Lison Noël : Pourquoi avoir choisi ces quatre artistes – Mel Bochner, Lawrence Weiner, Douglas Huebler et Robert Morris – pour votre livre La théorie à l’œuvre. L’art conceptuel américain [Bruxelles, (SIC), 2017] ?Anaël Lejeune : L’impulsion initiale des travaux rassemblés dans ce livre a été un colloque que mes collègues, Olivier Mignon, Raphaël Pirenne et moi avons organisé [French Theory : réception dans les arts visuels aux États-Unis entre 1965 et 1995, Wiels-Bozar, Bruxelles, 11-14 mai 2011] et qui portait sur la réception de la pensée française au sein de la néo-avant-garde américaine, à partir des années 1960. L’idée était de dresser un bilan de la lecture et des usages que ces artistes avaient pu faire des textes avec lesquels il est avéré qu’ils avaient été en contact à l’époque. Il s’agissait de textes d’auteurs français qui a priori n’avaient pas vocation à être lus en priorité par des Américains ni par des artistes. Des textes de Roland Barthes ou de Claude Lévi-Strauss ne sont pas immédiatement opératoires dans le champ de l’art, les éléments de connexion paraissent pour le moins ténus. Ce qui rassemble ces quatre artistes et qui a guidé mon choix est le fait qu’ils ont été parmi les premiers à se saisir de ces textes canoniques ; outre l’intérêt que je leur porte – ce qui échappe un peu à la rigueur scientifique. Ces textes ont infiltré très progressivement le milieu intellectuel américain, mais il est étonnant de constater qu’un certain nombre d’artistes s’y sont montrés réceptifs assez tôt…