Couverture de MAORG_013

Article de revue

Contractualisation et valorisation de la recherche universitaire

Les défis à relever par les universités françaises

Pages 107 à 136

Notes

Introduction

1La loi sur l’innovation et la recherche de 1999 a ouvert de nouvelles perspectives aux universités françaises. La valorisation de la recherche, que l’on peut définir comme le processus de transformation de savoirs fondamentaux en nouveaux produits ou services commercialisables, devient une mission à part entière de l’université, aux côtés de ses fonctions traditionnelles d’enseignement et de recherche. L’université, garante de la production, de la transmission et du renouvellement des connaissances scientifiques doit devenir le lieu de naissance et de concrétisation marchande des nouveaux projets innovants (entreprises, inventions techniques). Plusieurs textes ont depuis été appliqués en France qui vont tous dans le même sens : la recherche universitaire contractuelle est devenue un des critères fondamentaux de l’évaluation de la performance de l’enseignement supérieur (en France et en Europe à l’image de ce qui a cours en Amérique du Nord).

2Marchéisation des universités, valorisation de la recherche publique, entrepreneurialité, etc. termes qui signifient que l’université doit intervenir positivement et sans tarder dans la création immédiate et directe de valeur. La question qui se situe à l’origine de cet article est la suivante : la loi, à elle seule, est-elle un facteur suffisant pour impulser le rapprochement entre recherche scientifique et entreprises, jugé aujourd’hui impératif pour soutenir l’innovation technologique et la croissance économique ? Cette question émane d’une part des réalisations discutables (en matière de création d’entreprise notamment) enregistrées depuis la mise en place de ce nouveau cadre réglementaire en France. Elle découle d’autre part de l’observation de résultats d’études portant sur d’autres pays industriels riches d’une longue expérience en matière de valorisation (les États-Unis notamment). Ces observations nous conduisent à jeter les bases d’une méthode d’analyse de la valorisation et de la contractualisation de la recherche, caractérisée par la mise en évidence de facteurs incitatifs organiquement liés. Outre les aspects réglementaires, ces facteurs concernent les évolutions scientifiques et techniques, la stratégie universitaire et l’environnement économique et social dans lequel se déroulent les activités de valorisation.

3La première partie de cet article traitera de la problématique de la valorisation de la recherche publique et des débats qu’elle suscite ; la seconde partie sera consacrée au cas de la France où le changement du cadre réglementaire suscite des interrogations quant à la pertinence de « tout contrat ».

1 – Recherche contractuelle et valorisation : L’émergence de la problématique actuelle

1.1 – Science, technique, innovation : des rapports synergiques

4La technologie, de par son étymologie, soit l’association des mots grecs « technè » et « logos », signifie discours sur la technique. La technologie fait donc référence à deux catégories de travail : le travail technique de construction de l’objet et le travail scientifique qui intervient dans la construction du discours décrivant l’objet comme dans la construction de l’objet lui-même. Or, le travail scientifique et le travail technique sont deux catégories de travail social, qui dans la réalité sont souvent séparées, tant dans leurs objectifs que dans leurs méthodes. Ce fait a largement été mis en évidence par les historiens des sciences ou des techniques (voir par exemple : J. D. Bernal, 1954, B. Gille, 1978) qui trouvent les traces de cette séparation dès l’Antiquité. Depuis cette période, la production de connaissances a été reliée au pouvoir religieux d’abord, politique ensuite et puis pris en charge par les États. La production d’objets en revanche a d’abord été le fait des esclaves (dans l’Antiquité), puis des artisans et des industriels (ingénieurs, techniciens, ouvriers).

5La prise en charge par le pouvoir (religieux ou politique) de l’activité de production et de transmission – intergénérationnelle – du savoir s’explique d’emblée par la volonté de contrôle des connaissances produites (dans le but de renforcer ledit pouvoir) mais aussi, au fur et à mesure du développement de la production industrielle, par les caractéristiques de « bien public » des connaissances codifiées (voir Foray, 2000). Du fait de la difficulté d’appropriation privative des connaissances et donc de la facilité de copiage ou d’imitation, les entreprises en compétition sur un marché ne sont pas incitées à investir dans ces activités. Tandis que les inventions techniques issues de l’exploitation des connaissances peuvent être légalement protégées (par le biais des titres de propriété industrielle), les connaissances elles, ne peuvent faire l’objet d’une appropriation privée complète. C’est pourquoi l’État s’est chargé de ce type de production, en diffusant les connaissances à l’ensemble de la société pour favoriser leur utilisation par les entreprises et stimuler la créativité. La prise en charge par l’État de la production de connaissances s’explique aussi par l’horizon temporel de la recherche fondamentale (qui est celui du long terme, à la différence des activités privées soumises aux impératifs de la concurrence), et par la nécessaire liberté du travail scientifique (voir Laperche, 2001).

6Pour autant, malgré les méthodes et les modalités de prise en charge différentes (financement, exécution) de ces deux catégories de travail, leurs relations existent de longue date. Trois grandes phases de rapprochement peuvent être mises en évidence : la période du 16e siècle (la renaissance italienne), la fin du 19e siècle (la seconde révolution industrielle) et la période actuelle. Des mutations politiques, économiques et sociales importantes interviennent à chacune de ces périodes de rapprochement entre science, technique et économie.

7Les grandes découvertes du 15e siècle, le développement de l’éducation laïque, l’accroissement de la taille des villes, les progrès techniques (invention de l’imprimerie) favorisent la diffusion des écrits. Les humanistes italiens de la Renaissance, tel Léonard de Vinci, ont une activité à la fois scientifique et pratique par la mise à disposition de leurs connaissances et savoir-faire aux Princes, aux riches marchands ou aux seigneurs. Mais le pouvoir religieux (et politique) frappe encore la science lorsque les découvertes de ses représentants brise le socle des idées reçues et entretenues (voir les nombreuses accusations d’hérésies qui ont frappé de nombreux savants, comme Galilée par exemple).

8La « technicisation de la science » et la « scientifisation de la technique », selon les expressions d’Habermas (1973) datent du dernier quart du 19e siècle. Ce rapprochement étroit entre science, technique et économie a bien profité de la conception en France et en Angleterre d’une nouvelle science fondée sur l’expérimentation (voir les écrits de F. Bacon, de R. Descartes, ou encore le travail de l’Encyclopédie en France). Il a aussi été accentué par le mouvement révolutionnaire européen de la fin du dix-huitième siècle. La science est alors devenue le point d’orgue du « nouvel âge positif et industriel » (selon l’expression de Saint-Simon) de la société. Elle se révèle dans la seconde révolution industrielle et la naissance de vastes entreprises, foyers de l’innovation technologique grâce à la création des premiers laboratoires de recherche scientifique et industrielle (voir Bayer an Allemagne, General Electric aux États-Unis, etc.)

9Enfin, cette troisième période de rapprochement, qui débute en toute fin du 20e siècle, est marquée par une socialisation croissante du travail de production de connaissances scientifiques et techniques. Le travail de production de connaissances scientifiques était autrefois mené par des savants isolés ou liés au pouvoir politique, militaire et religieux ; la diffusion des connaissances produites était alors réservée à une classe sociale bien délimitée. Aujourd’hui le travail scientifique est l’activité des universitaires et des chercheurs des grandes institutions de recherche publique. L’espace sur lequel ce travail se réalise ne cesse de s’élargir et la coopération tend peu à peu à dépasser les cloisonnements entre travail scientifique et technique. Certes, tout au long du 20e siècle, la science inonde le marché par la salarisation des chercheurs dans les entreprises, mais elle est surtout l’alliée des États qui souvent la financent massivement. À l’heure actuelle, le marché ouvre les portes de l’université et des centres publics de recherche et tente d’imprimer ses règles sur le fonctionnement du travail scientifique, avec le consentement de l’État et des chercheurs eux-mêmes. C’est à cette période qu’émerge le sens moderne de la valorisation de la recherche. Celle-ci peut être définie comme le processus de transformation des savoirs fondamentaux en nouveaux produits ou services marchands. La valorisation (littéralement qui donne de la valeur) s’effectue par le biais de la coopération entre la recherche publique et les entreprises ou par la mobilité des chercheurs. Elle stipule le plus souvent une appropriation privée (exclusive ou non) des produits de la recherche.

10Le rapprochement entre travail scientifique et travail technique n’est donc pas une nouveauté en soi. Mais la phase actuelle du décloisonnement du travail scientifique découle d’un ensemble de facteurs économiques, sociaux, politiques étudiés ci-dessous et qui permettent de comprendre le fonctionnement et les enjeux actuels liés à la valorisation de la recherche publique.

1.2 – Les conditions nouvelles : concurrence et innovation

11Quatre séries de facteurs permettent selon nous de comprendre l’émergence de la problématique actuelle de la valorisation et de la contractualisation de la recherche publique. Il s’agit 1) des fondements et de l’organisation de la concurrence économique, 2) de la transformation des processus d’innovation, 3) de la nature des évolutions technologiques et 4) des transformations dans le financement de la R&D. Ces facteurs étant bien entendu liés.

Les fondements et la nature de la concurrence

12L’innovation technologique, définie par l’économiste J. A. Schumpeter (1947) comme une nouvelle combinaison de ressources productives réalisées par un entrepreneur, est aujourd’hui la clé de la compétition économique internationale. Ce rôle s’explique par les mutations dans les systèmes productifs, qui ont lieu à partir des années 1960-1970 (essoufflement de la production en masse de biens indifférenciés, mondialisation de la concurrence du fait des politiques publiques de privatisation, de déréglementation et de libéralisation des marchés, mises en œuvre à partir des années 1980).

13Les entreprises, pour faire face à ces mutations profondes dans les fondements de la concurrence et dans leur horizon géographique, ont transformé leur organisation. Tandis que la période de concurrence relativement cloisonnée, fondée sur la production en masse de biens indifférenciés les avait conduites à accroître leur taille pour réaliser des économies d’échelle, elles vont à partir des années 1980 progressivement se recentrer sur le cœur de leur métier (la conception) qu’elles renforcent par le biais de rachats et fusions. Elles vont aussi externaliser un grand nombre de fonctions et services qui ne sont pas à l’origine de la définition de la stratégie productive mais de sa mise en œuvre (cessions, entrepreneuriat, essaimage, sous-traitance). De petites unités voient le jour, reliées au centre de décision de la firme par le biais de contrats souples (qui remplacent des liens rigides de la propriété). Le cœur stratégique de l’entreprise constitue le lieu de genèse des innovations et d’arbitrage des choix technologiques, scientifiques, financiers des vastes ensembles aux contours juridiques flous.

La transformation des processus d’innovation

14L’ensemble des ces transformations a bouleversé les processus d’innovation et la façon dont les économistes les conçoivent (voir Perrin, 2001, Uzunidis, 2003, Lachmann, 2010). Traditionnellement le processus d’innovation était étudié (depuis la seconde guerre mondiale) par le biais d’un « modèle linéaire » où se succédaient chacune des phases de la recherche-développement (voir schéma 1).

Schéma 1

Le processus “linéaire” de l’innovation

Schéma 1

Le processus “linéaire” de l’innovation

15Dans ce schéma, chacune des phases poursuit un but et est réalisée dans un lieu différent (l’université ou les laboratoires de recherche publique pour la recherche fondamentale, le laboratoire industriel pour la recherche appliquée et le développement technologique). Les trois phases marquent la progression des découvertes scientifiques et techniques, de la naissance de l’idée d’un produit ou service jusqu’à sa conception et son exploitation. Il s’agit alors du passage d’un stock de connaissances produites par la recherche fondamentale à l’invention, issue des travaux de recherche appliquée, puis à l’innovation.

16Ce schéma, dominant des années 1950 jusqu’aux années 1970 négligeait l’investissement croissant des entreprises privées en recherche développement et correspondait à la représentation théorique néoclassique de la croissance dans laquelle le progrès technique et a fortiori les découvertes scientifiques et techniques sont considérées comme extérieures à la sphère de l’économie. Aujourd’hui, les interactions (contractuelles, mais aussi par la mobilité du travail scientifique et technique) entre l’ensemble des institutions publiques et privées vouées à une activité scientifique et technique sont davantage prises en compte dans l’analyse des processus d’innovation. Ceux-ci sont conçus selon des modèles interactifs et systémiques qui mettent l’accent sur les interactions entre les phases de la R&D et la prise en compte du marché (cf. goût des consommateurs, exigences de qualité) dans les différentes phases de recherche. Dans ces modèles donc, la technologie évolue au cours de sa diffusion, ce que mettent en évidence les nouvelles théories de la croissance « endogène » (voir schéma 2).

Schéma 2

Le processus “interactif” de l’innovation

Schéma 2

Le processus “interactif” de l’innovation

Les activités de RD sont en relations étroites et ne peuvent être facilement délimitées
Lieu : interactions entre le laboratoire de recherche de l’entreprise et les laboratoires partenaires (universités, laboratoires de recherche publics, autres entreprises)
La RD produit des connaissances qui forment un fonds de connaissances disponibles pour l’entreprise
La perception d’un besoin mais aussi les problèmes techniques au cours de la diffusion de la technologie engendrent des rétroactions vers la base de connaissances disponibles et si le problème n’est pas résolu vers les activités de RD.

17Les interactions plus grandes entre phases de R&D (RF-RA-DT) s’expliquent par la volonté des entreprises d’accroître la vitesse des processus allant de l’idée à la commercialisation des nouveaux biens et services. Elles s’expliquent aussi par la nature des évolutions technologiques. Dans les biotechnologies par exemple, la frontière entre les phases de la R&D est de plus en plus floue. La recherche menée dans les universités et centres publics de recherche associe donc quasi naturellement les aspects théoriques et pratiques et rend les résultats potentiellement exploitables. Ces domaines de recherche qui associent théorie et pratique sont aujourd’hui de plus en plus nombreux. Ainsi, la linguistique par exemple, traditionnellement considérée uniquement comme une recherche de base est aujourd’hui très étroitement associée aux progrès de l’industrie informatique et des logiciels. La prise de conscience par les chercheurs (américains au départ) de la possibilité d’associer les deux activités et la justification selon laquelle l’argent qu’ils gagneront en commercialisant leurs résultats de recherche pourra être réinvesti dans leurs travaux de recherche fondamentale a ainsi accéléré l’association plus étroite entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Elle donne naissance à la figure du « nouvel entrepreneur scientifique » [1] qui fait, sans mauvaise conscience, la liaison entre la recherche de base (et la recherche de la vérité) et l’industrie (et la réalisation de profits), sans négliger l’un ou l’autre des aspects (voir Etzkowitz, 1998 ; Laperche B., Uzunidis D., Von Tunzelmann, 2008).

Transformation du financement de la recherche-développement

18Les dépenses de recherche-développement ont considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies dans les pays de la zone OCDE. Elles représentent 2,3 % du PIB de la zone en 2008 avec de fortes disparités entre pays (voir OCDE, 2008). En 2008, en moyenne les 27 pays de l’Union européenne consacraient 1,9 % de leur PIB en R&D (la France 2 %, la Suède 3,75 % ; Allemagne 2,63 %, etc.), les États-Unis 2,8 % et le Japon environ 3,5 %. La part des entreprises dans le financement de la dépense de R&D (soit 60 % dans l’ensemble de la zone) mais aussi dans son exécution (70 % pour l’ensemble de la zone de l’OCDE) traduit leur intérêt, d’autant qu’elles financent une part croissante (même si elle reste faible) de la recherche des universités et des centres publics de recherche. Selon l’OCDE, environ 4 % de la recherche menée par le secteur public et 6 % de celle menée par l’enseignement supérieur sont financés par les entreprises.

19Les dépenses publiques, du fait des déficits budgétaires des États, se réduisent (voir Tableau 1). Cette réduction touche surtout les entreprises et le secteur de la défense mais le soutien public à la recherche fondamentale ne montre pas encore un déclin significatif. Pourtant, et ceci est important, c’est la nature et les modalités du financement qui évoluent : l’octroi de crédit est conditionné par la performance, les résultats, ce qui engendre une tendance à la concentration des ressources pour des contrats précis et dans des lieux spécifiques (santé, technologies de l’information, biotechnologies, énergie, armée). L’intérêt des entreprises et la nécessité pour les universités d’accroître leur autofinancement, fournissent des explications supplémentaires au développement des pratiques et des interrogations sur la valorisation de l’offre scientifique.

Tableau 1

Répartition des dépenses de R&D selon les sources de financement OCDE 2008

Tableau 1
Pays ou région Pouvoirs publics Entreprises Autres (dons, associations) Japon 16 % 77 % 7 % États-Unis 30 % 65 % 5 % Europe 27 34 % 54 % 12 % France 52 % 38 % 10 %

Répartition des dépenses de R&D selon les sources de financement OCDE 2008

1.3 – Les formes de la valorisation de la recherche publique

20La recherche publique est appelée à satisfaire les objectifs de profit et de croissance des entreprises. Le transfert de ressources scientifiques est au cœur de la constitution des réseaux d’innovation qui alimentent le potentiel de production d’un pays donné. Les formes principales de valorisation de la recherche publique que l’on peut identifier sont :

  • la coopération scientifique : programmes conjoints réalisés en partenariat entre les universités, les centres publics de recherche et les entreprises,
  • l’exploitation des résultats de la recherche (dépôt de brevets par les universités et négociation de licences d’exploitation rapportant une rémunération aux universités),
  • la mobilité des chercheurs : de jeunes doctorants appartenant à un laboratoire de recherche public vont préparer leur thèse dans une entreprise (la thèse est financée en partie par l’entreprise) ; un chercheur ou une équipe de chercheurs apporte son concours scientifique ou son conseil à une entreprise, etc.
  • la création d’entreprises par les chercheurs eux-mêmes. Le chercheur est amené à revêtir les habits de l’entrepreneur.
Toutes ces modalités de valorisation ont une base contractuelle qui cristallise les rapports de force entre le monde universitaire et celui de l’entreprise. Mais, ces formes de valorisation ne sont pas toutes nouvelles. Les contrats de recherche entre universités, centres publics de recherche et entreprises existent de longue date, même s’il était assez difficile à les mettre en œuvre du fait notamment des différences de comptabilité (privée et publique). De même, les cofinancements de thèses ne sont pas choses nouvelles mais la mobilité s’étend aujourd’hui à d’autres catégories de personnels (comme les chercheurs fonctionnaires de l’État). Les deux formes véritablement nouvelles de la valorisation de la recherche publique sont donc la capacité à déposer et exploiter des titres de propriété industrielle et la création d’entreprises à partir de la recherche. Ces évolutions concernent un grand nombre de pays industriels et découlent d’une transformation des cadres réglementaires.

21Nombre de pays industriels ont depuis les années 1980 mis en place des politiques publiques de valorisation de la recherche, en assignant aux universités une fonction d’initiatrice de projets innovants. Les principales mesures que l’on peut recenser sont : a) de permettre aux universités et centres publics de recherche d’exploiter les résultats de recherche, b) la création de réseaux scientifiques et techniques associant entreprises et universités, c) la refonte des statuts des chercheurs pour les aider à devenir entrepreneur, d) la création d’institutions et d’aides à l’émergence de projets innovantes (incubateurs, fonds d’amorçage). C’est ce que montrent les multiples études de cas de la fin des années 1990 et du début des années 2000 (années de reconsidération des systèmes de recherche et d’innovation dans les grands pays industriels) réalisées sur la mutation des systèmes universitaires dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis (par exemple, Etzkowitz, 1998 ; Jaffe, 2000 ; Mowery et al. 2001 ; Henrekson, Rosenberg, 2001), mais aussi en Europe (voir notamment le vol.13, n°3 de la revue Gestion de l’enseignement supérieur de l’OCDE, 2001), en Asie (Wen, Kobayashi, 2001), en Amérique latine (Arocena, Sutz, 2001), au Canada (Menzies, 2000), dans les pays en transition (Mayntz, 1998), etc. L’heure est à la contractualisation comme fondement de l’innovation dans tous les pays du monde. Ces études s’intéressent aux moyens mobilisés par les États pour renforcer les liens entre universités et entreprises et analysent les résultats et les difficultés qui découlent de ces mutations. Depuis, la valorisation de la recherche est devenue un sujet très prisé par les économistes de l’innovation. Ils s’intéressent notamment aux relations tissées entre universités et autres centres de recherche publics et les entreprises. Ces dernières mènent de plus en plus des stratégies d’open innovation (innovation ouverte) au sens où elles recourent de manière croissance à des ressources externes pour développer leur capital-savoir (Chesbrough, 2003, 2006 ; Laperche, 2007).

22Les universités se sont dotées désormais de normes de fonctionnement entrepreneuriales ; elles deviennent selon l’expression de B. Clark (1998) des « universités entrepreneuriales » en intégrant les exigences du marché dans leur fonctionnement (obligation de résultat, concurrence, accent mis sur la recherche appliquée) tout en essayant de ne pas négliger leurs fonctions traditionnelles : l’enseignement et la recherche fondamentale. Mais les résultats sont assez divergents. Ce qui nous conduit à nous interroger sur les facteurs qui incitent à la valorisation de la recherche. Ces facteurs peuvent être endogènes, propres au système universitaire ; ils sont aussi relatifs à l’évolution de l’environnement économique, tel qui a été souligné précédemment.

1.4 – Le carré organique de la valorisation

23Les politiques d’innovation ne sont pas à elles seules suffisantes pour expliquer les résultats de tel ou tel pays en matière de valorisation de la recherche publique. Les études de cas existantes et, en particulier, celles que nous avons citées plus haut permettent de mettre en évidence ce que nous appelons le carré organique de la valorisation. Celui-ci présente de façon schématique les facteurs clés de la valorisation. Leurs liens sont aussi importants que leur existence en tant que telle. La présence et/ou la nature des liens entre l’un ou l’autre de ces facteurs permet alors d’expliquer les résultats en matière de valorisation de la recherche publique de tel ou tel pays (voir Laperche, 2002). Ce carré organique fournit alors une méthode d’analyse de la valorisation à l’échelle d’une économie ou d’un établissement. Elle facilite les comparaisons nationales (entre universités) et internationales (schéma 3).

Schéma 3

Le carré organique de la valorisation

Schéma 3

Le carré organique de la valorisation

24C’est l’étude du cas des États-Unis ainsi que sa comparaison avec d’autres pays qui nous amène à proposer cette analyse de la valorisation. Expliquons-nous : dans les années 1970 se développe aux États-Unis le débat désormais connu en Europe sur l’utilisation des résultats de la recherche scientifique. C’est dans un contexte de déficit budgétaire croissant aux États-Unis, que sont votés au début des années 1980 le Stevenson Act qui place la valorisation comme une nouvelle mission de la recherche publique et le Bayh Dole Act qui accorde aux universités dont la recherche est cofinancée par des fonds fédéraux, la propriété industrielle de leurs découvertes et donne aux universités le droit de les transférer sur la base de licences exclusives (Coriat, Orsi, 2002). Ces lois sont aujourd’hui souvent considérées comme un facteur explicatif central des bons résultats américains en matière de dépôts de brevets et de négociation de licences d’exploitation des universités américaines depuis les années 1980. Pourtant, pour certains chercheurs, cette explication est insuffisante ; ils mettent en évidence d’autres facteurs incitatifs qui justifient notre cadre d’analyse.

25Réglementation. L’aspect réglementaire comprend plusieurs éléments. Il s’agit de la réglementation concernant les missions d’une université, ce qu’elle peut faire en matière de valorisation et ce qu’elle ne peut pas. Par exemple, jusqu’à 1999 en France, la prise d’intérêt d’un fonctionnaire aux résultats d’une entreprise privée ou encore une fonction de surveillance ou un concours de toute sorte s’apparentait à un délit d’ingérence et était sévèrement puni par la loi. Dans ces conditions, la valorisation de la recherche était bien limitée. La réglementation concerne aussi les droits de propriété intellectuelle. En effet, pour le cas des États-Unis, les économistes (Mowery et al., 2001 ; Jaffe, 2000) insistent sur le rôle des lois et décisions des années 1970 concernant la brevetabilité dans les biotechnologies et les logiciels ; selon les auteurs, elles ont facilité l’exploitation des résultats de la recherche menée dans les universités.

26Progrès technique. L’évolution des dépenses de R&D (publiques notamment) depuis la seconde guerre mondiale constitue aussi un facteur important pour justifier les bons résultats américains en ce qui concerne la valorisation de la recherche universitaire dans les biotechnologies et les technologies de l’information (voir Etzkowitz, 1998). Mais la comparaison des États et de la Suède effectuée par Henrekson et Rosenberg (2001) montre qu’en dépit d’un fort soutien public en Suède aux activités de R&D et de commercialisation de la recherche universitaire, les résultats en matière de valorisation sont nettement moins importants (proportionnellement aux dépenses) en Suède qu’aux États-Unis. Progrès technique et réglementation ne sont pas alors pas suffisants pour expliquer les bons résultats en matière de valorisation de la recherche.

27Stratégie universitaire. Selon les auteurs précités, c’est alors d’une part à l’intérieur du système universitaire qu’il faut trouver l’origine des faibles résultats suédois en matière de valorisation de la recherche ; le système suédois (à l’image des pays européens selon les auteurs) est hiérarchisé, cloisonné et incite peu à la mobilité ; il tranche avec le système américain, ouvert, concurrentiel, mieux apte à répondre aux besoins des entreprises car plus proche de leurs normes de fonctionnement. Replacé à l’échelle d’un établissement, d’autres études mettent en avant l’importance de la définition d’une stratégie précise de l’université. Il peut s’agir de mettre en valeur ses atouts, en se spécialisant soit vers la recherche de haute qualité, soit vers la réponse aux besoins des entreprises en essayant sur cette base de développer une recherche appliquée et un enseignement de qualité (cas de l’Université de Salford au Royaume-Uni, étudié par Powell et al., 2001).

28Milieu économique (et esprit d’entreprise). Cet aspect est également mis en avant pour la comparaison entre la Suède et les États-Unis par Henrekson et Rosenberg (2001) mais au niveau macro-économique (il regroupe les incitations à l’investissement dans le capital-humain ; les incitations à devenir entrepreneur – réglementations industrielles et cadre favorable à la création d’entreprises innovantes ; les incitations pour le développement des entreprises déjà créées – faible taxation, recours à différents moyens de financement notamment au capital-risque ; la flexibilité du marché du travail). Un autre aspect moins abordé dans les études de cas que nous avons citées concerne la prise en compte du milieu local. Les résultats de la valorisation de la recherche publique seront sans doute très différents dans un « milieu innovateur » (où toutes les facilités pour appuyer la création d’entreprises sont présentes) que dans un milieu pauvre où l’innovation fait davantage figure d’exception que de règle (Boutillier, Laperche, Uzunidis, 2008 ; Boutillier, Uzunidis, 2010).

2 – La valorisation de la recherche universitaire en France : Débats, réformes et perspectives

2.1 – Bref historique de l’organisation de la recherche en France

29J.-F. Théry (2005) rappelle que les lois de d’orientation et de programmation de la recherche du 15 juillet 1982 et du 23 décembre 1985 jouent un rôle clé dans l’organisation de la recherche en France. Si au cours du 19e siècle, l’université n’est pas orientée vers la recherche, elle le devient davantage au lendemain de la première guerre mondiale. À cette période le déficit d’innovation par rapport à l’Allemagne aboutit à la création du CNRS (1939) et d’un sous-secrétariat à la recherche scientifique. La période qui débute au lendemain de la seconde guerre mondiale est marquée par la création d’institutions destinées à coordonner et à rationaliser l’effort de recherche (secrétariat d’État à la recherche créé en 1954, mise en place du Conseil supérieur de la recherche scientifique, colloque de Caen en 1956, création des Comités interministériel et consultatif de la recherche scientifique et technique, puis en 1961 de la Délégation régionale à la recherche scientifique et technique). Dans les années 1960, ce sont de nouveaux organismes de recherche qui sont créés comme le Centre national d’études spatiales (CNES), l’Institut national pour la recherche médicale (INSERM) mais aussi l’Agence nationale pour la recherche scientifique (1967).

30La loi de 1982 a pour but de dessiner une nouvelle organisation de la recherche à l’échelle centrale mais elle intègre aussi la question de la coordination régionale. L’article 10 de la loi de 1982 dispose que « les choix en matière de programmation et d’orientation des actions de recherche sont arrêtés après une concertation étroite entre la communauté scientifique d’une part et les partenaires sociaux et économiques d’autre part » (cité par Théry, p. 664). Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie est créé à cette date et est le lieu désigné de cette concertation. Les régions acquièrent une compétence en matière de recherche avec la définition des pôles technologiques régionaux et des programmes pluriannuels d’intérêt régional qui donnent lieu à la signature de convention avec l’État. Chaque région doit aussi se doter d’un comité consultatif régional de recherche et de développement technologique (CCRDT) où sont soumis pour avis les programmes pluriannuels d’intérêt régional ainsi que la répartition des crédits publics de recherche dans la région. La loi de 1985 complète la loi de 1982 en mettant encore l’accent sur le rôle des régions dans l’élaboration et l’évaluation de politiques de recherche.

31Depuis la fin des années 1990, l’organisation de la recherche scientifique a connu une forte évolution. La loi sur la recherche et l’innovation du 12 juillet 1999 a ouvert de nouvelles perspectives aux universités et aux centres de recherche publics. La valorisation devient une mission à part entière de l’université et des centres de recherche publics, aux côtés de ses fonctions traditionnelles de recherche et d’enseignement. Garants de la production, de la transmission et du renouvellement des connaissances scientifiques, les universités et les centres de recherche publics doivent devenir les lieux de naissance et de concrétisation marchande des nouveaux projets innovants (entreprises, inventions techniques). Quelle est donc la situation française au regard du carré organique de la valorisation présenté ci-dessus et comment peut-être interprétée la contractualisation des relations universités/État/entreprises ?

2.2 – Évolution et complexification du dispositif juridique de la valorisation

32En France, la loi de 1999 sur la recherche et l’innovation met fin aux sanctions (délit d’ingérence) encourues par les chercheurs lorsqu’ils prenaient intérêts au développement des entreprises. Elle fournit un dispositif complet pour permettre le développement de la valorisation de la recherche en France (voir encadré 1).

Encadré 1 : Les quatre volets de loi sur l’innovation et la recherche (loi n°99-587 du 12 juillet 1999)

- La mobilité « des personnels de la recherche vers l’entreprise » par le biais :
  • de la création d’entreprise valorisant le travail de l’agent concerné, lequel peut garder son statut pendant une période de six ans maximum et réintégrer, ou non, son laboratoire d’origine à l’issue de cette période,
  • du concours scientifique porté par le fonctionnaire à une entreprise innovante (pendant une période de 5 ans maximum),
  • de sa participation au capital d’une entreprise. Cette participation peut représenter jusqu’à 15 % du capital d’une entreprise,
  • de sa participation au conseil d’administration ou au conseil de surveillance d’une entreprise.
Les dispositions de la loi concernent les fonctionnaires civils, titulaires ou stagiaires. Mais les deux premières formes de mobilité vers l’entreprise, à savoir la création d’entreprise à partir de la recherche et le concours scientifique s’appliquent aussi, sous certaines conditions, à certains non fonctionnaires relevant des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche (voir le décret n°2001-125 du 6 février 2001). Le statut juridique de l’entreprise créée est libre mais son activité doit concerner la valorisation de la recherche. Un contrat doit être signé entre l’institution publique et l’entreprise de valorisation.
- Les coopérations entre la recherche publique et les entreprises :
  • la création d’incubateurs d’entreprise et la fourniture de moyens de fonctionnement aux entreprises. Un incubateur est défini comme un lieu d’accueil et d’accompagnement créé par des organismes de recherche ou des universités, pour fournir aux porteurs de projets de création d’entreprises innovantes conseil, financement et hébergement (décret n°2000-893 du 13 septembre 2000),
  • le développement de Services d’activités industrielles et commerciales pour gérer leurs contrats de recherche avec des entreprises ou avec d’autres collectivités publiques, gérer aussi les brevets et les prestations de services (décret en attente),
  • la simplification des formalités administratives pour la création de filiales ou de GIP et le recrutement de personnels contractuels.
- La création d’un cadre fiscal favorable pour les entreprises innovantes :
  • assouplissement du dispositif des bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE),
  • assouplissement du régime des fonds communs de placement innovation,
  • renforcement du crédit impôt recherche.
- Création d’un cadre juridique favorable pour les entreprises innovantes :
  • extension du régime des Sociétés par actions simplifiées aux jeunes entreprises à risque et à fort potentiel de croissance.

33Les premiers résultats quantitatifs ont été assez décevants dans la mesure où ils sont très en deçà des prévisions établies : moins de 0,3 % des chercheurs français concernés par la loi sur l’innovation ont participé à la création d’une entreprise innovante. Des sommes gigantesques ont pourtant été dépensées par les pouvoirs publics pour aider au développement d’entreprises innovantes (soit 300 millions d’euros par an sans compter les aides fiscales). Seulement une poignée de grandes universités et centres publics de recherche, habituées à la recherche contractuelle, ont tiré profit de cette réglementation pour amplifier les relations entretenues déjà de longue date avec les entreprises. Depuis, le cadre réglementaire a fortement évolué en faveur d’une marchéisation plus poussée de la recherche publique…

34La loi de programme du 18 juillet 2006 a un double objectif : il s’agit d’organiser le pilotage de la recherche française, de réorganiser l’évaluation et de renforcer la coopération entre les acteurs de la recherche et entre ceux–ci et le monde économique. Le premier objectif a conduit à la création du Haut conseil de la science et de la technologie (HCST), qui a pour objectif « de mettre en cohérence la politique nationale de la recherche et de contribuer à la rénovation du système français de recherche ». [2] L’Agence nationale de la recherche (ANR), d’abord créée sous forme de GIP est transformée en établissement public administratif et est consacrée en tant qu’agence de financement de la recherche sur projets. Elle devient ainsi un acteur très important pour la programmation de la recherche. L’évaluation de la recherche s’effectue désormais au travers de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) chargée « de l’évaluation des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des organismes de recherche, des unités de recherche, des formations et diplômes d’enseignement supérieur, ainsi que de la validation des procédures d’évaluation de leurs personnels » [3]. La coopération entre les acteurs de la recherche est stimulée par le mode d’attribution des financements de la recherche par l’ANR, qui cherche à favoriser les interactions entre les laboratoires publics et les laboratoires d’entreprises et par la création de plusieurs outils de coopération comme les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) et les centres thématiques de recherche et de soins (CTRS), sur la base de deux nouveaux supports scientifiques : fondations de coopérations scientifiques (FCS) et les établissements publics de coopération scientifique (EPCS).

35La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 juillet 2007. Le but de la réforme de l’université est de la rendre plus « attractive », (face à l’échec des étudiants et leur difficulté à s’insérer dans la vie professionnelle), de « sortir de la paralysie de la gouvernance actuelle » (manque de pilotage, de transparence et d’ouverture vers l’extérieur) et de « rendre la recherche universitaire visible à l’échelle internationale » [4]. Elle donne une plus grande autonomie aux universités en leur donnant la possibilité de définir leur stratégie, de gérer leur budget et leurs recrutements. Elle renforce le pouvoir des conseils d’administration et celui du président.

36Depuis se sont ajoutés d’autres dispositifs comme l’opération Campus [5] lancée en février 2007 qui vise à renouveler l’immobilier universitaire sur un nombre de sites limités (10 prévus lors du lancement) et qui s’avère ainsi être un puissant outil de regroupement intra-universitaire. Les dispositifs du grand emprunt national lancé en 2010 complètent les mesures déjà mises en œuvre par le gouvernement. Il vise à financer des investissements publics ciblés sur des projets rentables. 35 milliards d’euros de crédits doivent être dédiés au financement des investissements d’avenir dans quatre secteurs prioritaires : l’enseignement supérieur, la formation et la recherche (19 milliards d’euros) ; l’industrie et les PME (6,5 milliards d’euros) ; le développement durable (5 milliards d’euros) et le numérique (4,5 milliards d’euros).

37Ces différents instruments s’ajoutent aux pôles de compétitivité crées en 2005, et qui s’inscrivent dans la nouvelle politique industrielle française. En effet, les années 1990 et 2000 ont vu l’émergence d’une nouvelle politique industrielle. La politique industrielle traditionnelle fondée sur le grands programmes et la construction de champions nationaux a surtout favorisé un petit nombre de grandes entreprises et la politique d’aménagement du territoire fondée la concentration des moyens dans un domaine donné et sur un périmètre géographique précis n’a pas toujours été à l’origine des effets d’entraînement escomptés. Le rôle de l’État s’est d’abord orienté vers la définition d’un cadre réglementaire favorable à l’activité des entreprises par le biais de politiques conjoncturelles (fiscalité notamment) mais aussi de politiques plus structurelles (propriété industrielle, infrastructures, R&D…). Ce sont les politiques d’attractivité. Dans un second temps l’État est aussi intervenu (c’est le cas de la période actuelle) sur les moyens organisationnels d’action entre institutions : c’est le cas des pôles de compétitivité mis en place en 2005. Leur définition officielle est la suivante : « Un pôle de compétitivité est sur un territoire donné, l’association d’entreprises, de centres de recherche et d’organismes de formation, engagés dans une démarche partenariale (stratégie commune de développement), destinée à dégager des synergies autour de projets innovants conduits en commun en direction d’un (ou de) marché(s) donné(s) » [6]. Ces pôles devraient ouvrir des nouvelles perspectives en matière de contractualisation et de la valorisation de la recherche effectuée dans les laboratoires universitaires (Uzunidis, 2010).

2.3 – Impacts de la montée de la contractualisation sur le système de recherche français

38Les différentes réformes et la modification du cadre légal de la recherche et de l’innovation ont contribué à transformer le système de recherche français, traditionnellement hiérarchisé et centralisé. Cette transformation se traduit par :

  • La « marchéisation », qui signifie l’introduction de règles de fonctionnement (accent sur la performance et le retour sur investissement) issues du secteur privé dans une institution publique, en l’occurrence ici le système de recherche publique (Uzunidis, 2003 ; Laperche, 2003). La loi organique relative aux lois de finances de 2001 et qui s’est appliquée par étapes à toute l’administration en 2006 illustre et encadre ce changement en plaçant la « performance » au cœur de la gestion budgétaire.
  • Le poids croissant des relations contractuelles (financement de la recherche sur projet, Contrat de plan État-Région). À ce sujet, Futuris estime qu’entre 1997 et 2007, la recherche publique sur projet est passée de 11,3 % à 16,5 % de la dépense intérieure de recherche et de développement des administrations (DIRDA) ; cette augmentation reposant sur la croissance du financement public et non sur celle des entreprise, dont le volume des contrats a lui diminué (cité par Kergueris et Saunier, 2008, p. 85).
  • La concentration et la collaboration entre les acteurs de la recherche publique et entre ceux-ci et le monde de la recherche dans une optique de compétitivité.
  • La responsabilité croissante de l’échelon territorial (pôles de recherche régionaux d’enseignement et de recherche) dans l’orientation et la programmation. Par exemple, selon le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), créés en 2006, permettent aux universités, grandes écoles et organismes de recherche, de mettre en cohérence leurs différents dispositifs, de mutualiser leurs activités et leurs moyens. L’objectif est de proposer une offre de recherche et de formation plus cohérente, plus lisible et mieux adaptée aux besoins des territoires (institutions et entreprises) et de concurrencer les grandes universités étrangères.
De ce fait, les politiques de marchéisation des universités mises en place au cours des années récentes vont dans le sens d’un assouplissement des règles liées à la création d’entreprise et à la coopération avec les entreprises, même si celles-ci restent dans un grand nombre de cas un parcours long et difficile. Restent les incitations existantes au sein des universités et des structures de recherche. Celles-ci pourront se développer par le biais de la sensibilisation certes, mais surtout par le biais de l’accroissement de la flexibilité, de la concurrence et de la mobilité des chercheurs. Là encore, la marche vers un système plus ouvert semble s’engager. Mais le système d’éducation et de recherche français s’est construit sur la base des idées clés du service public (voir sur l’évaluation des politiques vers une autonomie des universités, Jorda, 2007) : accès à la formation et aux connaissances produites par la recherche au plus grand nombre et dans des conditions d’égalité. Si ce système est considéré comme source de cloisonnement, de hiérarchie et de bureaucratie, une privatisation large des systèmes universitaires peut, elle aussi, avoir des conséquences néfastes (accès plus difficile à la formation et à la recherche, précarisation du travail du chercheur, vision à court terme du développement des formations, négligence de la recherche fondamentale, etc.)

2.4 – La valorisation de la recherche publique en débats

39La transformation du système universitaire suscite nombre de réflexions. Sans entrer dans le détail des débats en cours dans les différents pays qui transforment actuellement les institutions de recherche universitaire et publique, nous mentionnons simplement quatre axes de discussion importants.

40Le premier concerne le devenir de la recherche fondamentale non orientée, garante du progrès technique à long terme. Le financement privé introduit des contraintes de temps et induit une orientation des recherches vers des applications précises. L’OCDE (1998) rapporte à ce sujet que les financements disponibles pour les recherches fondées sur la simple curiosité tendent à diminuer. La nécessaire liberté de la recherche semble ainsi remise en cause. L’orientation des financements risque de conduire à une spécialisation croissante des recherches dans des domaines clés et selon les clauses des contrats ; ce qui peut conduire à une forte hiérarchisation des disciplines.

41Le second axe de réflexion concerne le devenir des structures universitaires notamment en Europe et en France en particulier où la notion de service public est très présente comme nous l’avons noté plus haut. Une refonte des statuts des chercheurs, l’introduction de la concurrence et de la flexibilité, le coût d’application des nouvelles réglementations (nécessaire accroissement du personnel technique, paiement des chercheurs créateurs d’entreprises, entretiens des incubateurs…) risquent d’entraîner une hiérarchisation des universités (celles qui parviennent à accroître leur autofinancement, celles qui n’y parviennent pas…). « Pour les premières, l’entrepreneurialité de la recherche créera un cercle vertueux de croissance ; pour les secondes, il s’agira d’un cercle vicieux de dispense de formations sans issue sur le marché du travail » (Uzunidis, 2001).

42Le troisième axe concerne les questions liées à l’appropriation privée des résultats de la recherche. La question est la suivante : pour susciter une large diffusion des connaissances et mettre au jour les secrets cachés entre les éprouvettes des laboratoires, faut-il favoriser une appropriation exclusive des connaissances par les entreprises (octroi par les universités de licences exclusives) ou bien les offrir gratuitement à l’ensemble de la société. L’idée de permettre aux universités d’exploiter les résultats de la recherche (dépôt de brevets, vente de licences exclusives) relève de la volonté d’une part d’accroître leur autofinancement mais aussi de promouvoir une plus grande diffusion (et un plus grand usage commercial) des connaissances dans la société. L’idée sous-jacente est que les entreprises exploiteront plus facilement les connaissances si elles sont en situation de monopole (par le biais de licences exclusives). Mais les études récentes tendent à démontrer que les résultats de recherche les mieux exploités sont ceux qui ne font pas l’objet de licences exclusives… De plus la multiplication des brevets déposés et obtenus au cours des 20 dernières années ont posé de nombreuses difficultés d’accès aux connaissances, conduit à un renchérissement du coût de l’innovation et à la montée des critiques soulignant le caractère souvent improductif des brevets (Gallini, 2002 ; Stiglitz, 2008).

43Enfin un dernier axe de réflexion est celui de l’existence ou non d’une demande réelle pour mettre en œuvre les résultats scientifiques de la recherche. Les lois destinées à transformer les systèmes universitaires et de la recherche constituent des politiques d’offre scientifique et technique. Mais qu’en est-il de la demande ? Les entreprises sont-elles prêtes à investir de lourdes sommes pour donner naissance à des produits dont la rentabilité n’est pas assurée ? D’autant que nombre de progrès scientifiques et techniques actuels concernent non pas les consommateurs individuels mais la société dans son ensemble (voir les communications haut débit, le clonage thérapeutique,…). De plus la demande des entreprises n’est pas uniforme et dépend fortement des caractéristiques du milieu étudié. On peut ainsi considérer que la demande scientifique et technique sera plus forte dans une région riche (en capital humain et en capital financier) que dans des régions plus traditionnelles.

44Le rapport Futuris réalisé sous la direction de F. Ailleret (2010) et définit des scénarios d’évolution à partir des réponses possibles à ces questions. Un de ces scénarios « Nouveaux équilibres, vers un rôle nodal de l’université » repose sur une orientation forte de la recherche au niveau national, une programmation claire réalisée par le biais de l’ANR et des alliances. Les universités sont restructurées en une douzaine de grands pôles universitaires qui sont les acteurs majeurs de la recherche et de l’enseignement surtout au niveau master et doctorat. Autour gravitent une cinquantaine d’autres universités moins prestigieuses mais délivrant tout de même des doctorats dans des domaines spécialisés. Les organismes plus sont reconfigurés et leur place dans le dispositif est réduite. Mais un autre scénario « Concurrence et fragmentation » peut être le suivant : une faible organisation des activités d’orientation et de programmation de la recherche où les intervenants sont multiples et peu coordonnés. La concurrence entre les acteurs, basée sur la performance et l’efficacité, est généralisée : les acteurs les plus forts s’organisent en sous-ensembles visibles et performants tandis que les plus faibles s’engagent dans une « spirale de déclassement ». Aucun acteur ne domine véritablement le système tant dans les fonctions d’orientation, de programmation ou de réalisation de la recherche. L’autonomie des universités est contrainte par les difficultés financières.

Conclusion

45Innover est le premier objectif des entreprises dans une économie qui a besoin de nouvelles valeurs marchandes, de nouvelles activités et de nouvelles niches de profit. À l’heure actuelle, l’innovation est en grande partie dépendante de la capacité à marchéiser (via la multiplication des contrats avec les différentes institutions économiques) le travail scientifique et l’appropriation de ses résultats par les entreprises innovantes. Les paramètres « temps » (de transfert et de valorisation) et « coût » (social) d’appropriation de la connaissance marchéisée nécessitent la mise en place d’un cadre légal d’accumulation nouveau qui doit assurer la cohérence entre la logique du chercheur et celle de l’entrepreneur. Ce cadre, créé pour maintenir ouvert, au bénéfice des entreprises, le « réservoir scientifique » est souvent qualifié d’inopérant à long terme, parce qu’il sacrifie la « science autonome » (fondamentale développée par la simple curiosité du chercheur) au profit de la recherche orientée et appliquée. Ce qui peut être vrai, sauf si nous considérons que l’objectif du profit est, à court terme, plus important que le cycle économique qui pourrait démarrer grâce aux applications de la science à plus long terme.

46Dans tous les grands pays, la recherche fondamentale est essentiellement réalisée dans les universités et les centres de recherche financés exclusivement ou majoritairement par l’État. Pour rendre compatible la logique universitaire (carrière et ambition du chercheur, enseignement, évaluation scientifique des résultats des recherches, etc.) avec la logique industrielle, le nouveau cadre d’accumulation appliqué à la science (Uzunidis, 2001) comporte les caractéristiques suivantes : a) la réduction des financements publics et la contractualisation de la recherche, où le critère de « retour sur investissement » détermine le choix des projets et le suivi des travaux effectués ; b) la création des institutions de valorisation de la recherche au sein des universités, où les « centres d’excellence » se chargent des contrats, du dépôt de brevets, de la cession de licences et de la création d’entreprises technologiques ; c) l’élaboration des statuts privés pour les chercheurs désirant entrer dans une équipe de recherche ou en sortir pour créer leurs entreprises, exploiter « leurs » brevets (ou ceux du centre qui les emploie) ou changer d’emploi ; d) le développement des institutions de financement de l’innovation et de la création d’entreprises innovantes de type capital-risque ou capital-investissement.

47L’ouverture réussie de ce « réservoir scientifique public » au marché et son intégration aux grappes entrepreneuriales d’innovations dépend de la systémique des relations qui s’établissent entre la réglementation (statuts adéquats des chercheurs, garantie de la propriété intellectuelle, contractualisation satisfaisante,…) ; le financement de la R&D et l’allocation des capitaux publics (intra et inter universitaire et disciplinaire) ; la stratégie universitaire (projet et normes de fonctionnement) ; le milieu économique et l’esprit d’entreprise (incitations diverses de transfert de connaissances et de création d’entreprises innovantes). Ce « carré organique de la valorisation » de la recherche publique (Laperche, 2002) est aujourd’hui au centre des politiques de l’innovation dans tous les grands pays du monde.

48Mais les logiques contractuelles et logiques financières qui dominent la formation et la mise en valeur du capital technologique (associant savoir scientifique, savoir industriel et ingénierie de l’innovation) conduisent les grandes entreprises à sélectionner celles parmi les applications scientifiques qui peuvent avoir la plus importante rentabilité à court terme. Le résultat est que la rapidité avec laquelle doit se réaliser le cycle du capital dans une économie de forte concurrence et souvent volatile empêche l’entreprise ou le réseau d’entreprises de programmer les applications industrielles des connaissances scientifiques qu’elle ou qu’il s’approprie. Il arrive de les laisser périr avant même, faute de rentabilité, qu’elles soient effectivement transformées en innovations. On risque ainsi d’aboutir à un ensemble d’initiatives désordonnées (« avancer par tâtonnements dans la contractualisation ») de la part des entreprises et des universités qui peuvent nuire aux objectifs pourtant recherchés : l’excellence scientifique et le renforcement de la compétitivité.

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Date de mise en ligne : 15/11/2012

https://doi.org/10.3917/maorg.013.0107

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