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Article de revue

Le mouvement syndical en Afrique occidentale francophone, De la tutelle des centrales métropolitaines à celle des partis nationaux uniques, ou la difficile quête d'une personnalité (1900-1968)

Pages 49 à 58

Notes

  • [1]
    Constituée de 1895 à 1959, l’Afrique occidentale française (AOF) regroupait, à l’exception du Togo, huit territoires : le Sénégal, la Mauritanie, le Soudan (Mali), le Niger, la Haute-Volta (Burkina Faso), la Côte-d’Ivoire, la Guinée et le Dahomey (actuel Bénin). Dakar en était la capitale.
  • [2]
    Voir Babacar Fall, Le travail forcé en Afrique occidentale française (1900-1945), Paris, Éditions Karthala, 1993, p. 299.
  • [3]
    Voir Catherine Coquery-Vidrovitch, « Le travail forcé en Afrique », in L’Histoire, n° 69, p. 105.
  • [4]
    Voir Babacar Fall, Le travail forcé en Afrique occidentale française, op. cit., p. 302.
  • [5]
    Georges Balandier, Sociologie actuelle de l’Afrique noire. Dynamique des changements sociaux en Afrique centrale, Paris, Puf, 1971 (3ème édition), p. 3.
  • [6]
    Voir Iba Der Thiam, L’évolution politique et syndicale du Sénégal colonial de 1840 à 1936, thèse de doctorat d’État, Université Paris I, 1983, tome VII, p. 3673.
  • [7]
    C’est-à-dire bien avant l’implantation, en 1933 à Diourbel, de la première raffinerie d’huile d’arachide (la SEIB, Société d’électricité et d’industrie du Baol) ou des usines de décorticage de l’arachide (1944).
  • [8]
    Lamine Senghor (1889-1927) est le véritable précurseur du mouvement communiste en Afrique francophone. Ancien tirailleur de la Première Guerre mondiale, il est un produit de la Commission coloniale mise sur pied en 1921 par le Parti communiste français, qui outre les ressortissants de l’AOF regroupait aussi d’autres colonisés (Maghrébins, Malgaches, Indochinois et Antillais). Fondateur en 1924 de la Ligue universelle de défense de la race noire (LUDRN), il publie en 1927 Violation d’un pays, véritable réquisitoire contre le système colonial et précis stratégique de libération des colonies (voir Olivier Sagna, « Les Mouvements anticolonialistes africains dans la France de l’entre-deux guerres (1919-1939) » et Iba Der Thiam, « Histoire de la revendication de l’indépendance », in Historiens & Géographes du Sénégal, numéro 6, 1991, respectivement pp. 4-17 et 18-41.
  • [9]
    Iba Der Thiam, L’évolution politique et syndicale du Sénégal colonial de 1840 à 1936, op. cit., p. 2593.
  • [10]
    Lettre du gouverneur général Carde au ministre des Colonies. Confidentielle. Lettre n° 232 du 14 avril 1 923. Archives nationales du Sénégal, série 20G137 (108).
  • [11]
    Jusqu’à l’adoption de la loi dite Lamine Gueye (en date du 7 mai 1945) octroyant la citoyenneté française à tous les habitants de l’Union française, les populations de la colonie du Sénégal étaient régies par un double statut : il y avait d’une part les citoyens français, originaires des quatre communes (Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar), soumis au code civil français et bénéficiant de la citoyenneté pleine, électeurs et éligibles et élisant un député à l’Assemblée nationale française, et, d’autre part, tous les autres habitants de la colonie du Sénégal, les « sujets français », régis eux par le code de l’indigénat et donc dépendants des décisions (arbitraires ou sages) de l’administration coloniale. Ce statut était aussi celui de tous les habitants des autres territoires de l’AOF.
  • [12]
    Lettre du gouverneur général Carde au ministre des Colonies, op. cit.
  • [13]
    Jean-Daniel Reynaud, Les Syndicats en France, Tome I, Paris, Seuil, 1 975, p. 6.
  • [14]
    Voir Birame Ndour, « Luttes laborieuses en “situation coloniale” : cheminots du Dakar-Niger, 1919-1951 », in Historiens & Géographes du Sénégal, n° 6, 1991
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Voir Lambert Bovy, La nature du mouvement syndical ouest-africain d’expression française, Bruxelles, Académie royale des sciences d’outre-mer, 1967, p. 91.
  • [18]
    Voir Joseph Roger de Benoist, L’Afrique occidentale française de 1944 à 1960, Dakar, Les Nouvelles Éditions africaines, 1982, pp. 23-35.
  • [19]
    Arrêté n° 2599 AP, 16 septembre 1944 ; JO AOF du 23 septembre 1944.
  • [20]
    Voir Lambert Bovy, La nature du mouvement syndical ouest-africain d’expression française, op. cit.
  • [21]
    Voir Babacar Fall, « Oralité et récits de vie : repenser l’histoire sociale et politique du Sénégal », in Le Détour. Revue des sciences humaines, Strasbourg, Éditions Histoire et Anthropologie, 2003.
  • [22]
    Voir Fréderick Cooper, « Le Mouvement ouvrier et le nationalisme au Sénégal. La grève générale de 1946 et la grève des cheminots de 1947-1948 », in Historiens & Géographes du Sénégal, n° 6, 1991
  • [23]
    Sembene Ousmane, Les bouts de bois de Dieu, 1960. Récemment réédité en format de poche, en 2002, par Presses Pocket.
  • [24]
    Voir Fréderick Cooper, Décolonisation et travail en Afrique. L’Afrique britannique et française 1935-1960, Paris, Karthala, 2004, p. 413.
  • [25]
    Georges Martins, « Le syndicalisme en Afrique occidentale d’expression française de 1945 à 1960 », in Le Mois en Afrique, n° 182-183, 1981, p. 59.
  • [26]
    La loi-cadre (1 956-1958) a été adoptée le 19 juin 1 956. Elle introduit une réforme accordant une personnalité morale aux territoires constituant les fédérations de l’AOF et l’AEF. Attribuée au ministre des Territoires d’outre-mer, le socialiste Gaston Deferre, elle annonce la balkanisation de l’AOF et de l’AEF. Voir par exemple Joseph Roger de Benoist, L’Afrique occidentale française de 1944 à 1960, op. cit., pp. 283-319.
  • [27]
    Joseph Roger de Benoist, L’Afrique occidentale française de 1944 à 1960, op. cit., p. 375.
  • [28]
    Ibid., p. 376.
  • [29]
    Le gouvernement savait pertinemment que l’OUSA, conformément au deuxième point de l’article 5 de sa charte, n’acceptait en qualité de membre qu’une organisation syndicale par pays. Cette disposition était la traduction de la volonté de l’organisation syndicale continentale de forcer les organisations syndicales dans les différents pays à réaliser leur unité sous la tutelle de l’État.
  • [30]
    Voir Charles Kabeya Muase, Syndicalisme et démocratie en Afrique noire. L’expérience du Burkina Faso, Paris, Karthala, 1989, pp. 69-87

1Introduits dans un contexte colonial, les syndicats en Afrique occidentale française (AOF) [1] sont apparus largement comme un legs de la solidarité ouvrière métropolitaine. Une telle situation s’explique par le fait que le mouvement syndical africain s’est développé sous la double pression des organismes internationaux et (surtout) des syndicats métropolitains plus ou moins alliés aux partis politiques. Déployée telle une ombre tutélaire, la solidarité des syndicats métropolitains a servi de terreau pour stimuler son essor. Elle a cependant marqué durablement l’action de syndicats qui, en fonction du contexte colonial, se sont révélés être à la fois une force de revendication corporatiste et une force politique engagée dans la lutte pour les indépendances nationales. Au lendemain de celles-ci, intervenues en 1960, les syndicats sont alors devenus objets d’enjeu dans le cadre de la construction nationale que chaque nouvel État s’efforce de réaliser.

2Cet article propose une lecture sur la longue durée (1900-1968) de l’histoire du mouvement syndical en Afrique de l’ouest d’expression française, en retraçant ses origines mais aussi son affirmation progressive en tant que socle et révélateur du mouvement ouvrier, sous une tutelle qui se mue de celle des centrales syndicales métropolitaines à celle des nouveaux partis politiques qui à partir de l’année 1960 régissent la vie politique de la plupart des pays africains.

Les origines du syndicalisme en AOF (1900-1945)

3Les premiers contacts entre le Sénégal et les Européens remontent au XVIe siècle, avec la création de comptoirs implantés sur les côtes et sur les points stratégiques des cours d’eau. À la faveur de transactions économiques et/ou des enjeux militaires et administratifs, ceux-ci se développent pour devenir des villes où les structures socio-économiques coloniales sont implantées. Le destin des premières villes du Sénégal (Saint-Louis, Rufisque, Gorée, Dakar, Kaolack, Ziguinchor, Sédhiou, etc.) se dessine avec des fortunes diverses. Ce sont ces villes qui voient naître les premières organisations syndicales. Mais contrairement à ce qui s’est passé en Europe, le syndicalisme n’évolue pas de pair avec l’industrialisation : il la précède.

4L’apparition du syndicalisme en AOF est liée à la nature spécifique des formes d’exploitation de la force de travail dans les colonies. Entre 1900 et 1946, en l’espace de moins d’un demi-siècle, le système colonial réussit à faire émerger en Afrique occidentale française une force de travail en partie dégagée de sa communauté domestique d’autosubsistance. C’est le résultat d’une intégration progressive dans le système capitaliste mondial. L’essor de la production marchande fondée sur les cultures commerciales et la destruction du système de l’économie domestique ont comme conséquences la dégradation progressive des revenus dans le milieu rural, ainsi que l’accélération, à différents rythmes, des flux et reflux migratoires des travailleurs vers les villes telles que Dakar, Abidjan, Conakry, Bamako ou Ouagadougou [2]. En Afrique sous domination coloniale française, ce n’est pas l’exploitation minière qui détermine les besoins de concentration de la main-d’œuvre. Les besoins en travailleurs apparaissent surtout avec la création d’infrastructures de transport (chemin de fer, routes, ports) et d’équipement (bâtiments et autres fortifications) : il faut des charpentiers, des menuisiers, des maçons, des porteurs, des terrassiers ainsi que les autres corps de métier liés à ces types de travaux [3].

5Les Africains réagissent d’abord aux piètres conditions de travail sur les divers chantiers, dans les plantations et dans les zones urbaines, par des actes individuels, sous la forme de la désertion [4]. Puis une riposte de plus en plus collective s’organise progressivement sur les lieux de travail. La réaction spontanée trouve ainsi un cadre organisé, même si le mouvement social est encore éclaté entre les travailleurs ayant des statuts divers : Européens ou Africains, titulaires, auxiliaires ou journaliers. Le mouvement social se déploie en effet dans le contexte de ce que Georges Balandier a appelé « la situation coloniale[5] », marquée par une imbrication dialectique entre colonisateurs et colonisés et la charge politique et idéologique dont s’imprègne nécessairement toute lutte sociale, même d’ordre simplement professionnel.

6L’organisation des colonies de l’Afrique occidentale française (AOF) et les relations établies avec la métropole facilitent une forme de mobilité des travailleurs, annonciatrice de la pratique de l’émigration et de l’immigration. Dès le 1er mai 1911, le gouverneur général réglemente l’immigration par un arrêté. Au titre de cet arrêté, le Sénégal peut accueillir des ouvriers d’art français, embauchés en France sur la base de contrats et destinés à remplir généralement des fonctions de contremaîtres. À côté de ces travailleurs provenant de la France, des travailleurs étrangers de race blanche (Levantins) ou métissée (Cap Verdiens) sont aussi autorisés immigrer en AOF : on les retrouve généralement dans le commerce, l’artisanat et le bâtiment [6]. À rebours de ce courant, on trouve aussi quelques travailleurs sénégalais en France. Il s’agit pour la plupart d’anciens domestiques amenés en métropole par leurs employeurs, d’anciens combattants (de la Première Guerre mondiale) revenus en France et ayant pu obtenir un emploi public ou privé, ou simplement de clandestins qui avec la complicité de marins ont pu débarquer dans les villes portuaires de la métropole, et se sont attelés à trouver un emploi pour s’intégrer dans la société française. C’est par le biais de ce premier noyau de travailleurs immigrés que des contacts sont établis avec la Confédération générale du travail (CGT), pour l’éveil de la conscience syndicale.

Manifestation du premier mai 1946 à Dakar (Coll. part.)

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Manifestation du premier mai 1946 à Dakar (Coll. part.)

7L’ancienneté de la présence française au Sénégal favorise ensuite le développement des organisations syndicales, qui apparaissent en 1919-1920 [7] sous la forme d’amicales. À l’instar de Lamine Senghor [8], deux marins sénégalais de Marseille, Magatte Codou Sarr, plus connu sous l’identité de Maguette Louis Ndiaye, et Moïse Ba, sont initiés aux principes du syndicalisme au contact de leurs collègues de la CGT : ce sont ces militants qui pendant les années qui suivent la première guerre mondiale vont introduire l’idéologie syndicaliste en Afrique occidentale. Maguette Louis Ndiaye a beaucoup voyagé, et a notamment visité les îles Canaries, la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Angleterre, les Amériques, l’Indochine et Madagascar. Son double statut de marin et de soldat mobilisé durant la Première Guerre mondiale lui a offert de nombreuses opportunités d’élargir son expérience. À la suite d’un séjour avec des délégués européens en France, pendant lequel il tient plusieurs conférences au Havre, il crée officiellement à Dakar le 1er mars 1923 une Amicale des marins, vite transformée en Fédération des syndicats maritimes affiliés à la CGT. « C’était la première fois qu’une organisation syndicale autochtone se manifestait au grand jour[9]. » Selon l’historien Iba Der Thiam, cette organisation était composée en majorité d’indigènes, disposait d’un siège, d’un bureau et d’un leader de renom, ainsi que d’un plan pour élargir la base du syndicat dans les différentes régions du Sénégal et de l’AOF. Si la création de ce syndicat des marins constitue en elle-même un fait remarquable, elle prend une toute autre allure eu égard à la position que ce corps de métier occupe dans les échanges internationaux de l’époque. C’est en effet par bateau que l’essentiel des produits sont acheminés vers les territoires de l’AOF : avec ce syndicat, la CGT dispose donc d’un parfait véhicule pour faire parvenir avec plus ou moins de sécurité les supports d’information, de formation et de propagande que le PCF destine aux colonies de l’AOF.

8D’autres organisations syndicales apparaissent dans le sillage du syndicat des marins. Dans une lettre datée du 14 avril 1923, le gouverneur général Carde annonce ainsi au ministre des Colonies la constitution d’un syndicat des ouvriers du bâtiment [10]. La même année, la Fédération des fonctionnaires sénégalais est créée par un ancien instituteur, Mathurin Diakhaté, admirateur de Marcus Garvey, reconverti professionnellement comme commis auxiliaire au département des finances, qui réussit à convaincre certains de ses collègues de se joindre à lui pour porter sur les fonds baptismaux cette fédération syndicale. Tous les acteurs de ce premier front syndical ont le statut de citoyen français, et vivent à Dakar, capitale fédérale de l’AOF. La brèche ainsi ouverte est cependant très importante, car beaucoup de restrictions subsistaient alors dans les relations professionnelles au niveau des colonies. La loi métropolitaine française de 1884 sur la liberté syndicale avait certes été introduite dans les colonies en 1920, mais elle ne s’appliquait qu’aux travailleurs citoyens français à part entière ; seuls donc les Français de naissance et les Africains des quatre communes du Sénégal pouvaient constituer des syndicats [11]. Cela explique le développement de groupes spontanés défendant les intérêts des travailleurs sans jouir de la reconnaissance légale de l’administration coloniale.

9L’organisation croissante des employés indigènes fait naître des inquiétudes dans les milieux conservateurs coloniaux. Dans sa lettre du 14 avril 1923 déjà citée, le gouverneur général Carde se fait ainsi l’écho de cette préoccupation, en notant pour le ministère des Colonies que « la promulgation malencontreuse de la loi du 25 mars 1920 expose l’Afrique occidentale française aux dangers d’une législation qui n’est pas adaptée au caractère des populations qui l’habitent, à l’état rudimentaire de son organisation industrielle, ni au stade actuel de son évolution économique et politique[12] ». Ces remarques du gouverneur général ne sont pas sans effet, puisque une note de juin suivant précise que « la loi du 21 mars 1884 et celle du 12 mars 1920 sur les syndicats ont été révoquées au Sénégal ». Le contexte colonial et le conservatisme politique conduisent ainsi à la suspension d’une législation sociale considérée comme très favorable aux travailleurs indigènes, et les travailleurs se voient rappeler la logique déjà expérimentée dans la métropole, que Jean-Daniel Reynaud décrit ainsi : « Si naturelle qu’elle nous paraisse, la représentation des intérêts professionnels ne s’est imposée qu’après une longue lutte. Dans les pays qui se sont engagés les premiers dans la voie de l’industrialisation, elle a d’abord été interdite et, au moins en ce qui concerne les associations ouvrières, sévèrement pour-chassée[13]. » La répression des initiatives de travailleurs engagés dans des efforts d’organisation n’est donc point liée au niveau de développement économique, mais bien à la nature même de l’État et aux intérêts défendus par la puissance publique dans le cadre des relations professionnelles. Les concessions faites aux organisations ouvrières s’apprécient en fonction de l’évolution du rapport des forces et des modifications susceptibles d’intervenir dans la politique de la métropole.

10Dans le cas de l’AOF, il faut donc attendre les réformes instituées par le gouvernement du Front populaire de Léon Blum — et le décret du 11 mars 1937 autorisant l’établissement des syndicats dans les colonies par les sujets français locaux — pour que les organisations syndicales de travailleurs ne soient plus soumises à l’interdiction (ce décret comporte toutefois une restriction, dans la mesure où le droit d’affiliation syndicale n’est reconnue qu’aux travailleurs sachant lire, écrire et parler le français, et détenant le certificat d’étude primaire). Un second décret, en date du 20 mars 1937, institue les négociations collectives et l’élection de la délégation syndicale. En conséquence de ces réformes, de nombreuses organisations syndicales apparaissent à cette époque, essentiellement à Dakar ; en novembre 1937, 42 syndicats sont ainsi reconnus. Parmi ces premières organisations professionnelles, on relève des syndicats de travailleurs d’entreprises du bâtiment et de travaux publics ou des industries de la métallurgie, des syndicats d’employés de commerce ou de banque, des syndicats de travailleurs de la marine marchande et des chemins de fer. Une Union des syndicats africains de la circonscription de Dakar, regroupant en une seule fédération toutes les organisations syndicales des travailleurs sénégalais, est ensuite reconnue en 1938. La même année, le 1er septembre, les employés du commerce et des banques signent la première convention collective.

11Par ailleurs, on constate aussi l’apparition d’un nombre plus important d’autres organisations réunissant dans des sociétés de secours mutuel des salariés qui n’ont pas le statut de citoyen. Il s’agit d’organisations à caractère social, dénommées sous divers labels « amicales », qui se constituent dans les grandes entreprises ou les services publics. Si on ne leur reconnaît pas officiellement un pouvoir de négociation, qui pourrait leur permettre de représenter juridiquement les travailleurs, elles jouent en quelque sorte le rôle de sécurité sociale, avec la création de caisses communes destinées à assister les membres de l’organisation en cas de mariage, de chômage, de maladie ou de décès.

12Vers la fin des années trente, trois facteurs convergent pour favoriser la naissance des premiers vrais syndicats en Afrique francophone :

  • l’administration, d’une part, est soucieuse de dompter et de discipliner un prolétariat africain inorganisé et en expansion qui, craint-elle, pourrait facilement détruire l’ordre social, voire menacer la présence française dans certaines régions ;
  • une petite partie de l’opinion publique française, constituée largement de syndicalistes et de progressistes porteurs des idéaux du Front populaire, s’engage d’autre part à promouvoir le progrès social dans les colonies. Ce courant réformiste se traduit sur le plan politique par l’appartenance à la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) ou à la mouvance du Parti communiste français, qui dispose de quelques membres ou sympathisants dans les rouages de l’administration coloniale ;
  • enfin, les intérêts financiers d’outre mer, quoique totalement hostiles à toutes mesures susceptibles de favoriser les travailleurs ou de saper leur autorité, sont de plus en plus inquiets de la « menace d’anarchie » que les employés organisés en syndicats sont susceptibles d’introduire dans les entreprises. Plutôt que de laisser s’installer le « chaos » parmi les travailleurs, ils sont donc prêts à accepter, à regret, une forme contrôlée de syndicalisme.

13* * *

14L’examen des archives montre que malgré l’absence de cadre réglementaire autorisant ou facilitant la vie des organisations syndicales, les travailleurs parviennent à se mobiliser pour faire valoir leurs revendications. L’absence de cadre de régulation des relations professionnelles explique, dans une certaine mesure, le ton radical et parfois la violence prise par leurs démarches.

15La première grande grève connue intervient du 13 au 15 avril 1919 chez les cheminots de la ligne reliant Dakar à Saint-Louis, qui appartiennent alors à la plus grosse entreprise de l’Afrique occidentale, le Chemin de fer du Dakar-Niger, seule exploitation ferroviaire privée d’AOF. Déclenchée par l’ensemble des cheminots de la ligne concernée, cette grève réunit dans un seul élan de mobilisation le personnel africain et européen pour exiger l’indexation des salaires rongés par l’inflation et les conséquences de l’après Première Guerre mondiale dans la colonie du Sénégal. La paralysie de la ligne à un moment crucial de la traite des arachides décide les milieux économiques à faire pression sur l’administration et sur la Compagnie des chemins de fer pour trouver une solution négociée, accordant une hausse des salaires de plus de 30 %. Suite à ce succès, la radicalité continue à marquer le mouvement des cheminots, qui par d’autres grèves, menées du 1er au 8 juin 1920, puis du 24 au 27 janvier 1925, obtient ensuite une autre augmentation salariale, bénéficiant autant aux travailleurs africains qu’européens [14]. À l’occasion de ces conflits, le vide juridique en matière de législation du travail se révèle manifeste, et se traduit par la grande difficulté pour les autorités à rencontrer des délégations représentatives des cheminots, le choix de ces derniers d’éviter de faciliter la répression de la grève par l’arrestation ou le licenciement des leaders accentuant encore le problème. Il faut ainsi attendre la grève de janvier 1925 pour trouver mention dans les archives du fait que les différentes actions menées par les cheminots sont conduites par des comités de grève désignés au cours d’assemblées générales qui laissent transparaître des formes organisées dictées par les circonstances et le spontanéisme [15].

16Pour les cheminots, un progrès important est enregistré ensuite, sur le plan de l’organisation, avec l’entrée en scène des Africains « évolués » — autrement dit ceux qui ont reçu une éducation française — qui, grâce à leur niveau d’instruction (études secondaires ou formation technique), ont accédé à certains postes de responsabilité au sein de la Régie des chemins de fer, et s’attellent à se positionner comme des interlocuteurs en créant en 1928 leur propre Association professionnelle des cheminots africains, dirigée par François Gningue. La tension dans les relations professionnelles au niveau de la régie des chemins de fer du Dakar-Niger est cependant loin d’être contenue. Du fait de son niveau d’instruction limité, la grande majorité des cheminots africains, ne disposant pas de statut autre que celui d’auxiliaire journalier, et donc confinés à la précarité, se voit en effet refuser toute possibilité de s’organiser pour prendre en charge la défense de ses revendications propres. Elle ne se retrouve pourtant pas dans l’organisation mise en place par les cadres africains, plutôt proches d’une ligne de collaboration avec la direction de la Régie. C’est ainsi cette majorité constituée de travailleurs journaliers dits auxiliaires qui déclenche une grève le 27 septembre 1938, dans le but d’arracher le droit de se doter d’une organisation apte à défendre ses intérêts propres, et pour l’obtention d’un statut mettant fin à la précarité. La sanglante répression de ce mouvement constitue le point culminant de la division des Africains, qui, dès lors, cédera le pas à un processus d’unification [16].

17À la fin des années 1930, l’éclatement de conflits du travail ne concerne pas seulement les cheminots : l’agitation sociale touche aussi une large gamme des travailleurs. En décembre 1938 et janvier 1939, les travailleurs du port de Dakar déclenchent ainsi une grève dirigée par Théophile Mbaye et Malick Pathé Thiam. La médiation du député Ngalandou Diouf permet de lui trouver un rapide dénouement, et consacre une victoire éclatante des travailleurs, qui obtiennent une substantielle augmentation de salaire. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, en dépit des restrictions qui brident le mouvement syndical, les travailleurs déploient ainsi diverses stratégies pour assurer la défense de leurs droits, se mobilisant et usant généralement de la grève pour imposer un rapport de force qui leur soit favorable. Avec le début du conflit mondial, et dans la foulée de la suppression des autres libertés, le syndicalisme est suspendu par le gouvernement de Vichy. Un syndicalisme d’outre-mer est ensuite ré-instauré par le décret du 7 août 1944, qui institue le droit et la liberté d’association syndicale pour la masse des Africains encore soumis au statut juridique de l’indigénat (les « sujets »), même si cette nouvelle réglementation exige que pour diriger un syndicat, les leaders doivent justifier d’un niveau d’instruction sanctionné par le certificat d’études primaires [17].

Les débuts d’un mouvement ouvrier organisé (1945-1956)

18Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le syndicalisme connaît un nouvel essor dans les colonies. C’est une des conséquences de la Conférence africaine française de Brazzaville (tenue en février 1944), qui préconise d’autoriser tous les habitants des colonies françaises à s’organiser en partis politiques et en syndicats [18]. Le décret du 7 août 1944, évoqué plus haut, instituant les syndicats professionnels sur les territoires coloniaux français, est ainsi promulgué en Afrique occidentale française dès le 16 septembre 1944 [19]. Le gouverneur général Cournarie fait alors remarquer aux gouverneurs des colonies qu’il n’est donc plus exigé des membres d’un syndicat professionnel de savoir parler, lire et écrire couramment le français, et, pour les originaires des colonies, d’être au moins titulaires du certificat d’études primaires ou d’une attestation équivalente. Pour ce qui concerne l’affiliation syndicale, à partir de cette date il n’est donc plus fait de distinction entre autochtones et européens.

19Le contexte d’après-guerre apparaît ainsi relativement favorable au développement d’un mouvement ouvrier organisé, et divers facteurs y concourent. À l’échelle de l’AOF, on remarque d’abord l’essor du nationalisme anticolonialiste : l’embryon de la bourgeoisie indigène nationaliste (en Côte-d’Ivoire par exemple) et de la petite bourgeoisie radicale se retrouvent au coude au coude dans un même élan d’éveil, de revendication et de lutte contre l’ordre colonial. Cette jonction est à l’origine de la création du Rassemblement démocratique africain (RDA) en octobre 1946 à Bamako ; impulsé par des parlementaires africains — notamment Houphouët-Boigny (de Côte-d’Ivoire), Sékou Touré (de Guinée), Mamadou Konaté (du Soudan français, l’actuel Mali) et Ouezzin Coulibaly (de Haute-Volta, actuel Burkina Faso) —, ce mouvement politique va servir de support au développement du syndicalisme en Afrique francophone. Ensuite, pour ce qui concerne plus précisément la colonie du Sénégal, on assiste après 1945 à un élargissement remarquable du tissu industriel. La guerre mondiale et les problèmes de ravitaillement et de transport nés de la participation du pays à l’effort de guerre accélèrent le procès d’industrialisation amorcé en 1933. Des huileries, des savonneries et des industries métallurgiques, ainsi qu’une foule d’autres industries nouvelles, sont rapidement développées pour transformer les produits locaux et fournir des biens de consommation au marché colonial en expansion. La création du Fonds d’investissement pour le développement économique et social (FIDES) permet en outre d’injecter d’importants capitaux dans l’économie, et le financement de nombreux projets d’infrastructure. Les ports de Dakar, de Kaolack et de Ziguinchor sont agrandis ; la ligne du chemin de fer Dakar-Niger est étendue et des services modernes de maintenance, employant 3 000 personnes, sont installés à Thiès. De nombreuses routes et des bâtiments publics sont construits, et de vastes programmes d’habitat urbain participent à l’essor de villes comme Dakar, Kaolack, Diourbel, Thiès, etc.

20Cette poussée d’activité économique a trois conséquences distinctes : elle permet aux syndicats un recrutement massif de nouveaux membres parmi une main-d’œuvre salariée de plus en plus nombreuse ; un nombre croissant d’ouvriers qualifiés indigènes est formé, gonflant ainsi les rangs de l’élite africaine en expansion ; de nombreux travailleurs expatriés arrivent au Sénégal (employés comme contremaîtres à des postes plus techniques, ils perçoivent des salaires beaucoup plus élevés que ceux de leurs collègues africains, et bénéficient d’avantages très substantiels). L’essor syndical est ainsi nettement stimulé. Mais la cassure est nette entre travailleurs africains et européens : disposant d’une situation très privilégiée, ces derniers se montrent racistes et prennent position en faveur du patronat et du gouvernement. Il existe pourtant à Dakar une section locale de la CGT, et des fonctionnaires français, à la faveur d’un gouvernement de coalition socialo-communiste, ont constitué plusieurs syndicats dans différents départements administratifs. Ceux-ci sont dirigés par Charles Brun, Pierre Bouvier et Jean Suret Canale. Différents syndicats africains s’organisent également : pour les territoires du Sénégal et de la Mauritanie, plusieurs formations se regroupent au sein d’une Union territoriale des syndicats confédérés du Sénégal et de la Mauritanie, dirigée par Bassirou Gueye et Latyr Camara, deux ressortissants de la ville de Saint-Louis. À Dakar, Amadou Lamine Diallo prend la tête de l’Union des syndicats de la circonscription de Dakar et dépendances.

21En réaction à cet essor, le gouvernement entreprend de contrôler la reprise du Mouvement syndical ouest africain en nommant un fonctionnaire européen pour en assurer la coordination. Cette initiative, qui provoque du mécontentement chez les deux catégories de travailleurs (blancs et noirs), est cependant vite abandonnée. Sous la houlette de la CGT, un organe de coordination fédéral, l’Union des syndicats confédérés d’AOF-CGT, est mis en place : il crée un cadre permettant de réunir les organisations syndicales françaises et africaines. Pierre Bouvier et Amadou Lamine Diallo en sont les premiers co-secrétaires généraux.

J. Ouedrago et K. Ouedrago, leaders du syndicat de l’ex-Haute Volta. (Coll. part.)

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J. Ouedrago et K. Ouedrago, leaders du syndicat de l’ex-Haute Volta. (Coll. part.)

22Parmi les Sénégalais jouant un rôle au sein de la CGT, on repère les noms d’Abbas Gueye, du syndicat des ouvriers de l’industrie, et de Magatte Diack, employé du secteur du pétrole et dirigeant de l’Emciban (syndicat du commerce et des banques). Cheikh Sarr (syndicat des douanes), Henri Diémé et Nfa Touré (syndicat de l’administration) sont parmi les travailleurs de la fonction publique les plus dynamiques, tandis qu’Ibrahima Sarr assure la direction du syndicat des cheminots. Le mouvement syndical cégétiste n’a cependant aucune cohésion, du fait des dissensions et de la tension raciale entre Africains et Français. Prolongement des grandes centrales françaises, les syndicats africains ont alors tendance à s’allier aux partis politiques : l’alliance PCF/CGT permet ainsi au Rassemblement démocratique africain de disposer de l’appui de toutes les sections coloniales de la CGT, qui représentent souvent un électorat et un appareil politico-administratif fonctionnel dans les diverses zones urbaines.

23Dans le sillage de la CGT, les syndicalistes de la Confédération française des travailleurs chrétiens et ceux de la Confédération générale des travailleurs-Force ouvrière soutiennent aussi la création et le développement des syndicats en AOF. Entre 1948 et 1952, les trois centrales se partagent ainsi naturellement les effectifs des syndiqués en AOF, les deux dernières citées ayant cependant un rayon d’intervention bien moindre que celui de la CGT [20]. De tous les partis politiques, le PCF est celui qui accorde la plus grande attention à l’aide et à la formation de cadres : créés en étroit rapport avec la CGT, les Groupes d’études communistes (GEC) se révèlent ainsi être, entre 1947 et 1951, de véritables pépinières de cadres politiques et syndicaux, qui auront été fréquentées par des responsables de partis et de syndicats tels que Sékou Touré, Bakary Djibo (du Niger) ou Abdoulaye Guèye, dit Cabri (du Sénégal).

24Au Sénégal, à l’exception de quelques petites formations isolées ou autonomes, les syndicats sont tous affiliés à la section locale de la CGT. Dakar est choisi pour abriter la première Conférence panafricaine des syndicats, organisée du 10 au 13 avril 1947 par la Fédération syndicale mondiale (FSM). L’Union des syndicats confédérés de Dakar, qui compte 15 000 membres déclarés, et l’Union des syndicats du Sénégal et de la Mauritanie (7 500 adhérents) sont représentées à ce rassemblement de 18 organisations syndicales africaines réunissant au total 763 000 militants, auquel le Congo belge et la plupart des colonies françaises et anglaises ont envoyé des participants. La résolution finale adoptée par la Conférence montre une certaine influence de la FSM sur le mouvement syndicaliste naissant : il est en effet décidé d’adopter une politique anti-coloniale et de dénoncer le plan Marshall. Le glissement vers des positions prosoviétiques est manifeste. Mais en mai 1947, le PCF démissionne du gouvernement français et passe dans l’opposition. La CGT et son allié politique dans les colonies, le RDA, sont alors l’objet de nombreuses tracasseries policières et administratives.

25C’est donc dans un contexte de répression que se développe une nouvelle agitation dans le milieu des cheminots. Déclenchée le 19 avril 1947, à la veille de la visite du président de la République française, une courte grève permet d’abord d’aboutir à un accord sur un cadre unifié pour tous les travailleurs, et le rejet de la proposition de licenciement de 3 000 ouvriers. Mais le patronat fait ensuite échouer les négociations autour du protocole d’accord signé le 19 avril. Un nouvel appel à la grève est donc lancé par les syndicats pour le 10 octobre. L’historiographie de la Sénégambie contemporaine considère aujourd’hui cette seconde grève des cheminots, intervenue entre le 10 octobre 1947 et le 19 mars 1948, comme l’événement le plus retentissant dans la mémoire collective en Afrique de l’ouest francophone après la Deuxième Guerre mondiale [21]. On assiste en effet à une mémorable épreuve de force qui pendant 170 jours oppose les cheminots africains et la direction de la Régie des chemins de fer. Mobilisant près de 20 000 grévistes répartis sur tous les territoires de l’ancienne Afrique occidentale française, cette lutte a pour enjeu central la revendication d’une égalité pour un statut unique de tous les cheminots de la Régie des chemins de fer, sans considérations de couleur. Un mot d’ordre, « À travail égal, salaire égal », résume la revendication de grévistes qui paradoxalement utilisent l’idéologie assimilationniste de la métropole pour stimuler le nationalisme des Africains. Leur victoire va incontestablement changer le rapport des forces entre les Africains et leur métropole : au fil de cette grève, les cheminots africains ont découvert leur force, et pris conscience d’être à l’avant garde du combat pour l’émancipation nationale [22]. Dans son roman Les bouts de bois de Dieu Sembene Ousmane décrira ainsi plus tard ce mouvement comme « un moment-clé dans la grande mobilisation anti-colonialiste au cours de laquelle un mouvement ouvrier prend conscience de sa force, se débarrasse des tentations de compromis et se rend compte de ce qu’est un vrai mouvement populaire, c’est-à-dire un mouvement engagé doublement pour l’émancipation d’un peuple autant que pour le bien-être d’une classe sociale[23] ».

26Sur le moment, cette longue lutte des cheminots révèle aussi aux travailleurs la réalité d’une épreuve de force dans un contexte de situation coloniale, avec la mise en œuvre par l’administration de diverses tactiques combinant à la fois la répression, le pourrissement, l’usure, la pression morale et le recours aux autorités religieuses, voire à la famille. Elle leur permet de se rendre compte de la force de l’organisation et de la solidarité. Les syndicats prennent ainsi conscience que pour lutter efficacement contre le patronat et l’administration coloniale, pour ne pas être acculés sans défense à la misère et au dénuement, le mouvement ouvrier doit s’organiser minutieusement, et disposer notamment d’une trésorerie suffisante, d’une organisation coopérative vigoureuse et d’une presse dynamique et combative. L’impératif de l’organisation constitue la grande leçon prodiguée à tous les travailleurs d’Afrique par la grève historique des cheminots en 1947, dont le succès stimule évidemment l’agitation sociale et l’élan revendicatif. En une rare manifestation publique d’unité, les employés sénégalais et français du secteur organisent ainsi le 9 septembre 1948 à Dakar une grève d’avertissement de 24 heures. En novembre, l’Union des syndicats confédérés de Dakar suit cet exemple, et présente différentes revendications professionnelles, au nombre desquelles la demande de promulgation d’un Code du travail, ainsi que l’établissement des salaires et des allocations familiales pour les Africains et les Européens. L’amplification de l’agitation sociale décidera bientôt les députés de l’Assemblée nationale à voter le Code du travail de l’outre-mer, promulgué à Paris le 15 décembre 1952. C’est l’apogée de l’influence de la CGT en Afrique.

27En 1950 et 1951 apparaît déjà cependant une certaine tendance à l’autonomie des syndicats de l’AOF. Celle-ci est accélérée davantage par la répression politique du Rassemblement démocratique africain et des syndicats CGT, qui se traduit par une baisse générale du nombre d’adhérents aux syndicats (la CGT voit ainsi ses effectifs chuter de 25 %). Cette tendance va en s’accentuant lorsqu’en 1951 le gouvernement français interdit toutes les activités de la FSM en France et dans les colonies.

De la création de l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire (UGTAN) à la formation des syndicats nationaux (1956-1968)

28Une fois le Rassemblement démocratique africain désaffilié du PCF, Sékou Touré et le Parti démocratique de Guinée (PDG/RDA) sont à l’avant-garde du combat pour le retrait des syndicats africains des organisations françaises. Cette tendance est cependant contrée par la majorité des militants CGT en AOF. En juin 1955, Abdoulaye Diallo, secrétaire général de la CGT du Soudan et vice-président de la FSM, prévient ainsi les syndicalistes africains « contre l’idée d’un prétendu syndicalisme africain qui les couperait de la classe ouvrière française, les isolerait des forces progressistes internationales et les livrerait pieds et poings liés aux colonialistes ». Cette mise en garde ne prend cependant pas en compte le fait que « de nombreux syndicalistes africains [sont] irrités de l’attitude "je sais tout" de la CGT, [commencent] à émettre des doutes quant à leur adhésion à la CGT, et ensuite à la Fédération syndicale mondiale (FSM), et à appeler de leurs vœux un mouvement africain et une Centrale africaine pouvant relayer leurs demandes propres[24] ».

29Sous la double pression des dirigeants du RDA — dont notamment Houphouët-Boigny et Ouzzin Coulibaly — et du Haut commissaire français de Dakar, décision est prise de rompre avec la CGT en constituant une nouvelle centrale, la Confédération générale des travailleurs africains (CGTA), dont Sékou Touré devient le leader. Au Sénégal, une scission se produit en novembre 1955 entre les défenseurs de la CGT et les partisans de la CGT du Sénégal. La lutte entre la CGT et la CGTA pour l’hégémonie sur le mouvement syndical de l’AOF est vive au cours de l’année 1956. C’est en Guinée et au Sénégal que la CGT est le plus affectée par la formation de la CGTA, qui n’a pas encore développé une doctrine syndicale cohérente mais s’oppose néanmoins à la notion de lutte des classes. Fin 1956, les syndicats de l’AOF mettent au point un projet d’unification en une organisation unique d’ouvriers qui rassemblerait tous les syndicats professionnels locaux de chaque territoire, appelés à fusionner en un organisme fédéral rassemblant toutes les unités territoriales de l’AOF et du Togo. Le congrès de Cotonou, tenu du 16 au 19 janvier 1957, aboutit ainsi à la création de l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire (UGTAN), dirigé par Sékou Touré, et dont le siège est installé à Dakar. Au bout d’un an d’existence, l’UGTAN regroupe déjà 80 à 90 % des syndiqués en AOF, soit le tiers des salariés (150 000 sur un total de 450 000). L’Union choisit de n’adhérer à aucune Internationale syndicale, et s’écarte même des deux centrales — la Confédération africaine des syndicats libres-Force Ouvrière (CASL-FO) et la Confédération africaine des travailleurs croyants (CATC) — qui existaient sur le terrain de l’AOF en tant que prolongement d’organisations syndicales internationales.

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Page de couverture de l’édition ; en brochure, en 1959, du « Rapport d’orientation et de ; doctrine » présenté par Sékou Touré lors du congrès général de l’UGTAN ‘ tenu à Conakry en janvier 1959. (Coll. BDIC)

30Les grands efforts déployés pour unifier le mouvement ouvrier de l’AOF ont cependant des résultats précaires. « Les dernières tentatives ont été réalisées par les syndicats et par les partis politiques en vue de rétablir l’unité inter-territoriale comme les structures de l’AOF s’écroulaient rapidement[25] ». Le principal facteur d’instabilité apparaît avec l’application de la Loi-cadre modifiant le statut des colonies d’Afrique noire (votée en 1956), car la nouvelle situation politique fait naître des intérêts politiques divergents parmi les nombreux cadres et dirigeants ouvriers [26]. La première secousse intervient avec les élections du 31 mars 1957 destinées à la formation des diverses assemblées territoriales. Dans chaque territoire, le parti sorti victorieux des élections est appelé à former un gouvernement local composé de ministres africains. En Côte-d’Ivoire, en Guinée et au Soudan (Mali), les sections locales du RDA obtiennent une large majorité. Au Sénégal, le Bloc populaire sénégalais (BPS), dirigé par Léopold Sédar Senghor, arrache pour sa part 47 des 60 sièges. Dans tous les territoires, la lutte pour le contrôle du nouveau pouvoir politique apparaît de plus en plus vive. Dans un climat politique dominé par la tension et la surenchère, les syndicats et les différentes associations ethniques régionales et/ou religieuses comptent parmi les partenaires les plus recherchés par les partis. Les syndicalistes qui dans beaucoup de territoires apportent un appui important aux formations politiques sont récompensés par des postes ministériels et/ou législatifs. Seule exception, la Mauritanie, où le poids des travailleurs sur l’échiquier politique reste relativement faible.

31Au Sénégal, Latyr Camara, secrétaire général de l’Union des syndicats confédérés du Sénégal et de la Mauritanie, se trouve promu ministre de la Fonction publique. Trois dirigeants des cheminots, membres du Bloc populaire sénégalais — Abdoulaye Ba, Ousmane Ngom et Ibrahima Sarr —, sont élus députés. En Côte-d’Ivoire, Gaston Fiankan est nommé ministre du Travail. Au Dahomey, c’est le syndicaliste Guillaume Fagbamigbe qui fait son entrée au gouvernement, en qualité lui aussi de ministre du Travail. Abdoulaye Diallo devient ministre de la Fonction publique du Soudan. Cet accès des syndicalistes aux postes gouvernementaux et législatifs conduit rapidement à une situation nouvelle, marquée par des tensions politiques entre le mouvement ouvrier et les partis au pouvoir. Le mouvement syndical, éclaté, suit le sillage des différents courants politiques. L’appréciation de la nouvelle situation est donc contrastée. Réuni en Côte-d’Ivoire au lendemain d’une conférence inter-territoriale organisée par l’UGTAN à Bamako, le Comité de coordination du RDA vote le 10 mars 1958 une motion pour « féliciter le mouvement syndical de son autonomie organique et de son idéologie originale déterminée par les réalités africaines, et enregistrer avec satisfaction sa prise de position en faveur d’une orientation accordant la primauté non à la lutte et aux intérêts de classes, mais à l’intérêt général des populations de l’Afrique noire, en vue d’assurer dans les meilleures conditions leur évolution rapide et harmonieuse[27] ». La réplique ne se pas fait attendre : la Confédération africaine des travailleurs croyants réagit immédiatement pour « condamner l’ingérence des partis dans les questions syndicales, et en particulier le cumul des responsabilités[28] ».

32À la suite des réformes instaurées par la loi-cadre, la mise en place des nouveaux États entraîne souvent des conflits entre les alliés d’hier, syndicalistes et dirigeants politiques. La domestication de la force sociale et politique que représentent les syndicats devient pour ces derniers une question de survie, un enjeu fondamental. À la veille des indépendances, le pluralisme syndical est de rigueur dans tous les pays d’Afrique occidentale française, mais les syndicats restent perçus comme des instruments à dompter et à placer sous l’influence des partis appelés désormais à gérer les nouveaux États. La plupart de ces nouveaux États adoptent certes des constitutions libérales qui garantissent le pluralisme politique, mais tous s’engagent aussi dans des processus d’unification de l’espace sociopolitique qui se traduisent par l’élimination brutale de toute opposition politique, et l’imposition de l’unification du mouvement syndical.

33On entre dans l’ère des partis uniques. Le monopartisme est presque partout institutionnalisé, et ainsi que l’illustrent bien les cas du Sénégal et de la Haute-Volta, les syndicats se trouvent placés sous la tutelle des nouveaux États et des partis uniques ou dominants. Au Sénégal, face à la politisation du mouvement syndical — via l’alignement, ou non, des leaders sur les orientations du nouveau gouvernement semi-autonome —, les syndicats sectoriels se dégagent cependant de l’étau bureaucratique pour conduire des luttes visant la satisfaction des revendications directes des travailleurs. L’UGTAN regroupe alors dans le pays 80 % des syndiqués, mais cette tendance à la radicalisation syndicale apparaît contradictoire avec un panorama politique marqué par le ralliement, le 4 avril 1958, du Bloc populaire sénégalais de Léopold Sédar Senghor au Parti sénégalais d’action socialiste (PSAS) de Lamine Gueye, qui donne naissance à l’Union progressiste sénégalaise (UPS). L’avènement du général de Gaulle au pouvoir en France en juin 1958, puis le référendum du 28 septembre suivant, accentuent encore la tension entre les syndicats et les dirigeants de l’UPS, déjà affectée par une crise lors de la démission de trois ministres — dont le syndicaliste Latyr Camara — et la formation d’un nouveau parti (le Parti du regroupement africain, PRA -Sénégal) se réclamant des conclusions arrêtées lors du congrès de Cotonou en 1957 et préconisant le « non », c’est-à-dire l’indépendance totale et immédiate.

34Au lendemain du référendum, l’Union progressiste sénégalaise, parti politique dominant, s’engage dans une tentative de déstabilisation de l’UGTAN-Sénégal, menée avec l’appui de certains syndicalistes pro-Senghor. Ibrahima Sarr, ancien dirigeant du Syndicat des cheminots, de tendance UGTAN, entre dans le gouvernement Dia en décembre 1958 en qualité de ministre de la Fonction publique. Dans le même temps, le gouvernement annonce qu’il ne tolérera plus désormais les grèves dites « injustifiées », mais promet néanmoins le respect des libertés syndicales. Le 18 décembre 1958, Abbass Gueye prend la tête d’un mouvement scissionniste, et crée l’UGTAN-autonome.

35La période 1958-1962 est ainsi marquée par une âpre lutte ininterrompue menée par l’UPS pour anéantir le courant radical de l’UGTAN. Réagissant à l’appel, lancé par l’UGTAN, à une grève générale dans la fonction publique sénégalaise du 4 au 6 janvier 1959, Mamadou Dia, chef du gouvernement, contre-attaque par le biais de son ministre de l’Intérieur, Valdiodio Ndiaye : tous les travailleurs ayant participé au mouvement, soit 3 000 salariés, sont licenciés. L’UPS dénonce en outre l’action de l’UGTAN, accusée d’avancer des « revendications politiques » en déclarant qu’il n’est ni juste ni raisonnable de consacrer 65 % du revenu national à 5 % de la population. Le pouvoir politique a néanmoins pris conscience de la capacité redoutable des salariés à déstabiliser l’ordre public et à entretenir l’agitation sociale. La question du contrôle du mouvement syndical apparaît pour les dirigeants politiques comme un impératif. L’UPS, parti dominant, décide donc de lancer une nouvelle offensive pour placer les syndicats dans sa mouvance : elle installe un nouvel état-major syndical, et crée des comités d’entreprises regroupant tous les militants UPS travaillant dans une même entreprise ou un même service administratif. Ces nouveaux instruments — nouvel état-major et comité d’entreprises — sont destinés à saper l’influence de l’UGTAN et à permettre la reconversion des syndicats. Dès 1959 Senghor exprime pour la première fois cette idée d’une reconversion du syndicalisme. Selon lui, il n’est cependant pas encore question de participation, mais de coopération avec le parti et les autorités administratives. L’UPS encourage évidemment cette collaboration avec les dirigeants syndicaux, et apporte même son soutien financier aux formations syndicales qui se montrent favorables au parti. La reconversion signifie ainsi un changement d’orientation, une redéfinition de la stratégie et des méthodes du mouvement syndical. Dégagés de la tutelle des centrales métropolitaines, les syndicats se trouvent engagés dans une marche forcée décidée par les dirigeants de l’État indépendant. Le port de cette camisole de force sera toutefois de courte durée, la crise de mai 1968 faisant moins de dix ans plus tard éclater le corset. Le mouvement syndical ouvrira alors une nouvelle page de son histoire, renouant progressivement avec le pluralisme et retrouvant son indépendance vis-à-vis des forces politiques.

36En Haute-Volta, après la proclamation de l’indépendance par le président Maurice Yaméogo le 5 août 1960, puis l’installation d’un nouveau gouvernement, le chef de l’État donne instruction au ministre du Travail et des Affaires sociales « d’entreprendre toutes les actions nécessaires à l’unification des syndicats voltaïques pour harmoniser la situation avec le parti au pouvoir ». L’Union nationale des syndicats des travailleurs de la Haute-Volta (UNST-HV) est ainsi créée, en tant que « centrale unique à laquelle devraient adhérer toutes les autres centrales ». Les syndicats réagirent par le refus et la préservation de leur autonomie organisationnelle. Au congrès de 1962 du parti au pouvoir, une résolution est alors adoptée en ces termes : « Considérant qu’il y a une nécessité impérieuse dans une reconversion de l’esprit syndical, le congrès invite les syndicats, l’unité nationale étant réalisée, à coordonner leur action dans l’action du parti en vue de la rénovation de l’économie. » Seuls quelques syndicats s’affilient cependant alors à l’UNST-HV. Le gouvernement réagit par un ultimatum, et décide de contraindre les organisations syndicales à l’adhésion en votant à l’Assemblée nationale le 27 avril 1964 une loi portant sur la désaffiliation des syndicats voltaïques des organisations ouvrières internationales et leur affiliation dans un délai de 21 jours à l’Organisation syndicale pour l’unité africaine, au risque de leur dissolution [29]. Les syndicats rejettent une nouvelle fois cette forme d’inféodation décidée par le parti au pouvoir pour contrôler leur action. La scène politique nationale va alors porter la marque de l’antagonisme entre le gouvernement et les syndicats. Si l’interdiction des activités syndicales et l’arrestation des leaders jugés récalcitrants deviennent les armes régulières du gouvernement, les syndicats réussissent néanmoins à conserver leur indépendance, et parviennent même à développer une unité d’action qui aboutira à la crise de régime du 3 janvier 1966, marquée par la chute du régime de Maurice Yaméogo [30].P

37Pendant toute la période coloniale, le mouvement syndical d’Afrique occidentale française est donc resté marqué par son radicalisme et son engagement dans la lutte contre le colonialisme. L’encadrement de la CGT et du PCF a progressivement favorisé l’émergence de cadres syndicaux et politiques qui ont largement réussi à développer les organisations syndicales en AOF, et particulièrement au Sénégal. N’ayant pu échapper à la politisation, les syndicats se sont ensuite dégagés des centrales métropolitaines sans parvenir à affirmer une personnalité indépendante vis-à-vis de la nouvelle classe politique au pouvoir du fait de la vague des indépendances. Cette nouvelle étape de l’histoire du mouvement syndical l’amènera à faire face à de nouveaux défis et à de nouveaux types de relations avec des partis politiques enclins à dompter les syndicats à défaut de les placer dans la mouvance politique dominante. Les syndicats, organisés largement sous forme de centrales nationales, n’ont pas toujours accepté la marche forcée décidée par les nouveaux pouvoirs. Amorcée durant la période coloniale, la recherche, par le mouvement syndical africain, d’une personnalité propre s’est ainsi poursuivie dans le contexte de pays indépendants pleinement engagés dans des processus de construction nationale. Il reste donc toujours traversé par divers courants politiques souvent contradictoires : c’est peut-être là son essence.

38B. F.

Notes

  • [1]
    Constituée de 1895 à 1959, l’Afrique occidentale française (AOF) regroupait, à l’exception du Togo, huit territoires : le Sénégal, la Mauritanie, le Soudan (Mali), le Niger, la Haute-Volta (Burkina Faso), la Côte-d’Ivoire, la Guinée et le Dahomey (actuel Bénin). Dakar en était la capitale.
  • [2]
    Voir Babacar Fall, Le travail forcé en Afrique occidentale française (1900-1945), Paris, Éditions Karthala, 1993, p. 299.
  • [3]
    Voir Catherine Coquery-Vidrovitch, « Le travail forcé en Afrique », in L’Histoire, n° 69, p. 105.
  • [4]
    Voir Babacar Fall, Le travail forcé en Afrique occidentale française, op. cit., p. 302.
  • [5]
    Georges Balandier, Sociologie actuelle de l’Afrique noire. Dynamique des changements sociaux en Afrique centrale, Paris, Puf, 1971 (3ème édition), p. 3.
  • [6]
    Voir Iba Der Thiam, L’évolution politique et syndicale du Sénégal colonial de 1840 à 1936, thèse de doctorat d’État, Université Paris I, 1983, tome VII, p. 3673.
  • [7]
    C’est-à-dire bien avant l’implantation, en 1933 à Diourbel, de la première raffinerie d’huile d’arachide (la SEIB, Société d’électricité et d’industrie du Baol) ou des usines de décorticage de l’arachide (1944).
  • [8]
    Lamine Senghor (1889-1927) est le véritable précurseur du mouvement communiste en Afrique francophone. Ancien tirailleur de la Première Guerre mondiale, il est un produit de la Commission coloniale mise sur pied en 1921 par le Parti communiste français, qui outre les ressortissants de l’AOF regroupait aussi d’autres colonisés (Maghrébins, Malgaches, Indochinois et Antillais). Fondateur en 1924 de la Ligue universelle de défense de la race noire (LUDRN), il publie en 1927 Violation d’un pays, véritable réquisitoire contre le système colonial et précis stratégique de libération des colonies (voir Olivier Sagna, « Les Mouvements anticolonialistes africains dans la France de l’entre-deux guerres (1919-1939) » et Iba Der Thiam, « Histoire de la revendication de l’indépendance », in Historiens & Géographes du Sénégal, numéro 6, 1991, respectivement pp. 4-17 et 18-41.
  • [9]
    Iba Der Thiam, L’évolution politique et syndicale du Sénégal colonial de 1840 à 1936, op. cit., p. 2593.
  • [10]
    Lettre du gouverneur général Carde au ministre des Colonies. Confidentielle. Lettre n° 232 du 14 avril 1 923. Archives nationales du Sénégal, série 20G137 (108).
  • [11]
    Jusqu’à l’adoption de la loi dite Lamine Gueye (en date du 7 mai 1945) octroyant la citoyenneté française à tous les habitants de l’Union française, les populations de la colonie du Sénégal étaient régies par un double statut : il y avait d’une part les citoyens français, originaires des quatre communes (Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar), soumis au code civil français et bénéficiant de la citoyenneté pleine, électeurs et éligibles et élisant un député à l’Assemblée nationale française, et, d’autre part, tous les autres habitants de la colonie du Sénégal, les « sujets français », régis eux par le code de l’indigénat et donc dépendants des décisions (arbitraires ou sages) de l’administration coloniale. Ce statut était aussi celui de tous les habitants des autres territoires de l’AOF.
  • [12]
    Lettre du gouverneur général Carde au ministre des Colonies, op. cit.
  • [13]
    Jean-Daniel Reynaud, Les Syndicats en France, Tome I, Paris, Seuil, 1 975, p. 6.
  • [14]
    Voir Birame Ndour, « Luttes laborieuses en “situation coloniale” : cheminots du Dakar-Niger, 1919-1951 », in Historiens & Géographes du Sénégal, n° 6, 1991
  • [15]
    Ibid.
  • [16]
    Ibid.
  • [17]
    Voir Lambert Bovy, La nature du mouvement syndical ouest-africain d’expression française, Bruxelles, Académie royale des sciences d’outre-mer, 1967, p. 91.
  • [18]
    Voir Joseph Roger de Benoist, L’Afrique occidentale française de 1944 à 1960, Dakar, Les Nouvelles Éditions africaines, 1982, pp. 23-35.
  • [19]
    Arrêté n° 2599 AP, 16 septembre 1944 ; JO AOF du 23 septembre 1944.
  • [20]
    Voir Lambert Bovy, La nature du mouvement syndical ouest-africain d’expression française, op. cit.
  • [21]
    Voir Babacar Fall, « Oralité et récits de vie : repenser l’histoire sociale et politique du Sénégal », in Le Détour. Revue des sciences humaines, Strasbourg, Éditions Histoire et Anthropologie, 2003.
  • [22]
    Voir Fréderick Cooper, « Le Mouvement ouvrier et le nationalisme au Sénégal. La grève générale de 1946 et la grève des cheminots de 1947-1948 », in Historiens & Géographes du Sénégal, n° 6, 1991
  • [23]
    Sembene Ousmane, Les bouts de bois de Dieu, 1960. Récemment réédité en format de poche, en 2002, par Presses Pocket.
  • [24]
    Voir Fréderick Cooper, Décolonisation et travail en Afrique. L’Afrique britannique et française 1935-1960, Paris, Karthala, 2004, p. 413.
  • [25]
    Georges Martins, « Le syndicalisme en Afrique occidentale d’expression française de 1945 à 1960 », in Le Mois en Afrique, n° 182-183, 1981, p. 59.
  • [26]
    La loi-cadre (1 956-1958) a été adoptée le 19 juin 1 956. Elle introduit une réforme accordant une personnalité morale aux territoires constituant les fédérations de l’AOF et l’AEF. Attribuée au ministre des Territoires d’outre-mer, le socialiste Gaston Deferre, elle annonce la balkanisation de l’AOF et de l’AEF. Voir par exemple Joseph Roger de Benoist, L’Afrique occidentale française de 1944 à 1960, op. cit., pp. 283-319.
  • [27]
    Joseph Roger de Benoist, L’Afrique occidentale française de 1944 à 1960, op. cit., p. 375.
  • [28]
    Ibid., p. 376.
  • [29]
    Le gouvernement savait pertinemment que l’OUSA, conformément au deuxième point de l’article 5 de sa charte, n’acceptait en qualité de membre qu’une organisation syndicale par pays. Cette disposition était la traduction de la volonté de l’organisation syndicale continentale de forcer les organisations syndicales dans les différents pays à réaliser leur unité sous la tutelle de l’État.
  • [30]
    Voir Charles Kabeya Muase, Syndicalisme et démocratie en Afrique noire. L’expérience du Burkina Faso, Paris, Karthala, 1989, pp. 69-87
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