1Il est courant de dire que les achats impulsifs sont le résultat d’une certaine manipulation de la part de la distribution. En effet, les magasins peuvent utiliser plusieurs techniques a?n d’attirer les consommateurs et leur faire baisser la garde sous l’effet de plusieurs stimuli, pour les pousser à faire des achats impulsifs, qu’ils peuvent regretter par la suite. Notre recherche a pour objectif de démontrer qu’un achat impulsif n’est pas dans tous les cas dépourvu de « délibération cognitive » (Giraud et Bonnefont, 2000 ; Giraud, 2002). Il peut être le résultat d’une analyse et d’une évaluation du produit et de ses attributs ou bien d’une perte de contrôle délibérée de la part du consommateur, qui a envie de se faire plaisir. Néanmoins, un achat impulsif ne peut pas être exempt de conséquences qui peuvent être aussi bien positives que négatives. En effet, un achat impulsif peut être aussi bien, porteur de plaisir, de contentement et de joie que de culpabilité, de regret et de déception (Aouitni et Zghal, 2008). Dans son étude sur 400 consommateurs, Le Blanc-Maridor (1980 ; 1985) souligne une ambivalence des résultats. En effet, 40% des interrogés af?rment qu’ils ont tendance à regretter plus souvent leurs achats impulsifs que les autres types d’achat. En revanche, 26% des interrogés avancent qu’ils retirent une plus grande satisfaction de leurs achats impulsifs que celle retirée des autres types d’achat. Dickman (1990) suivi de Giraud (2003) distinguent les achats impulsifs porteurs de conséquences positives (impulsivité fonctionnelle) de ceux porteurs de conséquences négatives (impulsivité dysfonctionnelle). Kinnier et al (1989) associe le regret à une action rapide et précipitée, ce qui constitue la principale caractéristique de l’achat impulsif. Ce sentiment peut venir annuler le plaisir retiré de l’expérience d’achat et de consommation du produit et avoir des retombées négatives sur l’Entreprise en termes de changement de marque (Inman et al, 1997 ; Zeelenberg et Pieter, 1999 ; Zeelenberg et al, 2004), d’intension de non ré-achat, d’insatisfaction (Delacroix et Jouran, 2007), de bouche à oreille négatif (Richins, 1987 ; Inman, 1997 ; Zeelenberg et Pieter, 1999 ; Boni?ed, 2002 ; Zeelenberg et al, 2004), de plainte (Rogers et al, 1992), de retour de marchandises (Zeelenberg et al, 1999 ; 2004), de demande de remboursement (Boni?eld, 2002) ou encore d’inertie (Zeelenberg et al, 2004). Néanmoins, ce sentiment de regret n’intervient pas uniquement en post achat impulsif, il peut être présent en amont sous la forme d’un regret anticipé. Ce regret anticipé peut in?uencer négativement le processus d’achat impulsif en atténuant l’envie du consommateur d’acheter et en le dissuadant de passer à l’acte (Loewenstein, 1990 ; Hoch et Loewenstein, 1991; Loewenstein, 1996 ; Zeelenberg et Pieter, 1999 ; Dholakia, 2000 ; Lemon et al, 2001; Giner-Sorolla, 2001). Toutefois, l’importance du regret pré et post achat impulsif varie d’un individu à un autre. Certains le relativisent et d’autres l’ampli?ent. Cette différence au niveau de l’évaluation peut nous servir de critère de segmentation pour mieux comprendre les retombées de ce sentiment sur le comportement du client. Cela permet aussi de formuler un certain nombre de recommandations aux managers des points de ventes en termes de stratégie de gestion pré achat et de stratégie d’accompagnement post achat impulsif.
Pour servir ces objectifs, nous procédons, dans un premier temps, à une revue de la littérature sur le processus d’achat impulsif, ses antécédents et ses conséquences. Dans un deuxième temps, nous procédons à une étude exploratoire qualitative, en nous basant sur les méthodes de l’ethno-marketing (entretiens à réponses libres et entretiens en profondeurs). Les résultats de cette étude nous permettront d’identi?er les différents types de comportements dans une situation d’achat impulsif et de proposer une catégorisation d’acheteurs impulsifs dans le point de vente. Dans un troisième temps, nous présentons les résultats d’une étude quantitative réalisée auprès d’un échantillon de 192 étudiants. Les résultats de cette étude nous permettront de conforter les résultats de notre étude qualitative et de valider notre catégorisation d’acheteurs impulsifs. En?n, dans une dernière partie, nous discuterons les résultats obtenus, les implications managériales et les voies futures de recherche.
1 – Un état de l’art de l’achat impulsif
2L’achat impulsif a été dé?ni comme un processus de décision affective découlant d’une impulsion. Cette impulsion constitue un désir irrésistible d’acheter quelque chose immédiatement (Rook, 1987). Beatty et Ferrell (1998) ont distingué entre le désir de faire un achat impulsif et l’acte d’achat en lui-même. Ils avancent l’idée que, plus un consommateur ressent le désir urgent de faire un achat impulsif, et plus il a tendance à le concrétiser. Giraud (2003) insiste sur le fait qu’un achat impulsif est un achat motivé par le désir de satisfaire cette impulsion. La proximité physique du produit peut être à l’origine de la naissance d’une impulsion d’achat chez le consommateur, par sa projection dans une expérience de consommation et l’anticipation du plaisir que peut lui procurer l’achat ou la consommation de ce produit (Ortony, Clore et Colin ; 1990. Hoch et Loewenstein, 1991). Les facteurs viscéraux tel que : la soif, la faim, l’humeur, les émotions fortes, etc. favorisent aussi l’apparition d’une impulsion d’achat (Lowenstein, 1996) de même que les facteurs relatifs à l’environnement du point de vente tel que : les facteurs d’ambiance, du design (Aouinti et Zghal, 2008) ou encore du social (Park et Lennon, 2006). Un prix perçu comme pas cher (Bonnefont, Giraud et Labbé-Pinlon, 2005), une promotion (Chandon, Wansink et Lauren, 2000 ; Bonnefont, Giraud et Labbé-Pinlon, 2005) ou encore une offre spéciale in?uencent aussi le désir du consommateur de réaliser un achat impulsif. Bonnefont, Giraud et Labbé-Pinlon (2005) avancent que certains consommateurs n’achètent en promotion, qu’après avoir évalué l’utilité de cet achat. D’autres sont extrêmement réactifs et font des achats impulsifs en réponse à chaque promotion qui peut leur sembler être une bonne affaire (Bonnefont, Giraud et Labbé-Pinlon, 2005). En effet, cette impulsion débouche automatiquement sur un achat, si le consommateur est incapable de se maîtriser et d’évaluer le bien-fondé de sa décision. En revanche, si le consommateur tente de résister à cette impulsion, en évaluant les risques qui peuvent découler de cet achat par l’anticipation d’un potentiel regret, cette impulsion disparaîtra. Giner-Sorolla (2001) explique l’aptitude du consommateur à résister à ses impulsions par sa capacité à arbitrer entre les conséquences hédoniques immédiates et les conséquences anticipées de son acte impulsif (regret, culpabilité et honte). Ainsi, l’anticipation du regret peut jouer le rôle de régulateur (Baumeister et Heatherton, 1996) pour le consommateur et déterminer sa réalisation ou pas d’achats impulsifs. Dans la littérature, le regret a été dé?ni comme une émotion négative, éprouvée par l’individu lorsqu’il compare sa situation actuelle à une situation potentielle plus favorable (Zeelenberg et Peter, 1999). Kinnier et al (1989) associe le regret à une action rapide et précipitée ce qui constitue la principale caractéristique d’un achat impulsif. Le regret a souvent été couplé à d’autres types d’émotions négatives qui découlent d’actes impulsifs, tel que, la colère ou encore la culpabilité (Gardner et Rook, 1988 ; Rook et Hoch, 1985). Ce sentiment peut, aussi, intervenir en amont de l’acte impulsif, sous la forme d’un regret anticipé. Ce dernier constitue un des facteurs qui détermine les décisions du consommateur (Lemon et al. 2001) et notamment les décisions d’achat et de consommation.
3Néanmoins, la réaction des consommateurs face au regret, varie d’une personne à une autre. En effet, pour le regret en tant que conséquence, il y a ceux qui regrettent et n’assument pas leur regret et ceux qui l’assument, car ils considèrent le plaisir induit par l’expérience d’achat impulsif, comme nettement supérieur à la déception engendrée par cet achat (Hoch et Loewenstein, 1991).
4De même que, pour le regret en tant qu’antécédent de l’acte impulsif, il y a des individus qui résistent mieux que d’autres à leur désir de faire un achat impulsif, parce qu’ils arrivent à anticiper les conséquences futures de leurs actes, et pas uniquement leurs béné?ces immédiats (Giner-Sorolla, 2001; Giraud, 2003, Giraud et Galan, 2009).
Dans le but d’af?ner la compréhension du comportement des acheteurs impulsifs dans le point de vente, et d’évaluer leurs différences dans une situation de regret (regret anticipé et regret effectif), nous procéderons à une étude qualitative. La confrontation des résultats de cette étude aux constats théoriques va servir à la dé?nition d’une catégorisation d’acheteurs impulsifs dans le point de vente.
2 – Étude Qualitative : vers une meilleure compréhension du comportement des acheteurs impulsifs face au regret
5Pour mieux comprendre le comportement des acheteurs impulsifs, nous avons eu recours aux méthodes de l’ethno-marketing, entretiens à réponses libres et en profondeur (Desjeux, 1997). Ces méthodes préconisées dans des postures à caractère qualitatif visent « à décrire la diversité du réel, à styliser des catégories analytiques, à mettre à jour de grands principes et mécanismes sociaux en jeu, à faire émerger le sens que donnent les acteurs à leurs comportements » (Badot, Carrier, Cova, Desjeux et Filser, 2009). L’illustration des résultats de notre étude qualitative se fera par un processus de va-et-vient entre l’observation, l’analyse, la catégorisation et la théorie mobilisée.
2.1 – Méthodologie de l’étude qualitative
6Nous avons procédé à 30 entretiens. Des entretiens à réponses libres d’une durée moyenne de 20 minutes et des entretiens en profondeur de 50 minutes à une heure. Le critère de la saturation sémantique a été pris en considération dans la dé?nition de la taille de l’échantillon. Les entretiens en profondeur nous ont permis d’explorer le comportement d’achat impulsif et d’évaluer le regret post achat impulsif. Les entretiens à réponses libres nous ont permis de conforter les résultats des entretiens en profondeurs, tout en étant particulièrement attentif à la notion de regret anticipé.
7Nos entretiens en profondeur se sont déroulés hors lieux de vente auprès de sept individus (3 hommes et 4 femmes), de pro?ls différents (âge de 30 à 60 ans, catégorie socioprofessionnelle : cadre, fonctionnaire et profession libérale). Nous leur avons demandé de nous raconter leur dernier achat impulsif. Nous avons également adopté la méthode des incidents critiques.
8Nos entretiens à réponses libres se sont déroulés en semaine dans une tranche horaire allant de 10h à 20h, dans un centre commercial situé dans une très grande aire commerciale à Tunis. Dans ce centre, il y a un Monoprix au rez-de-chaussée et des boutiques de vêtements et d’accessoires au premier étage. Nous avons administré notre guide d’entretien auprès d’un échantillon de convenance de 23 interviewés (majoritairement féminin) d’âges et de catégories socioprofessionnelles assez diversi?és (âge de 30 à 60 ans, catégorie socioprofessionnelle : étudiants, cadre, fonctionnaire, profession libérale et sans emploi). Les interviewés ont été interrogés sur leurs achats en cours.
Après retranscription, les discours recueillis ont fait objet d’une analyse de contenu thématique (Giordano, 2003). En effet, dans un premier temps, les entretiens en profondeurs nous ont permis de dégager les thèmes dominants et de déterminer notre guide d’entretien. Dans un deuxième temps, les entretiens à réponses libres nous ont permis de dresser une grille thématique composée de onze thèmes. En?n, dans un troisième temps, nous avons utilisé une échelle bipolaire à cinq points pour coder l’intensité et la direction, et représenter les résultats sous forme de pro?ls.
2.2 – Résultats
9A partir des résultats de l’analyse thématique des discours recueillis, nous avons identi?é quatre pro?ls d’acheteurs impulsifs : « les hédonistes», « les opportunistes », « les stratèges » et « les occasionnels ». La discrimination entre ces quatre pro?ls d’acheteurs impulsifs s’est faite selon un certain nombre de variables identi?és lors de nos entretiens, à savoir : la tendance à l’impulsivité, l’attitude par rapport au produit, l’attitude par rapport au prix du produit acheté impulsivement, le regret post achat, le goût pour le shopping, la tendance à dépenser, la tendance à regretter, la supériorité des produits achetés impulsivement, la con?ance dans ces achats impulsifs, la sensibilité aux facteurs de l’atmosphère du point de vente et l’intension de revenir dans le magasin.
10Pro?l 1 : les hédonistes
11Ce sont des individus très impulsifs. Certains interviewés vont jusqu’à comparer leur envie d’acheter à leur envie de fumer: « J’avais une envie irrésistible d’acheter quelque chose. C’est comme le cas d’un fumeur sans cigarettes, il est pris par une folle envie de fumer » (femme, 40 ans). Cette catégorie d’acheteurs n’a pas spécialement con?ance dans ces achats impulsifs et n’accorde pas d’importance au prix : « Non, le prix ne joue aucun rôle, il y a une certaine limite en fonction de mes moyens mais généralement je ne compte pas » (femme, 29 ans). Ils ne tentent même pas d’évaluer leur décision ou de mettre en place des stratégies de contrôle, tout ce qui compte pour eux c’est de satisfaire cette envie pressente d’acheter. En effet, ces individus n’éprouvent pas de frustration envers leurs dépenses mais bien au contraire, ils perçoivent leurs achats impulsifs comme supérieurs aux autres types d’achats et en tirent un véritable plaisir et cela en dépit de leur éventuel regret. Ces personnes accordent une très grande importance à l’expérience vécue à l’intérieur du magasin et notamment aux facteurs de l’atmosphère (facteurs d’ambiance, du design et du social). Ces acheteurs ne regrettent pas leurs achats impulsifs, même lorsqu’il s’agit d’un mauvais choix ou d’une dépense inutile. Hoch et Loewenstein (1991) explique ce phénomène par « le plaisir mémorisé ». En effet, ces individus peuvent ne pas regretter un mauvais choix ou une dépense inutile parce qu’ils ont été accompagné d’une expérience inoubliable, riche en émotions. Ainsi, les béné?ces hédoniques retirés de l’acte impulsif seront largement supérieurs aux risques anticipés. Par un effet de Halo, les émotions positives éprouvées par le consommateur dans une situation d’achat impulsif peuvent déteindre sur l’évaluation des attributs objectifs et utilitaires du produit (Bagozzi, 1996 ; Giraud, 2002). Dans ce sens, certains interviewés avancent: « Je ne regrette pas mes achats impulsifs. Même si j’achète quelque chose sur un coup de tête et après je me dis que je n’aurais pas dû, ce n’est pas grave, j’ai satisfait cette envie pressante d’acheter et je me suis fait plaisir. Ça m’arrive souvent d’acheter sur un coup de tête et de dépenser de l’argent inutilement et après je me dis que ce n’est pas grave. Au moment de l’achat jamais je n’aurais pensé que j’allais regretter, bien au contraire, je me comporte comme s’il s’agissait d’une pièce unique et que j’avais fais la plus grosse affaire de toute ma vie. Mais non, non, non je ne regrette pas même si j’ai fais un mauvais choix !! » (femme, 40 ans). Cette catégorie de consommateurs constituent un capital très important pour le magasin dans la mesure où, en dépit du fait qu’ils « regrettent » leurs achats impulsif, af?rment qu’ils reviendront dans le magasin en question et expliquent cela par le plaisir tiré de l’expérience: « A chaque fois que je me rends dans ce magasin je fais des achats impulsifs bien que je ?nis par les regretter après, je n’ai pas tendance à éviter ce magasin bien au contraire, j’y vais et souvent car rien ne vaut le plaisir du moment» (femme, 40 ans).
12Pro?l 2 : les opportunistes
13Ce sont des individus assez impulsifs. Ils achètent principalement pour le caractère tangible et fonctionnel du produit (utilité et prix intéressant) : « c’est beau et c’est à un prix raisonnable. C’est un achat impulsif mais ré?échi, vous ?nissez quand même par ré?échir avant d’acheter, vous vous posez la question, est ce que c’est pour tous les jours, est ce que ça va me servir, est ce que c’est rentable comme investissement ? » (femme, 25 ans). Ils ont généralement con?ance dans leurs achats impulsifs et pensent ne pas les regretter (regret anticipé). Ils n’accordent pas une grande importance au décor et au design du magasin mais plutôt à sa fonctionnalité et à l’attitude de ses vendeurs. Ce sont des personnes qui n’hésitent pas à saisir toutes les opportunités qui se présentent à eux et notamment celles en terme de prix : « Ça m’arrive de faire des achats impulsifs si je trouve quelque chose d’intéressant, quelque chose sur lequel je ?ashe et avec un prix intéressant » (femme, 45 ans). Cette catégorie d’acheteurs impulsifs est particulièrement sensible aux promotions ce qui explique leur tendance à dépenser et notamment à faire des dépenses imprévues: « Mon dernier achat impulsif c’était la dernière fois qu’on est allé en France, ils faisaient une promotion sur des ordinateurs portables, c’était un pc avec une très bonne con?guration et ne coûtait que 500 Euros, il n’y en avait que quatre, ils paraissaient très bien alors j’en ai acheté un sur le coup car ils ne vous laissent pas le choix….» (homme 50 ans). Un prix perçu comme étant bas, une offre promotionnelle ou encore un stock limité peuvent être aussi bien déclencheurs d’une impulsion d’achat que moteur d’un achat impulsif effectif (Bonnefont, Giraud et Labbé-Pinlon, 2005). En effet, avoir en tête les avantages qu’on pourrait retirer de pareils achats impulsifs minimise l’anticipation d’émotions négatives telles que le regret (McGoldrick et al., 1999). De tels achats impulsifs correspondent à une forme fonctionnelle d’impulsivité (par opposition à l’impulsivité dysfonctionnelle) puisqu’ils réunissent ses deux principales caractéristiques : la con?ance dans ces achats impulsifs et la supériorité attribués aux produits achetés d’une manière impulsive (Giraud et Bonnefont, 2000 ; Giraud, 2001 ; Giraud, 2002 ; Giraud, 2003). Néanmoins, bien que ces achats impulsifs paraissent à première vue comme correspondants à de bonnes décisions, néanmoins, elles peuvent s’avérer dysfonctionnelles et donc porteuses de regret (Dickman, 1990). En effet, certains interviewés avancent : « Généralement lorsque je fais un achat je ne regrette pas, il n’y a pas de regret car même si je fais un achat impulsif il y a toujours une utilité derrière. Mais pour le cas de cet achat, je me suis rendu compte que je me suis fait avoir, la majorité des gens qui ont acheté cet ordinateur portable leur carte mère a grillé. C’était une fausse promo, de la liquidation de stock ! » (homme, 50 ans). Les auteurs de ce type de décisions ont une forte estime de soi, ce qui explique leur tendance à retourner leur colère contre la marque ou l’enseigne en leurs attribuant les causes de leur décision dissonante. Ce constat, rejoint l’idée de Roese et Olson (1993) selon laquelle les individus avec une forte estime de soi accusent souvent les autres d’être à l’origine de leur mauvais choix. Ainsi, ils attribuent les raisons de leurs choix soit au magasin, à autrui ou encore au produit mais jamais à soi-même (Reynolds et al, 2006).
14Pro?l 3 : les stratèges
15Ce sont des individus moyennement impulsifs. Ils font leurs achats principalement pour le caractère fonctionnel et utilitaire de l’objet ce qui ne les empêchent pas d’avoir une certaine sensibilité aux facteurs de l’environnement du magasin. Néanmoins, ils peuvent ?nir par regretter leurs achats impulsifs: « Je fais des achats impulsifs, parfois parce que j’en ai vraiment besoin et d’autre fois parce que le produit me plait vraiment et je perçois son prix comme convenable, mais après deux jours, je regrette cet achat » (femme, 35 ans). Cette catégorie d’individus anticipent leur regret et vont même jusqu’à développer des stratégies de contrôle. En effet, résister à une impulsion d’achat est un exercice dif?cile et fastidieux qui nécessite une grande capacité de contrôle et de maitrise (Baumeister et Heatherton, 1996 ; Dholakia, 2000 ; Giner-Sorolla, 2001). La littérature parle de stratégies de contrôle qui peuvent être mise en œuvre par l’individu une fois l’impulsion d’achat éprouvée. Néanmoins, dans une pareille situation, la capacité à repousser les tentations n’est pas garantie et peut dépendre de plusieurs variables situationnelles et individuelles. Pour se prémunir contre d’éventuelles impulsions dissonantes et éviter tout risque d’achats impulsifs regrettables, ces individus peuvent aller jusqu’à s’imposer des contraintes (éviter certains magasins, sortir sans argents, etc.): « Quant j’achète impulsivement je regrette après, lorsque je rentre à la maison ce que j’ai acheté ne me plait plus, c’est pour cette raison que je fais exprès de sortir sans argent » (femme, 27 ans).
16Ces acheteurs ont une certaine con?ance dans leurs achats impulsifs mais pas assez pour contrer leur frustration à l’idée de regretter. Ainsi, ils privilégient les options sûres mais relativement plus chères (marques connues synonymes de qualité) aux options moins sûres même si elles peuvent constituer de bonnes affaires (marques moins connues et moins chères): « mes achats se font spontanément, sur un coup de cœur, quelque chose me plait, m’attire, je l’achète. Je ne le porte pas tout de suite, je le mets dans l’armoire mais je sais que le jour viendra où je le porterai. Je te parle des trucs qui sont vraiment de bonne qualité et de grande marque » (femme, 60 ans). Simonson (1992) a démontré que le regret anticipé peut favoriser le choix d’options sûres, telle que les marques connues. Avoir une impulsion d’achat pour une marque connue favorise la réalisation d’achat impulsif dans la mesure où la notoriété de la marque joue le rôle de garantie contre un éventuel regret.
17Pro?l 4 : les occasionnels :
Ce sont des individus qui n’ont pas une forte tendance à l’impulsivité : « ça ne m’arrive presque jamais de faire des achats impulsifs, si j’achète c’est pour un besoin bien déterminé » (homme, 50 ans). En effet, lorsqu’ils font des achats impulsifs c’est principalement pour le coté utilitaire de l’objet : « c’est dû à l’objet en lui-même, la marchandise nous plait et on en a besoin » (femme, 50 ans). Ils privilégient les achats plani?és aux achats impulsifs. Ces individus n’ont pas une forte tendance à dépenser ni un gout prononcé pour le shopping. Un prix avantageux, un environnement de vente agréable ne constituent pas une motivation suf?sante pour faire des achats impulsifs. C’est l’utilité du produit couplé avec une évaluation du prix qui peut pousser cette catégorie d’acheteurs à faire des achats impulsifs et à ne pas les regretter: « Non, ça nous est jamais arrivé de regretter quelque chose que nous avons acheté » (femme, 55 ans). En effet, de part leur capacité à se contrôler et à repousser les grati?cations (Dolhakia, 2000), cette catégorie d’acheteurs, arrive à rationnaliser leur désir et à résister devant leurs impulsions dissonantes. Ainsi, ils n’ont pas tendance à éviter certains magasins mais au bien contraire, ils peuvent y revenir pour faire leurs achats, après s’être donné le temps de bien ré?échir.
3 – Étude quantitative : validation empirique d’une catégorisation d’acheteurs impulsifs dans le point de vente
18A?n de valider la catégorisation d’acheteurs impulsifs proposée suite à notre étude exploratoire qualitative, nous allons procéder par une étude empirique.
3.1 – Méthodologie
19Nous présenterons dans ce qui suit, le processus d’échantillonnage adopté ainsi que les échelles de mesures utilisées.
3.1.1 – Processus d’échantillonnage
20Pour mener notre enquête, nous avons utilisé un questionnaire auto administré auprès d’un échantillon de convenance composé de 192 étudiants en sciences de gestion. Ces derniers ont été interrogés sur leur dernier achat impulsif. La discrimination entre ces quatre pro?ls d’acheteurs impulsifs s’est faite selon un certain nombre de variables qui nous avons identi?é à partir de notre étude qualitative. Ces variables sont : l’attitude par rapport au produit, l’attitude par rapport au prix du produit acheté impulsivement, le regret post achat, le goût pour le shopping, la tendance à dépenser, la tendance à regretter, la supériorité des produits achetés impulsivement, la con?ance dans ces achats impulsifs, la tendance à l’impulsivité, la sensibilité aux facteurs de l’atmosphère du point de vente et l’intention de revenir dans le magasin.
3.1.2 – Opérationnalisation des concepts et puri?cation des échelles de mesure
21Pour mesurer les différents concepts mobilisés par notre recherche, nous avons utilisé un certain nombre d’échelles de mesure. Les items sont évalués sur une échelle de Likert en 5 points allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ». Pour l’attitude du consommateur envers le produit acheté impulsivement nous avons utilisé l’échelle inspirée par Spangenberg et al. (1997), Mano et Oliver (1993), Batra et Athola (1990) et reprise par Giraud (2002). Pour l’attitude du consommateur envers le prix du produit acheté impulsivement, nous avons repris l’échelle de Giraud (2002). Pour le regret post achat, nous avons utilisé l’échelle de Delacroix et Jourdan (2007). Pour le goût pour le shopping, la tendance à dépenser et la tendance à regretter du consommateur, nous avons repris l’échelle tridimensionnelle de la compulsivité dans l’achat de D’Astous, Valence et Fortier (1989). Pour la supériorité des produits achetés impulsivement et la con?ance dans ce type d’achat, nous avons repris l’échelle bidimensionnelle de l’impulsivité fonctionnelle de Giraud (2002). Concernant la tendance à l’impulsivité, nous avons utilisé l’échelle de Beatty et Ferrall (1998). Pour mesurer la sensibilité aux facteurs de l’environnement du point de vente, nous avons utilisé l’échelle de Lombart (2006). En?n, pour mesurer l’intention de revenir dans le magasin, nous avons utilisé une échelle nominale à trois graduations.
3.2 – Résultats
22Après s’être assuré de la qualité psychométrique des échelles de mesure mobilisées, nous procéderons à une analyse typologique pour identi?er les différents groupes d’acheteurs impulsifs, sur la base des variables listées plus haut. Ensuite, nous mènerons une analyse de variance dans le but de décrire chaque groupe et souligner leurs différences. En?n, nous procéderons à une analyse discriminante pour nous assurer que les variables considérées permettent bien d’expliquer les différences entre les groupes.
3.2.1 – Création des groupes
23Nous avons réalisé notre typologie sur la base d’un ensemble de variables métriques : l’attitude utilitaire et hédonique par rapport au produit, l’attitude par rapport au prix du produit acheté impulsivement et le regret post achat, le goût pour le shopping, la tendance à dépenser, la tendance à regretter, la supériorité des produits achetés impulsivement, la con?ance dans ces achats impulsifs, la tendance à l’impulsivité et la sensibilité aux facteurs de l’atmosphère du point de vente. Pour ce faire, nous effectuons d’une manière itérative une succession de classi?cation non hiérarchique par la méthode de nuée dynamique. Ainsi, nous obtenons une classi?cation des effectifs en quatre classes, à savoir : 32,8% des individus appartiennent au premier groupe, 22,4% au deuxième groupe, 11,5% au troisième groupe et 33,3% au quatrième groupe.
3.2.2 – Description des groupes
24Pour décrire les pro?ls des groupes identi?és, nous procéderons par une analyse de variance sur la base des variables de la typologie. L’une des conditions d’application de l’analyse de variance est l’égalité des variances des groupes sur les variables étudiées. Le test de Levene nous permet de véri?er cette condition. Avec un risque supérieur à 5%, nous acceptons l’hypothèse nulle de l’égalité des variances entre les groupes, (Voir tableau 1 ci-dessous).
Anova entre types d’acheteurs impulsifs et critères individuels
Anova entre types d’acheteurs impulsifs et critères individuels
25Le test de Levene est signi?catif pour les variables : attitude par rapport au prix du produit acheté impulsivement, tendance à dépenser, tendance au regret, supériorité des produits achetés impulsivement, con?ance dans ces achats impulsifs et tendance à l’impulsivité. La signi?cativité de cet indicateur, nous autorise à examiner le test de Fisher. Ce dernier, nous renseigne sur l’existence d’une différence signi?cative entre les groupes d’acheteurs impulsifs (groupes identi?és plus haut, suite à notre analyse typologique) avec un niveau de signi?cativité inférieur à 5%, (Voir tableau 1).
26L’examen du test de Duncan, nous permet d’identi?er les différences entre les groupes par apport aux variables sur lesquelles le test de Fisher est signi?catif.
27- Ainsi, pour l’attitude par rapport au prix, les individus du premier groupe ont une attitude négative par rapport au prix du produit acheté impulsivement. Cela veut dire qu’ils ne sont pas motivés dans leurs achats impulsifs par un avantage en terme de prix. A l’opposé, les individus du quatrième, du troisième et du deuxième groupe ont, respectivement, un intérêt croissant par rapport au prix. Leurs achats impulsifs sont essentiellement motivés par une opportunité en terme de prix, (Voir tableau 2).
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et attitude par rapport au prix
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et attitude par rapport au prix
28- Pour la tendance à dépenser, les individus du groupe quatre ont le moins tendance à dépenser, suivis des individus des groupes deux et trois. En revanche, ceux qui ont le plus tendance à dépenser, sont les individus du premier groupe, (Voir tableau 3).
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et tendance à dépenser
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et tendance à dépenser
29- Pour la tendance à regretter, ceux qui pensent regretter le moins leurs achats impulsifs sont les individus du groupe deux et quatre, suivis des individus du groupe trois. En revanche, ceux qui pensent regretter le plus, sont les individus du premier groupe, (Voir tableau 4)
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et tendance à regretter
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et tendance à regretter
30- Pour la variable supériorité des produits achetés impulsivement, ceux qui ont le moins tendance à percevoir les produits achetés impulsivement comme supérieurs sont les individus du groupe quatre, suivis de ceux du groupe trois. En revanche, les individus du deuxième groupe suivis de ceux du premier perçoivent leurs achats impulsifs comme supérieurs aux autres types d’achats, (Voir tableau 5).
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et supériorité des produits achetés impulsivement
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et supériorité des produits achetés impulsivement
31- Pour la variable con?ance, les individus du groupe quatre et un n’ont pas con?ance dans leurs achats impulsifs. A l’opposé, les individus du groupe deux et trois ont entièrement con?ance dans leurs achats impulsifs, (Voir tableau 6).
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et con?ance dans ces achats impulsifs
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et con?ance dans ces achats impulsifs
32- En?n, pour la variable tendance à l’impulsivité, les individus du groupe quatre suivis de ceux du groupe trois sont les moins impulsifs. En revanche, les individus du premier groupe suivis de ceux du deuxième groupe ont le plus tendance à être impulsif dans leurs achats, (Voir tableau 7).
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et tendance à l’impulsivité
Anova entre groupes d’acheteurs impulsifs et tendance à l’impulsivité
33Concernant les variables regret post achat et sensibilité aux facteurs de l’environnement du point de vente, qui constituent des variables centrales dans notre étude, l’analyse de la variance n’a pas donné de résultats à cause du non respect de la condition d’égalité des variances des groupes. Nous tentons de véri?er la différence entre les groupes par rapport à ces deux variables en procédant à une analyse de correspondance.
34Pour la variable regret, l’examen de la valeur du Khi-deux nous indique qu’il y a une différence signi?cative entre les groupes par rapport à cette variable (X2= 20,754 et p= 0,002). En effet, les individus du deuxième groupe ?nissent par regretter leurs achats impulsifs. A l’opposé, les individus du premier et du quatrième groupe ne regrettent pas leurs achats impulsifs. En revanche, les individus du troisième groupe sont neutres (ni d’accord, ni pas d’accord).
35Pour la variable sensibilité aux facteurs de l’environnement du point de vente, l’examen de la valeur du Khi-deux nous indique qu’il y a une différence signi?cative entre les groupes par rapport à cette variable (X2= 21,882 et p= 0,001). En effet, les individus du premier groupe sont les plus sensibles aux facteurs de l’environnement, suivi des individus du quatrième groupe. A l’opposé, les individus du deuxième groupe n’accordent guère d’importance à l’environnement du point de vente. En revanche, les individus du troisième groupe ont une position neutre par rapport à cette variable (ni d’accord ni pas d’accord).
36Pour mieux évaluer le comportement post achat impulsif, il nous a semblé judicieux de nous intéresser à la variable « intention de revenir dans le magasin ». A?n de véri?er la différence entre les groupes par rapport à cette variable discrète, nous allons avoir recours à une analyse de correspondance. La signi?cativité de la valeur du Khi-deux nous indique qu’il y a une différence signi?cative entre les groupes par rapport à cette variable (X2= 30,959 et p= 0,000). En effet, les individus du premier et du deuxième groupe ne savent pas s’ils reviendront ou pas dans le magasin où ils ont fait leur dernier achat impulsif. En revanche, les individus du groupe 4 af?rment qu’ils reviendront dans ce même magasin. Et en?n, les individus du groupe 3 sont assez ambivalents.
3.2.3 – Validation des groupes
37A?n d’expliquer l’appartenance des individus aux quatre classes de la typologie grâce aux variables pré sélectionnées, nous effectuons une analyse discriminante en choisissant comme variables à expliquer les groupes d’individus et comme variables explicatives : l’attitude par apport au prix du produit acheté impulsivement, la tendance à dépenser, la tendance à regretter, la tendance à l’impulsivité dans l’achat, la con?ance dans ces achats impulsifs et la supériorité des produits achetés impulsivement.
38Après avoir véri?é les conditions d’application de l’analyse discriminante : l’absence de multi-colinéarité, la normalité des variables explicatives et l’égalité des matrices de covariance (M de Box = 71,367, F approché = 1,051 et signi?cativité = 0,366), nous passons à l’interprétation des résultats. Nous obtenons trois fonctions discriminantes. Les coef?cients du Wilks de Lambda étant signi?catifs, nous pouvons con?rmer le pouvoir explicatif des trois fonctions discriminantes dans l’explication de l’appartenance d’un individu à un groupe, (Voir tableau 8).
Fonctions discriminantes
Fonctions discriminantes
39La première fonction discriminante est expliquée par la tendance à dépenser, la tendance à l’impulsivité et la supériorité des produits achetés impulsivement. La deuxième fonction est expliquée par la con?ance dans ces achats impulsifs et l’attitude positive par rapport au prix du produit acheté impulsivement. La troisième fonction discriminante est expliquée par la tendance du consommateur au regret, (Voir tableau 9).
Matrice de structure des fonctions discriminantes
Matrice de structure des fonctions discriminantes
3.2.4 – Identi?cation des groupes
40L’examen des fonctions au barycentre des groupes nous permettent d’identi?er les groupes en fonction des variables de l’étude, (Voir tableau 10 ci-dessous).
Fonctions au barycentre des groupes
Fonctions au barycentre des groupes
41- Le groupe 1 correspond aux «hédonistes ». Ce sont des individus fortement impulsifs avec une tendance prononcée à dépenser. Ils sont insensibles aux prix et perçoivent leurs achats impulsifs comme supérieurs aux autres types d’achats. En dépit du fait que ces acheteurs n’ont pas particulièrement con?ance dans leurs achats impulsifs, ils ne pensent pas les regretter (ils n’anticipent pas un éventuel regret).
42- Le groupe 2 correspond aux « opportunistes ». Ce sont des individus assez impulsifs avec une tendance assez prononcée à dépenser. Ils sont particulièrement sensibles au prix et perçoivent leurs achats impulsifs comme assez supérieurs aux autres types d’achats. Cette catégorie d’acheteurs a con?ance dans ces achats impulsifs et ne pense pas les regretter (ils n’anticipent pas un éventuel regret).
43- Le groupe 3 correspond aux « stratèges ». Ce sont des individus moyennement impulsifs avec une certaine tendance à dépenser. Ils sont assez sensibles au prix et attribuent une certaine supériorité à leurs achats impulsifs. Ces acheteurs ont une certaine con?ance dans leurs achats impulsifs. Ce qui ne les empêche pas d’éprouver une certaine frustration à l’idée de regretter.
44- Le groupe 4 correspond aux « occasionnels ». Ces acheteurs constituent le groupe d’individus le moins impulsif et le moins dépensier. Ils ne considèrent pas leurs achats impulsifs comme supérieurs aux autres types d’achats et n’y font pas particulièrement con?ance. Un prix avantageux ne constitue pas une motivation assez forte pour les pousser à faire des achats impulsifs. De plus, de part leur expertise, leur capacité d’analyse et de contrôle, ils ne pensent pas regretter leurs achats impulsifs si jamais ils en font.
Conclusion
45Cette étude sur le comportement d’achat impulsif avec ces deux volets qualitatif et quantitatif, a permis de mieux explorer ce comportement et d’identi?er quatre groupes d’acheteurs impulsifs qui se différencient sur un certain nombre de variables : l’attitude par rapport au prix du produit acheté impulsivement, la tendance à dépenser, la tendance à regretter (regret anticipé), la tendance à l’impulsivité dans l’achat, la con?ance dans ces achats impulsifs, la supériorité des produits achetés impulsivement et l’intention de revenir dans le magasin. Dans des recherches futures nous procéderons à la validation de cette catégorisation d’acheteurs impulsifs sur un échantillon de consommateurs sur le lieu de vente et cela par le biais d’un questionnaire administré en face à face. Néanmoins, les premiers résultats de cette recherche autorisent à identi?er un certain nombre de recommandations à l’intention des managers des points de ventes. Celles-ci seront formulées en termes de stratégies de gestion préachat et de stratégies d’accompagnement post achat impulsif, spéci?ques à chaque catégorie d’acheteurs impulsifs. Ainsi :
• La catégorie des « hédonistes » : c’est la plus intéressante pour le magasin sur le plan de la rentabilité et du chiffre d’affaire. En effet, cette catégorie d’individus est particulièrement dépensière. Elle n’accorde pas beaucoup d’importance à l’utilité perçue de l’achat, mais plutôt au plaisir retiré de l’acte. Ces individus ont la particularité d’assumer leur regret post achat impulsif, car selon eux, « rien ne vaut le plaisir du moment». Ce qui explique le fait qu’ils peuvent revenir dans ce même magasin pour y faire de nouveaux achats. Donc, la distribution a tout intérêt à provoquer des achats impulsifs chez cette catégorie de clients, puisqu’ils en tirent une grande satisfaction « émotionnelle » qui peut déteindre sur leur satisfaction envers l’enseigne ou la marque. Il serait donc judicieux de valoriser l’expérience d’achat en agissant sur les sources de valeurs hédoniques. En effet, procurer du plaisir à ce type de consommateur et favoriser leur immersion dans une expérience de consommation divertissante et riche en émotion favorisent la réalisation d’achats impulsifs. Pour ce faire, les managers doivent agir sur les trois composantes de l’atmosphère du point de vente : les facteurs d’ambiance (musique, lumière, acoustique, etc.), les facteurs du design (taille, rangement, déplacement, accès au produit, changement périodique de collection, etc.) et les facteurs sociaux (amabilité, serviabilité et disponibilité des employés, etc.). Plusieurs stratégies sont possibles :
- La stratégie de Décathlon Saint-Denis en France : ce magasin prévoit deux zones communicantes, une première zone ayant pour vocation de faire vivre aux consommateurs une expérience agréable, riche en émotions et une deuxième zone plus centrée sur la vente des produits,
- La stratégie de Ralph Lauren, Nature et Découverte, Nike Town: ces magasins adoptent une stratégie de micro-événement. Cette stratégie consiste en la création d’une discontinuité dans l’espace par l’introduction d’éléments capables de stimuler les cinq sens du consommateur.
47• La catégorie des « opportunistes »: ce sont des acheteurs impulsifs qui sont particulièrement sensibles aux prix et aux promotions. Ils s’apparentent à des « smart shopers », recherchant toujours la bonne affaire. Donc, a?n d’attirer cette catégorie d’acheteurs impulsifs, il faudra leur proposer, de temps en temps, des offres promotionnelles. Ainsi, le magasin maximisera ses chances de convertir cette clientèle volatile en clientèle ?dèle qui prendra l’habitude de se rendre dans ce magasin, même pour faire ses achats courants. De plus, bien que cette catégorie d’acheteurs impulsifs parait insensible à l’atmosphère du point de vente, un certain nombre d’éléments de l’atmosphère peut favoriser la naissance d’impulsions d’achat et la réalisation d’achats impulsifs effectifs, tel que : un agencement fonctionnel du magasin, une présentation structurée des produits, un af?chage clair et bien perceptible des prix et des offres promotionnelles et un nombre suf?sant de vendeurs aimables et disponibles. Néanmoins, et en dépit du fait que ses acheteurs ont con?ance dans leurs achats impulsifs et pensent avoir fait une bonne affaire, ils peuvent ?nir par les regretter. Ce regret est tellement source de frustration, qu’ils auront tendance à retourner leur colère contre le magasin ou la marque, en l’accusant d’être à l’origine de leur mauvais choix. Ils désertent ainsi le magasin et peuvent même aller jusqu’à entacher sa réputation, en émettant un bouche-à-oreille négatif. Ainsi, les managers des points de ventes doivent se prémunir contre ce type de situations en évitant « les fausses promotions » (les promotions qui peuvent cacher des problèmes) et se montrer honnêtes avec ces clients en leur procurant une information complète et ?dèle. En cas d’insatisfaction, des options d’échanges et de remboursement peuvent être envisagées.
48• La catégorie des « stratèges » : ce sont des individus qui accordent une moins grande importance au prix ce qui ne les empêche pas d’évaluer les caractéristiques fonctionnelles et tangibles du produit, avant de faire un achat impulsif. En dépit du fait qu’ils ont une certaine con?ance dans leurs achats impulsifs, ils ne peuvent pas s’empêcher d’avoir peur de regretter. Pour ce faire, ils essaient, soit de développer des stratégies de contrôle pour s’empêcher d’acheter, soit de choisir des options sûres mais avec des prix peu avantageux pour se prémunir contre un éventuel regret. L’une des solutions possibles pour les inciter à acheter est de leur assurer une éventuelle réversibilité en cas d’insatisfaction ou de changement d’avis (Zeelenberg et al, 2007). En effet, les garanties après-vente peuvent constituer un excellent argument pour les rassurer et leur faire baisser leur garde. Dans ce sens, plusieurs enseignes mettent en avant le label « satisfait ou remboursé » pour encourager à l’achat et à la consommation. Ainsi, cette catégorie d’acheteurs impulsifs se sentira rassurée et pourra succomber en toute con?ance à ses impulsions d’achat, sans avoir à mettre en place des stratégies de contrôle qui peuvent s’avérer pénibles et dif?ciles à vivre.
• La catégorie des « occasionnels» : cette catégorie s’apparente à ceux qui rentrent dans le magasin, examinent les produits, les essaient, et ressortent sans rien acheter. Bien qu’ils n’aient pas une forte tendance à l’impulsivité, cette catégorie constitue des clients potentiels pour le point de vente car même s’ils n’achètent pas impulsivement, ils reviendront pour acheter, après s’être donné le temps de ré?échir. De plus, de part leur expertise et leur capacité de maitrise, ils peuvent jouer le rôle de prescripteurs pour d’autres consommateurs. Ainsi, les managers devront se comporter avec ces individus avec beaucoup de prudence, et leur accorder toute l’attention qu’ils méritent : prendre le temps de discuter avec eux, les laisser à leur aise, ne pas les bousculer.
Cette étude sur le processus d’achat impulsif avec les mécanismes qui in?uencent sa réalisation et les techniques qui gèrent ses conséquences, est légitimée par son importance dans la stratégie de l’enseigne. En effet, la fréquence des achats impulsifs effectués par un seul client dans le même magasin et le seul fait qu’un client revisite un magasin après y avoir fait un achat impulsif est une illustration de sa satisfaction, et peut être identi?é comme un nouvel indicateur de la performance de l’enseigne et un moyen de ?délisation de sa clientèle.
Questionnaire
49Rappelez vous de votre dernière visite dans un lieu de vente (magasin spécialisé, centre commercial, etc.).
501- Veuillez indiquer votre degré d’accord par rapport aux propositions suivantes. Entourez le chiffre qui correspond le mieux à votre opinion. Les possibilités de réponses vont de 1 (tout à fait d’accord) à 5 (pas du tout d’accord).
51Durant cette dernière visite :
522- Aviez-vous ?ni par acheter quelque chose que vous n’avez pas plani?é d’acheter, à la suite de cette impulsion (ce désir / cette envie) ressentie ?
53Si vous avez répondu par « NON » alors rappelez-vous de votre dernier achat impulsif.
54Un achat impulsif est un achat qui découle d’une envie soudaine et irrésistible d’acheter immédiatement quelque chose que vous n’avez pas plani?é d’acheter.
552- Veuillez indiquer votre attitude envers le(s) produit(s) acheté(s) impulsivement. Coché la case qui correspond le mieux à votre attitude au moment de l’achat. Les possibilités de réponses vont de -2 (attitude très négative) à 2 (attitude très positive).
56Au moment de l’achat, le produit acheté impulsivement m’a semblé :
573- Veuillez indiquer votre attitude envers le prix de(s) produit(s) acheté(s) impulsivement. Entourez le chiffre qui correspond le mieux à votre opinion. Les possibilités de réponses vont de 1 (tout à fait d’accord) à 5 (pas du tout d’accord).
58Au moment de l’achat, il m’a semblé que:
594- Veuillez indiquer votre degré d’accord par rapport aux propositions suivantes. Entourez le chiffre qui correspond le mieux à votre opinion. Les possibilités de réponses vont de 1 (tout a fait d’accord) à 5 (pas du tout d’accord).
Après cet achat impulsif (de retour à la maison ou bien après avoir utilisé le produit…) :
605- Veuillez indiquer votre degré d’accord par rapport aux propositions suivantes. Entourez le chiffre qui correspond le mieux à votre opinion. Les possibilités de réponses vont de 1 (tout à fait d’accord) à 5 (pas du tout d’accord).
616 - Veuillez indiquer votre degré d’accord par rapport aux propositions suivantes. Entourez le chiffre qui correspond le mieux à votre opinion. Les possibilités de réponses vont de 1 (tout a fait d’accord) à 5 (pas du tout d’accord).
627 - Veuillez indiquer votre degré d’accord par rapport aux propositions suivantes. Entourez le chiffre qui correspond le mieux à votre opinion. Les possibilités de réponses vont de 1 (tout a fait d’accord) à 5 (pas du tout d’accord).
638 - Veuillez indiquer votre degré d’accord par rapport aux propositions suivantes. Entourez le chiffre qui correspond le mieux à votre opinion. Les possibilités de réponses vont de 1 (tout a fait d’accord) à 5 (pas du tout d’accord).
64J’accorde une attention particulière :
659- Reviendrez-vous dans le magasin où vous avez fait ce dernier achat impulsif ?
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