèse que le jeu de simulation contribue à la prise de conscience et à l’amélioration des soft skills des participants.
8Après une présentation des jeux de simulation (1), nous définirons le cadre d’apprentissage que nous suggère la littérature en confrontation avec une pratique régulière de cette pédagogie (2), pour ensuite présenter les résultats d’une étude faite en situation et ayant mobilisé (en deux vagues) 150 étudiants de Master 2 en gestion.
1 – Les jeux de simulation de gestion : principes et pratiques
1.1 – Description des jeux de simulation
1.1.1 – Les principes
9L’objet des jeux de simulation de gestion est de confier la gestion d’une entreprise à des équipes de participants. Chaque équipe doit prendre en charge les différentes fonctions de l’entreprise et prendre des décisions dans ces domaines sur une certaine durée (2 ou 3 jours au minimum). Les informations à assimiler sont très nombreuses et impliquent forcément la prise en charge par une équipe (impossible pour une seule personne), donc un travail de groupe. Les décisions se prennent en temps limité avec la possibilité d’accélérer le rythme pour encourager, par exemple, la mise en place d’outils d’aide à la décision par les participants.
10Les jeux de simulation de gestion sont donc des outils informatiques qui permettent de saisir les décisions des équipes de participants puis de simuler ces décisions grâce à un logiciel et d’obtenir des résultats suite aux décisions prises. La mise en concurrence des équipes oblige à une prise de décision en situation d’incertitude, d’autant plus que les décisions d’une équipe sont souvent contre carrées par les décisions des autres équipes. Plus les équipes sont nombreuses, plus le jeu est dynamique et stimulant. L’évaluation se fait sur le résultat final, l’équipe qui gagne est celle qui obtient la meilleure situation nette, la plus forte part de marché, ou encore la rentabilité la plus élevée… les critères d’évaluation sont précisés aux participants, au début du jeu. Cette évaluation est souvent complétée par un dossier d’analyse du jeu, mais on peut également introduire un challenge communication ou toute autre présentation, comme un bilan de gestion devant l’assemblée des actionnaires, en fonction de l’objectif recherché. Les jeux offrent des horizons variés, on peut jouer à la semaine, au mois, au trimestre, au semestre. Cet aspect constitue d’ailleurs une limite car, si par exemple, on choisit de jouer au semestre cela signifie que les résultats sont obtenus au bout de six mois avec impossibilité d’intervenir entre temps. Dans la réalité, on peut faire l’hypothèse (pas toujours vérifiée !) que les dirigeants n’attendraient pas six mois pour modifier une décision si cette dernière ne donnait pas les résultats attendus. Il existe d’autres limites qui relèvent essentiellement de l’aspect simplificateur, réducteur de la réalité de tout programme informatique, aussi sophistiqué soit-il. La réserve que nous pouvons émettre d’ores et déjà, reste la quasi absence (ou la présence très discrète), de la variable sociale. On la retrouve de façon assez erratique comme avec le déclenchement d’une grève, la variation de l’absentéisme ou du turn over, mais il faut admettre (et bien l’expliquer aux étudiants) que la simulation reste très éloignée de la réalité de ce point de vue.
11Les animateurs paramètrent le jeu en fonction du nombre d’équipes et du niveau de difficulté souhaité.
1.1.2 – Les différents types de jeux de simulation de gestion
12Il existe à l’heure actuelle un grand nombre de jeux de simulation de gestion qui permet de choisir le plus adapté en termes d’objectifs pédagogiques et du type de connaissances à acquérir. La plupart des jeux ont une dimension plus développée que les autres, par exemple stratégique, commerciale, ressources humaines, production, financière. Il est évident que cela aura une incidence sur le niveau des participants ainsi que sur les pré-requis exigés.
13En fait, il y a trois types de jeux de simulation, des jeux d’initiation qui permettent de découvrir une matière comme la gestion pour de futurs créateurs d’entreprise, des jeux de niveau intermédiaire qui visent essentiellement la mise en application de connaissances théoriques et enfin des jeux de perfectionnement qui permettent aux participants d’approfondir certaines notions (voir encadré 1).
Encadré n°1 : Les différents types de jeux
- Les jeux d’initiation sont destinés à faire découvrir la gestion à un public non averti. Ils peuvent servir par exemple dans le cadre d’une création d’entreprise à faire prendre conscience au futur créateur du caractère multidimensionnel de la gestion d’une entreprise et lui permettre d’appréhender les bases de la comptabilité. Ils peuvent également être utilisés pour faire une remise à niveau pour certains apprenants, effectuer une révision des concepts de base afin de vérifier qu’ils sont maîtrisés (Pinokio, Arkenciel).
- Les jeux d’approfondissement sont souvent utilisés en module de synthèse en fin d’année pour favoriser la mise en application de concepts théoriques abordés pendant la formation. Ils sont très intéressants dans le cadre de formation initiale car ils permettent aux étudiants de tester, valider les approches théoriques présentés par les enseignants (Kalypso).
- Les jeux de perfectionnement sont destinés à approfondir une dimension particulière, ils nécessitent un niveau de connaissances relativement développé, comme la comptabilité consolidée qui exige des connaissances poussées en comptabilité. Ils permettent également de traiter la dimension stratégique que les étudiants ont rarement l’occasion de mettre en œuvre, donc les jeux sont un bon moyen de tester la validité des notions théoriques. Une application satisfaisante augmente alors le capital confiance des participants pour aborder l’insertion professionnelle (Arkelles).
14Le dénominateur commun des jeux de simulation est la dimension financière qui oblige les participants à analyser et interpréter un bilan ainsi qu’un compte de résultat. Ceci permet une prise de conscience de l’importance de cette dimension et de son omniprésence dans l’entreprise, la plupart des choix vont être conditionnés par les ressources disponibles, notamment financières. Les étudiants vont également pouvoir identifier la contribution d’une activité ou d’une fonction à la création de valeur.
15Les jeux permettent de faire travailler les étudiants en groupe. Les animateurs pourront observer l’attitude respective de chacun des étudiants au sein du groupe et d’identifier d’éventuelles difficultés d’intégration ou de coopération (capacité à travailler en groupe) lors d’un stage ou d’un contrat d’alternance ultérieur.
1.1.3 – L’organisation des jeux de simulation de gestion
16L’objectif est de mettre des participants en situation de gestion d’entreprise. L’organisation type d’un jeu est alors la suivante : la première demi-journée est consacrée à la présentation du jeu, la constitution des groupes et la communication des informations. Les animateurs fournissent des compléments et des explications à la demande des participants. Il est intéressant de souligner que l’on peut réunir des participants de formations différentes, ceci accroît, à la fois, la richesse du travail de groupe et sa difficulté de faire travailler ensemble des participants avec des connaissances variées et des modes de fonctionnement différents. Ensuite, les groupes doivent analyser et interpréter les informations afin de prendre les décisions. Cette phase exige lecture, concentration mais aussi écoute, argumentation et parfois négociation au sein du groupe entre des personnes qui ne se connaissent pas toujours et qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble. Les informations étant extrêmement nombreuses, elles ne peuvent être assimilées par une seule personne. Cela suppose souvent une spécialisation des participants par domaine et donc de faire confiance aux autres membres de l’équipe pour prendre en charge une autre dimension. L’objet de la séance est de déboucher sur un consensus qui permet de prendre un ensemble de décisions cohérentes malgré le contexte d’incertitude et d’information imparfaite. La décision collective oblige des décideurs individuels à coopérer (Féron, 2001).
17Le rôle des animateurs est multiple, ils peuvent adopter la casquette de banquier pour l’octroi de prêts, autorisation de découvert, de consultant marketing et fournir des études (Arkenciel), d’organisme de propriété industrielle pour enregistrer une marque un logo et des noms de produits (Kalypso), de fournisseur d’équipement, de matériel et de matières premières, et également d’expert comptable pour remettre les documents comptables ainsi que des explications aux participants. Eux-mêmes peuvent se spécialiser en fonction de leur domaine d’expertise.
18En fin de matinée, ou de journée pour les jeux les plus complexes, les décisions sont rendues aux animateurs qui vont les saisir sur le logiciel, et effectuer la simulation grâce au programme informatique. La dernière étape est l’édition des résultats par entreprise qui sont ensuite remis aux participants par équipe pour analyse et prise de la décision suivante. Et ainsi de suite jusqu’à la fin du jeu, en sachant que l’on peut accélérer le rythme au fur et à mesure de l’avancée du jeu. Un autre objectif est d’amener les participants à mettre en place des outils d’aide à la décision leur permettant d’effectuer des calculs voire des simulations afin de prendre plus rapidement les décisions suivantes.
19Nous faisons donc l’hypothèse que ce contexte très riche permet la mobilisation de connaissances, l’appréhension de la dimension systémique, l’apprentissage expérientiel ainsi que la prise de conscience de l’importance voire le développement de soft skills. Nous avons donc mis en place une étude expérimentale lors de deux sessions de jeu de simulation comme nous le présentons dans la section suivante.
1.2 – Cas d’expérimentation
1.2.1 – Contexte de l’étude
20L’étude porte sur 192 étudiants de Masters 2, se répartissant en deux vagues, c’est-à-dire que nous avons eu l’occasion d’animer deux sessions avec la même configuration : animer environ 90 étudiants issus de quatre Masters Universitaires différents autour du jeu Arkhelles.
21La répartition des étudiants est la suivante :
2252 étudiants du Master de Langues Appliquées, spécialité Commerce International (CILA par la suite) de l’Université Lyon 2 qui forme de futurs cadres capables de communiquer dans 3 langues dans le domaine du commerce international. Les étudiants effectuent un stage de longue durée en fin de formation (Avril-Septembre).
2346 étudiants du Master Marketing et Commerce, spécialité Direction Commerciale (Dirco par la suite) de l’IAE de Lyon qui forme des étudiants à la maîtrise des différents aspects humains et techniques de la fonction de la direction commerciale. Les étudiants effectuent leur stage de 6 mois en fin de formation (Avril-Septembre).
2449 étudiants du Master Management socio-économique, spécialité Vente et management commercial (Vente par la suite) de l’IAE de Lyon, dont l’objectif est de former des étudiants à de futures fonctions commerciales à forte valeur ajoutée. Cette formation s’effectue en alternance salariée, en apprentissage avec des périodes à l’université (une semaine) et en entreprise (2 semaines).
2545 étudiants du master Promotion et Aménagement Touristique (Tourisme par la suite) destinés à devenir des professionnels du secteur du tourisme au sein de structures privées (tour operator, agences de voyage) ou publiques (Comités de Tourisme, Région…). Le stage, d’une durée de 5 à 6 mois, se fait en fin de formation (Avril-Septembre).
26Chaque session se répartit sur 5 jours et les équipes sont obligatoirement constituées d’étudiants de chacun des diplômes, ce qui implique :
- qu’ils ne se connaissent pas,
- des histoires, des formations et des projets très différents,
- ils ne se reverront pas,
- leur sort est lié pendant 5 jours car les notes sont exclusivement des notes de groupe, sans aucune individualisation.
Encadré 2 : Présentation du jeu de simulation
Le jeu se déroule sur un « plateau » permettant d’avoir tous les participants réunis en un même lieu. Les équipes sont constituées de six participants ne se connaissant pas. Les équipes doivent prendre une décision par demi-journée, excepté le premier jour, une seule, du fait du temps nécessaire au recueil et à l’assimilation des informations. Les équipes remettent leurs décisions en fin de matinée ce qui permet aux animateurs d’effectuer la saisie, la simulation et l’édition des résultats entre midi et deux. Les résultats sont ensuite remis aux équipes pour analyse et prise de la décision suivante, remise en fin d’après-midi.
Plusieurs mini-séminaires sont assurés sur : le calcul des coûts, le seuil de rentabilité et le suivi de trésorerie en environnement international (transfert de compte à compte, change). Les équipes disposent d’une grande liberté d’organisation, les animateurs étant à leur disposition pour donner des informations ou des explications. Le jeu se termine par une présentation orale devant l’ensemble des participants de la stratégie adoptée, des résultats obtenus ainsi que des erreurs éventuellement commises. Les participants remettent également un rapport d’analyse une semaine après la fin du jeu afin de leur permettre de prendre du recul par rapport à leurs décisions.
1.2.2 – Présentation de l’étude
27Nous avons distribué un questionnaire à chaque étudiant, en expliquant au cours d’une réunion de présentation que nous voulions évaluer les impacts des jeux sur un certain nombre de compétences, en expliquant ce qu’était les soft skills, et en stipulant leur enjeu pour de futurs managers.
28Chaque étudiant devait obligatoirement coter chacune des compétences de 1 à 4 (voir encadré de présentation) et il leur a été laissé une demi-heure, avec des réponses aux questions qui se posaient pour faire l’exercice.
29Il leur a été expliqué qu’on leur demanderait de faire la cotation à la fin du jeu soit 4 jours après, que la remise était anonyme (on ne demandait que le sexe et l’appartenance au diplôme), et surtout que c’était un travail volontaire. Nous avons promis un debriefing individuel à ceux qui le demanderaient.
30Au bout de la semaine, 106 questionnaires exploitables, c’est-à-dire complètement remplis, ont été retournés, mais aucun debriefing n’a été demandé (on peut envisager à terme de rendre ce debriefing obligatoire).
Répartition des questionnaires exploités
Répartition des questionnaires exploités
31La surreprésentation féminine dans les réponses est due à une population mère très féminine (environ 80 %) en CILA et Tourisme. Par contre, on peut noter en Dirco un bien meilleur score des étudiants, car les effectifs étaient paritaires. Au contraire, en Vente, l’engagement des étudiantes est plus important puisqu’elles représentaient à peine un tiers des effectifs.
Encadré n°3 : présentation du questionnaire [5]
- soft skill 1: la capacité à se connaître (5 items) : S’auto-évaluer, déterminer et choisir ses axes de progrès, identifier ses objectifs professionnels, faire le point sur sa motivation, faire preuve de réalisme.
- soft skill 2: la capacité à appréhender l’environnement et à s’adapter (9 items) : Identifier les sources d’informations, hiérarchiser l’information, valider l’information recueillie, l’exploiter, s’intéresser à l’environnement, s’intégrer au contexte, s’adapter à des changements de situation, exercer des missions dans des domaines divers, gérer l’incertitude.
- soft skill 3: la capacité à communiquer (10 items répartis en 3 capacités) :
Capacité à transmettre un message (structurer, convaincre, influencer), à recevoir un message (écouter, comprendre), à créer l’échange (« sentir » l’échange, établir le contact, manifester de la disponibilité, entretenir des relations positives, s’adapter à la différence). - soft skill 4: la capacité à s’exprimer (12 items répartis en 2 capacités) : Prendre la parole en public (gérer son temps, faire vivre ses propos, utiliser le non verbal…) et capacité à rédiger (synthétiser, mettre en forme, adapter ses écrits…).
- soft skill 5: la capacité à gérer son temps et ses activités (5 items) : Déterminer ses priorités, structurer son temps, respecter ses engagements, organiser ses activités.
- soft skill 6: la capacité à entreprendre (10 items) : Initier un projet et le mener à terme, anticiper, savoir faire preuve d’initiatives, développer la créativité, gérer son stress …
- 7 soft skill: la capacité à agir efficacement au sein d’une équipe (9 items en 2 capacités) :
32Trouver sa place dans le groupe (s’intégrer, communiquer…), s’impliquer dans les activités du groupe (adhérer, coopérer, tenir la distance, respecter les engagements…).
33La cotation se fait de 1 à 4, selon les modalités suivantes.
34Les étudiants étaient donc amenés à coter l’ensemble de ces items, une première fois le lundi (début de jeu), une seconde le vendredi (fin de jeu). Des commentaires libres étaient possibles. Il faut souligner que l’ensemble de cette étude s’inscrit dans une démarche d’observations participantes en tant qu’animatrices de nombreuses sessions pédagogiques, ce qui nous autorise à émettre un avis d’expert sur les données recueillies empiriquement.
35Nous présentons dans la seconde partie les résultats de cette étude.
2 – Le rôle des jeux de simulation dans les apprentissages de savoir, de savoir faire et de savoir être
36L’exploitation des données de cette étude, comme l’observation participante que nous avons menées en tant qu’animatrices de ces deux sessions nous permet de mettre au jour deux catégories de résultats : les jeux de simulations favorisent les apprentissages des savoir et savoir faire dans le domaine de la gestion, et ils permettent aussi la prise de conscience et l’amélioration de compétences sociales et relationnelles, telles que décrites dans l’encadré n°3.
2.1 – Les jeux de simulation comme vecteur de compétences
2.1.1 – Des conditions d’apprentissage favorables
37Introduire des jeux dans un apprentissage ou une formation présente de multiples avantages. Tout d’abord les apprenants ont un état d’esprit détendu et positif qui est favorable à l’apprentissage notamment de concepts ou notions difficiles. On peut ainsi observer que les jeux de simulation en gestion :
- réduisent l’anxiété que peut provoquer l’apprentissage, les erreurs étant considérées comme une phase du jeu plutôt que comme des fautes sanctionnées,
- favorisent la participation active des participants par rapport à un mode pédagogique plus classique,
- facilitent la mise en pratique des connaissances acquises avec un feed-back immédiat ce qui est important pour vérifier la bonne compréhension de ce qui a été appris,
- développent naturellement les interactions entre les participants,
- permettent de comprendre l’enjeu d’une bonne cohésion au sein du groupe.
« Au niveau de l’échange des connaissances, c’est moins évident car chacun apporte ses compétences pour faire avancer le jeu mais sans forcément transmettre aux autres » Vente F.
«Ce jeu a permis de mélanger nos différentes compétences et ainsi d’apprendre beaucoup dans la complémentarité, expérience très bénéfique », Dirco F.
« Très bonne entente dans le groupe, ce qui améliore nettement la facilité pour s’intégrer et prendre du plaisir au travail » CILA H.
« Une façon d’apprendre, mais autrement… » Tourisme H.
2.1.2 – Mobilisation des savoirs et savoir faire en gestion
42Les jeux de simulation de gestion sont un moyen intéressant d’acquisition et de mobilisation de connaissances. En effet, c’est un moyen ludique qui permet parfois d’aborder des sujets difficiles de manière différente. Nous pouvons ainsi évoquer la comptabilité consolidée pour des commerciaux qui ne sont pas des spécialistes financiers.
43A titre d’exemple, certains jeux exigent d’opter pour une stratégie. Ce domaine est particulièrement intéressant car peu de participants, hors formation continue, sont concernés par les questions stratégiques en situation professionnelle. En effet, les étudiants n’ont pas l’occasion de mobiliser ce type de connaissances lors de stage ou de périodes d’alternance. Bien entendu ce domaine impose une vision à « long terme », (au moins la durée du jeu) et suppose donc une capacité d’anticipation et de continuité (les jeux pénalisent les stratégies au coup par coup). Le jeu est donc le seul outil qui permet aux étudiants de mobiliser leurs connaissances théoriques dans le domaine stratégique. La méthode des cas qui est également utilisée dans l’enseignement de la stratégie permet de mobiliser les concepts mais sans pouvoir mesurer les résultats concrets de ces choix. Il est intéressant de souligner que l’on peut également utiliser les jeux dans le cadre de démarche de création d’entreprise (Arkenciel).
44Les jeux vont conduire à une analyse interactive et collective des pratiques, induisant un partage de représentations individuelles sur le travail, la mise à jour de connaissances acquises dans l’action ainsi que l’élaboration d’une pensée collective nouvelle (Wittorski, 1997). Le « bon » fonctionnement du groupe est indispensable à l’émergence de compétences collectives ou la production de schémas coopératifs de résolution de problèmes. L’expérience nous prouve que lorsqu’il y a des désaccords ou des tensions au sein d’un groupe cela conduit à des décisions incohérentes et donc à de « mauvais » résultats pour l’équipe.
« Avec ce jeu, on s’aperçoit que parfois, les acquis que l’on pensait avoir, sont en fait d’un autre ordre, cela peut être en bien ou en mal… » Vente H.
« Certaines compétences ont été mises à rude épreuve » Vente H.
« Ce jeu d‘entreprise nous a permis d’appliquer nos connaissances en démarche qualité et tourisme, ce qui m’a plu » Tourisme H.
« Cela nous permet de nous impliquer dans un cas de gestion concret, très intéressant » Vente H.
2.1.3 – L’appréhension de la dimension systémique
49Cette dimension systémique est double, voire triple dans la mesure où les participants vont découvrir les interactions et l’interdépendance qui existe, tout d’abord entre les personnes qui constituent le groupe. Dès 1977, Crozier et Friedberg présentaient, le jeu comme l’instrument que les hommes ont élaboré pour régler leur coopération. C’est l’instrument essentiel de l’action organisée. Le jeu concilie liberté et contraintes. Le joueur reste libre, mais doit s’il veut gagner, adopter une stratégie rationnelle en fonction de la nature du jeu et respecter les règles de celui-ci (p 97). Le travail en groupe conduit à la compétence collective c’est-à-dire qui concerne la mise en œuvre d’activités qui ne peuvent s’exercer et donner ses résultats que par le concours coordonné de plusieurs acteurs. Cela suppose et exige une unité de compréhension et d’action (Néré, 2005) puis de coopération (Le Boterf, 2001).
50La seconde dimension systémique à laquelle les participants vont être confrontés est celle de l’entreprise. Effectivement, l’entreprise peut être appréhendée comme un système dans la mesure où il existe de nombreuses interactions entre les principales dimensions de l’entreprise qui vont obliger les participants à travailler ensemble et sur l’ensemble des variables. Effectivement, il n’est pas possible de traiter une première dimension ou variable dans un premier temps puis une seconde, une fois la première maîtrisée. Dans le même ordre d’idée, la gestion de la firme couvre toutes les fonctions qu’il faut aborder de front et non l’une indépendamment de l’autre. Il faut veiller à la cohérence d’ensemble. Les participants doivent identifier les leviers pertinents en fonction de la stratégie retenue et trouver la solution « optimale ».
51Enfin, la dimension systémique va également se faire sentir au sein de l’univers dans lequel les entreprises évoluent. Effectivement, les équipes sont en concurrence entre elles et donc les décisions prises par une entreprise vont se heurter aux décisions des autres équipes. Bien entendu, il n’y a pas qu’une seule stratégie de succès, de plus le succès d’une stratégie va dépendre en grande partie de la stratégie que les autres équipes vont adopter. En effet, les résultats seront très différents si une majorité d’équipes au sein de l’univers adopte la même stratégie. Si une entreprise est seule à adopter une stratégie, bien sûr cohérente et pertinente, les effets en seront démultipliés. C’est d’ailleurs un des aspects importants découverts par les étudiants, ils ont le sentiment de faire ce qu’il faut et malgré tout, ils n’obtiennent pas les résultats attendus. Ils ont du mal à accepter que les autres équipes aient pu prendre de « meilleures » décisions que les leurs, donc que ce qu’ils décident est comparé à ce que les autres ont décidé. Ensuite, plus le jeu avance, plus les écarts se creusent, les participants acceptent mal de ne plus pouvoir faire comme les « meilleurs ». Effectivement, certaines stratégies ne sont plus accessibles à des équipes en raison de leurs situations, il y a des stratégies « de riches », qui sont réservées aux entreprises qui ont dégagé des bénéfices importants et qu’une entreprise qui aurait fait des pertes ne pourrait plus adopter. Se pose aussi la question du seuil de rentabilité, les équipes en fonction des choix précédents se trouvent dans des situations qui ne sont plus comparables par exemple en terme de structure de coûts. Elles ne peuvent donc pas baisser les prix autant qu’elles le souhaiteraient sans prendre le risque de vendre à perte.
52Les jeux, comme nous l’avons dit précédemment, favorisent une certaine continuité dans les choix stratégiques qui accroît les écarts dans le temps. Cela permet aussi aux participants de prendre conscience du caractère irréversible et cumulatif des décisions stratégiques mais également de la difficulté à inverser une tendance.
53L’approche systémique est particulièrement adaptée pour gérer l’incertitude et la complexité. Elle se présente comme une approche de réflexion et d’action ainsi que d’aide à la décision. Elle se veut une approche globale qui prend en compte les différents éléments, les interactions existant entre eux et avec l’environnement, mais également la contribution des différents éléments à l’objectif, la finalité du système. L’approche systémique est particulièrement riche car elle permet par l’analyse du passé, la compréhension du présent pour la projection dans le futur. Elle permet également de passer d’une causalité linéaire à une causalité circulaire (Yatchinosky, 1999).
« On ne choisit pas forcément ses collaborateurs en entreprise, et on retrouve cet inconvénient au cours d’un jeu comme celui-ci » Vente H.
« Cette différence d’état d’esprit a été la cause de nombreux problèmes de communication notamment à l’intérieur de notre groupe » Tourisme H.
« On ressent bien que les objectifs de chacun sont différents, ce qui peut générer le sentiment de compétitivité entre certaines personnes, ce qui est dommage ! » Tourisme F.
« Je regrette l’esprit de compétition qui a régné pendant ces 5 jours, pour moi, le but d’un jeu n’est pas de battre les autres ou de faire premier par tous les moyens » Tourisme F.
« Problèmes de communication, d’échanges, de coopération entre des promotions ayant des motivations différentes » Tourisme F.
« Le fait de travailler avec d’autres diplômes permet de développer sa capacité d’intégration et faire face à des cultures différentes » Vente H.
60L’apport suivant est l’apprentissage par l’expérience qui va conduire au développement de compétences, notamment managériales.
2.1.4 – L’apprentissage « expérientiel »
61Classiquement l’apprentissage vise l’acquisition de connaissances mais l’on peut également apprendre dans l’action, par l’apprentissage sur le tas et également quand il y a concordance entre l’intention et le résultat (Krupka, 2002). Le cycle d’apprentissage de Kolb et Fry (1975) révèle quatre phases dans le processus : Faire – Réfléchir – Conceptualiser – Décider – (re)Faire. Dans le cadre des jeux, nous allons retrouver ce cycle puisque les participants sont amenés à prendre plusieurs décisions. L’expérience, représente un potentiel pour apprendre mais il ne suffit pas de faire pour apprendre, cela suppose des connaissances acquises par un travail intellectuel, une mise en pratique mais également une réflexion, à la fois sur l’action et sur les résultats de ces actions (Karolewicz, 1998). La réflexivité se présentant comme la troisième dimension de la compétence, elle suppose distanciation et conceptualisation de l’action (Kerjean, 2006).
62Le Boterf (2001) souligne que l’expérience est une dimension importante de l’apprentissage. Le professionnel est celui qui non seulement est capable d’agir avec pertinence dans une situation particulière mais qui comprend également pourquoi et comment il agit. Cela suppose une double compréhension, de la situation et de sa manière d’agir. Comprendre une situation, c’est en construire une représentation qui permet de passer d’une situation indéterminée ou floue à une situation problématique (problem sitting) pour pouvoir envisager des stratégies de résolution de problèmes (problem solving). Cette étape permet aussi bien la simulation et l’anticipation, de remonter des effets aux causes ou d’examiner les effets possibles d’action hypothétiques (p85).
63Kerjean (2006) après avoir rappelé qu’il existe deux voies principales d’apprentissage, la transmission des savoirs à travers les livres et les enseignements, et la construction des savoirs par l’apprenant, à travers l’expérience, cite les objectifs de l’Expérentiel révélés par Bank (1985) :
- le développement personnel grâce à une meilleure connaissance de soi,
- un antidote ou remède au stress par externalisation,
- une expérience de construction d’équipe,
- un changement d’attitude dans l’estime de soi et des autres,
- le développement du leadership,
- la communication au sein du groupe,
- la capacité à assumer les incertitudes et accepter le changement.
64Au niveau des apprentissages individuels, le processus s’apparente à la construction de la compétence (Wittorski, 1998). Le participant va avoir une perception sélective des informations collectées liée à sa formation, sa culture, son expérience. Cette interprétation va lui permettre de traduire ces informations en problème ce qui suppose assimilation et adaptation des savoirs à la situation. L’objectif principal est de développer sa capacité à mobiliser ses connaissances à bon escient et donc d’acquérir une compétence. De plus, cette compétence va revêtir une dimension collective puisque les décisions devront être prises en groupe ce qui suppose écoute, échanges mais également confiance et réciprocité (Divry & al, 1998). Enfin, le groupe va devoir prendre des décisions (cristallisation) et donc figer des choix ce qui diminue les espaces d’incertitude et le champ des possibles.
65Les participants doivent prendre des décisions en situation complexe -nombreuses informations de nature très différente, information imparfaite, prise de décision collective (une seule décision pour le groupe) - à laquelle ils ne sont pas habitués et cela provoque forcément du stress. Le fait que cela soit un jeu et que l’équipe ne doive pas supporter réellement les conséquences comme d’éventuelles pertes financières, est important. Les participants peuvent donc prendre des risques sans assumer les conséquences de « mauvaises » décisions. Comme nous l’avons souligné précédemment, l’erreur est considérée comme une étape dans le jeu. Ils ont donc plusieurs essais possibles pour identifier les leviers d’action. Dans ce contexte, le facilitateur ou l’animateur joue un rôle important dans l’apprentissage de l’apprenant car il peut le guider mais également, par ses explications, enrichir la réflexion quant à la compréhension de la situation et les actions correctives à entreprendre.
« Ce jeu m’a permis de voir ma capacité à travailler en groupe et de découvrir une force de proposition en moi » Vente F.
« Travailler avec d’autres Masters permet de se préparer à travailler avec des clients difficiles » Vente H.
« C’était très intéressant de travailler avec des personnes issues d’autres formations, de confronter des approches différentes » Tourisme H.
2.1.5 – Le développement des « soft skills »
69La complexité environnementale actuelle conduit à une évolution importante des rôles et des fonctions des managers. Cette évolution met en exergue l’importance de la capacité relationnelle des managers et oblige à l’acquisition et au développement de compétences relationnelles et comportementales par ces derniers (Auger, 2008).
70L’innovation pédagogique apparaît alors nécessaire pour l’acquisition de certaines compétences celles que l’on nomme les « soft skills », définies comme les « attitudes and behaviors displayed in interactions among individuals that affect the outcomes of various interpersonal encounters » (Muir, 2004). Ce sont les compétences qui font référence à la capacité de communiquer et d’interagir avec les autres employés dans un sens positif (Mamidenna, 2009). Cela inclut les compétences en communication, les compétences interpersonnelles, la gestion du temps, le travail d’équipe et la coopération, ainsi que la capacité à motiver les subordonnées, le management de conflit et le leadership.
71Une étude, réalisée par Sharma (2009), auprès d’une cinquantaine de personnes du middle et du top management au sein de 4-5 compagnies indiennes révèle la part croissante des soft skills à la fois dans le recrutement, le succès dans la prise de poste ainsi que dans l’évolution de carrières.
72De façon complémentaire, certains auteurs comme Goleman et al. (2005) évoquent l’intelligence émotionnelle qui, selon eux, fait la différence entre les bons managers et les très bons. L’intelligence émotionnelle englobe quatre pôles, la conscience de soi (connaissance de soi, confiance en soi), la gestion de soi (maîtrise de soi, transparence, adaptabilité, volonté de réalisation, initiative, optimisme), la relation aux autres ou intelligence interpersonnelle (empathie, sens politique, passion du service) et la gestion des relations ou intelligence sociale (inspiration, influence, enrichissement des autres, catalyseurs de changement, gestion des conflits, sens du travail en équipe et collaboration). En effet, à la suite d’une étude auprès de cinq cents modèles de sociétés internationales, ils ont identifié trois pôles pouvant expliquer des performances remarquables, les compétences techniques, les compétences cognitives et les traits relatifs à l’intelligence émotionnelle. L’analyse des données révèle que l’intelligence émotionnelle joue un rôle croissant aux niveaux les plus élevés où les différences en termes de compétences techniques ont une importance négligeable (puisqu’elles sont maîtrisées par tous les managers). D’après les auteurs, 85% des différences de profils des meilleurs managers sont attribuables à des facteurs relevant de l’intelligence émotionnelle.
73Ces compétences se développent et prennent de plus en plus d’importance dans les évolutions de carrières des cadres. Si l’importance de ces compétences est de plus en plus reconnue, il existe un gap avec les programmes de formation dans lesquels elles sont peu présentes (Sharma, 2009).
74A ce titre, les jeux nous semblent particulièrement intéressants et nous observons qu’ils permettent de développer ces compétences dites comportementales et relationnelles.
« J’ai appris à plus m’investir et à échanger des idées » Vente F.
« Ce jeu a été l’occasion pour moi de faire une auto critique : j’ai développé un esprit plus diplomate pour communiquer un message. J’ai également en parallèle développé l’écoute… mais au final, je remarque que par peur d’avoir le côté meneur, je me limite, je limite mon savoir être… » Vente F.
« Il me reste du travail en matière de gestion du stress et de maîtrise de soi » Vente F.
« Il fallait écouter les autres, et aussi s’affirmer pour faire progresser le travail en groupe » CILA F.
« L’absence d’un leader charismatique a freiné la participation individuelle » Tourisme G.
« Nous avons été critiqués pour le manque de confiance qu’on inspirait » Tourisme
2.2 – Analyse de résultats obtenus à l’issue des auto-évaluations
82Les résultats présentés dans cette section sont obtenus à partir de l’analyse des différentes auto-évaluations effectuées par les étudiants avant et après la session de jeu. Les scores expriment donc un ressenti des participants.
83Nous avons souhaité comprendre comment, effectivement, les jeux de simulation pouvaient contribuer à prendre conscience des soft skills ou des compétences relevant du savoir-être, et, si, effectivement, le fait d’avoir participé à un jeu, pouvait acter une amélioration.
2.2.1 – Une augmentation générale et quasi systématique de la cotation
84Dans un premier temps, et malgré la liberté donnée de répondre ou pas aux questionnaires, on constate un très bon taux de retour (55%), ce qui semble être une preuve d’un certain intérêt pour le sujet. Ceci encourage à mieux le développer lors de prochaines animations, ce qui accélérerait le processus de prise de conscience, et permettrait de valoriser cette forme d’animation pédagogique, pas toujours bien considérée a priori par les étudiants, au sens où ils ne se mettent pas en situation d’exigence et d’investissement d’emblée.
85On observe une augmentation générale des cotations de chacune des 7 soft skills.
86Certes, le fait d’avoir alerté les étudiants sur le sujet biaise certainement leur appréciation mais notre hypothèse est que l’anonymat complet leur laissait une grande marge de liberté, comme le montre d’ailleurs quelques commentaires assassins sur la semaine en général (quelques critiques vives à l’encontre des animateurs par exemple).
87On peut aussi faire l’hypothèse que seuls ont collaboré ceux qui étaient contents de ce qu’ils considèrent comme une progression, il faudrait mettre en place la même étude avec rendu obligatoire, au risque d’avoir des rendus inexploitables ou sabotés (comme ce fut le cas d’une dizaine de questionnaires).
2.2.2 – Quelques analyses des variations des évaluations
88Les scores ont tous été ramenés sur 40, dans le tableau suivant nous avons les moyennes obtenues pour chaque item, au début et à la fin du jeu, ce qui nous a permis de calculer la progression.
89A la lecture du tableau, nous pouvons constater que les plus fortes hausses se font sur les soft skills 1 et 2.
90La capacité à se connaître a un niveau moyen au départ et connaît la plus forte augmentation. On obtient une bonne progression pour une grande majorité de participants qui semblent avoir trouvé dans l’exercice, des ressources pour mieux se connaître, ce qui n’était pas évident au départ.
91La capacité à appréhender l’environnement et s’adapter connaît également une augmentation significative.
Calcul des variations des évaluations des soft skills
Calcul des variations des évaluations des soft skills
92La capacité à communiquer augmente également de manière importante mais avec des résultats plus contrastés, ce qui implique que certains ont trouvé leur compte dans ce type de simulation, alors que d’autres avaient plus de mal à être en phase avec les attentes, ces écarts sont également à mettre en relation avec la façon dont les groupes se sont gérés sur le plan relationnel.
93La capacité à s’exprimer affiche le niveau le plus bas au départ ainsi que la plus faible progression. Dans les cursus classiques, les étudiants ne sont que rarement mis en situation de s’exprimer mais également d’argumenter et de convaincre les autres membres du groupe. Le jeu permet une amélioration qui reste néanmoins en deçà des autres items puisqu’il affiche la plus faible progression.
94La soft skill 5 concerne la capacité à gérer son temps et ses activités. Nous avons expliqué que les jeux de simulation de gestion obligent les participants à appréhender un grand nombre d’informations et à prendre une décision collective en temps limité. Cette contrainte fait prendre conscience les participants de la difficulté à gérer son temps et ses activités notamment dans le cadre d’un travail de groupe.
95La capacité à entreprendre affiche un niveau assez faible au départ et termine à un niveau satisfaisant. Peu d’outils pédagogiques permettent de mobiliser cette capacité auprès des étudiants.
96Enfin, la capacité à agir efficacement au sein d’une équipe a le score le plus élevé au départ et accuse une progression relativement importante.
97Il est intéressant de noter qu’il existe de forts écarts à la moyenne pour quelques participants : certains affichent des hausses importantes, on peut faire l’hypothèse que pour ces derniers, le jeu a été particulièrement profitable. Parallèlement, il existe une dizaine de cas de complète stagnation sans véritable explication sauf deux fois : « je ne vois pas ce que j’ai pu apprendre », « pas de changement car je n’ai rien appris ».
98Cela peut s’expliquer par la place du jeu dans le cursus notamment le poids de son évaluation, l’absence de prise de conscience des étudiants de l’importance du travail d’équipe dans leur activité professionnelle future. Cet aspect mériterait d’être étudié de manière approfondie afin d’identifier les facteurs explicatifs quant à ce constat.
2.2.3 – Des différences filles/garçons ?
99On constate une plus forte augmentation pour les femmes notamment CILA et Dirco pour la capacité à se connaître, alors que pour cette soft skill comme pour la capacité à entreprendre, les Vente Femmes affichent une moindre augmentation.
100Pour la capacité à gérer son temps et ses activités, ce sont encore les femmes qui ont la plus forte augmentation, notamment CILA et Dirco.
101Pour la capacité à agir efficacement au sein d’une équipe, les scores les plus élevés et accusant la plus forte augmentation sont ceux des trois populations féminines Vente, CILA et Dirco.
102On peut faire l’hypothèse que les femmes ont souvent tendance à se sous-évaluer, notamment dans un contexte d’appréhension avant le démarrage de ce travail en équipe.
103Il n’y a pas de différences significatives entre les femmes et les hommes pour les deux autres soft skills.
2.2.4 – L’impact de l’alternance
104Les étudiants en tourisme affichent un niveau plus faible entre 20 et 25 au départ et de plus faibles progressions. C’est donc pour eux que le jeu a été le moins profitable. Nous pouvons faire l’hypothèse d’un niveau insuffisant notamment dans le domaine technique. Ces étudiants sont plus concentrés sur l’acquisition de ces compétences qui ne leur permet pas de développer leurs soft skills qui se présentent comme le stade suivant.
105Certains verbatim illustrent cette difficulté :
« Nous freinons le travail des autres masters par notre manque de compétences » Tourisme H.
« J’ai beaucoup plus appris sur la gestion de conflit que sur la gestion tout court » Tourisme F.
107Un des enseignements tiré de cette analyse est qu’il faut instituer un debriefing obligatoire pour éviter les malentendus.
108Il faut noter également que ce sont les CILA et les Dirco qui connaissent les plus fortes progressions. Les Vente affichent des scores relativement élevés au départ et ont des progressions moindres. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’ils sont en alternance salariée donc qu’ils mobilisent déjà toute ou partie des compétences mobilisées par le jeu.
2.2.5 – Zoom sur les baisses de cotations :
109Les baisses sont ponctuelles et portent massivement, quand elles existent sur des capacités directement liées au contexte et au groupe. Ainsi, les items qui obtiennent des baisses de scores sont
- « comprendre l’autre, s’adapter »,
- « s’adapter à la différence (tenir compte des diversités de comportements, opinions, références culturelles) »,
- « adhésion aux projets ou aux travaux d’équipe »,
- « capacité à respecter les engagements pris vis-à-vis de l’équipe »,
- « s’intégrer au contexte»,
et, dans une moindre mesure sur les aspects techniques - « adapter ses écrits au contexte demandé » (en lien avec le rapport).
110« gérer son stress ».
111Il semble que, bien que le contexte soit plus ludique, certains participants se sont pris au jeu et ont ressenti une forte pression quant à l’obtention de résultats et également vis-à-vis des attentes des autres membres du groupe.
112Il nous a paru intéressant de nous pencher sur trois profils assez contrastés que nous connaissions suffisamment bien pour élaborer un avis d’expert.
Encadré 4 : Trois profils contrastés
Cette étudiante a au départ un niveau relativement élevé mais malgré cela, elle affiche des baisses sur les soft skills 2, 3 et 6. Elle signale la difficulté à s’adapter, exercer des missions au sein du groupe mais également de s’adapter à l’autre et le comprendre. Enfin, elle souligne la difficulté de développer un esprit critique. Elle se déclare frustrée à la fin du jeu dans la mesure où malgré les nombreux échanges, elle considère que les apprentissages sont restés limités, peut-être placée devant des difficultés qu’elle avait sous-évaluées.
Gregory, étudiant en master Vente et Management commercial
Cet étudiant affiche des baisses sur 4 soft skills sur les 7, notamment sur les critères s’adapter et exercer des missions, convaincre, oser et faire des propositions ainsi que la difficulté à trouver sa place dans le groupe. En fait, cet étudiant a une formation technique au départ et est plutôt introverti, ce qui peut expliquer sa difficulté à imposer ses idées. Le jeu lui a permis de prendre conscience de l’importance de ces capacités pour son activité future.
Ségolène, Etudiante en Commerce International et Langues appliquées
Cette étudiante a un score en baisse sur les soft skill s’adapter et exercer des missions ainsi que convaincre et entretenir des relations positives. A la fin du jeu, elle déclare être déçue par le travail de groupe, le manque d’investissements de certaines personnes ainsi que le travail en solitaire d’autres personnes. Le jeu lui a fait prendre conscience de la difficulté à motiver des personnes pour travailler ensemble pour un objectif commun et de l’importance de cet aspect pour le résultat final.
113L’ensemble de ces résultats est à mettre en relation avec les évaluations classiques menées à l’issue des jeux les années précédentes et qui portaient surtout sur les compétences techniques acquises : budget, comptabilité, tableurs excell, choix marketing, lecture d’une étude de marché etc… et signalaient au mieux « apprendre à travailler en groupe ».
114Malgré ses limites - réponses fondées sur le volontariat, absence de debriefing, choix de la cotation pour des sujets complexes …- cette étude valide tout l’intérêt des jeux et leur réelle stimulation à l’apprentissage de certaines compétences sociales et relationnelles
115Ces premiers résultats indiquent plusieurs pistes à exploiter pour l’avenir : la première serait de mieux utiliser l’apprentissage qu’ils stimulent en en proposant deux dans l’année (par exemple : Kalypso + Arkhelles) en montant en complexité.
116Un deuxième axe de développement serait de mieux les exploiter sous cet aspect car les évaluations classiques des jeux mettent surtout en avant les apprentissages techniques (constat, budget….).
117Enfin, il nous semble que, compte tenu de l’importance qu’a pu revêtir le travail en groupe, il faudrait envisager une meilleure répartition des personnalités et des compétences dans la constitution des groupes plutôt que d’avoir recours au seul hasard. Ceci permettrait certainement de faciliter les acquis et d’améliorer l’ambiance générale, et d’éviter ainsi de peser négativement et sans grands enjeux sur les capacités de progression individuelles et collectives.
Conclusion
118A l’heure actuelle, les enseignements insistent sur la complexité de l’environnement ainsi que sur le caractère de plus en plus transversal des organisations, sans toutefois être bien en situation de s’appliquer ces injonctions.
119Les jeux de simulation de gestion offrent une grande richesse, en termes de difficulté, de connaissances mobilisées, d’objectifs visés. On peut les considérer comme des outils puissants d’apprentissage de compétences managériales pour de futurs managers. Au-delà de l’acquisition classique de connaissances, ce sont des outils pédagogiques qui permettent, à la fois, de faire appréhender la dimension systémique des organisations, de mettre les étudiants en situation, et de participer au développement de soft skills. En effet, ils exigent des étudiants de prendre des décisions et permettent de mesurer immédiatement les résultats de ces décisions, comme de vérifier que l’adéquation de l’action mise en place et sa capacité à atteindre les objectifs fixés. Les participants prennent conscience de la difficulté à trouver les « bons » leviers dans un environnement complexe, à prendre les « bonnes » décisions et mettre en place les « bonnes » actions dans un environnement concurrentiel, comme ils apprennent dans le même temps à relativiser cette notion de « bonne ».
120Le principe de simulation des jeux en continu permet aussi de mieux apprécier l’erreur comme une étape du processus, ce qui permet aux participants de développer leur capital confiance.
121Le travail en équipe avec des personnes qui ne se connaissent pas au départ constitue également un apprentissage intéressant des capacités indispensables pour l’exercice de leurs responsabilités futures. Les participants prennent conscience de la difficulté à communiquer, s’exprimer et convaincre des personnes de formations différentes, à s’adapter à l’environnement et aux autres, à gérer son temps et ses activités de manière efficace vis-à-vis du groupe et enfin à prendre des initiatives, faire des propositions avoir une attitude positive afin de motiver le groupe vers un objectif commun.
122Effectivement, le travail en groupe suppose coopération donc d’accepter de désapprendre, d’abandonner ses représentations pour adopter les représentations d’autres acteurs en présence ou une représentation collective au groupe.
123On peut donc considérer les jeux de simulation comme des outils pédagogiques très complets dans la mesure où ils permettent d’appréhender les multiples dimensions du management d’une entreprise ou d’une organisation, abordées habituellement de manière indépendantes dans les cours.
124Enfin, par leur aspect ludique, les jeux peuvent être un bon moyen pour aborder des connaissances approfondies ou des situations complexes et susciter le désir d’apprendre, qui constitue, en dernière instance le moteur de l’activité managériale.
125De ce fait, par le développement de nouvelles compétences ils participent à l’évolution du métier de manager afin de leur permettre d’appréhender la complexité environnementale.
Bibliographie
Bibliographie
- Auger, P. (2008), Manager des situations complexes, Dunod.
- Barth, I. et Maruani, C. (2006), « L’œuvre plastique comme voie de connaissance de l’objet en gestion - Application au point de vente. » Actes des Journées de Recherche en Marketing de Bourgogne, 7 et 8 Novembre 2006
- Crozier, M. et Friedberg, E. (1977), L’acteur et le système, Seuil.
- Divry, C., Dubuisson, S. et Torre, A. (1998), Compétences et formes d’apprentissage : pour une approche dynamique de l’innovation, Revue française de gestion, n°118, mars-avril-mai, pp 115-127.
- Hourst, B. et Thiagarajan, S. (2004), Modèles de jeux de formation, Eyrolles, Edition d’Organisation.
- Karolewicz, F. (1998), L’expérience, un potentiel pour apprendre, L’Harmattan.
- Krupka, P. (2002), Une stratégie pour la gestion des connaissances, Editions Liaisons.
- Kerjean, A. (2006), L’apprentissage par l’expérience, ESF éditeur.
- Goleman, D., Boyatzis, R. et McKee, A. (2005), L’intelligence émotionnelle au travail, Village Mondial, Pearson Education.
- Le Boterf, G. (2001), Construire les compétences individuelles et collectives, Edition d’Organisation.
- Mamidenna, S. (2009), Use portefolios in a soft skills Course, The Icfai University journal of soft skills, vol. III, n°1.
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- Néré, J.J. (2005), Démarche compétences et pratiques managériales, Les éditions
- Demos.
- Nonaka, I. et Takeushi, H. (1995), The knowledge creating company, Univertity Press.
- Sharma, M. (2009), How important are soft skills from the recruiter’s perspective, The Icfai University journal of soft skills, vol. III, n°2.
- Wittorski, R. (1997), Analyse du travail et production de compétences collectives, L’Harmattan.
- Wittorski, (1998), La compétence au travail, Education permanente, n°135.
- Yatchinosky, A. (1999), L’approche systémique, pour gérer l’incertitude et la complexité, ESF éditeur.
Notes
-
[1]
Isabelle Barth, EM Strasbourg, HuManiS (Humans and Management in Society, EA1347), isabelle.barth@free.fr
-
[2]
Isabelle Géniaux, IAE de Lyon, ISEOR, geniaux@iseor.com
-
[3]
Par exemple : article du Nouvel Observateur n° 2259 du 21/02/08 : « Les littéraires sont les bienvenus »
-
[4]
« Les élites, gardes du cœur », Le Nouvel Economiste n°1499, Jeudi 26 Novembre 2009
-
[5]
Ce questionnaire a été élaboré avec Catherine Laizé, professeur à Negocia-Advancia à partir de ses travaux sur les compétences sociales et relationnelles. Qu’elle en soit ici remerciée.