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Article de revue

Réformes économiques et dynamisme des marchés en Afrique subsaharienne

Pages 9 à 31

Introduction

1L’Etat, en Afrique, a abandonné ses fonctions d’opérateur économique. Alors que le secteur public, occupait une place stratégique dans l’économie, il a subi une réduction drastique lancée à l’initiative des programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque Mondiale au début de la décennie 80. Ces programmes d’ajustement fondés sur la politique de privatisation et de déréglementation visaient à assurer une plus grande liberté aux entreprises et une plus grande flexibilité aux mécanismes du marché. Il est cependant difficile, d’évaluer avec précision l’ampleur des réformes mises en œuvre et les opportunités qui en découlent en terme d’investissement par secteur d’activité. Le bloc subsaharien est très hétérogène. Les pays qui composent cette zone, connaissent à l’heure actuelle, des situations différentes. Chaque gouvernement, à son rythme, a amorcé une phase de transition vers l’économie de marché. Certains pays ont redressé avec succès leur situation macroéconomique. D’autres au contraire sont particulièrement affectés par un endettement lourd, des conflits armés déstabilisant les activités. Ils connaissent une régression importante de leur production, avec une absence presque totale de diversification, voire un recul de celle-ci. Près de 33 pays subsahariens sont relégués au rang des PMA.

2Malgré cette situation duale, aujourd’hui, dans leur majorité, les gouvernements ont un objectif, celui de hisser leur pays dans les délais assez courts, au rang des pays émergents. En effet, malgré une croissance économique maintenue au-delà de 3% depuis 2003, l’Afrique subsaharienne apparaît de plus en plus marginaliser sur la scène internationale. Un demi siècle après les indépendances, son économie reste encore très largement fondée sur l’échange de produits bruts contre des marchandises manufacturées. Les revenus de l’exportation constituent encore plus de 80% de matières agricoles et minérales. L’effondrement du prix des matières premières, dont le continent regorge, conjugué à la baisse de la demande des pays développés en métaux et minerais provoquent une chute brutale des exportations. Le taux de croissance annuel moyen est deux fois moins élevé qu’en Asie. On note une baisse du PIB par habitant et une place très faible dans les échanges mondiaux. Or, la Chine, le Brésil et l’Inde sont dotés de classes moyennes, dont la consommation sert de relais à des exportations en période de crise, grâce à des économies diversifiées, qui servent de bases solides à des groupes industriels et commerciaux prêts à conquérir de nouveaux marchés.

3L’Afrique subsaharienne est également l’une des régions les moins industrialisées du monde. La production industrielle de nombreux pays de cette région a connu une stagnation, voire une régression au cours des trente dernières années à cause de sa très forte spécialisation. Le secteur industriel dominant reste celui des mines et du pétrole.

4L’objectif du présent papier, après un bref aperçu de l’impact limité des programmes d’ajustement structurel et du faible dynamisme de la structure économique est globalement de montrer que l’Afrique a besoin d’une économie de marché qui fait beaucoup de place à l’Etat pour constituer un véritable pôle d’attraction des investissements directs étrangers, et espérer atteindre le rythme de croissance de 7% exigé pour atteindre les objectifs du millénaire.

1 – L’attractivité des investissements limitée par une forte présence de l’Etat dans les activités de production

5L’attractivité de l’environnement des affaires est devenue un enjeu majeur de politique économique pour les pays subsahariens. Le nouveau contexte international, caractérisé par une concurrence accrue non seulement entre les entreprises, mais aussi entre les différents pays, et les différentes régions impose aux gouvernants d’adopter des politiques d’aménagement et de développement favorables aux investissements privés. La mondialisation, à travers la réduction des coûts de transport et de télécommunication facilite le déplacement des capitaux et des marchandises entre les continents. Par ce fait, les investisseurs ont tendance à s’orienter vers les pays ou les régions qui offrent des conditions d’implantation optimales (infrastructures, mains d’œuvre qualifiées, technologies, législations, subventions, exonérations de charges sociales, etc.). Les programmes d’ajustement ont permis aux pays africains d’améliorer leur attractivité à travers les privatisations et les déréglementations.

1.1 – L’impact de l’interventionnisme étatique dans les activités économiques

6La crise de financement qui a frappé les pays d’Afrique subsaharienne au cours de la décennie 80, a entraîné un changement dans les références théoriques qui sous-tendaient les politiques économiques. Les idées keynésiennes jusqu’alors dominantes sont remises en question. En effet, l’analyse keynésienne admet d’une manière générale, l’intervention de l’Etat dans l’économie. L’Etat devient ainsi le centre d’impulsion et de régulation des activités économiques. Pour Keynes, « la conduite de la politique économique est une action destinée, en principe, à introduire un certain ordre dans l’activité économique. Cela implique bien évidemment que l’on admet que l’ordre résultant de cette action est supérieur à celui qui découlerait spontanément du fonctionnement du système économique entièrement livré à lui-même. L’analyse keynésienne indique que l’Etat doit d’une part contrôler l’inflation, assurer la politique de revenus, préserver l’équilibre de la balance des paiements par le canal des prix que pratiquent les entreprises publiques, les salaires qu’elles versent aux employés, leurs approvisionnements et leurs anticipations. D’autres part, il doit garantir la croissance, assurer une politique de désenclavement, stimuler le développement et favoriser la naissance des activités connexes autour des grands pôles d’activités économiques.

7Au lendemain des indépendances, les « jeunes » Etats africains avaient été influencés par ce rôle cardinal de l’Etat dans l’économie et l’importance de l’entreprise publique comme instrument de politique macroéconomique. En l’absence d’acteurs privés et au regard du caractère rudimentaire des marchés, le passage de l’économie de subsistance à l’économie moderne nécessitait l’implication de l’Etat (Hugon, 1999). L’intervention publique s’est donc étendue au fonctionnement du marché. Certains ont parlé d’économies mixtes, ou de structures mixtes, pour désigner ce mélange de capitalisme classique (entreprises privées, concurrence, marché) et d’intervention publique. Cette intervention de l’Etat a été importante dans trois domaines au moins :

  • La production : par le biais des entreprises publiques et leurs filiales, mais aussi par les commandes publiques et les subventions (de fonctionnement, d’investissement) destinées à orienter les structures productives.
  • La planification qui est une forme d’intervention publique (héritée de la colonisation française en Afrique francophone). Elle visait deux objectifs : d’une part pallier les carences d’un patronat quasiment absent au moment des indépendances. Par la planification, l’Etat cherchait à mettre un peu de cohérence dans ses décisions prises souvent en ordre dispersé en vue de financer l’accumulation dans les secteurs prioritaires. Et d’autre part multiplier les équipements collectifs pour créer une société moins inégalitaire et mieux capable de répondre aux besoins de base de tous.
  • Les revenus et les prix : L’Etat déterminait les revenus des facteurs. Et, nombre de revenus professionnels étaient réglementés par des décisions publiques.
Dès lors s’est développée une culture économique de l’interventionnisme de l’Etat. Il est apparut comme le seul agent économique capable de créer ou de gérer “dans l’intérêt national” les maillons industriels et commerciaux du tissu économique. « Il est le moteur du développement », pour reprendre les expressions habituelles des fonctionnaires économistes de cette période. Au début des années 60, pour la plupart des pays africains, l’accession à l’indépendance marque aussi les débuts de l’essor des entreprises publiques. Il fallait se substituer à l’ancienne métropole et développer les services publics. De nombreux “établissements” sont créés surtout, mais pas seulement, dans le secteur des services : l’eau, l’électricité, les transports publics, les caisses d’épargne, les voiries municipales, etc., mais également des organismes d’encadrement rural et de commercialisation de produits agricoles. Ces entreprises publiques, ont été créées pour pallier les carences bien réelles d’un secteur privé national alors trop faible et pour servir de fer de lance au développement national.

8Au Gabon par exemple, la quasi absence d’un secteur privé générateur de croissance dans les années 1960 a justifié l’intervention massive de l’Etat dans l’économie. En 1990, ce pays comptait environ une soixantaine de sociétés et d’établissements publics. En 1994, bien qu’en réduction, l’Etat détenait encore des participations dans 32 sociétés et 16 établissements publics. Au cours de la même année, le secteur parapublic hors organisme de sécurité sociale et institutions financières comptait 14742 salariés et réalisait un chiffre d’affaires d’environ 498 milliards de francs CFA. Il bénéficiait de 4,5 milliards de FCFA de subventions d’exploitation et de 391 milliards de subventions d’équipements. Les frais de personnel (86,931 milliards de F CFA) représentaient 52,4 % de la valeur ajoutée du secteur. Son résultat net avant les privatisations était négatif (43,210 milliards de F CFA). La majorité des unités du secteur parapublic a bénéficié au moment de la création, de régimes privilégiés, notamment de conventions d’établissement, qui leur ont permis d’évoluer à l’abri de la concurrence et en situation de monopole, grâce à diverses mesures administratives de protection, en particulier tarifaire et douanière.

9Le secteur public représentait donc non seulement une part importante du produit intérieur brut des pays africains, mais il était aussi le second employeur, juste après les administrations (Gallais-Hammono, 1994).

10Le constat fait de cette approche keynésienne n’est pas réconfortant. Les entreprises publiques africaines ont été en pertes permanentes et élevées (comme on a pu le constater dans le cas du Gabon). Les raisons de ces pertes massives et généralisées peuvent être regroupées en quatre catégories : l’investissement erroné ; le sureffectif ; la mauvaise gestion et la politique de l’Etat vis-à-vis de son secteur public. Le modèle de référence traditionnel de l’économie mixte n’a pas satisfait les espoirs qui avaient accompagné sa mise en œuvre ; les mécanismes de la dépendance liés à la division internationale du travail n’ont pas été significativement modifiés ; les moyens financiers de l’Etat sont demeurés insuffisants au regard des besoins liés au rôle central qu’il devait jouer dans le développement.

11La plupart des pays subsahariens, ont assuré la régulation du système par des ressources extérieures procurées par des exportations traditionnelles et par une politique d’emprunt sur les marchés financiers internationaux. Ces modalités précaires du bouclage de l’économie ont permis durant une longue période d’éviter de poser la question fondamentale de la répartition entre salaires et profits pour financer l’accumulation. L’Etat parvenait à gérer les demandes des différents groupes sociaux grâce aux recettes externes et à l’illusion monétaire dans le cadre d’une économie en expansion. L’interruption brutale des facilités offertes par l’économie d’endettement et la chute des cours des produits de base a conduit à un gonflement exagéré des déficits budgétaires. Une telle fuite en avant ne pouvait pas se prolonger. Elle allait déboucher sur l’application de la politique de stabilisation.

1.1.1 – L’explication théorique des politiques de stabilisation des déséquilibres macroéconomiques

12La libéralisation a été présentée aux pays subsahariens comme le moyen de rompre avec les stratégies inefficaces reposant sur le protectionnisme et sur un haut niveau d’intervention publique, aussi bien qu’avec les comportements de recherche de rente que ces stratégies avaient encouragés. Cette libéralisation a aussi été perçue comme un moyen d’exploiter pleinement les opportunités offertes par la mondialisation.

13Cette manière de voir a représenté une rupture significative avec l’idée qui sous-tendait les stratégies de développement depuis plusieurs décennies, et selon laquelle l’industrialisation tardive nécessitait un niveau significatif d’intervention de l’Etat pour réussir. L’adoption de telles politiques correspond à l’idée que la crise porte en germe des mutations structurelles profondes dont les gouvernements doivent favoriser l’éclosion. Il s’agit de préparer, autant que faire se peut, l’économie à affronter les nouvelles conditions de la concurrence que la crise met en place. Ces politiques agissent donc à la fois à la marge, car elles ne sauraient résoudre la crise, et en profondeur, par les réformes de structure qu’elles mettent en place. Nous rappelons quelques fondements théoriques des principales réformes.

14Le fondement des réformes fiscales : l’économie de l’offre, à la suite du renouveau des idées libérales aux Etats-Unis à partir du début des années 1970, se développe une croisade antifiscale à laquelle Arthur Laffer fournit un fondement théorique, avec sa célèbre formule trop d’impôt tue l’impôt. A partir d’un certain seuil de taux d’imposition, le rendement de l’impôt deviendrait décroissant : les recettes fiscales diminueraient au fur et à mesure que le taux d’imposition s’élève. Ce phénomène serait provoqué par deux effets pervers : 1) l’accroissement de la désutilité du travail qui découragerait la création de matière imposable ; 2) le basculement de certaines activités dans l’économie souterraine, invisible aux yeux du fisc. La baisse des taux d’imposition devrait contrarier ces effets pervers, et après une période d’adaptation, provoquer une hausse des recettes fiscales.

15Le retrait de l’Etat : sur ce point aussi l’influence des idées libérale a débordé le cadre des politiques qu’elles ont directement inspirées. Que l’Etat soit perçu ou non comme le responsable de la crise, la plupart des grands pays industrialisés ont entrepris : d’en limiter le poids dans l’économie, voire de réduire (Etats-Unis), inversant ainsi une tendance presque séculaire ; d’en réformer les pratiques, en matière budgétaire, d’efficacité, et de relation au public. Deux aspects de son intervention ont été particulièrement visés : l’Etat en tant que producteur de biens et de services, avec la privatisation ; l’Etat en tant que producteur de règlements, avec la déréglementation.

16Les privatisations : il s’agit de réduire la part de l’Etat producteur au profit du marché. Cela passe par la privatisation d’actifs publics et la concession au secteur privé de certains services publics, notamment locaux. De grands programmes de dénationalisation ont été mis en œuvre partout en Afrique.

17La déréglementation : il s’agit de favoriser le renouveau des mécanismes concurrentiels du marché dans le domaine des transports, des services financiers, de la fixation des prix, et de la législation sociales. Ces politiques se sont traduites par une intensification de la concurrence qui a profité au consommateur sous forme de baisse des prix, même si parfois la qualité du service s’en ressentait (transport aérien, téléphonie mobile).

1.1.2 – Les opportunités d’investissement créées par la mise en œuvre des réformes structurelles

18Il s’agissait en fait de réaliser ces réformes des marchés et des institutions permettant d’établir les conditions d’une croissance soutenue (Hugon). La libéralisation des prix des biens et services, la déréglementation du marché du travail, l’élimination des subventions, la suppression de rentes internes, et, d’une manière générale, de l’ensemble des distorsions économiques et financières constituaient les vecteurs de rétablissement de signaux de prix cohérents et adéquats.

19La réduction des dépenses publiques : il s’agit de réduire les déficits budgétaires de l’Etat en diminuant les dépenses.

20La libération des prix : le régime des prix était particulièrement complexe dans la plupart des pays avec des prix contrôlés, homologués, surveillés. Les administrations financières exerçaient une forte pression sur les “structures de prix”. La rigidité engendrait pénurie et commerce parallèle. On estimait que la faiblesse de la concurrence justifiait ces mesures de protection des consommateurs. Les PAS ont aboli le contrôle des prix sur la quasi totalité des biens de consommation courante. La détermination libre et autonome des prix en fonction des stratégies commerciales et des contraintes du marché est, en effet, un élément essentiel de l’économie concurrentielle. La libéralisation des prix devait intervenir avant la mise en œuvre des programmes de privatisation, faute de quoi, peu d’investisseurs auraient été intéressés par l’acquisition des entreprises dont les marges et les résultats d’exploitation auraient, été en définitive décidées par l’Etat. La suppression du contrôle des prix, mesure associée au décontingentement du commerce extérieur, ne semble pas avoir eu d’incidence majeure sur l’inflation ni d’ailleurs sur le poids du secteur informel qui tire dorénavant avantage de la fraude douanière.

21La libéralisation du commerce extérieur : il s’agit de supprimer les entraves aux échanges internationaux. On procède par réduction des droits de douane ou suppression des contingents et des licences d’importation. Le but est d’introduire sur les marchés nationaux une plus grande concurrence en réduisant les monopoles. C’est une condition de bon fonctionnement du système de régulation dans une économie libérale de marché. C’est aussi la fin des politiques protectionnistes qui avaient été établies dans pratiquement tous les pays d’Afrique subsaharienne.

22Une politique monétaire restrictive : les limitations de la masse monétaire et des crédits à l’économie ainsi que la pratique de taux d’intérêts élevés étaient destinées à juguler l’inflation. Elles ont aussi contribué au ralentissement économique et n’ont pas eu d’influence significative sur la capacité d’épargne, compte-tenu de l’appauvrissement général.

23La promotion des exportations était préconisée dans le but d’obtenir des devises pour le rétablissement de la balance des paiements. Les PAS ont accordé la priorité aux exportations agricoles, souvent seul secteur capable d’expansion : elles ont effectivement progressé au détriment des cultures vivrières.

24Création d’un environnement juridique favorable au secteur privé : les PAS de la première génération n’envisageaient pas encore de procéder aux privatisations proprement dites. Ils visaient d’abord une restructuration du secteur parapublic pour le rendre plus opérationnel et moins coûteux. D’autre part, le secteur privé ne pouvait pas encore faire l’objet d’une relance, compte-tenu de la priorité accordée à la restauration des grands équilibres économiques. Il s’agissait alors essentiellement de créer un cadre réglementaire plus favorable à l’essor des entreprises. Il est vrai que les entraves administratives et réglementaires opposées à leur bon fonctionnement étaient si lourdes que les initiatives étaient découragées et que l’esprit d’entreprise semblait avoir déserté le continent.

25Il fallait en premier lieu rétablir la confiance des entrepreneurs. Pour réussir, la privatisation devait se dérouler dans un contexte juridique caractérisé par le respect de la légalité et par la reconnaissance des droits des citoyens et des agents économiques privés. Notamment, les droits de propriété privée devaient être précisés ou redéfinis.

26Il s’agissait aussi de restaurer les principes de l’Etat de droit. Ces préoccupation ont conduit, à la révision de lois, de décrets et d’arrêtés pour abolir un monopole, protéger la concurrence, rassurer les créanciers par un système de garanties réelles, réglementer ou déréglementer un secteur, réduire les restrictions en matière de commerce extérieur et de fixation des prix de vente, rationaliser les procédures de constitution, d’acquisition ou de dissolution des sociétés, faciliter les investissements, le niveau d’investissement ou les zones ou les secteurs privilégiés.

27Les nouvelles procédures consistent à considérer que les avantages prévus par le code des investissements sont automatiquement accordés si l’Administration ne manifeste pas son opposition dans un délai déterminé. Ce système ne fonctionne efficacement que si les contrôles a postériori sont réellement exercés. Dans le cas contraire, les codes des investissements deviennent inutiles et les dispositions des lois de finances peuvent intégrer les mesures fiscales en faveur des investissements privés.

28Dans le même esprit, on constate que le système de la simple déclaration préalable se substitue de plus en plus souvent au régime de l’autorisation préalable, par exemple pour la création d’une entreprise. Les derniers aménagements réglementaires en date ont porté sur la réforme des codes du travail pour introduire une plus grande liberté dans les pratiques d’ajustement des effectifs à la situation du marché.

29On a assisté partout à la simplification des procédures relatives à l’exercice des activités des entreprises privées. Les contrôles a priori sont remplacés par des contrôles a posteriori. Les services administratifs sont invités à une attitude incitative plutôt que répressive : une véritable révolution des comportements est en cours. Certains états, comme le Sénégal, ont même créé des structures spécialisées pour aider à l’évolution des mentalités administratives : c’est le but de la Cellule d’Appui à l’Environnement des Entreprises. L’intention est bonne, mais il serait sans doute tout aussi efficace de dynamiser les structures existantes de dialogue avec les partenaires sociaux. La recherche de la simplification des procédures a ainsi conduit plusieurs états à instaurer un “guichet unique” où sont représentés tous les interlocuteurs des différentes administrations qui interviennent dans les négociations avec les entreprises privées.

30En somme, les gouvernements ont appliqué les réformes économiques, en réduisant fortement ou en éliminant les droits de douane et autres obstacles au commerce. Ils ont également bien suivi les recommandations en libéralisant leurs régimes monétaires, en privatisant des entreprises publiques en place ou en renforçant les cadres institutionnels et réglementaires nécessaires et en engageant des politiques libérales d’investissement. Ces réformes ont permis à certains secteurs économiques d’être dynamiques, tandis que d’autres ont plutôt tendance à décliner ou à disparaître.

1.2 – Attractivité des marchés et dynamisme entrepreneurial

31Le développement d’un transport aérien sous-régional en Afrique subsaharienne s’avère aujourd’hui d’une impérieuse nécessité au regard de la difficulté que les Africains éprouvent à circuler en avion d’une capitale à une autre. Depuis l’adoption des politiques libérales et les vagues de privatisation qui ont touché la plupart des compagnies nationales, le secteur aérien bénéficie d’une meilleure lisibilité. Cependant, les voyageurs d’une partie du continent sont contraints de transiter par une capitale européenne ou se soumettre à de multiples peines en escales avant de rallier une destination de quelques kilomètres sur le même continent.

32De même, le tourisme est devenu également pour bon nombre de pays une industrie majeure de laquelle ils tirent leurs principales ressources. La demande est en constante augmentation mais, à l’exception de quelques destinations phare comme le Maghreb ou le Kenya, la majeure partie des pays africains demeure totalement à l’écart du marché mondial du tourisme, soit parce qu’ils ne sont pas dotés des infrastructures indispensables, soit parce que leur accessibilité reste onéreuse.

33Par contre, le téléphone portable n’est plus qu’un bien banal pour les Africains. Depuis la déréglementation des télécommunications, les opérateurs se sont multipliés, soumettant de fait le secteur à une rude concurrence.

34Ces quelques exemples montrent effectivement que les programmes de stabilisation mis en œuvre ont permis de libérer les différents secteurs d’activité. Mais qu’il se pose le problème de leur attractivité.

1.2.1 – La structure de production post-ajustement structurel fondée sur la rente

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« Le premier réflexe d’un investisseur étranger qui arrive dans un pays africain est de regarder comment se comporte le secteur privé local afin de voir quels secteurs fonctionnent et de savoir si la population locale y investit. »

36Les investissements directs étrangers semblent donc s’orienter le plus souvent vers les secteurs économiques jugés “performants”. C’est pourquoi pour les pays africains, il est indispensable d’établir un diagnostic précis des forces et des faiblesses des différents secteurs productifs. Ceci, afin d’identifier les secteurs dynamiques ou performants et les secteurs en déclin en vue d’une redéfinition des politiques de soutien ou de reconversion.

37L’économie industrielle structuraliste privilégie le critère de l’efficience allocative pour ce type d’analyse. Il s’agit d’évaluer dans quelle mesure l’organisation du secteur conduit les agents à prendre des décisions efficientes du point de vue de l’utilisation de ressources rares, de l’adaptation qualitative et quantitative à la demande des consommateurs. Les performances d’un secteur sont ainsi évaluées en référence à l’optimum de Pareto que constitue la situation de concurrence pure et parfaite. Les préoccupations des pouvoirs publics peuvent les engager à adopter des critères de performance qui s’écartent de l’efficience allocative au profit de grands objectifs de la politique économique : la capacité du secteur à créer des emplois, sa contribution à l’équilibre de la balance commerciale, à l’objectif de stabilité des prix, ses effets d’entraînement sur l’ensemble du système productif et, plus généralement, le bilan de ses effets externes positifs (diffusion des innovations, contribution à la formation du capital humain…) et négatifs (saturation d’équipements collectifs, pollution…). Pour les entreprises, un “bon secteur” est en général un secteur rentable et en croissance, aujourd’hui et demain. Les agents qui risquent des fonds dans des entreprises du secteur (banques, investisseurs…) peuvent ajouter à ces critères celui du risque.

38Eu égard aux difficultés de rassembler les données chiffrées pour chaque critère de performance indiqué ci-dessus dans près de 50 pays du bloc subsaharien. Nous tentons de produire une grille de lecture ou plus simplement une typologie sommaire qui permettra d’identifier et de comprendre à la fois les dynamiques et les inerties qui affectent la structure de production en Afrique Subsaharienne.

39En effet, le développement d’un pays s’accompagne souvent des changements observés au niveau de sa structure de production. L’économie est d’abord dominée par le secteur primaire, puis par le secteur secondaire et enfin par le secteur tertiaire. Cette transformation de la structure de production se traduit par des transferts de population active d’un secteur à l’autre. Ces changements s’expliquent par les changements conjugués dans la demande des produits émanant de ces secteurs et dans leur productivité. La croissance économique de l’Afrique subsaharienne ne semble pas respecter cette logique (en tout cas pour la majorité des pays de ce bloc).

40Un regard sur les secteurs d’activité permet de comprendre ici, le fonctionnement de l’économie, de faire apparaître les secteurs importants et les zones de plasticité inégales, c’est-à-dire des zones catégorielles permettant de déstructurer ou de restructurer l’économie. Pour ce faire, un regard sur les grandes catégories permet de distinguer le secteur primaire, le secteur secondaire et le secteur tertiaire.

a – Le secteur primaire

41Il regroupe les activités liées à l’exploitation du milieu naturel telles que l’agriculture, la pêche et les activités forestières.

42L’Afrique a la particularité dans sa politique de développement d’avoir négligé l’agriculture en raison de sa faible valeur ajoutée. Ce phénomène trouve son explication en besoins d’importation massive en produits de biens de consommation et notamment alimentaires. L’exploitation des hydrocarbures, du bois et des mines est dominante. Ces activités très capitalistiques concentrent la plupart des principales sociétés y compris les banques. C’est une économie a structure monopolistique, malgré quelques tentatives de diversification pour pallier ce dilemme. L’activité agricole en Afrique est constituée de deux types de cultures : les cultures vivrières et maraîchères et les cultures de rente. Depuis la fin des années 70, l’agriculture est passée du stade embryonnaire à un niveau assez avancé. Des investissements préalables ont permis d’obtenir quelques résultats, mais leur rentabilité reste limitée, tributaire du faible niveau des revenus des paysans, de l’étroitesse des marchés nationaux, des coûts de production élevés et un circuit de distribution inorganisé. De ce fait, l’autosuffisance alimentaire tant prônée se fait toujours désirer, même si certains pays tels que le Burkina Faso, le Cameroun se distinguent par leur production des produits vivriers. La forte croissance du secteur primaire est donc due à l’exportation des hydrocarbures. Le bois et diverses autres productions telles que le caoutchouc, le café, le cacao, l’ivoire, les peaux, les textiles, sont exploités mais en pourcentage réduit. Le nombre de production n’est pas limitatif.

b – Le secteur secondaire et les caractéristiques de l’industrie

43Il regroupe les activités industrielles et celles du bâtiment et des travaux publics, c’est-à-dire les activités de transformation. Le système de production industrielle peut être classé en trois types : faire de l’assemblage ; fabriquer les composants ; être donneur d’ordres, créateur de concept, de marque. En Afrique subsaharienne, les petites entreprises sont la composante dominante actuelle de ce secteur, après la liquidation d’une bonne partie des entreprises publiques lors des opérations de privatisation. La grande majorité de ces entreprises ont une dimension très réduite et compte souvent moins de cinq personnes. La propriété du capital est souvent l’œuvre d’un associé unique. Il existe quelques sociétés à responsabilité limitée, des associations et des coopératives. Mais, la plupart des industries privées de l’Afrique subsaharienne sont de faible dimension. Nous pouvons regrouper dans la catégorie des industries agroalimentaires celles qui transforment les produits agricoles en produits semi-finis et finis. Ce sont : les industries de boissons et de tabac ; les complexes sucriers ; les huileries industrielles ; les industries de transformation de cacao et café ; la minoterie ; les industries des mines et des carrières ; les industries chimiques ; les hydrocarbures. On mentionnera enfin les industries textiles, le bois et de papier, de l’habillement. En un mot, l’Afrique possède une industrie diversifiée, mais lorsqu’on analyse l’ensemble du tissu industriel, on note que pour chaque branche donnée, il n’y a pas de filière complète. C’est un point faible de ce secteur de l’économie. Une nouvelle politique industrielle devrait s’attacher à orienter les activités en amont et en aval de chaque filière.

c – La structure du secteur tertiaire

44Il regroupe essentiellement des activités de services comme les activités administratives, bancaires, d’assurance, commerciales ou de transport. Dans ce secteur, se sont développées les activités liées au commerce, l’hôtellerie, la restauration, le transport, le négoce, la communication, les banques, des assurances, l’immobilier et les services aux entreprises, les services fournis à la collectivité, les services sociaux, la formation, l’enseignement et les services aux personnes, l’ajustement par les intermédiaires financiers. Il aurait été intéressant de faire une analyse sectorielle mais, l’absence de données chiffrées ne le permet pas.

1.2.2 – Faible diversification de l’économie et désarticulation des secteurs

45Ce bref tour d’horizon sur la structure de la production de l’économie africaine a permis d’observer que les secteurs agricole et industriel sont exposés à divers maux pour qu’il leur soit possible de se développer. La contre performance dont-ils font l’objet trouve son explication sur ; l’existence des problèmes d’encadrement et de main d’œuvre ; des problèmes techniques dans le contexte agro-climatique ; des difficultés du réseau routier composé de pistes en latérite ; des problèmes de commercialisation des produits. Concernant les coûts de production, il est souvent difficile d’être compétitif quand les transports internes d’engrais et d’autres intrants d’équipement, ainsi que le produit final, représentent, sur une distance de 700 kilomètres, le coût de revient total à peu près équivalent à 80% du coût du riz ou du sucre. Il faut aussi souligner que les infrastructures non directement productives sont prises en charge par le projet agro-industriel. En effet, selon certaines analyses, « l’agro-industrie » est très chère et souvent antisociale, comparativement au paysannat diffus. Il ressort en outre des programmes de développement, de lourdes charges per capita, supportés par les budgets de l’Etat (travaux publics, enseignement, santé, hydraulique, encadrement rural, etc.) Quand on sait que le coût d’encadrement du paysannat élargi est plus onéreux par hectare productif, par planteur formé à des normes de productivité et de qualité viable à long terme, et par kilogramme de produit vendu que dans une structure de production de groupe. Et donc nécessairement, la facture devient lourde pour le développement rural.

  • au niveau des transports, c’est l’enlisement. Le réseau routier étant insuffisant, l’entretien des pistes des diverses régions enclavées, représente une charge lourde au kilomètre entretenu, par paysan assisté ou par kilomètre de production transporté. Le nombre de jour de pluie et de degré hygrométrique grève les coûts d’entretien du réseau routier.
  • au niveau de la commercialisation, l’étroitesse relative des marchés locaux ne permet pas de réaliser une meilleure adéquation entre la diminution des projets et la capacité des marchés locaux vis-à-vis des produits alimentaires de base.
Tout compte fait, il apparaît que l’industrie africaine est concentrée dans les branches très rentables, qui sont en réalité utilisatrice de capitaux que créatrice d’emplois. L’appareil industriel est hétéro centré, car les centres de décisions sont situés hors des territoires. L’économie reste dualiste. D’un côté les petites et moyennes entreprises locales se développent dans ces différents secteurs d’activités en marge du cadre légal d’accumulation, leurs possibilités d’expansion sont toujours limitées. De l’autre côté, il existe quelques grosses sociétés privées qui fonctionnent selon les modèles classiques de gestion. Les entreprises publiques ont quasiment disparu après la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel. Le secteur privé est dominé par des entreprises productrices qui sont en fait les démembrements des firmes étrangères et/ou multinationales qui se sont installées ou réinstallées à la faveur de l’ouverture commerciale appartenant à des grands groupes étrangers. Ces entreprises opèrent dans les domaines libérés par l’Etat (eau, énergie, télécommunication…).

46Cependant, l’industrialisation est un processus cumulatif. Quelques entreprises industrielles même importantes mais sans liens entre elles et dépendantes pour leurs approvisionnements d’importations lointaines ne font pas l’industrie. L’industrialisation démarre lorsqu’un milieu industriel s’est constitué et l’industrialisation démarre s’il y a un marché, c’est-à-dire un pouvoir d’achat distribué par les activités agricoles industrielles. Or, si l’agriculture est une agriculture de survie et si l’industrie est embryonnaire, d’où viendra l’impulsion initiale ? C’est le cercle vicieux bien souvent commenté. L’industrialisation de l’Afrique pour plusieurs décennies encore sera entravée par la faiblesse de l’économie africaine. Les pays subsahariens sont doublement handicapés : de faibles taux de formation du capital maintiennent à un niveau bas le ratio capital-travail et, par conséquent, de faibles biens d’équipements développé signifie une incapacité à fournir la base de compétences techniques permettant d’économiser le capital et signifie donc un renforcement de l’état de retard technique (Rosenberg, 1963). En outre, peu de ressources intérieures restent disponibles pour l’investissement et le financement de services publics vitaux tels que l’éducation, la santé, l’administration et le maintien de l’ordre public. Un faible revenu induit une faible épargne ; celle-ci induit un faible investissement, ce dernier induit une faible productivité et de faibles revenus.

1.2.3 – Les opportunités liées aux nouvelles formes de régulation de l’économie

47Dans le schéma libéral mis en place dans le cadre des programmes d‘ajustement structurel, le secteur privé était censé tirer par le haut la croissance hors ressources naturelles. Après deux décennies de réformes, l’importance du secteur privé, difficilement mesurable par ailleurs, n’apparait ni dans le volume des recettes d’exportation, ni dans la création d’emplois. La promotion d’entreprise est donc conçue par les gouvernements des pays africains, comme un moyen de relancer la croissance économique, créer des emplois, des activités, de lutter contre la pauvreté. Pour atteindre ces objectifs, les Etats, en Afrique subsaharienne doivent trouver une nouvelle forme d’organisation afin de favoriser d’une par les investissements étrangers et d’autre part, rendre dynamique le secteur privé local.

a – Attractivité liée à la régulation de l’économie par l’Etat

48La progression industrielle dépend de l’interaction complexe de trois séries de facteurs les incitations, les capacités et les institutions.

49Les incitations sont les facteurs ou les circonstances qui incitent un chef d’entreprise à produire des biens (ou des services) en vue de les vendre. L’existence d’un marché pour un produit donné est source de motivation. La concurrence est considérée comme un aspect positif dans la mesure où elle optimise le rendement économique sur le plan macroéconomique. Le fonctionnement d’un marché concurrentiel présente en premier lieu l’avantage d’éliminer automatiquement tout déséquilibre à la suite d’un choc quelconque affectant l’offre ou la demande. De plus, les variations de prix jouent un rôle de signal efficace pour l’affectation des facteurs de production aux différentes activités. Enfin, la concurrence et la flexibilité des prix tendent à abaisser les coûts moyens de production à long terme. En effet, quand les entreprises réalisent des profits sur un marché, elles sont incitées à développer leurs capacités de production. De nouveaux producteurs sont également attirés sur le marché.

50Les nouvelles formes de régulation de l’économie devraient donc favoriser une plus grande attractivité des secteurs d’activités. En effet, les investisseurs qui se sont orientés vers les pays émergents au cours de ces dernières années, se sont appuyés sur des critères d’attractive suivants : une croissance économique souvent plus forte que dans les pays industrialisés ; de réelles capacités industrielles et technologiques soutenues par un tissu d’entreprises locales performantes ; des marchés de consommation attractifs en raison du développement rapide d’une classe moyenne active ; une main-d’œuvre nombreuse et souvent bien formée dans les secteurs porteurs ; enfin une politique économique favorable à l’ouverture sur l’extérieur (convertibilité des monnaies nationales, ouverture aux investissements étrangers, adhésion à l’Organisation mondiale du commerce, privatisations, etc.). Les pays africains ont ainsi, un rôle vital dans la création et le maintien d’un contexte favorable au développement du secteur privé. Faciliter la création et la croissance des entreprises de toutes dimensions est le but essentiel d’une stratégie en faveur du secteur privé.

51Les éléments fondamentaux qui influencent la vie des entreprises dépendent des décisions gouvernementales : les facteurs macro-économiques (la fiscalité, les prix…), mais aussi les éléments institutionnels et juridiques :

  • Améliorer les politiques favorables à l’éclosion des entreprises et leur expansion : abaissement des barrières douanières, rationalisation de la fiscalité, création et protection du droit de propriété.
  • Réforme du secteur bancaire : les gouvernements devraient non seulement réduire leurs interventions sur l’allocation du crédit mais aussi reconsidérer en général ses rapports avec les banques
  • La capacité de l’Etat à organiser la concurrence. En effet, les différents Etats de la région doivent parvenir à établir des relations de coopération entre les milieux d’affaires, entre les entrepreneurs et le monde du travail, entre les petites et les grandes entreprises.
  • L’Etat doit promouvoir les exportations particulièrement par la création des organes nécessaires à la fourniture des informations indispensables à ces activités.
  • L’Etat doit aider à la création des banques et des institutions financières spécialisées, réguler leur fonctionnement en orientant le crédit vers des secteurs aux dépens d’autres et en les subventionnant
  • L’Etat doit réguler le système financier en invitant les banques à mesurer les risques.

1.2.4 – L’adaptation du secteur privé au contexte de concurrence internationale

52L’évolution des conditions d’activités productives vers un renforcement du rôle de la concurrence implique une adaptation de l’ensemble des entreprises des pays subsahariens, qu’elles soient publiques ou privées. La politique générale de toute entreprise repose pour l’essentiel sur l’analyse de l’environnement.

53L’entreprise devra surmonter les obstacles, utiliser au mieux les atouts, saisir les opportunités qu’offre l’environnement. Si possible, elle fera astucieusement de certains obstacles des atouts par efforts d’imagination et d’innovation. Or l’environnement de l’entreprise africaine c’est d’abord l’Afrique, avant les marchés européens voire mondiaux auquel le chef d’entreprise africain songe volontiers en priorité. La première tâche de l’entrepreneur pour définir sa politique d’entreprise est donc de porter un jugement sur les obstacles et les atouts durables à la création et au développement de son entreprise.

54Pour un investisseur étranger, le choix du secteur dans lequel investir dépend évidemment du pays, de son niveau de développement, de sa situation géographique et de sa politique économique. Toutefois quelques principes se dégagent. La stratégie de diversification de l’économie amorcée depuis la mise en œuvre des réformes se poursuit.

55Dans l’optique d’un accroissement des performances du secteur productif, l’accent est mis prioritairement sur la poursuite du désengagement de l’Etat et sur la promotion des secteurs à forte valeur ajoutée notamment la forêt, la pêche, l’agriculture, les mines et le tourisme. Cependant, la production de produits nouveaux répondant exactement aux besoins spécifiques des marchés africains est un domaine quasiment vierge. En effet, les industriels africains fournissant le marché local se sont bornés jusqu’à maintenant à compulser les statistiques douanières d’importation et à fabriquer servilement des produits naguère importés. Comme si, les consommateurs africains ne pouvaient acquérir que des produits conçus pour d’autres, en Europe ou en Extrême-Orient.

56Les domaines des technologies de pointe ouverts par les derniers progrès de l’informatique ou de la biologie sont encore inexplorés. Les africains dans les instances gouvernementales ou les milieux industriels veulent être prudents en procédant par étapes. « Maîtrisons d’abord les industries classiques de transformation en employant notre main-d’œuvre abondante et bon marché, disent-ils, avant de nous aventurer dans ces secteurs d’activités. Cependant, aucune entreprise ne peut parvenir à la rentabilité, même en disposant d’un personnel qualifié, si elle ne fait pas un effort délibéré pour réunir et assimiler de nouvelles connaissances sur le plan technique. Les firmes africaines ayant des activités régulières en matière de R&D sont encore très rares. Or, l’innovation technologique est le moyen le plus sûr pour reconstituer, transformer et étendre les marchés (Uzunidis, 2005).

Conclusion

57La présente contribution avait pour but de montrer que l’Afrique pourrait devenir “la prochaine destination mondiale pour l’investissement” à condition, que les gouvernants persistent sur la voie des réformes structurelles. En effet, l’Afrique offre des rendements parmi les plus élevés au monde. Selon des études de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les sociétés étrangères ont obtenu une rentabilité moyenne de 29 % sur leurs investissements en Afrique au cours des années 90, soit beaucoup plus que dans la plupart des autres régions. Mais la rentabilité n’est qu’un des facteurs pris en compte par les investisseurs potentiels. Du point de vue de l’investisseur étranger, la plupart des pays africains présentent des obstacles gigantesques à l’investissement. Ils n’ont pas encore rompu avec les blocages internes et la dépendance externe qui affectent leur mode de production. L’Etat, malgré son désengagement du secteur productif, reste faible et inefficace. La logique d’enrichissement par la rente, captée au niveau des flux commerciaux à partir de positions de pouvoir y reste majoritaire. Le secteur industriel est très peu développé et l’économie est demeurée mono exportateurs de produits de base. Parmi les autres nombreuses difficultés rencontrées, il faut notamment relever la corruption et les lourdeurs bureaucratiques, la faiblesse des systèmes judiciaires, l’insuffisance des infrastructures, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, la plupart des bourses africaines ne figurent pas dans les principaux indices boursiers et n’attirent par conséquent que peu de fonds de portefeuille ciblant les marchés émergents mondiaux. Les conflits et l’instabilité politique de certains pays tendraient à décourager les investisseurs. Même les pays éloignés des zones de conflit actuelles pâtissent de cette image négative, les investisseurs jugeant souvent à la même aune toute une région, et même le continent dans son ensemble. La paix et de la sécurité sont indispensables pour que l’Afrique soit un pôle d’investissement plus attrayant à long terme. Une plus grande intégration régionale entre pays voisins est nécessaire, afin de développer des marchés plus importants et plus attrayants.

58Une volonté des autorités amènent les investisseurs à considérer le Ghana comme une destination relativement recherchée pour les investissements étrangers de longue durée en Afrique, non seulement en raison des importants rendements qu’on peut y obtenir, mais aussi grâce aux réformes politiques, aux mesures de lutte contre la corruption et aux améliorations apportées aux conditions de fonctionnement du secteur privé. Ce résultat, n’est pas un miracle, mais l’aboutissement de réformes laborieuses.

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Mots-clés éditeurs : croissance, dynamisme, marché, état, investissements, réformes

Date de mise en ligne : 15/11/2012

https://doi.org/10.3917/maorg.014.0009

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