Notes
-
[1]
Cette partie reprend des développements publiés dans Cerdin, J-L. (2004). L’expatriation : Un temps de carrière particulier. In S. Guerrero, J-L. Cerdin & A. Roger (eds), La gestion des carrières : Enjeux et perspectives. Paris : Editions Vuibert.
1La gestion des carrières occupe une place centrale dans la gestion des ressources humaines. L’étude des carrières dans un contexte global s’inscrit dans la gestion internationale des ressources humaines. Le domaine de la gestion internationale des ressources humaines peut être divisé en deux courants principaux : 1) les approches comparatives des pratiques de GRH et 2) la gestion de la mobilité internationale des salariés.
2Les approches comparatives des pratiques de GRH regroupent les recherches qui comparent différents aspects de la fonction ressources humaines dans différents pays. Souvent, ces études comparatives des pratiques de GRH “constatent les différences mais disent peu de choses sur leurs origines” comme le souligne Cazal (1998, p. 411). L’auteur précise que ces études “ne peuvent mettre en relief les différences internationales qu’en nivelant les différences nationales” (p. 412). L’hypothèse de base est qu’un pays constitue un ensemble homogène. Cependant, dans un même pays, les pratiques des entreprises en matière de gestion des ressources humaines varient. Néanmoins, les différences de cultures et d’environnement peuvent éclairer utilement des approches divergentes en matière de pratiques de gestion des ressources humaines. Elles peuvent aussi expliquer pourquoi les individus ne réagissent pas de la même manière aux politiques ou aux problématiques de ressources humaines, comme celles de la carrière.
3La gestion de la mobilité internationale des salariés est le courant qui étudie les politiques de mobilité internationale et plus particulièrement la gestion des expatriés. Pour rejoindre le champ de la gestion des ressources humaines, l’expatriation peut être analysée comme une problématique particulière de gestion des carrières. L’étude de la carrière des expatriés s’inscrit complètement dans le courant de la mobilité internationale. Aussi, ce courant rassemble-t-il l’étude de toutes les formes de mobilité internationale, dont l’expatriation qui occupe une place centrale, et l’étude de la carrière des personnes qui, dans leur parcours, vivent une ou plusieurs expériences de mobilité internationale, quelle qu’en soit la forme.
4Pour chacun de ces deux courants, la perspective de l’entreprise et celle de l’individu ne conduisent pas nécessairement à emprunter des analyses similaires. Pour les approches comparatives, les entreprises évoluent dans un environnement institutionnel qui conditionne leurs pratiques. Les individus ne perçoivent peut-être pas non plus leur carrière de manière identique selon leur environnement. Pour les approches relatives à la mobilité internationale, les entreprises peuvent aussi faire des choix qui varient notamment en fonction du pays dans lequel elles exercent leurs activités. Les individus considèrent également la mobilité internationale de manière différente selon leur pays d’origine. Leur représentation de la mobilité internationale, et son articulation avec leur carrière peuvent varier.
5Les représentations des carrières, à la fois par les entreprises et les salariés ne semblent pas figées. La carrière traditionnelle serait aujourd’hui supplantée par une carrière sans frontières ou carrière nomade (Arthur et Rousseau, 1996). Pour DeFillipi et Arthur (1996, p. 116) une carrière sans frontières est “…une séquence d’opportunités de postes qui vont au-delà des frontières d’un cadre unique d’emploi”. A partir d’une revue de la littérature, Sullivan (1999) distingue sept critères différenciant la carrière traditionnelle et la carrière sans frontières. Le premier est la relation d’emploi. Pour la carrière traditionnelle, les entreprises donnent une sécurité de l’emploi contre une loyauté des salariés. Dans la carrière sans frontières, il s’agit de développer de l’employabilité pour obtenir des salariés performance et flexibilité. Au niveau des frontières organisationnelles franchies, le second critère, dans la carrière traditionnelle les salariés connaissent une à deux entreprises, alors que dans la carrière sans frontières, comme sa dénomination l’indique, les personnes connaissent de multiples entreprises. Le troisième critère concerne les compétences, qui sont plutôt spécifiques à une entreprise dans la carrière traditionnelle, alors qu’elles sont plutôt transférables dans la carrière sans frontières. Le succès de carrière, quatrième critère, est mesuré par des éléments objectifs dans la carrière traditionnelle, comme le salaire ou les promotions, alors qu’il est davantage subjectif dans la carrière sans frontières, par un travail qui a du sens. Dans la carrière traditionnelle, la responsabilité de la carrière est surtout portée par l’entreprise, alors que dans la carrière sans frontières, l’individu est davantage acteur de sa carrière. La formation, le sixième critère, se matérialise par des programmes formels pour la carrière traditionnelle. Elle s’effectue “sur le tas” pour la carrière sans frontières. L’apprentissage est alors l’élément déterminant (septième critère) de la carrière sans frontières, alors que celui de la carrière traditionnelle est l’âge.
6La carrière sans frontières apparaît comme le nouveau paradigme des chercheurs qui s’intéressent aux problématiques de carrière. En ce qui concerne les pratiques de gestion des carrières dans différents pays, la carrière traditionnelle et la carrière sans frontières pourraient se répartir de manière différente. Par exemple, dans le contexte français, l’âge semble encore un élément déterminant même si la formation tout au long de la vie commence à être à l’ordre du jour. Pour les expatriés, les carrières nomades semblent s’imposer. Ils associent à leur mobilité internationale un développement personnel, l’acquisition de compétences et un avancement de carrière. Cependant, sceptiques par rapport aux opportunités de progressions dans l’entreprise qui les a expatriés, ils sont prêts à envisager leur progression à l’extérieur (Cerdin, 2004 ; Stahl et Cerdin, 2004).
7Dans cet article, nous proposons quelques pistes de recherches, dans chacune des deux approches, l’approche comparative de la gestion des carrières et le courant de la mobilité internationale. Ces deux approches se rejoignent lorsqu’il s’agit notamment de comparer les politiques d’expatriation dans différents pays et les perceptions qu’ont les expatriés de l’impact de la mobilité internationale sur leur carrière.
1 – L’approche comparative de la gestion des carrières
8L’approche comparative de la gestion des carrières, à l’instar de l’approche comparative en gestion des ressources humaines, admet des différences dans la façon dont les pratiques de carrières sont abordées et mises en œuvre. Des différences dans la façon dont les chercheurs étudient le concept de carrière pourraient aussi exister. Dans la même veine, les individus pourraient définir différemment la carrière, et en particulier le succès de carrière, en fonction de l’environnement dans lequel ils évoluent. Par exemple, Brewster (1999) qualifie les deux paradigmes découlant de ces différences, 1) le paradigme universel, et le 2) le paradigme contextuel. Selon Sparrow, Brewster et Harris (2004), le paradigme universel produit les “meilleures pratiques” alors que le paradigme contextuel se focalise sur l’environnement institutionnel qui inclut l’environnement légal et culturel.
1.1 – Les carrières “structurées” par le contexte global
9Rosenbaum (1993) souligne que la carrière des salariés a été conçue au moins de deux façons, à savoir, 1) le modèle individuel où l’individu est lui-même le principal agent de sa progression de carrière et 2) le modèle structurel où la carrière de l’individu est “structurée” par les caractéristiques internes du marché du travail et les politiques organisationnelles. Ces deux modèles peuvent influencer de concert le parcours d’un individu. Dans une approche de la carrière dans un contexte global, le modèle structurel ne peut être ignoré. Le modèle structurel en général devrait dépasser les seules structurations organisationnelles pour inclure tous les éléments de l’environnement ou du contexte de l’individu qui structurent, d’une manière ou d’une autre, sa progression de carrière. Livian (2004) souligne que le contexte institutionnel des carrières est négligé dans l’analyse des carrières. Le contexte institutionnel inclut les structures sociales, juridiques et politiques. Le cadre institutionnel a un impact sur la manière dont les individus définissent leur carrière, et sur la manière dont les entreprises organisent la mobilité de leurs salariés. Par exemple, le système éducatif selon Livian (2004) structure la carrière de trois façons, 1) en établissant des qualifications reconnues par le marché du travail et qui structurent ce marché, 2) en contribuant à la construction des identités professionnelles, et 3) en contribuant à établir des classements dans des hiérarchies, qu’elles soient professionnelles, salariales ou symboliques.
10La structuration des carrières par le modèle éducatif se retrouve dans les modèles décrivant le processus d’identification et de développement des potentiels dans différents contextes internationaux (Evans, Lank et Farquhar, 1989 ; Evans, Pucik, et Barsoux 2002). Ces modèles sont :
- Le modèle japonais ou “l’approche de cohorte élitiste”, dans lequel l’identification du potentiel est initiée lors du recrutement et se poursuit pendant une longue période d’essai de sept à huit années. Seuls les vainqueurs de ce tournoi programmé dans le temps obtiennent des responsabilités importantes.
- Le modèle latin ou “l’approche politique élitiste” dont la France constitue un exemple typique. Ce modèle est un processus d’identification et de développement des potentiels à la fois politique et élitiste. Les leaders clés sont sélectionnés principalement sur la base d’un système éducatif lui-même très sélectif, les Grandes Ecoles. L’élite progressera sur un parcours fait de défis inter-fonctions, embarquée dans un tournoi politique dans lequel les réalisations visibles et les coalitions jouent un rôle primordial.
- Le modèle germanique accorde une grande importance à l’expertise fonctionnelle. L’apprentissage constitue une période d’essai qui permet l’identification de potentiels qui grimperont l’échelle de carrière dans une même fonction.
- Le modèle de l’entreprise multinationale est fondé sur un recrutement décentralisé au niveau des filiales locales pour identifier les potentiels. Il ne s’agit pas d’un recrutement élitiste. Le développement des potentiels est géré de manière centralisée, au niveau du siège social.
1.2 – Le succès de carrière pour les individus
11La réussite de la carrière revêt plusieurs définitions. Wayne, Liden, Kraimer et Graf (1999) rappellent que le succès de carrière peut être défini à la fois en termes objectifs, où le succès comprend des réalisations observables comme la progression de salaire ou le taux de promotions, et en termes subjectifs, où l’indicateur principal de succès de carrière est la satisfaction de la personne envers sa propre carrière, comprenant les promotions, le salaire et le développement professionnel. La distinction critères objectifs / critères subjectifs recoupe celle de carrière interne / carrière externe (Hall, 1996). Dans l’optique de la carrière interne, les critères pour déterminer le succès de carrière sont subjectifs, correspondant aux aspirations individuelles. Aussi chaque individu va-t-il utiliser ses propres critères pour évaluer le succès de sa carrière. Dans l’optique de la carrière externe, les critères de succès deviennent objectifs dans le sens où ils sont définis “en dehors” de l’individu, comme l’entreprise ou la société. La carrière externe se rapporte essentiellement à la progression dans une hiérarchie organisationnelle (Schein, 1996). Dans une étude récente, Tung (1998) indique que les managers considèrent de plus en plus l’affectation internationale comme une mise en valeur de leur carrière interne, plutôt que de leur carrière externe.
12La carrière externe correspond à la “règle du jeu” sociétale alors que la carrière interne correspond à la “règle du je”. Les deux peuvent correspondre (les deux signes +) comme l’indique la figure (1) qui propose quatre types de personnes selon qu’elles suivent plus ou moins la règle du jeu et/ou la règle du je.
Règles du jeu et règles du je
Règles du jeu et règles du je
13La proportion de personnes dans chacun des quatre types pourrait varier en fonction des pays. Les critères subjectifs et objectifs du succès de carrière pourraient varier selon le contexte culturel. D’ailleurs, la carrière et les concepts qui lui sont rattachés pourraient aussi être définis de manière différente selon le contexte culturel.
1.3 – Signification des concepts
14Dans l’approche comparative, les concepts reliés à la carrière peuvent être examinés selon leur contexte culturel. Par exemple, le recours au réseau peut revêtir une signification différente d’une culture à une autre. Les personnes sont aussi susceptibles de ne pas recourir aux mêmes soutiens selon leur environnement culturel. Nous choisissons ici d’explorer les différents soutiens regroupés sous le terme de soutiens à 360 degrés.
1.3.1 – Soutiens de carrières
15Le soutien à 360 degrés est un soutien multiple de carrière construit par analogie à la rétroaction à 360 degrés, pour l’évaluation d’une personne (Cerdin, 2000a). Selon le soutien à 360 degrés, la réussite de l’individu dépend de lui-même mais aussi d’un ensemble de personnes qui l’entourent, comme l’illustre la figure 2.
Soutiens à 360 degrés
Soutiens à 360 degrés
16L’individu peut être considéré comme son premier soutien. Selon la théorie du capital humain, les personnes investissent sur leur capital humain pour améliorer leurs compétences et leur carrière future. Le supérieur direct, de par son statut hiérarchique, s’affirme à la fois comme un évaluateur et un développeur de carrière (Hill et Kamprath, 1995). Dans un modèle structurel de carrière plutôt élitiste, qui procède par élimination avec une théorie du tournoi politique, la fonction d’évaluateur pourrait l’emporter sur celle de développeur. Les subordonnés peuvent aussi apporter un soutien à leur supérieur, en particulier parce qu’ils seraient aidés par ce dernier dans le développement de leur propre carrière, dans une démarche de réciprocité. Là aussi, le contexte culturel pourrait être déterminant. Les mentors ont principalement deux fonctions, 1) les fonctions de développement de carrière, qui facilitent l’avancement du protégé dans l’entreprise, et 2) les fonctions psychosociales, qui contribuent à la croissance personnelle et au développement professionnel du protégé (Kram, 1985). Ces fonctions pourraient aussi s’exercer différemment selon le contexte culturel. Les pairs, le réseau et la famille sont aussi des soutiens importants qui n’auraient pas les mêmes résultats dans différents contextes culturels.
17Les individus pourraient ne pas mobiliser les mêmes soutiens pour la progression de leur carrière, en fonction notamment de leur personnalité et de leur environnement culturel. A titre d’exemple, nous faisons ici deux propositions :
- Plus une culture accordera de l’importance aux aspects politiques, plus les individus seront encouragés à compter sur le réseau pour progresser. Le modèle latin devrait conduire davantage les individus à solliciter le réseau que le modèle germanique.
- En considérant une des dimensions culturelles identifiées par Hofstede (1980, 1983), l’individualisme-collectivisme, plus une culture est individualiste, avec la prééminence du “je”, plus les individus seraient supposés être avant tout leur propre soutien, alors qu’une culture davantage collectiviste, avec la prééminence du “nous”, pourrait conduire les individus à chercher un soutien dans la famille.
1.3.2 – Les ancres de carrières
18Les ancres de carrière ont été mises en lumière dans le contexte nord-américain. Selon Schein (1978, 1990), une ancre de carrière est composée de trois sortes de perception de soi, chacune reposant sur les expériences véritables de travail de l’individu. La perception que les individus ont d’eux-mêmes concerne 1) leurs talents et capacités, 2) leurs motifs et besoins et 3) leurs attitudes et valeurs. Ces ancres sont souvent présentées comme universelles, comme si les attitudes et les valeurs qui les sous-tendaient se retrouvaient invariablement quel que soit le contexte culturel. L’étude de Schein reste à reproduire dans d’autres contextes culturels, afin d’examiner dans quelles mesures d’autres ancres pourraient émerger. Certaines cultures pourraient aussi favoriser l’expression de certaines ancres.
19Schein (1978, 1990) a défini huit ancres de carrière qui correspondent à ce qu’un individu n’est pas prêt à négocier lors d’un choix de carrière. Les individus ancrés “technique” sont surtout intéressés par la dimension technique de leur travail alors que les individus ancrés “compétence managériale” sont captivés par le management per se, et considèrent la spécialisation technique comme un piège. Les individus orientés “ancre autonomie / indépendance” désirent devenir leur propre patron et travailler selon leur propre rythme. Les individus ancrés “sécurité / stabilité” recherchent une carrière qui leur assure de la stabilité, de la prédictibilité et de l’emploi sur le long terme. Ceux qui ont l’ancre “créativité / stabilité” sont entrepreneurs dans leurs attitudes et recherchent des environnements de travail où leur créativité peut s’exprimer. L’ancre “dévouement à une cause” se rencontre chez les individus qui désirent améliorer le monde en aidant les autres. Les individus ancrés “défi pur” sont animés par le défi de surmonter des obstacles et de résoudre des problèmes réputés insolubles. Finalement, les personnes ancrées “qualité de vie” s’efforcent d’intégrer leur carrière avec leur style de vie et leur vision du monde.
20Il est probable que certaines ancres soient plus favorables que d’autres à la mobilité internationale. Les personnes ancrées sécurité ou qualité de vie semblent peu disposées à la mobilité géographique (Schein, 1990). D’autres ancres semblent plutôt favorables aux carrières internationales, et en particulier à l’expatriation. Par exemple, les personnes ancrées autonomie devraient être attirées par une carrière internationale puisque l’expatriation donne une plus grande autonomie (Dunbar, 1992). Chaque type d’ancre, à l’exception de l’ancre stabilité, pourrait conduire à un type particulier de carrière internationale. A titre d’illustration, les personnes ancrées “dévouement à une cause” pourraient être attirées par des carrières internationales qui impliquent des missions humanitaires.
21Les ancres de carrières contribuent à expliquer l’adaptation des expatriés (Cerdin, 1996, 2002). Nous proposons ci-après de poursuivre l’analyse des expatriés, en nous focalisant sur les recherches centrées sur la mobilité internationale des salariés.
2 – La mobilité internationale [1]
2.1 – Carrière structurée par l’approche internationale
22McCall et Hollenbeck (2002) soulignent la nécessité de conduire une politique active de développement des cadres internationaux. Ce développement passe par des expériences d’expatriation. L’expatriation ne se justifie pas uniquement pour l’entreprise par un souci de développement des cadres lorsqu’elle répond à un besoin spécifique de personnel pour faire face à une absence de compétences dans le pays d’accueil, ou au développement de l’organisation qui s’appuie sur le contrôle et la coordination des activités de ses filiales à l’étranger. Ces trois justifications de l’expatriation identifiées notamment par Ondrack (1985), le développement des compétences, le développement de l’organisation et le besoin spécifique de personnel, présentent des conséquences différentes en termes de carrière pour l’individu. Une question fondamentale pour l’expatrié est le lien entre l’expatriation et l’accélération de sa carrière. Pour l’entreprise, il s’agit plutôt de gérer un parcours, notamment dans le cadre d’une filière promotionnelle internationale. Dans la filière promotionnelle internationale, la progression de carrière dépend de la réalisation d’affectations internationales significatives. Aussi, pour atteindre des postes à responsabilités, le salarié doit-il effectuer, dans un laps de temps déterminé, une ou plusieurs expatriations de quelques années afin de développer une compréhension de l’environnement et des activités internationales de l’organisation. Cependant, ces filières ne s’imposent pas de manière identique à toutes les entreprises. La gestion des carrières peut être définie par rapport aux quatre approches classiques de l’international (Perlmutter, 1969 ; Perlmutter et Heenan, 1979), à savoir 1) l’approche ethnocentrique où la carrière des cadres du siège est privilégiée, 2) l’approche polycentrique où les locaux obtiennent les postes clés des filiales dans le cadre d’une gestion internationale des ressources humaines fondée sur le particularisme local, 3) l’approche géocentrique où la gestion des carrières est globale, indépendante de la nationalité des personnes, et 4) l’approche régiocentrique, où la gestion des carrières est caractérisée par une mobilité des cadres limitée dans une région. L’approche internationale de l’entreprise conditionne en partie la carrière de l’individu. Aussi, s’inscrit-elle dans le modèle structurel de la carrière.
23Le succès d’une expatriation passe par l’adaptation des expatriés. Le modèle de l’adaptation internationale des expatriés intègre deux conséquences de l’adaptation, qui définissent la réussite d’une expatriation dans une perspective organisationnelle, à savoir la performance au travail et la réalisation de la mission dans sa totalité (Cerdin, 2002).
2.2 – L’adaptation des expatriés
24Les théories issues de la littérature sur les carrières ont été peu intégrées aux études de l’adaptation des expatriés. L’étude de ce lien apparaît pourtant incontournable à explorer, car une expatriation constitue un choix de carrière. Trois concepts apportent un éclairage particulier à l’adaptation des expatriés, à savoir les étapes de carrière, le plafonnement et les ancres de carrière.
25En ce qui concerne les étapes de carrières, Hall (1976) découpe la carrière en quatre étapes, à savoir, 1) la période d’exploration, où l’individu cherche sa voie, 2) l’établissement et l’avancement où le succès de carrière se définit comme une série de mouvements tels que les promotions, 3) la croissance, le maintien ou la stagnation, qui correspond à la mi-carrière, et 4) la période de détachement graduel où l’individu se désengage progressivement de sa carrière. Cerdin (1996) montre qu’environ 86 % des expatriés se trouvent dans les phases deux et trois. Ces résultats ne sont pas forcément le choix des individus mais plutôt celui de l’entreprise. L’expatriation dans une optique de développement des compétences et de développement des organisations requiert des salariés appartenant aux deux étapes les plus représentées.
26Le modèle linéaire de la carrière selon les quatre étapes précédentes sur la durée d’une vie a été remis en cause par Hall et Mirvis (1996). Leur modèle récursif propose une succession des quatre différentes phases mentionnées ci-dessus sur des périodes courtes correspondant à des temps de carrière et qui se renouvellent. Ce modèle traduit mieux les discontinuités croissantes des nouvelles carrières. L’expatriation peut ainsi être vécue comme un temps de carrière particulier, où pour 70,5 % des répondants d’une enquête portant sur 535 expatriés français, l’étape d’avancement dans la carrière est celle qui décrit le mieux leur situation pendant l’expatriation (Cerdin, 2004).
27Le plafonnement de carrière est aussi un concept utile pour expliquer l’adaptation internationale. Selon Borg (1988), les possibilités de carrières réduites dans la société mère affecteraient négativement l’adaptation. Aussi, un manager plafonné qui opterait pour une affectation internationale afin de s’extirper de cette situation devrait-il avoir plus de difficultés d’adaptation qu’un manager non plafonné. Un salarié peut connaître trois sortes de plafonnement dans sa carrière, à savoir le plafonnement structurel, le plafonnement de contenu et le plafonnement salarial (Bardwick, 1986 ; Tremblay, Wils et Lacombe, 1995). Une situation de plafonnement, en particulier le plafonnement salarial, n’est pas favorable à l’adaptation (Cerdin, 1996).
28Les ancres de carrières, décrites plus haut, peuvent aussi être mobilisées pour expliquer l’adaptation internationale. Cerdin (1996, 2002) montre empiriquement que les ancres de carrières sont associées à l’adaptation des expatriés. Par exemple, l’ancre sécurité entrave l’adaptation au travail.
2.3 – La disposition des personnes envers la mobilité internationale
29La question de la disposition des personnes conduit à examiner les motivations pour accepter une mobilité internationale.
30Borg (1988) trouve pour la première affectation internationale des cadres trois motifs principaux, à savoir par ordre d’importance, un désir pour de nouvelles expériences, de meilleures conditions financières et l’évolution de carrière. Sur un échantillon incluant d’autres catégories que les managers, Torbiörn (1976) fait apparaître, dans un ordre différent, l’évolution de carrière gagnant un rang, les mêmes motifs pour une affectation internationale. Pour Cerdin (1996, 2002) les trois grandes stratégies des cadres vis-à-vis de l’expatriation sont la carrière, la rémunération et le projet personnel comme la découverte d’une autre culture.
31Stahl et Cerdin (2004) comparent les motivations des expatriés français et allemands. Aussi bien pour les Français que pour les Allemands, les motivations intrinsèques comme les défis personnels et le développement professionnel sont les raisons les plus importantes pour accepter une affectation internationale. Cependant, ces motivations apparaissent plus fortes pour les Allemands, alors que les Français accordent plus d’importance que les Allemands aux incitations financières.
32La nature même des motivations des individus peut affecter leur réussite. Pour la carrière des individus, les motifs dits “négatifs”, dans le sens où il s’agit de fuir des problèmes personnels ou professionnels, n’augurent pas le succès d’une affectation internationale (Phatak, 1989 ; Holmes et Piker, 1980 ; Copeland et Griggs, 1988). Par exemple, accepter une mobilité dans le seul objectif de gains élevés, peut s’avérer peu payant en termes de carrière. Les motifs dits “positifs” sont ceux qui consistent à rechercher quelque chose de positif dans la mobilité comme la découverte d’une autre culture. Cerdin (1996, 2002) trouve que les motifs négatifs sont reliés négativement à l’adaptation, en particulier l’adaptation au travail, alors que les motifs positifs sont reliés positivement à l’adaptation.
33Dans la perspective de la gestion des expatriés par l’entreprise, connaître la disposition des personnes envers la mobilité internationale permet de prévoir des parcours de carrières adéquats. Les salariés peuvent se répartir selon trois types (Cerdin, 2000b) : 1) les non mobiles inconditionnels, quelles que soient les circonstances, 2) les mobiles conditionnels, en fonction des caractéristiques de la destination ou du moment où pourrait être vécue la mobilité, et 3) les mobiles inconditionnels, quelles que soient les circonstances.
34L’étude de la disposition des personnes conduit à examiner la liberté de choix des personnes face à une mobilité internationale. Par exemple, Cerdin (1996,2002) inclut dans le modèle d’adaptation internationale la liberté de choisir entre l’acceptation ou le refus d’une expatriation comme facteur explicatif de l’adaptation des expatriés. Une recherche empirique sur des expatriés français montre qu’une mobilité choisie est plus favorable en termes d’adaptation qu’une mobilité subie. Les expatriés qui établissent une connexion entre l’évolution de carrière et l’expatriation s’adaptent mieux que ceux qui ne parviennent pas à établir cette connexion. Ce résultat s’inscrit dans la lignée des travaux de Feldman et Thomas (1992).
35L’étude de la disposition d’un salarié inclut celle de sa famille. La question des doubles carrières apparaît de plus en plus comme un obstacle au processus d’expatriation (Smith et Still, 1999). Brett, Stroh et Reilly (1993) montrent que la disposition envers la mobilité géographique d’un salarié dépend fortement de la disposition du conjoint envers cette même mobilité. La disposition du conjoint pourrait avoir une moindre influence dans les couples traditionnels ou à double revenu que dans les couples à double carrière. En effet, le “pouvoir conjugal” de chacun des membres du couple, exprimé en termes de statut et de niveau de revenu, apparaît déséquilibré au profit de la personne qui a une carrière par rapport à celle qui a un revenu d’appoint ou aucun revenu. Dans un couple à double carrière, le pouvoir est plus équilibré dans la mesure où chacun de ses membres est fortement impliqué professionnellement.
36Les couples à double carrière sont caractérisés par une double implication, professionnelle et familiale. Mérignac (1999) rappelle que plusieurs typologies de familles à double carrière ont été proposées. Par exemple, pour Hall et Hall (1979), il n’y a pas une structure unique de rôle pour les couples à double carrière. Par exemple, parmi les quatre types principaux de couples, les “alliés” correspondent à un couple où les deux partenaires sont tous deux impliqués dans le même domaine, soit leur famille, soit leur carrière. Leurs priorités sont identiques et ne provoquent pas de conflits. Si leur identité est définie par rapport à la famille et leurs relations, la mobilité géographique devrait poser des difficultés aux deux partenaires. Si leur identité est liée à la carrière, ils pourraient accepter que l’un des deux soit mobile alors que l’autre conserve son activité. Etre ensemble n’est pas la priorité pour ces couples. Aussi, le “eurocommuting” (travailler par exemple à Madrid la semaine et rejoindre son conjoint à Paris le week-end) pourrait alors leur convenir. Hall et Hall (1979) soulignent que les situations de ces couples ne sont pas figées. Ils peuvent changer de catégorie. La question des doubles carrières devrait devenir de plus en plus importante avec le développement de l’homogamie (mariage ou partenariat entre individus de même statut) due notamment au diplôme (Forsé et Chauvel, 1995 ; Mérignac, 1999).
37Les doubles carrières constituent un domaine de recherche relativement nouveau. La recherche sur la mobilité internationale s’est longtemps focalisée sur l’expatriation classique. Aujourd’hui, les chercheurs s’intéressent non seulement à cette expatriation classique, mais aussi à l’expérience internationale dans le cadre d’un projet personnel (Inkson, Arthur, Pringle et Barry 1997).
2.4 – L’expérience internationale comme développement de carrière
38Du point de vue de l’individu, la décision de s’expatrier n’est pas neutre par rapport à l’évolution de sa carrière. Inkson, Arthur, Pringle et Barry (1997) distinguent deux modèles selon lesquels l’expérience internationale est obtenue et utilisée pour soutenir le développement de carrière. Le premier modèle correspond à l’expatriation classique, où l’initiative de l’expérience internationale vient principalement de l’entreprise qui a des opérations internationales. Dans le scénario positif, l’expérience permettra à l’individu de développer ses compétences et de réaliser la mission dans sa totalité. Le second modèle, nommé par Inkson et al. (1997), l’expérience étrangère, l’initiative de l’expérience internationale revient à l’individu. Selon les auteurs (p. 352), “l’expérience étrangère est, par définition, une odyssée personnelle, entreprise et financée par l’individu lui-même”. Les objectifs seraient assez diffus, comme “voir le monde” ou “essayer quelque chose de différent”. Inkson et al. (1997) indiquent que la littérature est abondante sur l’expatriation alors qu’elle est inexistante sur l’expérience étrangère. Depuis ce constat, quelques recherches s’intéressent spécifiquement à cette population. Par exemple, Suutari et Brewster (2000) étudient un échantillon finlandais de personnes vivant l’expérience étrangère. Cette population s’organise en quatre groupes, à savoir 1) les “professionnels localisés” qui sont des expatriés classiques devenus autochtones, dans le sens où ils ont quitté l’entreprise qui les avait expatriés pour d’autres entreprises dans la région de leur expatriation initiale, 2) “les officiels”, ceux travaillant pour des organismes internationaux, 3) les “demandeurs d’emploi”, ceux dont la carrière n’est pas satisfaisante dans leur pays d’origine ou au chômage, et enfin 4) les “jeunes opportunistes”, qui sont au début de leur carrière.
39Avec le changement de type de carrière, devenant de plus en plus nomade et une économie devenant de plus en plus globale, l’expérience internationale pourrait prendre le pas sur l’expatriation classique. Dans le contexte des carrières nomades, Inkson et al. (1997) voient à la fois l’expatriation et l’expérience étrangère comme un socle fondamental pour le développement des compétences au niveau des individus, des entreprises et des nations. Bird (2001, p. 29) souligne que “souvent l’expérience pour l’individu est si puissante qu’elle a un effet de transformation sur le manager”. L’auteur, entre autres (cf. Osland, 1995 ; McCall et Hollenbeck, 2002), souligne que les managers rentrent dans leur pays d’origine métamorphosés. Les compétences développées à l’international et la transformation vécue par les personnes lors d’une mobilité internationale restent encore un domaine de recherche à défricher.
40Au niveau organisationnel, l’étude de Berthoin Antal (2001), portant sur deux entreprises en Allemagne, révèle une faible utilisation des expatriés comme ressource dans le processus d’apprentissage organisationnel. L’auteur constate que les entreprises étudiées ont peu de capacités à tirer profit de l’état d’esprit élargi des expatriés à leur retour. Une des difficultés de la gestion du retour est la faible utilisation des compétences développées par les expatriés lors de leur expérience internationale. Leur carrière peut souffrir de cette gestion du retour inadaptée, surtout dans l’entreprise qui les a expatriés.
2.5 – Gestion du retour
41L’intérêt que suscite aujourd’hui la gestion du retour des expatriés est accru à la lumière d’un paradoxe singulier (Lazarova et Cerdin, 2002). Alors que l’expertise internationale devient chaque jour davantage une nécessité avec une globalisation galopante, le processus de retour d’expatriation continue à alimenter la littérature académique et professionnelle.
42Les recherches se focalisent principalement sur la gestion de la carrière au retour, dans la perspective aussi bien de l’individu que de l’entreprise. Elles étudient notamment les critères de succès d’une mobilité, qui incluent le retour. Pour Cerdin (1996, 2002), une personne mobile est une personne qui accepte une mobilité internationale pour quelques années, qui s’adapte et qui réussit sa mission. La mission d’un expatrié ne s’arrête pas à son séjour à l’étranger mais comprend également la période du retour. Durant cette période, l’ancien expatrié peut apporter son expertise à son entreprise d’origine dans la perspective d’un apprentissage organisationnel (Berthoin Antal, 2001). Aussi, la réussite d’une expatriation englobe-t-elle la phase d’expatriation et celle du retour.Yan, Zhu et Hall (2002) proposent deux dimensions pour apprécier la réussite d’une mobilité internationale, 1) les intérêts à la fois pour l’individu et pour l’organisation, et 2) le stade de l’affectation internationale, avec l’expatriation où la réussite s’inscrit sur le court terme, et le retour, où la réussite est examinée sur une perspective à plus long terme. Yan, Zhu et Hall (2002) évaluent chaque mobilité selon trois types, à savoir un succès, un échec ou un succès mitigé avec par exemple un succès à court terme, sur la période d’expatriation, mais un échec sur une période plus longue lors du retour. Ils insistent sur le fait que l’appréciation du succès peut s’effectuer aussi bien du point de vue de l’individu que de celui de l’entreprise. Pour l’individu, le succès au retour se mesure notamment en termes de progression de carrière, avec une promotion ou l’accroissement des responsabilités. Pour l’entreprise, les indicateurs de succès principaux pour apprécier l’étape du retour est la rétention des salariés, et l’utilisation ou le transfert d’une expertise.
43L’adaptation des expatriés au retour est aussi une problématique importante. Les problèmes de l’adaptation au retour proviennent souvent d’un décalage entre les attentes des personnes avant le départ et ce qu’elles vivent concrètement à leur retour (Forster, 1994). Caligiuri et Lazarova (2001) proposent une panoplie de onze outils afin de faciliter le retour des expatriés :
- Briefing avant le départ du pays d’expatriation sur ce qu’il faut attendre au retour.
- Réunion avant le retour avec un/des responsables des ressources humaines ou autres managers afin d’aborder les préoccupations concernant la carrière des expatriés.
- Avant le départ, une garantie écrite ou un accord précisant dans les grandes lignes le type de poste au retour.
- Programmes formels de parrainage pendant l’expatriation.
- Programmes de réintégration immédiatement après le retour afin d’informer les expatriés des changements dans l’entreprise.
- Séminaires de formation qui préparent les salariés à comprendre leurs éventuelles réactions psychologiques lors du retour (“contre-choc culturel”).
- Séminaires de formation qui préparent les familles des expatriés à comprendre leurs éventuelles réactions psychologiques lors du retour (“contre-chocculturel”).
- Aide financière et fiscale pour aider les expatriés à s’adapter à leur changement de situation financière.
- Communication continue avec l’organisation du pays d’origine pendant l’expatriation.
- Signes perceptibles que l’organisation valorise l’expérience internationale pour montrer que cette dernière est bénéfique à la carrière (par exemple en utilisant les compétences acquises à l’étranger et en faisant progresser la carrière des “rapatriés” dans l’organisation).
- Communication avec l’organisation du pays d’origine pendant le processus du retour sur les détails de ce dernier.
44Stahl et Cerdin (2004) trouvent que les expatriés français et allemands pensent majoritairement que leur affectation internationale aura un impact positif sur leur carrière, et qu’elle affûte leurs compétences professionnelles et interculturelles. L’expatrié apparaît alors largement gagnant en termes de développement professionnel. Cependant, les expatriés français sont plus préoccupés par le retour, et en particulier par l’avancement de leur carrière au retour. Pourtant, ils sont moins disposés à quitter leur entreprise au retour que les Allemands. Quand l’entreprise qui les a affectés à l’étranger s’avère incapable de leur proposer des postes où leurs nouvelles compétences peuvent s’exprimer, les expatriés les offriront sur le marché externe, dans la logique des carrières nomades. Aussi la gestion du retour peut-elle apparaître davantage comme le problème de l’entreprise que de l’expatrié. Le retour d’expatriation s’avère surtout un problème pour l’entreprise lorsqu’elle constate le départ des salariés porteurs de compétences clés. Selon Black, Gregersen, Mendenhall et Stroh (1999), certaines entreprises européennes et nord-américaines auraient perdu 40 à 45 % de leurs anciens expatriés dans les trois ans après le retour.
Conclusion
45Dans cet article, nous avons exposé quelques axes de recherches sur les carrières dans un contexte global. Nous avons inscrit notre réflexion dans les deux principaux courants de recherche en gestion internationale des ressources humaines :
46L’approche comparative des pratiques de gestion des ressources humaines, avec les pratiques de gestion des carrières des entreprises dans différents pays, et l’appréciation de la carrière et de la réussite d’une carrière perçue par des individus de différents pays.
47L’approche de la mobilité internationale où les recherches sur l’expatriation traditionnelle, celles initiées par les entreprises, apparaissent à la fois les plus nombreuses et les plus abouties. Les affectations internationales sont alors considérées comme un processus intégré, qui prend en compte les perspectives des différentes parties, l’entreprise et l’expatrié, combine différentes approches théoriques et considère à la fois l’étape d’expatriation et celle du retour (Yan, Zhu et Hall, 2002).
48L’étude comparative des carrières des expatriés réunit les deux approches, même si elles restent d’abord une étude comparative portant sur une population particulière.
49Récentes, ces études ont tendance à se développer (e.g. Stahl, Caligiuri, Cerdin, Chua, Miller et Tung, 2003). Ces recherches ont la particularité d’impliquer des équipes internationales de chercheurs, afin de collecter des données dans différentes régions du monde. La mise en place de telles équipes est un processus long et complexe, ce qui peut expliquer que ce type de recherche n’est pas abondant.
50Plus largement, les études comparatives sur les carrières sont encore peu nombreuses. Dans cet article, nous avons indiqué plusieurs pistes qui mettent l’accent soit sur l’individu, soit sur l’entreprise. Les recherches sur l’expatriation sont plus abondantes, même si le domaine de recherche a souffert pendant longtemps de l’absence d’un cadre théorique solide, en particulier sur l’adaptation des expatriés. Ainsi a-t-il fallu attendre le travail de Black, Mendenhall et Oddou (1991) pour avoir le premier modèle théorique de l’adaptation internationale des personnes. Les recherches sur les carrières des expatriés et des personnes en mobilité internationale peuvent aussi s’intéresser aux individus en mobilité ou aux politiques de l’entreprise. La figure 3 résume les différents axes de recherches exposés dans cet article, sans être exhaustifs.
Axes de recherches sur les carrières globales
Axes de recherches sur les carrières globales
51Les recherches sur les carrières globales sont à la croisée des recherches sur les carrières, et de celles plus spécifiques au domaine de la gestion internationale des ressources humaines. Ce dernier inclut une dimension stratégique forte. Par exemple, pour les recherches qui s’inscrivent dans l’approche mobilité internationale et qui sont centrées sur l’entreprise, l’étude de la sélection et du développement du manager global versus l’expatrié (Pucik et Saba, 1998) en est une bonne illustration.
52L’éventail des théories qui peuvent être mobilisées pour comprendre les carrières dans un contexte global est large. Par exemple, pour la carrière des expatriés, Yan, Zhu et Hall (2002) examinent l’alignement ou le non-alignement des attentes de l’individu et de l’entreprise concernant l’affectation internationale et ses effets sur le succès de l’affectation en s’appuyant notamment sur la théorie de l’agence et sur le contrat psychologique. Pour les approches comparatives, les théories institutionnelles et contextuelles, les thèses sur la divergence et la convergence - objet de débat depuis des décennies (Gooderham et Brewster, 2003) -, nourrissent la littérature. Cet article s’est fixé comme objectif de participer à la définition des carrières dans un contexte global. Cependant, ce domaine de recherche reste encore dans ses prémices.
Bibliographie
Bibliographie
- M.B. Arthur & D.M. Rousseau, (Eds.), The boundaryless career : A new employment principle for a new organizational era, New York : Oxford University Press, 1996.
- J. M. Bardwick, The Plateauing Trap, American Management Association, New York, 1986.
- A. Berthoin Antal, “Expatriates’ contributions to organizational learning”, Journal of General Management, vol. 26, n° 4, p. 62-84, 2001.
- A. Bird, “International assignments and careers as repositories of knowledge”, In M. Mendenhall, T. Kuehlmann et G. Stahl, (Eds.), Developing Global Business Leaders : Policies, Processes and Innovations, Quorum Books, p. 19-36, 2001.
- J. S. Black, H. B. Gregersen, M. E. Mendenhall & L. K. Stroh, Globalizing people through international assignments, New York : Addison-Wesley Longman, 1999.
- J. S. Black, M. Mendenhall & G. Oddou, “Toward a Comprehensive Model of International Adjustment : An Integration of Multiple Theoretical Perspectives”, Academy of Management Review, vol. 16, n° 2, p. 291-317, 1991.
- M. Borg, International Transfers of Managers in Multinational Corporations, Acta Universitatis Upsaliensis, Studia Oeconomiae Negotorium, vol. 27, Uppsala, 1988.
- J. M. Brett, L. K. Stroh, & A. H. Reilly “Pulling up roots in the 1990s : Who’s willing to relocate ?”, Journal of Organizational Behavior, vol. 14, p. 49-60, 1993.
- C. Brewster, “Different paradigms in strategic HRM : questions raised by comparative research”, In P.Wright, L. Dyer, J. Boudreau and G. Milkovich (eds.), Research in Personnel and HRM, Greenwich, Connecticut : JAI Press Inc, 213-238, 1999.
- P. Caligiuri, & M. Lazarova, “Strategic repatriation policies to enhance global leadership development”, In M. Mendenhall, T. Kuehlmann, & G. Stahl (Eds.). Developing Global Business Leaders : Policies, Processes and Innovations, Quorum Books, p. 243-256, 2001.
- D. Cazal, “Intérêt et limites des comparaisons internationales”, In F. Bournois et S. Roussillon, Préparer les dirigeants de demain, Editions d’Organisation, p. 411-427, 1998.
- J-L. Cerdin, “L’expatriation : Un temps de carrière particulier”, In S. Guerrero, J-L. Cerdin & A. Roger (eds), La gestion des carrières : Enjeux et perspectives, Paris : Editions Vuibert (in press), 2004.
- J-L. Cerdin, L’expatriation, 2nde édition, Paris, Editions d’Organisation, 2002.
- J-L. Cerdin, Gérer les carrières : Vade Mecum, Editions Management & Société, 2000a.
- J-L. Cerdin, “Recrutement et sélection des expatriés”, Gestion 2000, vol. 4, p. 87-101, 2000b.
- J-L. Cerdin, Mobilité internationale des cadres : Adaptation et décision d’expatriation, Thèse de doctorat en sciences de gestion, Université Toulouse 1, 1996.
- L. Copeland, & L. Griggs, “The internationable employee”, Management Review, vol. 77, p. 52-53, 1988.
- R.J. DeFilippi, & M. B. Arthur, “Boundaryless contexts and careers : A competency based perspective”, In M. B. Arthur & D. M. Rousseau (Eds.), The boundaryless career : A new employment principle for a new organizational era, New York : Oxford University Press, p. 116-131, 1996.
- E. Dunbar, “Adjustment and satisfaction of expatriate U.S. personnel”, International Journal of Intercultural Relations, vol. 16, p. 1-16, 1992.
- P. Evans, E. Lank, & A.“Farquhar, Managing human resource management in international firm : Lessons from practice”, In P. Evans, Y. Doz & A. Laurent, Human resource management in international firm, Hampshire : Macmillan, 1989.
- P. Evans, V. Pucik, & J.-L. Barsoux, The global challenge : Frameworks for international human resource management, McGraw-Hill, 2002.
- D. C. Feldman, & D. C. Thomas, “Career management issues facing expatriates”, Journal of International Business Studies, vol. 23, p. 271-293, 1992.
- M. Forsé, & L. Chauvel, “L’évolution de l’homogamie en France”, Revue Française de Sociologie, vol. 36, p. 123-142, 1995.
- N. Forster, “The forgotten employees? The experiences of expatriate staff returning to the UK”, The International Journal of Human Resource Management, vol. 5, n° 2, p. 405-425, 1994.
- P. N. Gooderham, & C. Brewster, “Convergence, stasis or divergence ? Personnel Management in Europe”, Beta Scandinavian Journal of Business Research, 17(1), p 6-18, 2003.
- D.T. Hall, “Protean careers of the 21st century”, Academy of Management Executive, vol 10, p. 8-16, 1996.
- D.T. Hall, Careers in Organizations, Santa Monica, Goodyear, 1976.
- D.T. Hall & P.H. Mirvis, “The new Protean Career : Psychological Success and the Path with a Heart”, In Hall D.T. and Associates, The Carrer is dead - Long Live the Career, San Fransisco : Jossey-Bass, p. 15-45, 1996.
- F. S. Hall, & D.T. Hall, The two-career couple, Addison-Wesley Publishing Company Inc, 1979.
- L. Hill, & N. Kamprath, Beyond the myth of the perfect mentor : Building a network of developmental relationship, Case Harvard Business School, 1995.
- G. Hofstede, Culture’s Consequences : International Differences in Work Related Values, Beverley-Hills, CA : Sage, 1980.
- G. Hofstede, “National Cultures in Four Dimensions : A Research-Based Theory of Cultural Differences Among Nations”, International Studies of Management and Organization, 12(1-2), p 46-74, 1983.
- W. F. Holmes, & F. K. Piker, “Expatriate failure - prevention rather than cure”, Personnel Management, vol. 12, n° 12, p. 30-32, 1980.
- K. Inkson, M. B. Arthur, J. Pringle & S. Barry, “Expatriate assignment versus overseas experience : Contrasting models of international human resource development”, Journal of World Business, vol. 32, n° 4, p. 351-368, 1997.
- K.E. Kram, Mentoring at work : Developmental relationship in organizational life, Glenview, IL : Scott Foresman, 1985.
- M.Lazarova, & J-L. Cerdin, Repatriation in French multinationals : Investigating traditional propositions and exploring new research directions, Paper presented at Annual Meeting of the Academy of Management, Denver, Colorado, USA, 2002.
- Y-F. Livian, “Le rôle du contexte institutionnel dans les carrières des salariés”, In S. Guerrero, J-L. Cerdin & A. Roger (eds), La gestion des carrières : Enjeux et perspectives, Paris : Editions Vuibert (in press), 2004.
- M.W. McCall, & G. P. Hollenbeck, Developing global executives. Editions Harvard Business School Press, 2002.
- O. Mérignac, “Gestion de la mobilité internationale des couples de cadres à double carrière”, Acte des Journées Thématiques “Gestion des Carrières”, CEROGAGRH, p. 21-34, 1999.
- D.A. Ondrack, “International Transfers in North American and European MNEs”, Journal of International Business Studies, vol. 16, n° 3, p. 1-19, 1985.
- J. Osland, The adventure of living abroad : Hero tales from the global frontier, San Francisco : Jossey-Bass, 1995.
- H. Perlmutter, & D. Heenan, Multinational organization development, Reading, MA : Addison-Wesley, 1979.
- H. Perlmutter, “The tortuous evolution of the multinational corporation”, Columbia Journal of World Business, p. 9-18, 1969.
- A. Y. Phatak, International Dimensions of Management, Boston, Mass : PWS-Kent Publishing Company, 1989.
- Y. Pucik, & T. Saba, “Selecting and developing the global versus the expatriate manager : A review of the state of the art”, Human Resource Planning, 21(4), p. 40-54, 1998.
- B. R. Ragins, & J. L. Cotton, “Mentor functions and outcomes : A comparative of men and women in formal and informal mentoring relationship ”, Journal of Applied Psychology, vol. 84, n° 4, p. 529-550, 1999.
- J. E. Rosenbaum, “Organization career system and employee misperceptions”, In M. B. Arthur, D.T. Hall & B. S. Lawrence, Handbook of career theory. Cambridge, Cambridge University Press, p. 329-353, 1993.
- E. H. Schein, “Career anchors revisited : Implications for career development in the 21st century”, Academy of Management Executive, vol. 10, n° 4, p. 80-88, 1996.
- E. H. Schein, Career Anchors : Discovering Your Real Values, Pfeiffer & Company, San Diego, California, 1990.
- E. H. Schein, Career dynamics : matching individual and organisational needs, Reading : Addison-Wesley 1978.
- C. R. Smith, & L.V. Still, “Managing the dual-career expatriate”, Workshop on Expatriation, EIASM, Madrid, Septembre 1999.
- P. Sparrow, C. Brewster, & H. Harris, Globalization of Human Resource Management, London, Routledge (in press), 2004.
- G. K Stahl, & J-L. Cerdin, “Global Careers in French and German Multinational Corporations”, Journal of Management Development (in press), 2004.
- G. K. Stahl, P. M. Caligiuri, J-L. Cerdin, C. H. Chua, E. L. Miller, & R. Tung, “International Career : North-American, European and Asian Perspectives”, Paper presented at Annual Meeting of the Academy of Management, Seattle, Washington, USA, 2003.
- S. E. Sullivan, “The changing nature of careers : A review and research agenda”, Journal of Management, vol. 25, n°3, p. 457-484, 1999.
- V. Suutari, & C. Brewster, “Making their own way : International experience through self-initiated foreign assignment”, Journal of World Business, vol. 35, n° 4, p. 417-436, 2000.
- I.Torbiörn, Att leva utomlands - En studie av utlandssvenskars anpassning, trivsel och levnadsvanor (Living Abroad - A Study of the Adjustment of Swedish Overseas Personnel), Stockholm : SNS, 1976.
- M. Tremblay, T. Wils, & M. Lacombe, “Structural, content and salary plateaus : Their >influence on engineers’attitude”, Paper submitted for presentation at the Academy of Management Conference, Vancouver, Canada, 1995.
- R. L. Tung, “American expatriates abroad : From neophytes to cosmopolitans”, Journal of World Business, vol. 33, n° 2, p. 125-144, 1998.
- S. J. Wayne, R. C. Liden, M. L. Kraimer, & I. K. Graf, “The role of human capital, motivation and supervisor sponsorship in predicting career success”, Journal of Organizational Behavior, vol. 20, n° 5, p. 577-595, 1999.
- A. Yan, G. Zhu, & D.T. Hall, “International assignment for career building : A model of agency relationships and psychological contracts”, Academy of Management Review, vol. 27, n° 3, p. 373-391, 2002.
Notes
-
[1]
Cette partie reprend des développements publiés dans Cerdin, J-L. (2004). L’expatriation : Un temps de carrière particulier. In S. Guerrero, J-L. Cerdin & A. Roger (eds), La gestion des carrières : Enjeux et perspectives. Paris : Editions Vuibert.