Couverture de MAORG_018

Article de revue

Intelligence économique et compétitivité de l'entreprise marocaine : Quelle interaction ?

Pages 109 à 130

Notes

  • [1]
    Jean-Pierre Dufau : rapporteur sur l’intelligence économique au sein de la Commission de la Coopération et du Développement relevant de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, session du 6 au 7 Juillet 2010.
  • [2]
    Marc Audigier, Gerard Coulon et Patrick Rassart in « L’intelligence économique : un nouvel outil de gestion » édition Maxima, Paris, 2003.
  • [3]
    Telles que l’ONA (Omnium Nord Africain), l’ONE (Office Nationale d’Electricité), l’OCP (Office Chérifien de Phosphate), la CDG (Caisse de Dépôt et de Gestion ou encore l’ONCF (Office National des Chemins de Fer).
  • [4]
    Ancien ministre (Energie et Mines, Jeunesse et Sports, Communication) et enseignant dans nombre d’écoles/universités.
  • [5]
    Extrait du Discours du Trône de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI du 30 juillet 2003.
  • [6]
    Le SIP permet le traitement de l’information publique en vue de produire l’intelligence prospective et de la mettre au service de la prise de décision stratégique. Derrière sa conception se cache une approche cognitive qui vise à stocker la connaissance, la rendre dynamique, s’assurer de sa non-obsolescence, l’interconnecter pour, enfin, en dégager la signification, nécessaire à la prise de décision stratégique.
  • [7]
    Domaines de Veille Stratégique : in mission de l’IRES.
  • [8]
    Op. cit.
  • [9]
    Interface : revue du Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies (MICNT), N°18-4ème trimestre 2010.
  • [10]
    Une nouvelle réflexion est en cours sur le dispositif de veille de l’ANPME.

Introduction

1Dans un environnement globalisé, soumis à une concurrence croissante, le Maroc à l’instar des autres nations est préoccupé par l’élaboration des outils qui lui permettront de démontrer ses nouvelles capacités en matière de puissance économique, culturelle et technologique afin d’assurer la pérennisation de son développement. Dans ce contexte, l’IE s’entend comme un type de management innovant motivé principalement par les mutations rapides des technologies et flux de l’information et, partant, du besoin d’une maîtrise stratégique de la décision.

2Cette démarche se veut avant tout pragmatique car appliquée concrètement dans les organisations, en interne et en externe, pour être utile et cohérente à plusieurs échelles et dans l’ensemble des secteurs de l’économie ; ses finalités sont de structurer le développement des entreprises, des organisations publiques, mais aussi des territoires. Dans la compétition économique actuelle, l’important n’est pas de participer, c’est de gagner ! Ceci est vrai pour toute entreprise, quelle que soit sa taille.

3La démarche d’IE doit apporter les moyens offensifs d’accroître sa compétitivité et de viser l’innovation permanente tout en veillant à la sécurité de son patrimoine (Jakobiak, 2009). Le système productif marocain, dominé par des petites et moyennes entreprises, ne dispose pas pour l’heure d’une capacité compétitive élevée face à l’intensification de la concurrence nationale et internationale. Cet état de fait impose la restructuration des entreprises marocaines dans le but d’accélérer l’accès à de nouveaux marchés ou à de nouvelles productions au meilleur rapport bénéfice/coût.

4La compétitivité est un tout indivisible, un complexe de facteurs, un ensemble. Elle relève pour une part importante des réalités de l’écosystème de l’entreprise : l’Etat, son administration, ses institutions, les collectivités territoriales et les organisations professionnelles constituent les acteurs de cette complexité. La mise en œuvre d’une stratégie de compétitivité suppose de considérer :

  • le positionnement de l’entreprise sur des créneaux porteurs ;
  • la production de produits de qualité répondant à la demande mondiale ;
  • la maîtrise des délais de livraison ;
  • la connaissance renouvelée des circuits de commercialisation ;
  • la maîtrise et la protection de l’information stratégique pour tout acteur économique ;
  • l’innovation dans les technologies susceptibles d’accroître la capacité d’anticipation des entreprises pour adapter leurs stratégies aux évolutions du marché.
Ces aspects sont importants et leur concrétisation dépend beaucoup de :
  • l’aptitude de l’Etat à faire respecter des règles du jeu transparentes ;
  • l’existence d’une administration qui facilite activement la mise à niveau du tissu productif ;
  • l’amélioration de l’environnement des affaires ;
  • la disponibilité d’un système réglementaire transparent et adapté ;
  • l’existence d’un système de veille performant.
En ce sens, la compétitivité est une performance globale. Elle ne concerne pas seulement le tissu productif, le territoire et leurs structures de gestion et exige de structurer différents outils dans une stratégie nationale qui trouve sa cohérence et son unicité dans le concept de l’IE. Cette stratégie, et ses manifestations concrètes au travers de différents organismes, privés, publics ou associatifs, doivent nourrir la compétitivité des acteurs du tissu de production et s’alimenter d’une évaluation des paramètres qui y participent.

5Notre communication a pour finalité d’éclairer l’interaction entre l’IE et l’objectif de compétitivité de l’entreprise marocaine à travers la réponse aux questions ci-après :

  • Qu’est-ce que l’intelligence économique ?
  • Pourquoi utiliser l’intelligence économique dans la gestion de l’entreprise ?
  • A quoi sert l’intelligence économique ?
Afin de mettre en exergue ce volet, il nous semble très important d’exposer l’expérience marocaine en cette matière et ce à travers l’analyse du rapport IE et compétitivité de l’entreprise marocaine.

1 – Définition de l’intelligence économique

6L’origine du concept d’« intelligence économique » n’est pas française [1], toutefois, les britanniques parlent de « business intelligence », renseignement des affaires, tandis que les américains énoncent « compétitive intelligence », renseignement concurrentiel, pour ce qui au Maroc reste hérité principalement du concept francophone. De fait, il existe plusieurs définitions de l’IE, la notion ayant fait l’objet de divers débats conceptuels et son but restant de définir un cadre stratégique transverse.

7La toute première définition du concept apparaît en 1967 dans un ouvrage d’Harold Wilensky. Il a défini l’IE comme l’activité de production de connaissances servant les buts économiques et stratégiques d’une organisation, recueillie et produite dans un contexte légal et à partir de sources ouvertes. Cette définition distingue l’IE de l’espionnage économique : elle se développe dans l’ouverture des données et l’utilisation de moyens légaux.

8En France, ce sont les travaux du Commissariat général au plan avec le rapport d’Henri Martre en 1994 qui permettent de préciser le concept et d’y atteler une réflexion globale. Ce rapport définit l’IE comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques. Ces actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l’entreprise, dans des conditions étudiées de délais et de coûts.

9Il précise que « l’information utile est celle dont ont besoin les différents niveaux de décision de l’entreprise ou de la collectivité, pour élaborer et mettre en œuvre de façon cohérente la stratégie et les tactiques nécessaires à l’atteinte des objectifs définis par l’entreprise dans le but d’améliorer sa position dans un environnement concurrentiel. Ces actions au sein de l’entreprise s’ordonnent autour d’un cycle ininterrompu, générateur d’une vision partagée des objectifs de l’entreprise ».

10Selon ce rapport la notion de l’IE implique « le dépassement des actions partielles désignées par les vocables de documentation, de veille, de protection du patrimoine concurrentiel, d’influence. Ce dépassement résulte de l’intention stratégique et tactique ». Faisant le constat du quasi-immobilisme des pouvoirs publics français depuis la parution du rapport Martre qui, associé à une absence de coopération entre la sphère publique et la sphère privée, Bernard Carayona a plaidé pour une politique publique d’IE basée sur quatre axes :

  • renforcement de la compétitivité en accompagnant les entreprises dans la conquête des marchés étrangers ;
  • élaboration d’un dispositif de sécurité économique déclinée dans le domaine des réseaux d’information, des processus industriels et de l’instrument juridique (propriété intellectuelle notamment) ;
  • mise en place d’une stratégie d’influence en matière d’anticipation normative ;
  • déploiement sur l’ensemble du territoire d’actions de sensibilisation et de formation adaptées aux besoins des acteurs économiques.
Selon Carayon, le rôle des pouvoirs publics est fondamental dans le domaine de la sécurité économique, dans la production-démocratisation des informations nécessaires à la prise de décision vers la conquête de marchés ; pour le bénéfice d’une nation en pleine prise en main de son potentiel géostratégique, l’appui à l’expansion commerciale internationale des PME et du pouvoir financier de l’économie marocaine devra donc constituer une priorité des pouvoirs publics. La circulation de l’information, entre sphère publique et secteur privé, a aujourd’hui fait l’objet d’une reconnaissance commune à l’Europe et au Royaume Chérifien ; comment en faire l’élément capital de la réussite de la politique publique d’intelligence et de sécurité économiques ? Pour Christian Harbulot, l’IE se définit comme : « la recherche et l’interprétation de l’information accessible à tous, afin de décrypter les intentions des acteurs et de connaître leurs capacités.

11Elle comprend toutes les opérations de surveillance dans l’environnement concurrentiel et se différencie du renseignement traditionnel par la nature de son champ d’application puisqu’elle concerne le domaine des informations ouvertes ; ce qui exige donc le respect d’une déontologie crédible, l’identification de ses acteurs dans la mesure où l’ensemble des personnels et de l’encadrement, et non plus seulement les experts, participent à la construction d’une culture collective de l’information ainsi que de ses spécificités culturelles : chaque économie nationale produit un modèle original d’IE ».

12Quoi que l’on pense des notes ci-dessus, il sera pour la suite admis que la recherche d’une information pertinente nécessite donc, d’agir. Pour le moins en essayant de maitriser ses activités de veille, de sécurité et d’influence :

  • Une veille quant à la maîtrise de sa communication et d’un acheminement différencié des informations stratégiques entre collaborateurs.
    Afin d’acquérir l’information stratégique pertinente, la veille consiste en une démarche quotidienne de recherche, de recueil, de traitement et de diffusion de l’information. Cette activité se déclinera pour l’entrepreneur entre :
    • Veille technologique (scientifique) : évolutions des technologies actuelles et futures en lien direct ou indirect avec les produits et processus propres à la valorisation de l’entreprise ;
    • Veille concurrentielle ou « sectorielle » : chiffres d’affaires, résultats, nouveaux produits, acquisition, etc. des concurrents ;
    • Veille commerciale : évolutions des désirs et besoins des clients ;
    • Veille environnementale ou sociétale, voire assurancielle : surveillance de la société dans sa globalité, évolutions cachées (économies d’échelles, cycles de vie des composants, comportements de la clientèle et de l’opinion publique, modes de vie et évolutions sociétales, etc.) ;
    • Veille financière : sources de financement, opérations financières, fusions-acquisitions, stratégie du partenariat, développement durable ;
    • Veille organisationnelle : évolution des métiers, modularité de la production, nouvelles formations et validation du parcours de collaborateurs, prise en main des compétences et individuation, responsabilité, des personnes-clés de l’organisation ;
    Veille juridique : normes et règlements, projets de loi, jurisprudence, polémiques autour des projets normatifs, jurisprudences, lobbying (Costa, 2008).
    La veille vise notamment dans l’activité journalière à surveiller et décrypter l’environnement concurrentiel et à déceler les signaux faibles révélant des tendances émergentes. Elle fait bien entendu un large usage des nouvelles technologies de l’information à travers l’internet mais aussi (et, parfois, surtout), elle fait appel au facteur humain, à des experts, à des documents écrits non numérisés, des paroles, des médias, des principes, etc. ;
  • La sécurité cherche à ne pas laisser connaître ses secrets mais les diffuser : il ne suffit pas de recueillir l’information stratégique sur l’environnement concurrentiel. Un bon système de recherche d’information s’accompagne obligatoirement d’un dispositif approprié de sécurisation du patrimoine informationnel. Il s’agit d’assurer une sécurité physique, informatique et pérenne du patrimoine immatériel de l’entreprise. Concrètement, ceci peut être fait via :
    • un audit des vulnérabilités et menaces ;
    • une sensibilisation du personnel en définissant des actions préventives intégrées à la stratégie de l’entreprise ;
    • une identification des menaces pesant sur les systèmes d’information ;
    • l’intégration ou la sous-traitance de la protection du patrimoine immatériel ;
    • une stratégie de la propriété intellectuelle.
    Au-delà de la défense de l’information, sa sécurisation à l’échelle nationale inclut les éléments commerciaux, financiers et culturels constitutifs de la prospérité économique aux échelles micro-, mezzo- et macro- de l’activité.
  • Une politique d’influence efficace ; propager une information et des normes de comportement et d’interprétation qui favorisent sa propre stratégie.
    Pour participer à forger son image, sa « e-réputation », la transparence dans les contrats et l’attitude sur les réseaux sociaux doivent être assurées en conséquence au regard des informations recueillies : l’AFD (Agence française pour le développement) par son service d’IE (AFDIE) avance dans une analyse écosystémique que : « les conditions de la décision sont liées à l’environnement global de l’entreprise, l’influence consiste à modifier favorablement cet environnement et éventuellement à changer à son profit les règles du jeu. La définition et la conduite des stratégies d’influence permettent à l’entreprise de mieux se positionner sur ses marchés, de bénéficier d’une meilleure image, de profiter de normes favorables, de mieux attirer l’attention sur des produits qui répondent non seulement aux besoins des consommateurs, mais satisfont aussi à des règles environnementales en cours d’élaboration, dans le cadre du développement durable.
    L’influence comporte la plupart des actions de communication de l’entreprise, de la publicité à la communication institutionnelle et au lobbying. Elle comporte aussi la promotion de l’image, la réplique aux attaques concurrentielles, elle permet la préparation d’opérations marketing et de lancement des produits. L’absence de maîtrise de ses stratégies d’influence - car toute entreprise exerce une influence, même involontaire, sur son environnement - amène l’entreprise à réagir avec retard ou mal à propos face à des attaques qu’elle n’a pas su prévoir et anticiper ». Afin de continuer à clarifier l’idée d’« intelligence économique » dans l’esprit des entrepreneurs et décideurs, il est maintenant primordial de répondre à la question suivante : quelle place ce concept prend-il en pratique dans la gestion de l’entreprise ?

2 – L’intelligence économique : outil de gestion des entreprises ?

13L’adoption de l’IE comme instrument de gestion des entreprises a été motivée par l’accélération des bouleversements dans l’économie mondiale :

  • La mondialisation des échanges, des facteurs qualité, des règles du commerce (OMC, AGCS, etc.), des normes et labels permettant l’accès aux différents marchés pose dans son ensemble une question : y a-t-il émergence de réseaux mondiaux de productique auxquels s’intégrer serait le premier défi d’un pays jeune comme le Maroc ?
Depuis l’indépendance, deux actions concrètes ont accompagné le mouvement mondialisé de l’économie :
  • Le Maroc a cherché à développer une offre de services qui permette à une classe moyenne d’émerger dans sa société et commence à accéder aujourd’hui au dynamisme industriel nécessaire pour produire les nombreux biens de consommation « de masse », mondialement standardisés.
  • L’échange de messages entre interlocuteurs, la conversation, le dialogue se sont aussi libéralisés au fur et à mesure que l’activité croissait dans le pays. Pour certains économistes, le monde serait devenu un grand centre commercial où se déroule tout type d’échanges et où le marché financier peut être considéré comme le plus mondialisé de tous les autres marchés. Le Maroc a su ces quinze dernières années donner un écho à cette réalité : meilleure transparence des actualités boursières, économiques, renouvellement de la politique des marchés publics, petits pas vers l’acquis institutionnel du voisin européen.
Dans cet ensemble en cours de formalisation qu’est l’économie nationale, le Maroc profitera de plus en plus de sa position géographique et stratégique en prenant à l’avenir en compte :
  • L’intensification de la concurrence internationale, avec un rôle accru de l’innovation et du capital humain dans la construction des avantages compétitifs des nations.
  • La prééminence des services : la mondialisation de l’économie s’est accompagnée d’une intensification des échanges internationaux et de leur diversification. La structure du commerce mondial est dominée par la croissance du commerce des services. Ce qui témoigne que les perspectives de croissance des marchés mondiaux les plus prometteuses se trouvent dans les services.
  • La complexité et la vitesse de l’information : la mondialisation croissante des économies est largement impulsée par l’essor remarquable des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC).
Ces paramètres mettent les Etats et les entreprises face à une masse d’information surabondante dont la portée et la pertinence requièrent la mise en place d’un dispositif dit « d’intelligence économique ». Ce qui distingue les entreprises c’est leur capacité de recueil, de traitement et d’analyse de l’information servant la décision. Il faut souligner également que les industries jeunes sont celles où l’information est créée et traitée à haute vitesse ce qui doit engendrer l’accroissement de la taille de la firme dû fait-même de l’internalisation de l’information produite.

14Nous relèverons donc les nouvelles exigences liées à la disponibilité d’une information à jour, complète et spécifique. Devant ces changements, tout pays se trouve confronté à deux choix :

  • Le premier consiste en un comportement isolationniste et au risque d’une marginalisation par rapport à l’évolution de l’économie mondiale ;
  • Le second met l’accent sur une participation active à l’économie mondiale afin de relever les défis de la concurrence et de la compétitivité.
Pour tirer profit des opportunités qui se présentent sur la scène mondiale, le Maroc a opté pour le deuxième choix pour faire face à :
  • Un contexte mondial en mutation rapide, dont le rythme s’accélère encore sous l’effet conjugué des crises économiques et financières, laissant entrevoir un nouvel ordre concurrentiel, avec de nouvelles règles de définition des avantages compétitifs ;
  • Des enjeux mondiaux déterminants reflétant la nécessité d’aborder la compétitivité en termes globaux ou systémiques tenant compte de :
    • l’évolution démographique contrastée ;
    • déséquilibres environnementaux ;
    • la globalisation financière ;
    • l’accélération du développement technologique.
A la lumière de ce qui précède, il apparaît que l’IE est l’outil de gestion permettant aux entreprises d’affronter avec l’aide des institutions le changement permanent dans lequel l’économie mondiale est engagée.

15Ce constat nous pousse à approfondir, encore, la réflexion en s’interrogeant sur l’utilité de ce concept. Autrement-dit : à quoi sert l’intelligence économique ?

3 – L’intelligence économique : à quoi ça sert ?

16Les quatre principaux objectifs de l’adoption de l’IE comme outil de gestion se manifestent en tiroirs [2] :

  • mieux voir pour mieux comprendre ;
  • mieux comprendre pour mieux agir ;
  • mieux agir pour mieux diriger ;
  • mieux diriger pour mieux renforcer sa compétitivité.

Mieux voir pour mieux comprendre

17C’est le premier apport de l’IE et se fait :

  • En identifiant les zones d’ombre : pour les entreprises, les zones d’ombre sont nombreuses et de différentes natures :
    • la complexité de l’impact des évolutions caractérisant le monde pour l’entreprise ;
    • les secrets protégés par l’encadrement législatif et réglementaire ;
    • les secrets des affaires ;
    • la désinformation involontaire ou volontaire ;
    • la surinformation.
    Dans ce cadre, l’IE doit donner aux dirigeants une vision claire englobant les informations détenues par l’entreprise et celles venant de sources extérieures ;
  • En perçant ces zones d’ombre : pour obtenir des informations, percer les secrets cachés volontairement ou non par les partenaires ou les concurrents, la démarche de l’IE permet aux dirigeants de recourir à deux techniques professionnelles : l’échange à travers les réseaux humains et la méthode dite d’« inférence » ;
  • En apprenant à mieux s’informer : par ses méthodes de questionnement, l’IE provoque une ouverture d’esprit et génère des réflexes d’apprentissage de l’environnement. Le dirigent sera, toujours, amené à l’écoute de la culture des autres.

Mieux comprendre pour mieux agir

18La démarche de l’IE aide le dirigeant, pour mieux comprendre le contexte national et international et agir à temps, à :

  • Hiérarchiser les priorités : deux considérations poussent le dirigeant à hiérarchiser les priorités :
    • l’environnement de l’entreprise change ;
    • les contraintes qui pèsent sur le dirigeant se multiplient ;
    Dans ce cadre, les priorités du dirigeant doivent coller avec les outils dont il dispose.
  • Identifier de nouveaux repères et les mettre à jour en permanence : ces nouveaux repères doivent faciliter non seulement la prise en compte des situations de crise mais aussi leur gestion. Ceci permet au dirigeant d’avoir des réactions réflexes et par conséquent de rester vigilant ;
  • Définir une vision globale et cohérente lui permettant de résoudre les situations complexes via la mise en œuvre et le pilotage de nouveaux outils adaptés comme une méthode structurée ; war-room, think-thank, notamment, ont pour but :
    • de permettre à l’entreprise de se focaliser sur ce qui est indispensable pour sa survie et son développement ;
    • de faciliter le pilotage de l’entreprise en identifiant les nouveaux repères ;
    • d’appréhender et d’affronter les difficultés complexes.

Mieux agir pour mieux diriger

19Trois éléments permettent au dirigeant d’une entreprise de mieux agir pour mieux diriger. Ils sont le fruit de la disponibilité d’un dispositif assurant :

  • la prévention et l’affrontement des attaques : une vision claire, propre à l’entreprise, pour identifier, traiter et éviter les incidents, les menaces et assurer sa sécurité ;
  • l’amélioration de la mobilité de l’entreprise et sa vitesse de réaction ; ce, en recueillant l’information fiable et en dynamisant les échanges d’informations et de connaissances qualitatives ;
  • l’influence sur l’environnement : pour élaborer une politique d’influence, le dirigeant d’une entreprise doit se référer à la démarche d’intelligence économique qui l’aidera à définir :
    • les modalités de sa mise en œuvre ;
    • les impacts déterminants ;
    • le moment d’intervention ;
    • l’évaluation des résultats.

Mieux diriger pour mieux renforcer sa compétitivité

20Enfin, un quatrième apport de l’IE c’est de diriger une entreprise et la rendre compétitive ce qui permettra d’accéder aux informations nécessaires, de les traiter de façon efficace en interne et d’anticiper sur les marchés à venir :

  • appréhender les stratégies de ses concurrents ;
  • diffuser correctement les informations en interne ;
  • préserver ses avantages compétitifs.
L’ensemble de ces actions synthétise l’IE comme levier de la compétitivité des entreprises et des économies.

4 – Les dispositifs existant au Maroc

21L’adoption de la démarche d’intelligence économique par les entreprises marocaines s’impose comme une nécessite garantissant leur bonne gouvernance et leur épanouissement. Actuellement, il s’agit de convaincre les entreprises, particulièrement les PME de s’approprier des mécanismes et une organisation visant à pratiquer l’IE.

22Ces petites structures, en particulier, manquent d’investissements à ce sujet. Elles ne croient en l’IE que lorsque leurs concurrents y font recours et que les résultats attendus sont meilleurs. La tentative de sensibilisation des PME devient encore plus difficile lorsque leur environnement ne contient pas d’organisme qui pratique l’IE. Dans le bassin méditerranéen, nous avons une culture qui n’encourage pas l’échange d’information. Cette réalité s’impose surtout dans le monde des affaires, où chacun garde l’information pour soi.

23Selon certains économistes, l’IE se définit comme la compréhension d’une situation. Autrement dit, essayer de décoder ce qui se passe. Le terme en Anglais renvoie au renseignement pur ; se renseigner pour comprendre. Ce sont deux approches différentes, mais qui ont le même résultat. Il faut se renseigner pour comprendre et à partir de là trouver une solution.

24Dans un monde où l’information et la connaissance sont des avantages concurrentiels. Tout pays qui pratique l’IE, aidera ses entreprises à prendre de l’avance. Le Maroc est conscient de cette réalité. Il n’y a pas de doute là-dessus. Les associations et les pouvoirs publics, notamment la primature, travaillent sur un projet dédié à l’IE.

25C’est ainsi dans une optique de compétitivité nationale et internationale que cette démarche a fait son apparition au Maroc dans les années 90. En effet, les grandes entreprises [3] se sont dotées, à cette époque, de cellules de veille pour protéger leur développement et leurs investissements.

26D’autres initiatives plus générales ont été menées par des organismes ou des associations. Citons l’exemple de l’Association Recherche et Développement Maroc qui organise régulièrement des séminaires sur l’innovation, la veille et la compétitivité. Ces différentes initiatives ont pu sensibiliser les différents acteurs, privés et publics, aux enjeux liés à la mise en place de structures de veille.

27Les secteurs du tourisme et des investissements directs étrangers (IDE) sont des domaines où la veille trouve son terrain de prédilection. Autant d’interrogations doivent être soulevées : Comment le Maroc est-il perçu ? Que font les pays concurrents ? Quelles sont les menaces qui pèsent sur le pays ? Comment évaluer le risque Pays ?

28Pour répondre à ces questions, le gouvernement marocain a décidé de mettre en place le Centre de Veille Stratégique (CVS). Ce centre est une structure instituée auprès des services du Premier ministre, son action s’inscrit dans la stratégie nationale d’IE. Il a pour mission d’observer les mouvements de capitaux étrangers, à travers le monde en rapport avec le Maroc, en se focalisant sur certains secteurs spécifiques.

29Pour réussir l’appropriation de l’IE en tant qu’outil de gestion, l’innovation technologique est devenue une priorité nationale. C’est le CNRST (Centre National pour la Recherche Scientifique et Technique) et l’IMIST (Institut Marocain de l’Information Scientifique et Technique) qui coordonnent, depuis 2001, les sciences et les technologies au Maroc.

30D’autres initiatives personnelles ont été lancées pour promouvoir la veille et l’IE au Maroc. La création, en 2006, de l’association marocaine de l’IE par Driss Alaoui Mdaghri [4] en collaboration avec des acteurs appartenant au secteur privé, à l’administration et au monde de la recherche en est l’exemple type. Elle a pour mission de mettre à la disposition des acteurs locaux des outils d’aide à la décision sur des thèmes d’intérêt primordial pour la région. Elle se fixe comme missions :

  • d’être « un cercle de réflexion et un levier d’impulsion à la disposition de toutes les organisations (entreprises, administrations et associations professionnelles) pour les informer, les accompagner et les assister en matière d’IE ;
  • de fédérer les efforts des acteurs et des structures d’IE au Maroc ;
  • de promouvoir le développement des formations en matière d’IE au Maroc.
Sur le Web, « Veille.ma » est le premier portail marocain qui traite de la veille et de l’intelligence économique. Ce portail bilingue (français/arabe) se compose d’un observatoire de l’économie regroupant des informations quotidiennement mises à jour sur l’économie nationale et principalement sur les secteurs économiques stratégiques pour le Maroc. Un second observatoire du site y est dédié au monde de la veille et d’intelligence avec, en supplément, un annuaire de sites spécialisés et d’outils de veille.

31La mise en place d’un Comité de veille stratégique (CVS) le 4 février 2009, par le Ministère de l’Economie et Finances, démontre l’intérêt majeur accordé à l’IE et à la VS par les institutions gouvernementales en pleine rénovation au Maroc.

32Le CVS est chargé de mettre en place des mécanismes de concertation et d’amélioration de la réactivité vis-à-vis de la crise économique et financière internationale. Il doit également constituer une force de proposition pour le gouvernement en préconisant les mesures de soutien nécessaires aux secteurs vulnérables face à la crise et suivre la situation économique par la mise en place d’indicateurs pertinents.

33Le Ministère des Finances compte également dans son organigramme la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF). Sa principale prérogative est d’éclairer le Ministère en matière de politique économique à travers des études, des réflexions et des moyens de prévisions. Tout ceci pour dire que la culture de veille cherche à s’ancrer dans le fonctionnement du Ministère.

34Selon le ministre, c’est en amont que les pratiques de l’IE et la VS se situent avec la mise en place du système d’informations adéquates et un élargissement de la concertation entre les différentes directions. En ce sens, le travail en groupe et la concertation sont les pivots de ces deux pratiques.

35De leur côté, les associations professionnelles ont également suivi la tendance, notamment la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc) et l’AMITH (l’Association Marocaine des Industries du Textile et de l’Habillement). En effet, pour contribuer au renforcement du travail de la cellule de VS mise en place par le gouvernement, la CGEM et l’AMITH ont constitué des cellules de veille pour consolider la compétitivité dans les secteurs qui les concernent pour travailler de concert avec celle du Ministère des Finances. Une autre expérience pilote en matière de veille est à prendre en compte. Il s’agit des efforts déployés par l’Institut Royal des Études Stratégiques (IRES).

36Le contexte particulier caractérisant le Maroc a précipité l’essor de cette institution comme le témoigne l’extrait du discours de Sa Majesté le Roi [5] « …Notre pays vit une transition globale qui nécessite le renforcement de ses capacités d’analyse, d’adaptation et d’anticipation. Aussi, avons-Nous décidé de créer un IRES pour remplir cette mission essentielle, afin d’être en interaction permanente avec les changements et de maîtriser et agir sur les mutations profondes qui s’opèrent aux niveaux interne et externe … ».

37L’IRES, ouvert sur le monde extérieur, prône une démarche partenariale à l’échelle nationale et internationale. Sa vision est déclinée dans des activités qui s’articulent autour de trois axes :

  • IRES Think tank : Etude des questions stratégiques pour le pays ;
  • IRES Veille : Observation et VS notamment en recueillant et en traitant les informations et les données rendues publiques dans les domaines politiques, économiques et sociaux ;
  • IRES Forum : Centre de débat et d’intelligence collective, dissémination de la réflexion stratégique auprès de différents agents publics ; diplomatie intellectuelle.
La VS est l’une des missions essentielles de l’IRES. Elle s’appuie sur un système d’information prospective (SIP) [6] qui rassemble, ordonne et relie les informations nécessaires à l’analyse prospective et à la réflexion stratégique.

38L’apport de l’IRES en matière d’éclairage de la prise de décision, s’opère à travers des notes d’alertes, issues de la veille stratégique, et des notes d’orientation stratégique découlant des études faisant partie du programme scientifique de l’Institut.

39A partir des grands défis actuels et futurs du Maroc, l’IRES a défini dix domaines de veille stratégique. Ils permettent de suivre les processus de changement et d’identifier les solutions en mesure d’y faire face et ce à partir d’analyses de recherches et de travaux de prospective menés par l’institut [7].

40Ces domaines sont appréhendés dans le cadre d’une vision globale, mettant en évidence leurs interactions et leurs interdépendances afin d’éclairer les questions du présent et de l’avenir sans perdre de vue la richesse de la complexité.

41A titre d’illustration, cette vision globale se reflète dans le schéma les domaines de VS ci-après [8] :

Schéma 1

Les domaines de VS

Schéma 1

Les domaines de VS

42L’analyse des expériences ci-dessus témoigne que la mise en place des dispositifs de veille permet de :

  • tirer profit de l’information existante ;
  • accéder à l’information pertinente ;
  • renforcer la capacité d’analyse et d’anticipation ;
  • se prémunir des changements caractérisant la scène nationale et internationale ;
  • contribuer à l’instauration d’un système d’IE, principal levier de la compétitivité des entreprises, des territoires et des nations.
Ce constat nous pousse à soulever quelques interrogations :
  • Les petites et moyennes entreprises profitent-elles suffisamment des informations existantes pour renforcer leur développement ?
  • Ont-elles les moyens de les traiter et surtout de les analyser de manière cohérente ?
  • Disposent-elles de systèmes de veille et d’IE pour renforcer leur compétitivité ?
  • Quel rôle joue l’Agence Nationale pour la Promotion de la Petite et Moyenne Entreprise (ANPME) dans ce processus ?
Pour répondre à ces questions, on a opté pour le contact direct avec les responsables chargés de la veille relevant du Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies (MICNT) et de l’ANPME.

43En ce qui concerne le responsable de la veille du MICNT, celui-ci a confirmé que la mission de veille s’est renforcée dans le nouvel organigramme du Ministère qui a [9] :

  • répondu aux impératifs de suivi des trois stratégies lancées par ce département, à savoir le Pacte National pour l’Emergence Industrielle, le plan Rawaj et Maroc Numeric 2013 dont la mission globale est de contribuer au développement de l’investissement et à l’amélioration de la compétitivité de la PME ;
  • mis en place de la Direction des Statistiques et de la Veille ; avec l’instauration de ses fonctions de pilotage et d’évaluation des stratégies du Ministère, cette direction va assurer :
    • la production de données fiables, cohérentes et actualisées pour le Ministère et pour les PME ;
    • la VS des secteurs du commerce, d’industrie et des nouvelles Technologies.
S’agissant de L’ANPME, le chargé de veille a avancé que cinq points concourent à la mise en place d’un dispositif de veille :
  • nécessité pour l’agence de développer une force de veille, pour elle-même, du fait de la mission qui lui est dévolue depuis sa création en 2002 ;
  • multiplicité d’activités exigeant la veille ;
  • identification de bonnes pratiques qui permettent d’améliorer l’offre de service destinée aux PME ;
  • établissement d’une adéquation entre l’offre de service et la demande d’accompagnement des PME ;
  • évaluation de l’offre de service.
Ainsi, la mission de veille de l’agence vise :
  • le développement des capacités d’anticipation et de réactivité par rapport à l’environnement et aux besoins des PME ;
  • l’amélioration du rapport efficacité/coût de l’intervention de l’agence.
Le dispositif de veille de l’ANPME se compose :
  • d’un système global et intégré de Knowledge Management (KM) ;
  • d’une Gestion Electronique des Documents (GED) en :
    • conservant le patrimoine informationnel de l’agence ;
    • accumulant les connaissances acquises ;
    • facilitant l’accès et l’utilisation de ces connaissances.
  • d’une veille permanente via :
    • l’instauration d’une cellule de veille ;
    • la coordination du dispositif par un animateur ;
    • le recours à des compétences spécialisées en ce domaine.
L’approche de veille adoptée se décline en :
  • Une veille-amont, qui comprend les principaux axes ci-après :
    • benchmark international des meilleures pratiques en matière de consolidation de la compétitivité des entreprises ;
    • veille se rapportant à la coopération nationale et internationale ;
    • veille concernant l’expertise en identifiant les domaines nécessitant un renforcement de l’expertise.
  • Une veille-aval, qui se base sur l’évaluation et le feedback (véhiculé via les fiches d’évaluation renseignées par les PME bénéficiaires d’un accompagnement, enquêtes de satisfaction, études d’impact, veille médias).
    L’objectif attendu de ce type de veille est de :
    • cerner et, le cas échéant, améliorer la perception et l’image de l’agence auprès de ses différents interlocuteurs ;
    • ajuster, perfectionner l’offre de services de l’agence et recenser de nouveaux besoins en accompagnement.
Pour remplir cet objectif, la modernisation du dispositif de veille actuel s’impose avec acuité [10] puisque l’agence a entamé une nouvelle phase de son déploiement, caractérisée par le lancement d’un programme volontariste de renforcement de la compétitivité des PME, mis en œuvre dans le cadre du Plan Emergence.

44A travers les entretiens qu’on a faits, quatre constats se dégagent :

  • Les dispositifs de veille, tant au niveau du secteur privé que du public sont des éléments déterminants pour fonder des systèmes d’IE dans un environnement où la concurrence est de plus en plus acharnée. Leur mise en place est une nécessité pour la survie et le développement des grandes entreprises comme des PME.
  • Le concept d’IE reste flou pour beaucoup d’entreprises marocaines. Les décideurs économiques connaissent plus ou moins le concept mais ont du mal à « concevoir ses applications pratiques ».
  • La plupart de PME/PMI ne dispose pas d’assez de moyens, ni des compétences adéquates, pour mettre en place des unités de veille. Aussi, les dirigeants ne sont pas sensibilisés à l’importance des outils et des principes de base du concept. Dès lors, si les entreprises ne s’y intéressent pas faute de moyens et de perception des enjeux, l’Etat doit montrer le chemin en aidant les PME à faire le pas vers ces nouveaux outils de management. L’importance, à l’instar d’autres pays, d’une politique publique globale et transparente servant de support à ces entreprises apparaît, pour un Maroc en plein essor industriel et inscrit dans un effort de restructuration de sa politique et de ses institutions, comme l’un des chantiers prioritaires pour accompagner et canaliser les stratégies des dirigeants vers une participation cohérente à notre développement.
  • Le dispositif marocain d’IE est nécessaire pour réagir aux nouvelles exigences du Plan Emergence. Dans ce cadre, se manifeste plus encore qu’ailleurs l’importance de ce concept. Aujourd’hui, les sociétés se livrent à des guerres économiques où la bataille des parts de marché, des contrats, et du contrôle des capitaux ne laisse pas la place à l’improvisation d’acteurs isolés de l’investissement structurel et financier de la puissance publique.
Pour exemple, les allemands, les japonais, et surtout les américains ont fait de l’IE un chantier stratégique. C’est dans ce contexte qu’ont vu le jour les fameux war-rooms ; chargés d’effectuer de la VS pour le compte des grandes entreprises américaines, ils permettent de valoriser sur le champ de la concurrence économique le travail des services de renseignement et des organismes de lobbying.

45Comme nous l’avons vu, sur le plan conceptuel, il existe deux grandes approches de l’IE. L’une va privilégier son aspect anticipatif et l’autre, son aspect opérationnel. Pour la première, la VS a pour objectif de rechercher des informations à caractère anticipatif concernant l’évolution d’une activité, d’un produit, d’une technologie, etc. Ces informations sont appelées des signaux faibles, leur analyse permet à l’entreprise d’anticiper les évolutions futures et ainsi de mieux positionner ses produits face aux évolutions du marché, technologiques ou normatives, notamment. En ce qui concerne l’aspect opérationnel, il a pour fonction de rassembler, dans un classement thématique, des informations généralement peu accessibles. Son but est d’avoir une meilleure connaissance de l’environnement pour améliorer les prises de décision.

Conclusion : résultats et recommandations

46Il ressort de l’étude de l’interaction entre l’IE et la compétitivité de l’entreprise marocaine que :

  • L’IE, tant au niveau du secteur privé que du public, est un élément déterminant face à une concurrence internationale de plus en plus féroce.
  • Elle commence à peine à prendre racine au Maroc, et perçue comme un phénomène de mode, mais encore loin d’être une pratique systématique.
  • C’est une pratique utile car elle sert à identifier les stratégies et les modes de positionnement en vue de définir les modalités d’action.
  • La prépondérance des PME dans le tissu économique et l’internationalisation de la concurrence à laquelle elles doivent faire face militent, cependant, en faveur d’une sensibilisation de l’ensemble des entreprises à la démarche d’intelligence économique.
L’information est devenue ressource stratégique pour les acteurs publics et privés, la difficulté n’est plus de l’obtenir mais de la gérer et de la protéger car ce sont ces deux dimensions qui en font un avantage compétitif et qui font de l’intelligence économique un outil stratégique indispensable ;

47L’analyse de l’expérience marocaine en cette matière a montré que les initiatives sont nombreuses et concernent des secteurs d’activité très variés mais risquent malgré tout d’être redondantes, alors que l’activité de veille est coûteuse en temps et nécessite des moyens matériels et humains conséquents. Il est, en effet, primordial de coordonner l’ensemble des actions entreprises au niveau national afin d’assurer l’efficacité du dispositif d’IE.

48Pour cela, il semble que l’adoption de certaines actions favorisera l’essor de l’IE au Maroc ces actions se déclinent à trois niveaux :

  • Au niveau étatique, il faudrait :
    • définir et développer une politique publique nationale d’IE au service de la compétitivité et de la défense des intérêts stratégiques du pays ;
    • développer la fonction prospective afin de décrypter l’avenir et d’atténuer le poids des incertitudes endogènes et exogènes ;
    • définir les secteurs stratégiques et prioritaires d’intervention ;
    • organiser un système national d’information et d’IE ;
    • favoriser la création d’agence centrale d’IE dont la mission serait de collecter toutes les informations utiles au sein des entreprises publiques, des directions régionales, des associations, des chambres de commerces, sans oublier la collecte des informations à l’extérieur du pays auprès des ambassades, des représentants commerciaux à l’étranger, etc. ;
    • mobiliser le monde de l’éducation afin de former les élites et les décideurs au management de l’information (mise en place de référentiel de formation, création de sites internet, généralisation et démocratisation de la « Webéducation », etc.).
  • Au niveau régional, il faut décliner une politique régionale d’information et d’IE destinée à :
    • favoriser l’IE territoriale ;
    • inventer de nouvelles stratégies d’aménagement du territoire en capitalisant sur la valorisation des réseaux locaux de compétence et en favorisant les partenariats publics/privés ;
    • optimiser les flux d’information entre le public et le privé.
  • Enfin, au niveau des entreprises, il est indispensable, de :
    • créer et favoriser la mise en place des cellules d’IE dédiées aux PME et PMI ;
    • diffuser la pratique d’IE dans les entreprises et développer les réseaux relationnels entre professionnels et grand public (développement social networking, etc.).

Bibliographie

Bibliographie

  • ALAOUI, R., 2010, Les défis de l’intelligence économique au Maroc, Dossier in Conjoncture n°920.
  • AUDIGIER, M., COULON, G., RASSAT, P., 2003, L’intelligence économique : Un nouvel outil de gestion, éd. Maxima.
  • BELLON, B, 2002, Quelques fondements de l’intelligence économique, in Revue d’Economie Industrielle, vol. 98, pp. 55-74.
  • BRUTÉ de RÉMUR, D., 2006, Ce que intelligence économique veut dire Comprendre - Comment faire - Prendre du recul, Editions d’Organisation.
  • CARAYON, B., 2003, Rapport du Député au Parlement sur « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale ».
  • CLERC, P., 2005, L’intelligence économique au Maroc, in Regards sur l’IE, n°10.
  • COSTA, N., 2008, Veille et benchmarking, éd. Ellipses.
  • DARRASON, O., 2008, Intelligence économique, in la Revue du Trésor n°8-9.
  • DELBECQUE, E., 2006, L’intelligence économique : Une nouvelle culture pour un nouveau monde, éd. Presses Universitaires de France.
  • JAKOBIAK, F., 2009, L’intelligence économique : Techniques et outils, Editions d’Organisation, 2ème édition, Groupe Eyrolles, France.
  • MARTRE, H., LEVET, J.L., CLERC, P., 1994, Intelligence économique et stratégie des entreprises, Editions La documentation française.
  • MARTRE, H., 1994, Intelligence économique et stratégies des entreprises, Commissariat général du plan, La documentation française.
  • REVUE INTERFACE, 2010, Ministère du Commerce, de L’Industrie et des Nouvelles Technologies, n°18.

Mots-clés éditeurs : intelligence économique, l'interaction, compétitivité de l'entreprise marocaine

Mise en ligne 17/07/2013

https://doi.org/10.3917/maorg.018.0109

Notes

  • [1]
    Jean-Pierre Dufau : rapporteur sur l’intelligence économique au sein de la Commission de la Coopération et du Développement relevant de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, session du 6 au 7 Juillet 2010.
  • [2]
    Marc Audigier, Gerard Coulon et Patrick Rassart in « L’intelligence économique : un nouvel outil de gestion » édition Maxima, Paris, 2003.
  • [3]
    Telles que l’ONA (Omnium Nord Africain), l’ONE (Office Nationale d’Electricité), l’OCP (Office Chérifien de Phosphate), la CDG (Caisse de Dépôt et de Gestion ou encore l’ONCF (Office National des Chemins de Fer).
  • [4]
    Ancien ministre (Energie et Mines, Jeunesse et Sports, Communication) et enseignant dans nombre d’écoles/universités.
  • [5]
    Extrait du Discours du Trône de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI du 30 juillet 2003.
  • [6]
    Le SIP permet le traitement de l’information publique en vue de produire l’intelligence prospective et de la mettre au service de la prise de décision stratégique. Derrière sa conception se cache une approche cognitive qui vise à stocker la connaissance, la rendre dynamique, s’assurer de sa non-obsolescence, l’interconnecter pour, enfin, en dégager la signification, nécessaire à la prise de décision stratégique.
  • [7]
    Domaines de Veille Stratégique : in mission de l’IRES.
  • [8]
    Op. cit.
  • [9]
    Interface : revue du Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies (MICNT), N°18-4ème trimestre 2010.
  • [10]
    Une nouvelle réflexion est en cours sur le dispositif de veille de l’ANPME.
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