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Article de revue

Responsabilité sociale, pressions institutionnelles et réactions des entreprises

Pages 171 à 198

1Aux yeux de l’opinion publique, l’entreprise est devenue une institution susceptible de donner du sens à la société. Elle se voit ainsi porteuse d’une responsabilité élargie vis-à-vis des différentes entités sociales. Cette évolution, liée à l’accroissement de la sphère d’influence de la firme sur la société et à l’élargissement de son champ d’action géographique, se traduit en une exigence accrue relativement aux conséquences de ses actions. Dès lors, un nombre significatif de parties prenantes pousse les entreprises à être socialement responsables et à tenir compte des nombreuses pressions dont elles font l’objet (Freeman, 1984). Une première source de pressions émane des propriétaires-actionnaires, des employés, des clients et des fournisseurs, qui peuvent être considérés comme des parties prenantes internes à la firme. Une deuxième source de pressions a trait aux organisations non-gouvernementales (ONG), aux communautés, aux États qui cherchent à obtenir des entreprises davantage de responsabilité. Une troisième source de pressions est relative aux tendances sociales générales et aux attentes des institutions. Ces dernières pressions sont illustrées par la prolifération des "bonnes" notations, l’émergence significative de principes et de standards globaux qui définissent les niveaux attendus de la responsabilité des firmes, et les nouvelles initiatives pour estimer la triple performance économique, sociale et environnementale (Waddock et al., 2002). Comment réagissent les organisations à ces pressions et à ces attentes ? Les intègrent-elles systématiquement ou bien n’en tiennent-elles compte que si elles n’entrent pas en contradiction avec leurs intérêts ? Et quel est le sens donné aux décisions prises ? Est-il lié à la légitimité de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) telle qu’elle est perçue par les organisations. La théorie institutionnelle offre à cet égard aux chercheurs des intuitions profondes pour comprendre les processus et les motivations des réponses des firmes aux pressions de l’environnement en matière de RSE (Bansal et Roth, 2000 ; Hoffman, 1997). En outre, elle permet d’identifier l’importance des liens entre les pressions institutionnelles, les réactions des entreprises à l’environnement et la légitimité. L’intérêt accordé aux comportements individuels, à savoir celui des organisations, indique par ailleurs qu’il y a une opportunité à utiliser la théorie institutionnelle pour comprendre comment les processus au niveau de l’entreprise expliquent les résultats au niveau macro. Ce passage micro macro a été largement reconnu par les théoriciens néo-institutionnalistes. DiMaggio et Powell (1991 :16) considèrent ainsi que "peu d’efforts ont été faits pour rendre les fondements micro du néo-insti-tutionnalisme explicites". Zucker (1991 :105) va plus loin en affirmant que "sans un fondement cognitif micro solide, nous risquons de traiter l’institutionnalisation comme une boîte noire au niveau organisationnel, focalisée sur le contenu, au détriment du développement d’une théorie explicative du processus, associant l’institutionnalisation avec la dépendance de ressources, et négligeant la variation institutionnelle et la persistance". L’analyse micro dans la théorie institutionnelle n’est cependant pas nouvelle, mais elle est demeurée centrée pour l’essentiel sur l’institutionnalisation et la convergence des comportements (Zucker, 1977 ; Suchman, 1995). L’utilisation, dans cet article, de l’analyse au niveau individuel, notamment le rôle des interprétations, vise à expliquer les réponses des firmes à la question de la RSE. Les interprétations individuelles - les individus interprètent leur environnement et en le faisant le "mettent en scène" (Weick, 1995) - et l’institutionnalisation - sont estimées interagissant pour influencer les réponses des organisations. Bien que les structures de régulation et les structures normatives puissent pousser les firmes dans une direction, les interprétations individuelles sont susceptibles de révéler des incongruités sous-jacentes qui tiennent compte de certaines variations dans les réponses des organisations. Il est important que les réactions des organisations soient conceptualisées, non comme une variable binaire, mais comme un ensemble de réponses hétérogènes liées au sens donné aux pressions ressenties.

2Trois parties structurent les propos qui suivent. La première partie présente les caractéristiques principales de l’approche interprétative et de l’approche institutionnelle. Elle expose également l’interaction entre les processus institutionnels et les interprétations individuelles afin de montrer que les interprétations individuelles du contexte cognitif en matière de RSE sont significatives. La deuxième partie expose le champ d’observation choisi et justifie la méthodologie utilisée. Enfin, la troisième partie analyse les résultats obtenus et les enseignements susceptibles d’être tirés de cette recherche.

1 – Les liens entre approche interprétative, théorie institutionnelle et RSE

3Trois points sont abordés dans cette première partie : les caractéristiques principales de l’approche interprétative (1.1.), celles de la théorie institutionnelle et de la cogni-tion (1.2.), les liens entre la RSE, la théorie des parties prenantes et l’institutionna-lisme (1.3).

1.1 – Caractéristiques principales de l’approche interprétative

4Comme l’enseigne la théorie de la catégorisation cognitive, les individus assignent des labels aux problèmes qu’ils rencontrent dans leur vie quotidienne afin de pouvoir les analyser et s’en souvenir (Diton et Jackson, 1987). La manière dont ces problèmes sont labellisés va influencer la réponse fournie (Diton et al., 1983). Par exemple, les questions estimées urgentes et faisables sont considérées comme susceptibles de déclencher des réactions (Diton et Duncan, 1987). En même temps, les recherches portant sur les interprétations laissent entendre que les problèmes sont plutôt construits par les membres des organisations dans le but de refléter la réalité qu’ils affrontent (Berger et Luckman, 1966 ; Weick, 1979). Ces organisations créent un dispositif de symboles (Smircich et Stubbart, 1985 : 726) sur lequel elles fondent leurs futures actions (Isabella, 1990; Silverman, 1970).

5Les interprétations sont formées sur la base des catégories cognitives des individus (Rosch, 1978), qui utilisent ces catégories comme un outil mental pour donner du sens à leur environnement (Simon et Kaplan, 1989). Ces indicateurs, employés par un individu pour définir une question environnementale - une menace par exemple -, peuvent être complètement différents de ceux sur lesquels s’appuie un autre individu. Par la suite, les indicateurs ou les règles employés pour associer un problème donné à une catégorie cognitive deviennent plus pertinents dans l’interprétation du problème que tout autre type d’évaluations des stimuli (Gioia et Poole, 1984).

6Par ailleurs, la manière dont un problème est identifié, défini et transmis peut influencer les interprétations des individus et, subséquemment, les actions des organisations (Daft et Weick, 1984 ; Diton et Duncan, 1987). Ainsi, comme évoqué précédemment, quand les organisations considèrent un problème comme urgent et soluble, elles ont tendance à agir pour mobiliser les ressources organisationnelles (Diton et Duncan, 1987). Dans cette optique, les menaces et les opportunités ne donnent pas le même type de réponse (Diton et Jackson, 1987). Cependant, pour l’essentiel, les études menées autour de cette thématique donnent peu d’informations sur le pourquoi et le comment de l’interprétation du contexte institutionnel par les membres des organisations (Covaleski et Dirsmith, 1988). Ginsberg et Venkatraman (1992 : 26) notent ainsi que "la recherche antérieure a négligé de démontrer dans quelle mesure les contextes institutionnels influencent directement les réponses ou les influencent indirectement via l’interprétation". Mais clarifions d’abord le concept d’institution.

1.2 – Théorie institutionnelle et cognition

7Le concept d’institution a été pendant longtemps considéré comme un pilier dans le champ de la sociologie (Barley et Tobert, 1997), mais ce n’est qu’à partir de la fin des années 70 qu’il a commencé à attirer l’attention des chercheurs en organisation (Meyer et Rowan, 1977 ; Zucker, 1977, 1983; DiMaggio et Powell, 1983, 1991). L’intérêt des chercheurs pour les institutions traduit le refus des théories qui accordent à l’efficience un rôle moteur dans la prise de décision ou qui traitent les changements dans les structures formelles comme des adaptations rationnelles aux conditions environnementales et techniques (par exemple, Lawrence et Lorsch, 1967). Contrairement à ces théories traditionnelles, la théorie institutionnelle met l’accent sur les influences culturelles en matière de décision et de structures formelles. Elle considère que les organisations, ainsi que les individus qui les constituent, sont imbriquées dans un système de valeurs, normes, règles croyances, et hypothèses considérées comme allant de soi. Ces facteurs culturels définissent la façon dont le monde est et devrait être. Ils fournissent les plans pour l’organisation en spécifiant les formes et les procédures qu’une entité d’un type particulier devrait adopter si elle doit être vue comme faisant partie d’une catégorie ou d’un groupe (Meyer et Rowan, 1977). Les institutions, dès lors, représentent les contraintes sur les options que les individus et les organisations doivent choisir. Ces contraintes peuvent être modifiées dans le temps. Une caractéristique commune des premiers travaux était que l’environnement consiste en règles et croyances données qui pénètrent les organisations, créant les "lentilles" par lesquels les acteurs considèrent et construisent l’environnement. Les premières recherches se sont efforcées d’expliquer la conformité structurelle et l’isomorphisme, dans des domaines caractérisés par une incertitude technique élevée et une rationalité technique insuffisante, comme l’éducation par exemple (Meyer et al., 1983). Le point central de ces travaux portait sur les processus de légitimation et de reproduction sociale.Un regard particulier était porté sur les contraintes imposées par l’environnement normatif en termes de choix des structures et des pratiques organisationnelles.

8Ces réflexions ont été considérées comme contestables, ce qui, associé aux anomalies empiriques constatées dans les études organisationnelles, a conduit au développement de la théorie néo-institutionnelle. En effet, des pratiques, des procédures et des structures ne peuvent pas être expliquées seulement par les théories de l’acteur rationnel (DiMaggio et Powell, 1991). De surcroît, l’accent mis par la théorie institutionnelle sur la conformité a été critiqué pour la négligence relative du rôle de l’intérêt et de l’agence dans l’explication des réponses organisationnelles aux pressions institutionnelles (DiMaggio, 1988 ; DiMaggio et Powell, 1991). L’intérêt et l’agence n’étaient pas, quelque part, nécessaires pour expliquer les actions fondées sur les règles, mythes et croyances institutionnelles considérés comme donnés. Quand les pratiques sont des faits sociaux, les intérêts des agents sont constants et par conséquent non pertinents dans l’explication des pratiques. Le comportement est alors compris comme étant exécuté parce que c’est ce qui doit être fait. DiMaggio (1988) note que l’unique contribution des travaux sur l’institutionnalisme concernait son centrage sur les mécanismes de causalité, opérant indépendamment des intérêts des acteurs, supposant les compréhensions préconscientes partagées par les membres des organisations. L’incomplétude de l’institutionnalisation et sa contestation ont conduit à ce que la question des divergences en termes de réponses des organisations aux pressions institutionnelles devienne pertinente, les intérêts et l’agence devenant une explication potentielle. Un certain nombre de contributeurs estiment, dans cet esprit, que dès lors que l’institutionnalisation est incomplète, la discrétion émerge en matière de réponses individuelles aux pressions institutionnelles. Les organisations utilisent cette opportunité pour poursuivre leurs intérêts (DiMaggio, 1988 ; Powell, 1985, 1991 ; Scott, 1991). DiMaggio (1988), par exemple, a initialement considéré le rôle de l’agence et des intérêts en avançant que le processus d’institutionnalisation était profondément politique. Cette vue ne défie pas vraiment l’orientation traditionnelle de la théorie institutionnelle. D’autres auteurs ont estimé que les systèmes institutionnels définissent les fins et les moyens par lesquels les intérêts sont déterminés et poursuivis (par exemple, Scott, 1987). Enfin, certains théoriciens institutionnels ont essayé d’intégrer agence et intérêts en estimant que la conformité ou la résistance aux pressions institutionnelles constitue un choix stratégique, affecté par les intérêts des organisations (Goodrick et Salancik, 1996).

9La remise en cause par la théorie néo-institutionnelle des premiers préceptes de l’institutionnalisme reconnaît, quelque part, que les sens ou les interprétations que les membres attachent aux pratiques organisationnelles sont centraux à la compréhension du processus d’institutionnalisation. À cet égard, Powell et DiMaggio (1991 :16) affirment que "l’aspect le plus distinctif du travail néo-institutionnel découle des images implicites des motivations des acteurs, des orientations à travers l’action, et des contextes dans lesquels ils agissent". Ces images sont importantes parce que les cognitions partagées définissent "ce qui a un sens et quelles sont les actions possibles" (Zucker, 1983 :2). Les critiques antérieures sur l’incomplétude de la théorie institutionnelles en termes d’intérêts et d’agence (Oliver, 1991 ; Powell, 1988 ; Scott, 1987) mettent en évidence l’absence de prise en compte de la subjectivité dans la conception des pratiques organisationnelles.

10En effet, l’extériorité et l’objectivité des structures à travers l’institutionnalisation sont estimées poussant les organisations à agir d’une manière "appropriée" (Scott, 1995 ; Suchman, 1995). L’environnement institutionnel crée les structures pour une transition sans à-coups de ce qui est bien à ce qui est fait.Trois axes définissent le processus institutionnel : la régulation, le normatif et le cognitif (Scott, 1995). Le premier axe représente les règles qui contraignent le comportement humain. Ces règles sont définies non seulement comme des régulations, mais également comme des contrats et des procédures de guides pour les membres des organisations. Les pressions coer-citives sont le principal moyen par lequel les institutions de régulation sont distribuées. Le deuxième axe - normatif - se reflète dans les normes, valeurs et croyances. Celles-ci fournissent la stabilité à l’ordre social et facilitent la communication et les actions. L’appartenance à des clubs, la formalisation des professions, et les réseaux des individus et des firmes servent à diffuser des normes et des valeurs. Ne pas répondre aux pressions de régulation et aux influences normatives peut conduire à des sanctions ou à l’aliénation et menacer la base des ressources de l’organisation. L’axe cognitif, contrairement aux précédents axes, porte sur les niveaux organisationnels et individuels de l’analyse. En effet, les membres des organisations partagent souvent les interprétations d’une question (Zucker, 1987). Ces interprétations contraignent la façon dont le monde est perçu et la considération de ce qui est acceptable et normal. Lorsque les perceptions de ce qui est considéré comme juste, acceptable ou légitime guident les actions des individus, le dialogue entre les membres des organisations conduit à la diffusion de ces systèmes de valeur (Suchman, 1995a). Cependant, souvent les pressions ne sont pas manifestes, mais sont diffusées d’une manière subliminale. Ces normes sont données parmi les membres des organisations. Les membres du champ adoptent les croyances et les valeurs de leurs pairs, tout en influençant en même temps celles qui se trouvent dans leur environnement proche. Un système de sens est alors créé et il est plus congruent parmi les membres des organisations qu’entre les acteurs internes de l’organisation et ceux qui lui sont externes.

11Relativement aux réflexions sur les interprétations qui expliquent la façon dont les individus catégorisent les problèmes, la théorie institutionnelle explique en résumé comment les individus partagent ces interprétations dans le temps et pourquoi ceci conduit à une congruence organisationnelle. Les individus dépassent leurs perceptions et biais lorsqu’ils interagissent. Au fur et à mesure, ils partagent des structures de règles cognitives et assignent les questions soulevées à des catégories similaires. L’institutionnalisation créé des routines par lesquelles des questions sont préparées et traitées (Ashforth et Fried, 1988 ; Louis et Sutton, 1991). Elle fournit les règles de l’appropriabilité des actions pour déterminer de quelle manière les questions sont ultimement interprétées et justifiées (Ginsberg et Venkatraman, 1992; Staw, 1980). Par conséquent, l’institutionnalisation influence les interprétations individuelles et les actions subséquentes. L’interprétation collective d’une question détermine le degré d’institutionnalisation cognitif dans le champ de l’organisation (Scott, 1995).

12Cependant, les réflexions sur les interactions entre les contextes institutionnels et les interprétations sont incomplètes. Le degré auquel le contexte institutionnel contraint (ou est contraint par) les interprétations est inconnu. Voir à l’intérieur de la boîte noire du processus institutionnel requiert des intuitions non seulement sur la direction de l’influence mais également des moyens par lesquels les pressions institutionnelles influencent les structures organisationnelles et les actions. Cette recherche vise ainsi à identifier dans quelle mesure les réactions organisationnelles, en matière de RSE, peuvent être attribuées à l’interaction des pressions institutionnelles et des interprétations.

1.3 – Responsabilité sociale des entreprises, théorie des parties prenantes (TPP) et institutionnalisme

13Eu égard à la problématique de cette recherche, il n’est pas nécessaire de développer d’une manière exhaustive les tenants et aboutissants du concept de RSE. Contentons-nous seulement d’un bref rappel.

14Les premières réflexions sur les liens entre les firmes et la société ont commencé à voir le jour d’abord aux Etats-Unis dans les années 50 (Caroll, 1995 ; Frederick, 1995), ensuite en Europe, trente années plus tard (van Luijk, 1997). Le concept de responsabilité sociale, auquel se réfèrent les travaux ayant émergé au cours de ces périodes, s’inspire largement de la contribution de Caroll, qui décrit le construit multidimensionnel de la performance sociale des entreprises (PSE) en 1979 et la RSE en 1995. Quatre types fondent la définition proposée par Caroll : responsabilité légale ; responsabilité économique ; responsabilité éthique ; responsabilité discrétionnaire (pour plus de détail sur les contributions de Caroll, voir Bécheur et Bensebaa, 2004). Les réflexions sur la RSE d’une manière générale et sur les travaux de Caroll (1979, 1995) d’une manière particulière ont été associées par la suite aux apports de la théorie des parties prenantes. En effet, dans son travail séminal, Freeman (1984) définit le concept de "partie prenante " comme tout individu ou groupe, pouvant affecter la performance de la firme ou pouvant être affecté par la réalisation des objectifs de l’organisation. Depuis la publication de ce travail, de nombreux auteurs ont cherché à développer le concept proposé. Outre la RSE (Donaldson et Preston, 1995), la théorie des parties prenantes a ainsi été explorée à partir de plusieurs perspectives : théorie de l’agence (Hill et Jones, 1992); théorie des réseaux (Rowley 1997); approche par les ressources (Frooman, 1999). Les travaux menés peuvent être subdivisés en deux volets : stratégique et moral. Le premier volet a trait au management actif des intérêts des parties prenantes, tandis que le second volet est relatif à l’équilibre entre les différents intérêts des parties prenantes. La littérature du premier volet classe les parties prenantes en primaires et secondaires, à partir du type de relations entretenues avec la firme. Les parties prenantes primaires incluent les employés, les fournisseurs, les clients et les organismes publics, engagés dans des relations formelles avec l’organisation. Les parties prenantes secondaires portent sur les acteurs comme les media et les groupes d’intérêts spéciaux, non engagés dans les transactions formelles avec l’organisation (Clarckson, 1995). S’inscrivant dans ces réflexions, Mitchell et al. (1997) utilisent trois attributs pour classer les parties prenantes : pouvoir, légitimité, urgence. Dans leur modèle, le caractère saillant des parties prenantes, tel qu’il est perçu par les dirigeants, est positivement lié à l’impact cumulatif des trois attributs. Puisque le degré auquel les dirigeants donnent la priorité aux revendications concurrentes des parties prenantes est dynamique, le caractère saillant peut varier dans le temps et dépend de la question considérée. Les perceptions managériales sont importantes dans ce modèle, parce qu’elles déterminent ultimement le caractère saillant des parties prenantes. Ces perceptions peuvent être influencées par les valeurs des dirigeants.Jawahar et McLauglin (2001) considèrent également que les organisations utilisent différentes stratégies pour traiter les différentes parties prenantes et que ces stratégies peuvent changer dans le temps.

15L’étude des relations entre les firmes et les parties prenantes permet de mettre en évidence un certain nombre d’éléments. Ainsi, une performance faible en matière de RSE peut sérieusement tendre les relations de la firme avec ses parties prenantes. Ceci peut négativement affecter l’entreprise. Les actionnaires pourraient voir la valeur de leurs actions baisser si une firme est considérée comme responsable en matière de responsabilité sociale ou si les rapports portant sur son engagement social conduisent à des nouvelles alarmantes. Comme conséquence, les actionnaires, mais aussi les institutions financières, perçoivent les organisations avec une responsabilité sociale faible risquées en matière d’investissement, et peuvent demander une prime de risque significative, ou afficher leur mécontentement en retirant les capitaux ou en refusant d’octroyer de nouveaux prêts.

16En outre, les firmes avec une réputation de non respect de la RSE peuvent éprouver des difficultés à attirer ou garder des employés hautement qualifiés, particulièrement ceux qui souhaiteraient travailler dans des firmes proactives en RSE. Dans cette optique, le succès des firmes en matière de RSE va dépendre fortement de la participation et de l’engagement de ses employés. Les consommateurs peuvent également être conscients de l’impact social des produits de consommation, et peuvent demander à ce que l’industrie améliore la performance sociale des produits fabriqués. L’émergence de consommateurs acteurs et responsables implique que certains consommateurs sont prêts à payer une prime pour des produits respectant la RSE (Vandermerwe et Oliff, 1990). Cependant, des groupes de consommateurs peuvent également exercer des pressions négatives en boycottant les produits d’une firme avec une réputation de RSE faible (Greeno et Robinson, 1992). Similairement, des fournisseurs responsables socialement peuvent refuser de collaborer avec des firmes clients afin de protéger leur propre réputation.

17De surcroît, une firme avec une stratégie RSE seulement réactive peut faire face à une perte d’avantage concurrentiel si le management proactif RSE devient une pratique commune au sein des entreprises rivales (Garrod, 1997), ou quand il y a des avantages pionniers substantiels associés à des investissements en RSE. Les entreprises peuvent également être confrontées à des campagnes publicitaires négatives émanant de groupes sociaux ou à une couverture peu flatteuse par les media. Les firmes multinationales pour leur part affrontent la complexité supplémentaire d’un champ institutionnel large de parties prenantes dispersées dans plusieurs pays ainsi que la possibilité d’effets boule de neige sur l’ensemble de leurs filiales, suite au comportement d’une filiale (Rugman et Verbeke, 2001).

18Les menaces posées par les différentes parties prenantes en réponse au management faible de la RSE peuvent pousser les entreprises à améliorer leurs pratiques, institutionnalisant ainsi les pressions exercées. En outre, les entreprises adoptant des stratégies RSE avancées coopèrent souvent avec certaines parties prenantes tels que les ONG dans le développement de standards internationaux et la conclusion d’accords volontaires. Les firmes peuvent également former des alliances stratégiques avec des concurrents majeurs dans le but d’aborder des problèmes sociétaux complexes ou travailler étroitement avec des ONG pour faire baisser les pressions.

19Les agences étatiques jouent, de leur côté, un rôle proéminent en façonnant les pratiques RSE par une démarche de régulation au moyen des lois et de la réglementation. À cet égard, l’intégration de la RSE par certaines firmes constituerait une réponse directe à l’émergence de la régulation dans les pays industrialisés (Palmer et al., 1995). La nature complexe croissante de la régulation environnementale a dans cette optique augmenté les risques de non complaisance (Garrod, 1997).

20Dans ce qui précède, il apparaît que les pressions institutionnelles en matière de RSE correspondent aux attentes des différentes parties prenantes. Cependant, ces pressions peuvent ne pas être prises en compte par les organisations, lorsque leurs intérêts se trouvent menacés ou lorsque ces pressions sont en porte-à-faux avec leurs stratégies. Ce qui conduit à mettre l’accent sur les interprétations et le sens attribué par les entreprises aux pressions exercées par l’environnement.

21L’analyse ci-dessus suggère des liens importants entre les pressions institutionnelles exercées par l’environnement et l’institutionnalisation des pratiques attendues en matière de RSE : soit les firmes acceptent ces pressions, soit elles les récusent. Mais dans les deux cas, c’est le sens et l’interprétation donnés à ces pressions et à ce qu’elles considèrent comme légitime qui vont conduire aux réponses formulées (figure 1).

Figure 1

Processus d’institutionnalisation de la RSE légitime

Figure 1

Processus d’institutionnalisation de la RSE légitime

2 – Champ d’observation et collecte des données

22Deux points sont traités dans cette deuxième partie : le choix du terrain et la justification de la méthodologie (2.1.) ; la présentation des cas choisis dans cette recherche (2.2).

2.1 – Choix du terrain et méthodologie

23Le positionnement conceptuel néo-institutionnaliste engendre le recours à une méthode abductive prenant appui sur une observation minutieuse suivie d’une concep-tualisation de la réalité et sur une élaboration de conjectures quant aux relations qui pourraient unir les structures d’un côté et l’apparition ou l’état du phénomène étudié, par ailleurs.

24Comme l’objectif de cette recherche est de mettre à l’épreuve la théorie néo-institutionnelle et le concept de sensemaking afin de faire émerger des orientations en matière de généralisation théorique, la méthode des cas (Yin, 1994) semble particulièrement adaptée. Nous observons alors de manière longitudinale les actions de l’entreprise et des parties prenantes dans le cadre d’un événement particulier.

25Les cas sont choisis en fonction de deux critères dans le but d’étudier comment des phénomènes engendrent le processus d’institutionnalisation de la RSE au sein de secteurs :

  • ils décrivent des situations médiatisées de remise en question des pratiques d’entre prises en matière de responsabilité ;
  • ils concernent des problématiques actuellement importantes dans la société - l’impact de la firme sur l’environnement et sur les aspects sociaux (résultats d’une étude Credoc 2001).
Les cas retenus offrent a priori de la variété, sur le plan de la diversité des pratiques et des contextes, permettant d’avoir une vision large du phénomène, objet de la recherche. En effet, les thèmes en terme de RSE et les secteurs concernés sont différents, les nationalités des entreprises divergent, les périodes et les contextes socio-culturels sont variés, enfin les parties prenantes engagées sont de toute nature. Les cas sont cependant homogènes en terme de type d’entreprise considérée : il s’agit, en effet, de multinationales.

26Les cas sont construits à partir de données secondaires recueillies au moyen d’une étude systématique de la base de données Europress, de l’analyse des sites d’une part des entreprises étudiées, et d’autre part, d’organismes institutionnels tels que les syndicats, les associations ou les organisations gouvernementales.

27La période étudiée démarre avec l’occurrence de l’évènement et se termine suite à la mise en œuvre d’une résolution du problème par l’entreprise.

28L’ensemble des faits observés sont décrits et résumés puis donnent lieu à une analyse processuelle visant à identifier les étapes et les interactions aboutissant à un processus d’institutionnalisation et de construction du sens de la RSE.

2.2 – Présentation des cas

*Cas Mattel

29Le groupe Mattel est leader mondial du secteur du jouet. Comparé à ses concurrents, le groupe est celui qui possède le plus d’usines en propre en Asie et au Mexique. Depuis 1996, il est soumis à la forte pression des ONG qui dénoncent le non respect des normes internationales du travail édictées par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) au sein des usines productrices de jouets de la marque. En 1997, Mattel adopte un code conduite et crée un organe de contrôle MIMCO (Mattel Independant Monitoring Council), chargé de vérifier l’application de la charte du travail dans les usines et chez les sous-traitants. Mais cet organe est remis en question par les ONG et certains actionnaires qui s’interrogent sur son indépendance. En effet, certains salariés du MIMCO sont payés par Mattel, les standards du code de conduite n’ont pas été communiqués aux actionnaires, les visites du MIMCO sont à l’avance annoncées dans les usines et plus de 90 % des salariés interrogés dans les usines ne connaissent pas le code éthique établi. Dans ce contexte, un rapport a été publié par le syndicat Hong-Kong Christian Industrial Comitee démontrant l’écart entre les pratiques de l’entreprise et les principes sur lesquels elle s’est engagée. Le tableau 1 ci-dessous expose le déroulement des actions de l’entreprise et de ses parties prenantes, suite à cet événement.

Tableau 1

Présentation des événements du cas Mattel

Tableau 1
Evènement 1 Décembre 2001 Rapport publié par un puissant syndicat de Hong-Kong (HKCIC), condamnant les conditions de travail au sein des entreprises sous-traitantes. Réactions de l’entreprise Janvier 2002 Rupture de liens avec les sous-traitants dénoncés dans le rapport 2001. Campagne de communication auprès des actionnaires pour les rassurer sur les conditions de travail des employés. Août 2002 et Acceptation de l’audit social de 12 entreprises sous-traitantes menés par l’ICCA janvier 2003 (organisme à but non lucratif indépendant créé par Mattel en remplacement du MIMCO). Janvier 2004 Publication du rapport de l’ICCA qui souligne des efforts réalisés par les fournisseurs mais indique que les conditions de travail sont encore en deçà des principes énoncés dans le code de conduite (GMP, Global Manufacturing Principles) de Mattel édicté en 1997. Février 2004 Mattel s’engage à travailler avec les sous-traitants pour corriger les manquements et encourager les améliorations
Tableau 1
Evènement 2 Décembre 2001 Une actionnaire minoritaire souhaite inscrire à l’ordre du jour de l’AG des actionnaires les conditions de travail des employés chez les sous-traitants. Décembre 2001 L’entreprise tente par des manœuvres procédurières d’empêcher que cette demande n’aboutisse. Janvier 2001 L’actionnaire obtient gain de cause et peut poser sa question. Janvier 2001 Une vidéo est diffusée lors de cette AG pour démontrer les bonnes conditions de travail des salariés dans les usines fabriquant les jouets Mattel.

Présentation des événements du cas Mattel

*Cas Seveso

30Seveso est une ville située au Nord de la Lombardie en Italie. Le 10 juillet 1976, l’un des réacteurs chimiques de l’usine de la société Icmesa appartenant au groupe Givaudan-Hauffmann-Laroche, explose. L’entreprise productrice d’herbicides est mise en cause. L’accident est considéré comme très grave en raison de la quantité de dioxines rejetées dans l’atmosphère qui ont formé un nuage contaminant une région de 1800 ha. Compte tenu de l’incertitude liée aux effets de ces particules chimiques sur les humains et les animaux, "l’accident a causé une grande panique". Près de 2000 habitants les plus proches du lieu de l’accident ont été évacués, le cheptel abattu et de nombreux bâtiments rasés. Plus de 37 000 personnes ont subi les causes de cet accident et l’environnement naturel fut dégradé. Bien qu’aucune mort directe n’ait pu être attribuée à l’accident, la crainte de cancers et de maladies de la peau a perduré durant de nombreuses années. Cet accident a provoqué un débat important sur les risques liés aux dioxines et plus largement sur la réglementation en matière de prévention des risques technologiques. "Cet accident a marqué dans toute l’Europe la prise de conscience du risque chimique." Le tableau 2 présente l’accident et les actes engagés en réponse à cet accident.

Tableau 2

Présentation des événements du cas Seveso

Tableau 2
Evènement 10/07/1976 Accident chimique : évalué comme très grave. Effets immédiats : destruction de l’environnement naturel sur 1800 ha. Effets à long terme: incertitude quant aux risque de cancers et de maladies de la peau. 1976 Évacuation des habitants, cheptel abattu, immeubles détruits. Réaction institutionnelle 1982 Directive européenne Seveso: mise en cause de la responsabilité en cas d’accident chimique. 1996 Renforcement de la directive Seveso qui devient Seveso II en 1996 avec des précisions sur les mesures préventives à mettre en place en raison du manque d’harmonisation entre pays européens. 2001 à aujourd’hui Durcissement des directives européennes en raison de l’accroissement du nombre aujourd’hui d’accidents (2001 accident AZF, filiale de Total, Toulouse).
Tableau 2
Réactions de l’entreprise 1976-1986 L’entreprise communique pour rassurer les populations sur l’effets des émissions de dioxine. Guerre d’experts pour qualifier l’impact des accidents chimiques en matière de cancers et de maladie de la peau. 1982 L’entreprise doit prendre en charge l’incinération des fûts contaminés par la dioxine. Août 1982-Novembre 1985 Les fûts sont perdus pour être retrouvés en mai 1983 dans un abattoir désaffecté du Nord de la France puis incinérés en mai 1985. 1986 Publication d’un rapport confirmant l’incinération des fûts de dioxine. Réaction de l’Etat italien C’est le dernier État européen à mettre en application la directive Seveso.

Présentation des événements du cas Seveso

*Cas Continental

31Continental, entreprise allemande fabriquant des pneus, acquiert en 1998 l’entreprise mexicaine Euzkadi qui fabrique des pneus dans l’état mexicain d’El Salto. Souhaitant réorganiser l’entreprise selon ses propres standards de travail qui prévoient l’allongement du temps de travail de huit à douze heures, Continental se heurte à la résistance des syndicats. En juin 1999, dix huit syndicalistes sont licenciés. En novembre 2001, l’équivalent du conseil des prud’hommes mexicain déclare la mesure illégale et ordonne la réembauche des salariés. Dans un communiqué, Continental annonce en décembre 2001 la fermeture du site suite "à l’échec de la mise en place dans le site de standards de modes de production internationaux, et ce, en dépit de près de deux années d’efforts, du fait de l’opposition syndicale.". Le tableau 3 ci-dessus relate ces événements.

Tableau 3

Présentation des événements du cas Continental

Tableau 3
Évènement Novembre 2001 Condamnation par le conseil des prud’hommes mexicain pour réembaucher des syndicalistes licenciés suite à une mouvement social. Réaction de l’entreprise Décembre2001 Fermeture du site de production. Réaction politique 2003 Échec d’une table ronde réunissant le ministre de l’économie allemande, l’ambassadeur du Mexique, les syndicalistes mexicains et des dirigeants de l’entreprise pour aboutir à une résolution. 2003 Condamnation de Continental par la justice mexicaine à payer une indemnisation de 29 M euros, pour avoir licencié abusivement les salariés.
Tableau 3
Réaction de l’entreprise 2003 Contestation et refus de régulariser : appel. Réaction des syndicats Mai 2003-2004 Soutien des syndicats allemands aux syndicalistes mexicains et actions médiatiques (présence des syndicats lors des AG d’actionnaires).

Présentation des événements du cas Continental

*Cas Marées noires

32Depuis le naufrage en 1967 du Torrey Canyon en Grande-Bretagne, de nombreux accidents de tankers transportant du pétrole ont jalonné l’histoire récente. Nous avons de choisi de traiter deux d’entre eux (tableau 4) : l’Amoco Cadiz et l’Erika en raison d’une part de la quantité d’informations trouvées sur ces cas et d’autre part de la variété des contextes -temporel, géographique, socioculturel - des deux entreprises étudiées. Nous évoquons également, mais brièvement, le naufrage du Prestige.

Tableau 4

Présentation des événements du cas Marées noires

Tableau 4
Évènement 16/03/1978 Naufrage de l’Amoco Cadiz tanker affrété par la Standard Oil of Chicago : marée noire. Réaction politique 1978 Nettoyage du littoral breton. 1978 Mise en place par l’Etat français d’un plan de surveillance des pollutions marine “POLMAR”. 1978-1992 Les collectivités bretonnes s’organisent pour se porter parties civiles afin d’assigner la Standard Oil devant le tribunal de Chicago. 1992 Le jugement reconnaît la responsabilité de la Standard Oil et la condamne à verser des indemnités. 1992 Création d’un fonds d’indemnisation FIPOL par l’organisation maritime mondiale alimenté par les cotisations des industries pétrolières des ses 72 Etats membres. Évènement 10/12/1999 Naufrage de l’Erika affrété par TotalFina au large des côtes bretonnes. Marée noire affecte le littoral. Réaction politique 30/12/1999 Les politiques estiment que c’est à l’entreprise de déterminer ce qu’elle doit faire.
Tableau 4
Réaction de l’opinion publique 30/12/1999 Critique de l’inanité des conventions internationales et des politiques nationales en matière de transport des matériaux dangereux/Menace de boycott de TotalFina. Réactions de l’entreprise 30/12/1999 Déclaration du PDG Thierry Desmaret. TotalFina débloque 40 MF pour financer le pompage de l’Erika. 06/01/2000 TotalFina mandate l’entreprise LE Floch Dépollution pour pomper et nettoyer les côtes. Altercation avec les autorités locales et retrait de l’entreprise. 10/01/2000 Retour de l’entreprise après accord sur les modalités de la collaboration avec les autorités locales. Réaction institutionnelle Juillet 2001 La commission européenne publie un livre blanc sur les transports dans lequel sont renforcées les mesures en matière de transports maritimes. Août 2001 Mise en cause dans un rapport de gendarmerie : d’officiers de gendarmerie et du directeur du centre régional d’observation et de surveillance pour manquement aux procédures dans la gestion du naufrage de l’Erika ; de TotalFina pour ne pas avoir pris des mesures suite à un telex l’informant de fuites et pour obstruction à l’enquête. Réaction de l’entreprise Août 2001 Total dément ces allégations. Réaction de l’institution Septembre La confédération maritime assigne devant la justice le FIPOL pour 2001 indemniser totalement les victimes (84 millions de francs ont été versés sur les 1.2 milliard réclamés). Évènements 19 novembre Naufrage du Prestige. 2002 Réaction institutionnelle Janvier 2003 Le commissaire européen fait pression sur le conseil et le parlement pour que soient adoptées les mesures du livre blanc et incite les Etats membres au travers d’un règlement à inclure dans leur législation nationale des sanctions pénales à l’égard des pollueurs.

Présentation des événements du cas Marées noires

3 – Analyse des résultats et discussion

33Cette dernière partie décrit et étudie le processus d’institutionnalisation du concept de RSE au moyen de l’analyse des évènements engagés et subis par les entreprises en interaction avec les diverses parties prenantes (3.1.). Elle propose ensuite d’associer les résultats obtenus aux théories institutionnelles et interprétatives (3.2.).

3.1 – Les processus d’interaction entre les parties prenantes et les entreprises

34Le tableau 5 ci-dessous est centré sur la représentation des successions d’actions ou réactions de chacune des entreprises étudiées suite aux pressions des parties prenantes, afin de reconstituer le processus d’institutionnalisation des pratiques.

Tableau 5

Représentation des actions ou réactions des entreprises considérées

Tableau 5
Partie prenante Pression institutionnelle Institutionnalisation de la pratique Sensemaking de la RSE Cas MATTEL Événement 1 en 2001 Syndicat localisé à l’étranger Rapport remettant en question les pratiques en terme de condition de travail dans les usines délocalisées, renforçant les critiques existantes depuis les années 1995 Acceptation des audits sociaux suite à cette pression • La RSE doit être évaluée au travers d’audits sociaux réalisés par des organismes indépendants • Les fournisseurs à l’étranger doivent se conformer aux pratiques légitimes dans la société occidentale • Mattel est prête à les accompagner Évènement 2 en 2001 Actionnaire minoritaire Question lors de l’assemblée générale des actionnaires sur le respect des règles de l’OIT Processus de contrôle par : l’évitement de la demande la “manipulation” de l’image de l’entreprise en diffusant une vidéo • L’entreprise refuse que la RSE soit définie par les actionnaires minoritaires : c’est un signal adressé aux militants par l’actionnariat pour les décourager de telles pratiques. • L’entreprise cherche à acquérir une légitimité vis-à-vis de l’opinion publique et plus particulièrement auprès de ses actionnaires Cas SEVESO Évènement 1 en 1976 Médias et opinion publique Panique suite à un accident chimique Stratégie d’évitement, tentative de contrôle par la communication L’entreprise estime ne pas être responsable du manque de prévention et des effets futurs : c’est un accident dont les risques futurs restent à démontrer Évènement 2 en 1982 Parlement européen Directive Seveso Institutionnalisation coercitive Après des hésitations l’entreprise accepte la règle imposée : l’extension de la responsabilité en matière de prévention est intégrée Evènement 3 en 2001 Opinion publique – Media Inquiétudes suite à l’accident d’AZF Renforcement de l’institutionnalisation coercitive
Tableau 5
Partie prenante Pression institutionnelle Institutionnalisation de la pratique Sensemaking de la RSE Cas CONTINENTAL Évènement 1 en 2001 Syndicat localisé à l’étranger – Autorités locales Jugement condamnant l’entreprise en terme de responsabilité légale sur le respect du droit du travail dans le pays de délocalisation Stratégie de confrontation L’entreprise refuse de reconnaître sa responsabilité légale et sociale définie dans un pays tiers : elle indique ainsi qu’elle ne cèdera pas aux exigences des syndicats étrangers Évènement 2 en 2003 Autorité locale et nationale Table ronde de négociation Stratégie de confrontation L’entreprise ne souhaite pas donner de crédit à la pression institutionnelle : elle estime être responsable économiquement compte tenu de ses pratiques “normales”en terme de conditions de travail existantes dans l’ensemble de ses usines à l’étranger Évènement 3 en 2003 Syndicat étranger et national Présence lors de l’assemblée générale des actionnaires Stratégie d’évitement et de manipulation L’entreprise ne communique pas sur ces faits et indique dans son rapport en terme de “corporate gouvernance”qu’elle respecte les législations en vigueur dans les pays étrangers Cas AMOCO CADIZ et ERIKA Évènement 1 en 1978 Opinion publique, autorités locales (étrangères pour l’entreprise) Parties civiles à un procès pour reconnaître la responsabilité de l’entreprise comme pollueur Stratégie de confrontation L’entreprise résiste afin de ne pas assumer la responsabilité en tant que pollueur Évènement 2 en 1992 Autorité juridique nationale (US) La justice américaine condamne l’entreprise à verser des indemnités Stratégie de compromis L’entreprise accepte le jugement Le secteur apprend qu’il lui faut se prémunir contre ce type de sanction en mutualisant les risques : création du FIPOL (fonds d’indemnisation) Évènement 3 en 1999 Opinion publique nationale, autorités locales nationales Pression médiatique, risque de boycott Stratégie de compromis En définissant le montant de son don, l’entreprise définit elle-même les limites de sa responsabilité. Évènement 4 en 2001 Autorités judiciaires Mise en accusation de l’entreprise pour comportement non responsable Stratégie de confrontation L’entreprise refuse d’être considérée comme ayant eu un comportement non éthique car non respectueux de la loi

Représentation des actions ou réactions des entreprises considérées

35L’étude du tableau 5 conduit à la mise en évidence d’un certain nombre de constats. Ainsi, les réactions des entreprises aux actions des parties prenantes divergent selon l’origine de la partie prenante. Une tendance semble se dégager : plus la partie prenante est puissante dans le marché direct de l’entreprise et plus cette dernière aura tendance à prendre en considération l’attente exprimée et à entreprendre une stratégie de compromis ou d’acceptation. En revanche, lorsque la partie prenante est en dehors de ce champ d’influence, l’entreprise semble adopter des stratégies de confrontation, d’évitement ou de manipulation indiquant ainsi son refus d’institutionnaliser des pratiques qui ne lui semblent pas en conformité avec ses attentes et ses intérêts. Ce processus est bien compris par les parties prenantes étrangères qui s’allient entre elles et s’appuient sur le relais des parties prenantes locales pour exercer une pression médiatisée sur les firmes pour les pousser à engager un processus d’institutionnalisation (figure 2). Il s’agit alors de peser, via des dispositifs de diffusions, sur les préoccupations des acteurs du marché de l’entreprise. De leur côté, les entreprises apprennent à gérer les problématiques de RSE en mutualisant les ressources et les risques au niveau sectoriel, normalisant ainsi des pratiques considérées performantes en RSE. En outre, dans ces différents cas, les firmes signifient, par le choix de leurs actions, les limites ou les extensions du concept de leur RSE (figure 2).

Figure 2

Mécanismes de pression réciproque entre les parties prenantes et la firme pour définir la RSE

Figure 2

Mécanismes de pression réciproque entre les parties prenantes et la firme pour définir la RSE

3.2 – Discussion des résultats obtenus

*L’institutionnalisation de la RSE comme moyen d’acquérir des ressources symboliques

36Conformément aux apports de la théorie néo-institutionnelle, l’étude des cas permet d’observer que les entreprises prennent en considération les attentes de certaines parties prenantes dans le cadre des finalités économiques traditionnelles. Ainsi, Mattel ou TotalFina s’engagent dans la responsabilité sociétale pour ne pas dévaloriser leur image et leur identité, constitutive d’une ressource symbolique (Fombrun, 1996 ; Whetten et Godfrey, 1998).

37Par ailleurs, il apparaît que l’aspect souvent contradictoire des demandes des parties prenantes offre la possibilité aux responsables de manipuler éventuellement par des rituels et des symboles, les groupes qui constituent des contraintes. Le cas de Mattel est à ce titre exemplaire : lors de son assemblée générale, Mattell diffuse une vidéo présentant les bonnes conditions de travail des employés dans les usines afin de contrecarrer les critiques de l’actionnaire minoritaire et de rassurer les actionnaires. Lesquels s’interrogent ensuite sur le montant des dividendes distribués, certains liant cela à la politique sociale trop généreuse de l’entreprise. Par ce biais, la firme interprète les limites qu’elle doit accorder aux attentes des parties prenantes et précise le sens qu’elle accorde à la responsabilité sociétale de l’entreprise. Elle définit en réponse aux pressions le comportement éthique qui lui apparaît normal ou anormal et qui est considéré comme légitime."La ’légitimité sociale’ concept au cœur des théories institutionnelles, devient une ressource stratégique, fondée sur les jugements des parties prenantes et dont dépend l’organisation pour sa survie. Les entreprises requièrent un consensus de la société au sein de laquelle elles évoluent et notamment auprès des groupes qui leur fournissent des ressources clés" (Capron, 2002 :16).

*L’action est le résultat de règles et comportements institutionnalisés

38Trois niveaux d’influence sociale représentant les forces normatives et cognitives en présence : l’entreprise, le secteur et la société.

39Les cas permettent de constater et de soutenir l’idée selon laquelle il existe dans les organisations des pressions fortes favorisant l’inertie au détriment du changement. Citons l’exemple de Seveso qui a eu un comportement d’évitement face à l’accident, et une position attentiste sur la réaction à avoir. Par ailleurs, par leur comportement les firmes renforcent ce qu’elles considèrent être "bon" pour elles et confortent des routines. Ainsi, alors que le rapport critiquant Mattel sur les conditions de travail dans les usines délocalisées paraît en 2001, l’entreprise ferme sa dernière usine aux États-Unis et ne modifie pas ses pratiques managériales au sein des usines de production poursuivant sa logique stratégique de délocalisation.

40Au sein des secteurs, on constate l’existence de normes fortes pour la conformité dans les types d’actions considérées performantes. Les entreprises du secteur pétrolier semblent ainsi préférer une politique de "réparation" (en mettant en place le FI-POL, fonds d’indemnisation) à une politique de prévention des risques (en remplaçant la flotte de tankers) en matière de marées noires. Pourtant, les jugements rendus ont régulièrement mis en cause la responsabilité des compagnies dans le cadre des marées noires pouvant les inciter à s’engager dans une politique en matière de responsabilité environnementale.

41En outre, le contexte socioculturel exerce une pression à la conformité. Dans le cas de TotalFina, il semble qu’elle ne pouvait faire autrement que de participer au nettoyage des plages. En raison de la pression exercée par les politiques - "c’est à Total de définir ce qu’elle doit faire"- et de l’appel au boycott lancé par les associations et relayé par les médias. Il apparaît ainsi qu’à un moment donné dans un contexte culturel donné, l’entreprise doit adopter un comportement socialement responsable et une éthique minimale ne pouvant se réduire à une stratégie de quête des seuls résultats financiers parce qu’il serait impensable d’agir différemment. Dès lors, le système institutionnel à l’intérieur du quel les choix sont faits contraint les firmes à agir d’une manière qui fait sens et qui est appropriée à ce système. Les entreprises, comme les autres acteurs, rationalisent ainsi leurs actions dans le cadre du système institutionnel. Ce système fournit le support tant pour les acteurs chargés de prendre la décision que pour ceux appelés à exécuter cette décision (Goodrick et Salancik, 1996 ; Goodrick et al., 1995). Par ailleurs, les efforts entrepris en matière de réactions aux contraintes externes visent également à éviter les sanctions, comme le montrent Hart (1997) et Wood (1991).

42Ainsi, le refus d’actions de type proactif en RSE est le résultat de routines ou d’inertie au sein des organisations ou des secteurs. En revanche, le changement des pratiques peut être le résultat de pressions fortes et cumulées au sein de l’environnement socioculturel de l’entreprise l’incitant à revoir ses modes d’action. Par ailleurs, certains évènements sont catalyseurs de l’institutionnalisation coercitive de certaines pratiques pour qu’elles deviennent légales à défaut de normales.

*L’incertitude des risques et l’inertie des réactions des entreprises tendent à accélérer l’institutionnalisation coercitive

43Dans le cadre de la théorie néo-institutionnelle, la dynamique de l’homogénéisation est représentée par le concept d’isomorphisme institutionnel à la recherche du pouvoir et de légitimité. Les entreprises adoptent les pratiques non pas nécessairement les plus efficaces mais les mieux acceptées socialement à un moment donné.

44Cependant, l’isomorphisme peut prendre une forme coercitive et les organisations sont alors obligées de se conformer à des règles édictées par les institutions pour ne pas perdre leur légitimité et pour pouvoir assurer leur survie (DiMaggio, 1988 ; DiMaggio et Powell, 1983 ; Meyer et Rowan, 1977). Ainsi, dans les deux cas concernant les problématiques environnementales, on constate que les entreprises subissent la réglementation. Deux phénomènes semblent expliquer cela. Dans le cas de Seveso, les incertitudes liées aux effets de l’accident ainsi que la panique engendrée poussent les institutions à réagir. Par ailleurs, on constate un effet de seuil au-delà duquel les institutions sont incitées à réglementer pour imposer les modes d’action res-ponsables. Ainsi l’accumulation de pratiques "peu responsables" en matière environnementale en dépit de pressions exercées par les ONG ou les médias - qui s’apparente à une forme d’inertie des entreprises - engendre une prise de position vive des responsables politiques et les amènent à recourir à la loi pour modifier les pratiques des entreprises. Dans le cas des marées noires, l’Union Européenne a durci ses directives encourageant les États à intégrer des sanctions pénales en cas de détermination de la responsabilité de l’entreprise dans la pollution. À cet égard, l’importance de la législation en matière de certains aspects RSE, notamment environnementaux, a été largement soulignée dans la littérature (voir par exemple, Lamp et al., 1991).

*Les réponses aux évènements critiques dépendent de l’importance sociale de ces derniers ou du degré de saillance perçue des parties prenantes

45L’étude des cas fait apparaître une sélection des actions en fonction de leur importance sociale, qui est une donnée tant perçue que voulue par l’entreprise. Ainsi, en répondant ou en ne répondant pas aux attentes d’une partie prenante, la firme définit le degré d’importance qu’elle accorde à l’acteur et à sa demande et fait le tri dans les signaux qu’elle reçoit (Daft et Weick, 1984 ; Diton, 1997; Meyer, 1982).Il est intéressant de constater des différences de comportement de réponse selon les catégories de parties prenantes et selon la nature de la demande. Des pistes de réponse peuvent ainsi être envisagées. Différents éléments émergent des cas comme qualificatifs de l’importance sociale. En premier lieu, plus grande est la distance géographique et culturelle de la partie prenante à l’égard de l’entreprise, plus cette dernière a tendance à minimiser l’influence de son action et à se dispenser d’une réponse à son égard (cas Continental et Standard Oil). L’inverse est également observé : TotalFina a reconnu ainsi son rôle d’entreprise citoyenne et a participé au nettoyage des plages bretonnes. Le pouvoir de lobbying ainsi que la légitimité de la partie prenante dans l’environnement de l’entreprise pousse a contrario cette dernière à s’engager dans un dialogue sur la RSE et à modifier sa stratégie. Mattel a ainsi accepté les audits sociaux des usines de sous-traitants. Il est en outre intéressant de constater que Mattel a évolué dans sa stratégie à l’égard des syndicats à partir du moment où leurs revendications ont été relayées par les ONG et les médias occidentaux appartenant à leur zone principale d’activité.

46L’entreprise met donc "en scène" son environnement (Weick, 1995), c’est-à-dire les acteurs auxquels elle accorde de l’importance, et avec lesquels elle est prête à construire, d’une manière interactive, le sens de la RSE. Elle qualifie les limites acceptables de la RSE selon son point de vue, adressant ainsi un message aux différentes parties prenantes.

47Dans le cas de Continental par exemple, l’entreprise indique que sa responsabilité économique est primordiale. Elle refuse de considérer la demande des syndicats mexicains, ce qui l’engagerait à une définition de sa responsabilité sociale remettant en cause ses pratiques de gestion actuelle (temps de travail de 12h dans les usines de production). Par ailleurs, elle inscrit dans le discours institutionnel sur ses engagements en matière de responsabilité sociale le respect des législations en vigueur dans les pays dans lesquels elle s’implante (cf. site de Continental). Il n’est en effet pas possible, dans le contexte social allemand, que l’entreprise ne tienne pas un tel discours. Dans le cas contraire, elle risque d’être perçue comme déviante et illégitime. Les syndicats mexicains l’ont compris en créant une coalition avec les syndicats allemands, ils ont cherché à insérer leurs revendications dans un contexte socioculturel plus pressant pour l’entreprise. En effet, par effet boule de neige, les revendications par un processus de répétition sont considérées "désirables ou appropriées par rapport au système socialement construit de normes, de valeurs et de croyances sociales" (Schuman, 1995 : 572).

48En résumé, le modèle construit en première partie peut être enrichi par l’ensemble de ces réflexions (figure 3) en intégrant les variables qui pourraient être médiatrices de la relation entre la pression exercée par les parties prenantes et la nature de la réponse en terme d’institutionnalisation par l’entreprise des pratiques en RSE.

Figure 3

Processus continu d’institutionnalisation et de construction du sens de la RSE

Figure 3

Processus continu d’institutionnalisation et de construction du sens de la RSE

Conclusion

49Cette recherche propose de s’appuyer sur la théorie néo-institutionnelle conjointement à l’approche interprétative et au sensemaking afin d’offrir un cadre d’analyse susceptible de permettre la compréhension du processus d’institutionnalisation de la RSE et le rôle des institutions intermédiaires (Sainsaulieu, 2001). Ce cadre d’analyse conduit à appréhender le processus dynamique de construction et de mise en scène de la RSE qui s’instaure entre les entreprises et les institutions au moyen de leurs actions. Les actions entreprises, en réponse aux attentes des parties prenantes, émergent comme une démarche d’institutionnalisation de la RSE, à travers l’acquisition de ressources symboliques (construction de l’image et de l’identité). Les actions peuvent également être appréciées comme le résultat de règles et de comportements institutionnalisés, ce qui signifie que les firmes intègrent les pratiques RSE pour être vues comme légitimes. En outre, la prise en compte par les firmes des événements critiques va être liée à leur importance sociale perçue et à la saillance, là aussi perçue, des parties prenantes. En revanche, l’absence de réactions face à l’occurrence de certains événements et/ou l’incertitude des risques a pour conséquence une institutionnalisation coercitive. L’analyse menée laisse ainsi entendre que la RSE, loin d’être un concept transcendantal et réifié et loin d’être la conséquence d’un système institutionnel exogène, est le résultat du jeu dynamique des acteurs, en termes d’interprétation et d’institutionnalisation des pratiques et des attentes.

50La recherche menée n’est cependant pas exempte de limites, mais celles-ci fournissent des pistes pour les contributions futures. D’abord, cette recherche est abductive dans sa conception. Notre but était de tester les conjectures établies entre la théorie institutionnelle, l’approche interprétative et la RSE. L’utilisation des études de cas est tout à fait appropriée, mais les données secondaires collectées sont insuffisantes et devraient être complétées par des données primaires (de type entretiens) pour rendre robustes les validations des relations définies. Ensuite, l’échantillon choisi peut être source de biais. En effet, nous n’avons pas contrôlé les effets dus au secteur, au pays et aux entreprises. La recherche devra intégrer ces dimensions pour renforcer les conclusions obtenues. Une voie de recherche supplémentaire serait de faire appel à la théorie évolutionniste pour montrer comment les organisations entreprennent des actions liées à la RSE, apprennent des résultats de ces actions et façonnent ainsi leurs actions futures. Les actions performantes sont ainsi définies au fur et à mesure et seules les entreprises qui suivent ces actions ou des variantes de ces actions sont légitimes et survivent (comme nous le montre, à l’envi, le cas de la firme Mattel dans ses relations avec ses fournisseurs).

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