Notes
-
[1]
François Fontaine, La guerre d’Espagne : un déluge de feu et d’images, Paris, BDIC - Berg International, 2003.
-
[2]
Pierre Laborie, « Espagnes imaginaires et dérives pré-vichystes de l’opinion française, 1936-1939 », in Jean Sagnes, Sylvie Caucanas (dir.), Les Français et la guerre d’Espagne : actes du colloque tenu à Perpignan les 28, 29, et 30 septembre 1989, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 1990, p. 89-99.
-
[3]
David Deacon, British news media and the Spanish Civil War: tomorrow may be too late, Edimbourg, Edinburgh University Press, 2008 ; Hugo García, Mentiras necesarias: la batalla por la opinión británica durante la Guerra Civil, Madrid, Biblioteca nueva (Historia), 2008, 266 p. ; Hugo García, « La propaganda exterior de la República durante la Guerra Civil. Origen, éxitos y miserias de los servicios de París », Mélanges de la Casa de Velázquez, avril 2009, p. 215-240 ; Antonio César Moreno Cantano, « Delegaciones y oficinas de prensa y propaganda españolas en el extranjero durante el primer franquismo: el caso francés (1936-1942) », Studia historica. Historia contemporánea, 2007, p. 265-301.
-
[4]
Anne Mathieu, « Reporters et compagnie », https://reporters-et-cie.guerredespagne.fr/ [consulté le 03/03/2022].
-
[5]
François Fontaine, Rémi Skoutelsky (commissaires), « ¡NO PASARÁN! Images des Brigades internationales dans la guerre d’Espagne », Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, Nanterre, 27 mars-14 juin 2003.
1 Avec cet ouvrage documenté et foisonnant, Anne Mathieu démontre que l’étude de la guerre d’Espagne (1936-1939) a encore de beaux jours devant elle. Fruit d’un long travail de recherche, cette enquête redonne vie à la couverture médiatique du conflit. Grâce à une écriture fluide, l’autrice nous fait voyager au cœur du conflit et des mobilisations qui l’entourent, offrant par la même occasion une ressource utile aux chercheurs et aux esprits curieux.
2 L’ouvrage est le produit d’un travail de longue haleine. La recension systématique de périodiques – près d’une centaine – et le relevé non exhaustif d’images, de photographies et de la presse militante est issu d’un travail de réflexion méthodologique salutaire. Anne Mathieu revient ainsi sur les statuts des auteurs (reporters, éditorialistes et commentateurs ; journalistes, intellectuels et/ou militants), sur le genre journalistique et sur la situation dans laquelle sont produits les différents articles. Elle souligne combien la gauche est divisée durant les années 1930 et spécifiquement durant la Guerre d’Espagne. Préférant parler d’« antifascisme » que de « révolutionnaires » ou de « camp républicain » – les deux termes sont trop restreints –, Anne Mathieu souhaite ainsi évoquer l’ensemble des forces politiques de gauche et d’extrême gauche, notamment les anarchistes ou les trotskystes parfois oubliés de l’historiographie française. Son ambition est de croiser l’analyse littéraire et historique afin de reconstituer les débats tels qu’ils ont été vus, écrits, appréhendés au sein de la gauche antifasciste.
3 Constitué de cinq parties pour autant de périodes, l’ouvrage débute dans les Asturies, en 1934. Lieu d’un soulèvement ouvrier révolutionnaire puis d’une violente répression militaire, la région acquiert une dimension symbolique pour les forces politiques de gauche. En plein contexte de recomposition stratégique, la question asturienne devient rapidement l’occasion de régler les différends politiques hexagonaux qui opposent communistes, socialistes et anarchistes. Cette tendance, qui se maintient durant tout le conflit, Anne Mathieu ne cesse de la souligner. À cette fin, l’autrice accorde d’ailleurs une certaine importance à la couverture médiatique des journées de mai 1937 durant lesquelles les anarchistes espagnols et le Parti Ouvrier d’Unification Marxiste antistalinien (POUM) font l’objet d’une répression et d’une marginalisation politique. Au fil des chapitres, l’Espagne est revisitée à travers ses lieux communs d’alors : la « non-intervention » et l’abandon de la République espagnole, les pluies de bombes, le départ et le retour des volontaires, les grandes batailles et les flux de réfugiés font ainsi figure de sujets omniprésents dans la presse française. Si l’essentiel de l’enquête se déroule en péninsule ibérique, plusieurs incursions sont effectuées en territoire hexagonal lorsque le conflit s’invite au nord des Pyrénées. Il s’agit surtout de l’afflux de réfugiés et de leur internement dans des camps, ou plus brièvement des bombardements qui surviennent sporadiquement en territoire français.
4 Nous n’oublierons pas les poings levés représente une riche ressource pour celles et ceux qui étudient les mobilisations dans le conflit espagnol, l’antifascisme, l’histoire du journalisme et celle des représentations. Analyser le positionnement des journalistes et des reporters vis-à-vis du conflit et de ses retombées conduit l’autrice à réfléchir plus largement sur la fonction de la profession. En déconstruisant les stéréotypes ancrés à gauche, notamment sur les Espagnols ou les anarchistes, Anne Mathieu apporte aussi une contribution à l’histoire de la perception du conflit. À cet effet, elle fait référence aux travaux de François Fontaine sur les images de la guerre [1], mais il est néanmoins surprenant qu’elle ne mobilise pas les « Espagnes imaginaires » décrites par Pierre Laborie [2]. Utiles à bien des égards, ces travaux démontrent que le conflit espagnol était essentiellement perçu au prisme des préoccupations politiques françaises, et non en fonction de la situation au sud des Pyrénées ; s’y référer aurait sûrement évité quelques détours à l’autrice. Si l’ampleur de la tâche effectuée par Anne Mathieu rend impossible toute digression ou presque, il aurait aussi été souhaitable de porter une attention plus poussée à la circulation et à la production des images. Cette question fait certes l’objet de plusieurs chapitres, mais ces derniers ne parlent pas – ou très peu – de la dimension transnationale de certaines campagnes de presse, comme celles qui évoquent les dessous d’un supposé « complot rouge » qui pourrait s’étendre à tous les pays d’Europe, à commencer par la France. Si cette couverture médiatique ne relève pas directement du reportage en contexte de conflit, elle oriente fortement la manière de dire l’Espagne. L’ouvrage gagnerait donc à mobiliser l’historiographie consacrée à la production et à la réception de l’information durant les années de la guerre civile : des chercheurs ont en effet mis l’accent sur la place de l’Espagne dans les médias quand d’autres ont insisté sur les stratégies médiatiques de deux camps bien décidés à gagner la bataille de l’opinion hors de leurs frontières [3].
5 En dépit de quelques lacunes historiographiques, l’enquête d’Anne Mathieu représente une très bonne ressource pour analyser le discours journalistique antifasciste au temps de la Guerre d’Espagne. Outre la présence, en fin d’ouvrage, d’un tableau de synthèse des lieux visités par les reporters, correspondants et témoins cités, la chercheuse a aussi développé un site internet qui devra référencer une grande partie des 6 718 articles recensés pour son enquête [4]. Il s’agit à terme de donner accès à une base de données répertoriant les auteurs étudiés, les contextes d’écriture et le contenu produit. Déjà accessible en ligne, celle-ci propose une nouvelle entrée pour étudier les représentations du conflit espagnol. Les chercheurs comme les passionnés pourront la faire entrer en dialogue avec d’autres ressources, telles que collections de La contemporaine, qui conserve de nombreuses affiches de la guerre d’Espagne, des documents de presse, des entretiens ou des fonds personnels. On pense par exemple aux photographies de Gabriel Ersler, un brigadiste parti en Espagne, ou aux cahiers manuscrits d’Antonio Blanca sur l’exil puis l’internement au sortir du conflit. Il s’agit également d’expositions, comme celle consacrée aux images des Brigades internationales dans la Guerre d’Espagne [5]. Ces pistes, qui sont loin d’être exhaustives, montrent l’étendue des perspectives ouvertes par l’enquête d’Anne Mathieu sur les reporters, éditorialistes et commentateurs de la guerre d’Espagne. Il ne reste qu’à la suivre.
Mots-clés éditeurs : guerre d’Espagne, histoire du journalisme
Date de mise en ligne : 28/02/2023
https://doi.org/10.3917/mate.145.0150Notes
-
[1]
François Fontaine, La guerre d’Espagne : un déluge de feu et d’images, Paris, BDIC - Berg International, 2003.
-
[2]
Pierre Laborie, « Espagnes imaginaires et dérives pré-vichystes de l’opinion française, 1936-1939 », in Jean Sagnes, Sylvie Caucanas (dir.), Les Français et la guerre d’Espagne : actes du colloque tenu à Perpignan les 28, 29, et 30 septembre 1989, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 1990, p. 89-99.
-
[3]
David Deacon, British news media and the Spanish Civil War: tomorrow may be too late, Edimbourg, Edinburgh University Press, 2008 ; Hugo García, Mentiras necesarias: la batalla por la opinión británica durante la Guerra Civil, Madrid, Biblioteca nueva (Historia), 2008, 266 p. ; Hugo García, « La propaganda exterior de la República durante la Guerra Civil. Origen, éxitos y miserias de los servicios de París », Mélanges de la Casa de Velázquez, avril 2009, p. 215-240 ; Antonio César Moreno Cantano, « Delegaciones y oficinas de prensa y propaganda españolas en el extranjero durante el primer franquismo: el caso francés (1936-1942) », Studia historica. Historia contemporánea, 2007, p. 265-301.
-
[4]
Anne Mathieu, « Reporters et compagnie », https://reporters-et-cie.guerredespagne.fr/ [consulté le 03/03/2022].
-
[5]
François Fontaine, Rémi Skoutelsky (commissaires), « ¡NO PASARÁN! Images des Brigades internationales dans la guerre d’Espagne », Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, Nanterre, 27 mars-14 juin 2003.