1Le tourisme, activité humaine, est la réponse qui satisfait la personne et ses valeurs, la société et ses objectifs, l’Etat et ses ambitions budgétaires. Cette activité humaine s’est institutionnalisée au fil des générations depuis son émergence au 19e siècle, passant d’un besoin individuel partagé d’une classe sociale (l’aristocratie anglaise) à un besoin suscité, orienté, cultivé, démocratisé. Tout cela explique l’intérêt grandissant des petites et grandes entreprises, des Etats, pour cette source de revenus non négligeable.
2D’où la nécessité d’anticiper les besoins et les désirs exprimés par les touristes potentiels, bref, la nécessité d’innover.
3L’innovation en matière touristique, traitée dans ce recueil, reflète les préoccupations des auteurs à l’intérieur de cadres socioéconomiques divers résultant :
- 1 : de l’historicité
- 2 : du niveau de développement économique
- 3 : de la vision stratégique du rôle alloué au tourisme
- 4 : de la synthèse géostratégique de l’impact de ce secteur
41. Perspective historique :
5C’est à cela que nous renvoie l’article de Michèle Clotilde et d’Alioune Ba, article qui nous relate la démarche cognitive d’un acteur du 19e siècle, en prise sur son environnement, au double niveau social et territorial.
6Socialement « intégré » parce qu’auréolé de son statut de fils de corsaire, dans la mouvance de Jean-Bart et autres Surcouf, Monsieur Malo investit dans la luzerne et acheta des dizaines d’hectares de dunes pour la cultiver. Son échec dans ce secteur et son désir de « rebondir » l’amenèrent à s’intéresser à l’immobilier ; une conjonction d’opportunités dans un arrière plan socioéconomique et territorial évoluant vers les loisirs : attrait des aristocrates anglais pour la Côte d’Azur, ouverture d’une ligne de chemin de fer Paris-Nice, mode américaine des bains de mer et apparition des congés payés, donna naturellement au site une orientation touristique.
7Si bien qu’on peut dire que c’est l’interaction cognitive de l’acteur avec son environnement qui détermine non seulement les choix de secteurs d’activités mais aussi celui des productions innovantes lui permettant d’assurer l’évolution auto poïétique de son entreprise.
82. Le niveau de développement économique :
9Le concept de tourisme ayant émergé en Occident est très vite récupéré par les PVD comme voie et moyen de leur stratégie de développement tout en demeurant un secteur de plus en plus important de l’économie des pays développés.
10Et c’est sur le rôle social de ce secteur qu’un riche débat s’amorçe, par articles interposés, entre d’une part une vision du Sud véhiculé par Oumar Faye et Alioune Ba, et d’autre part, la vision nordiste qu’incarne Jean-Marie Hazebroucq.
11A partir du constat d’un développement asymétrique du secteur avec, d’un côté les grands groupes et, de l’autre, une multitude de petits opérateurs, Messieurs Ba et Faye définissent de nouveaux enjeux économiques du secteur, en mettant l’opérateur privé local au cœur du débat sur la lutte contre la paupérisation et pour le développement durable, voire au cœur de ce que devrait être la politique des autorités en matière de tourisme. Il s’agit d’un parti-pris qui leur semble plus à même d’assurer l’appropriation des problématiques du tourisme pour les populations avec tout ce que cela implique en termes de motivation, de formation et d’accompagnement des acteurs locaux et en matière d’innovation financière dans le développement équitable des activités d’un secteur aussi vital pour l’économie nationale.
12Dans le même ordre d’idées, A. Ba et M. Clotilde interrogent la relation client dans une démarche de CRM (Consumer Relationship Management) qu’il serait judicieux d’insuffler aux autorités des PVD. Selon eux, une France qui reste le premier marché émetteur vers un Sénégal qui est la première destination touristique en Afrique noire, méritent bien l’élaboration d’un outil de veille stratégique qui serait en même temps une source d’innovations en matière de communication et de marketing. Mais, comme nul ne peut se déclarer plus royaliste que le roi, leur louable tentative est venue buter contre le mur du silence érigé par les autorités dûment sollicitées. A la décharge de ces dernières, notons néanmoins que, de même que « noblesse oblige », on pourrait dire aussi que « période électorale oblige … au gel des projets ».
13Au constat d’un développement asymétrique fait écho l’article de Gilles Caire et Pierre Le Masne sur « la mesure des effets économiques du tourisme international sur les pays de destination ».
14Nonobstant la confiance que les institutions internationales comme l’UNESCO, la Banque Mondiale, L’Union Européenne, l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) accordent au tourisme international comme moyen de favoriser le développement et comme outil de lutte contre la pauvreté, les critiques font état de la trop faible partie de la dépense touristique des voyageurs qui reviendrait en fin de compte aux pays en développement. Le CNUCED ferait état d’un taux de « fuites » qui friserait les 80 % dans les PMA d’Afrique. La méthodologie émergente des comptes satellites du tourisme (CST) permettrait, si elle était généralisée, de connaître l’impact réel du tourisme international sur l’économie des PVD.
15En dernière analyse, ce sont l’écotourisme et le tourisme d’aventure qui seraient le moins des sources de fuites, par comparaison au tourisme balnéaire et à ses forfaits séjours. C’est dire que ces deux créneaux constituent des axes majeurs d’un tourisme durable dont bénéficieraient en priorité les populations locales.
16Et l’un des auteurs de se faire l’avocat d’un tourisme solidaire : Gilles Caire nous le présente à la fois comme un instrument de lutte contre « la pauvreté d’accessibilité » et un projet de développement humain intégré porté par une collectivité le plus souvent villageoise. En intégrant des idéaux à forte résonance cosmique dans un processus économique mutualisé, le tourisme solidaire, en mettant l’homme et la rencontre au cœur de sa démarche, s’inscrit résolument dans une perspective de développement durable et d’interactions pacifiques entre les peuples.
17Né dans les années 1990 dans la mouvance du commerce équitable, ce type de tourisme constitue une « niche » dont le développement futur est indissociable de l’implication altruiste d’acteurs du Nord (ONG, institutions décentralisées) et de l’intégration de projets de développement propres à l’économie solidaire (construction d’écoles, de postes de santé et autres infrastructures). Il constitue à la fois un défi et un contre feu au libéralisme intégral dans un contexte globalisé en lui substituant le paradigme novateur du « faire richesse ensemble ».
18Intégration et concentration au nord, atomisation et créneaux balbutiant au Sud, c’est sur cet arrière - plan que s’inscrit l’article de Jean-Marie Hazebroucq intitulé « Destinations innovantes et développement du tourisme ». La méthode, le partis-pris technocratique et le souci d’efficience refont surface non sans légitimité avec cet article et nous ramènent à la nécessité d’une gestion rigoureuse des projets touristiques tant le poids économique du secteur est important pour une France devenue une destination majeure en concurrence avec d’autres. A ce titre la singularité du « système tourisme » repose sur la triple spécificité 1) de ces « matières premières » en l’occurrence les territoires des destinations, 2) de ces « nouveaux produits » ou la notion même de produit cause problème 3) et de ces acteurs qu’ils soient entrepreneurs ou touristes-consommateurs. Elle nécessite la rigueur de la démarche de gestion de projets pour en gérer la complexité.
19C’est justement à cette complexité que s’attaque l’article de Hassan Zaoual : « Du tourisme de masse au tourisme situé : quelles transitions », mais avec les méthodes interdisciplinaires et interculturelles de la théorie des sites symboliques. Hassan Zaoual fait une relecture des tendances du tourisme, tantôt à l’aide de constats empiriques, tantôt à l’aide d’arguments logiques et théoriques ouvrant la voie à un approfondissement de l’analyse par les sites symboliques.
20Nous espérons que la lecture de cet ouvrage favorisera la réflexion d’acteurs aussi divers que les institutions décentralisées, les candidats entrepreneurs, les autorités ministérielles de pays en développement ainsi que les opérateurs économiques du Nord et du Sud dans leur souci de trouver des gisements de croissance pour leur entreprise ou des opportunités de création dans ce secteur dont la vitalité n’est plus à démontrer.