Notes
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[1]
Dom Bernard Botte, Ambroise de Milan, Des mystères, 2, Cerf, Paris, 1961, p. 157.
-
[2]
Paul De Clerck, L’intelligence de la liturgie, Cerf, Paris, 1995, p. 38-39.
-
[3]
Dom Robert Le Gall, Dictionnaire de la liturgie, Éd. CLD, Chambray, 1982, p. 174.
-
[4]
Cette activité est parue dans Luc Aerens, Jean-Philippe Deprez et Danielle Yannart, Qui est le plus grand ? Guide pédagogique 3, Lumen Vitae/De Boeck, coll. Champs de Grâce, Bruxelles, 1995, p. 225-230.
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[5]
Pape François, Lettre encyclique Laudato si’, Fidélité, Namur, 2015.
-
[6]
Une présentation du plogging est parue dans le Lulu Magazine no 15 du printemps 2019, p. 60-61.
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[7]
Le plus grand parc européen actuel de réalité virtuelle se trouve à Mouscron, en Belgique, tout près de la frontière française (Hauts de France).
1Depuis une quarantaine d’années, en Belgique francophone, ont été expérimentées et pratiquées des animations catéchétiques qui réunissent activités sportives et spiritualité chrétienne sous l’appellation d’« animations gymno-bibliques ». Les lignes qui vont suivre vont permettre d’en découvrir le concept, les enjeux catéchétiques et le fonctionnement. Je vais également en présenter un florilège d’exemples vécus.
2Précisons que la présente contribution se situe dans le champ précis de la recherche en pédagogie catéchétique.
Conceptualisation
3Il existe une très large variété de pistes en pédagogie catéchétique pour permettre à des groupes intergénérationnels ou d’âges homogènes de vivre des initiations, approches et animations en vue de découvrir puis d’approfondir les diverses composantes de la vie chrétienne. Une des missions des chercheurs et des responsables de la pastorale catéchétique consiste justement à en explorer de nouvelles pistes, à les conceptualiser, les expérimenter et les proposer aux communautés chrétiennes, grâce à l’édition de publications, à l’organisation de formations et à l’animation concrète sur le terrain pastoral.
4Ainsi a-t-on vu développer, ces dernières décennies, de nombreuses approches catéchétiques incluant le jeu, les réseaux sociaux, le cinéma, le théâtre, la création littéraire, les arts graphiques, les bandes dessinées, etc. Autant de preuves de l’inculturation de la catéchèse.
5C’est dans ce cadre d’inculturation que se situent les animations gynmo-bibliques. Le concept global en est le suivant : il s’agit d’activités catéchétiques qui incluent diverses pratiques sportives. Au départ (d’où l’appellation « gymno-biblique »), il s’agissait de permettre à des personnes de découvrir, d’approfondir et même de vivre le contenu d’un récit biblique au travers d’activités proposées et de matériel utilisé dans les salles de gymnastique. Par extension, d’autres dimensions de la vie chrétienne (engagements caritatifs, sacrements, missions d’évangélisation, vie morale, credo, etc.) ont pu être approchées par des activités qui incluent la pratique d’autres sports.
Par souci de compréhension, les lecteurs qui le désirent peuvent d’emblée, à ce stade, découvrir une série d’exemples concrets dans la dernière partie de cet article (Florilège d’exemples vécus) pour revenir ensuite à la conceptualisation et à la construction par étapes que requièrent la création et l’animation d’activités gymno-bibliques.
Construction par étapes
Quatre étapes préparatoires
7Comme toujours, en pédagogie catéchétique, une activité qui sera proposée au sein d’une communauté chrétienne relève d’une construction méthodique. En ce qui concerne les activités gymno-bibliques, en voici les principales étapes :
Travail sur le texte biblique (ou par extension sur une dimension de la vie chrétienne)
8Il s’agit, avant toute recherche de construction d’activité, de cerner de manière approfondie l’essentiel du contenu du texte biblique ou de l’objet de la vie chrétienne que l’on désirera faire découvrir et/ou approfondir par les personnes présentes.
9Pour un texte biblique, il s’agit évidemment de le lire, de se laisser interpeller, de pratiquer un partage entre animateurs, et aussi de le travailler, de le méditer à l’aide d’outils exégétiques, homilétiques et de commentaires fondés. Pour une dimension de la vie chrétienne, il est essentiel d’étudier son contenu, ses racines, ses enjeux, ses éventuels rites ou pratiques, ses relations avec d’autres dimensions de la vie chrétienne.
10Ce travail de base est indispensable pour que les étapes suivantes de la construction pédagogique puissent bien être au service de ce qui constitue l’objet catéchétique et non être une simple approche sympathique vaguement en rapport avec la thématique choisie. Pire encore serait une activité uniquement occupationnelle, voire même une manipulation du groupe où l’activité sportive ne servirait que d’appât pour pouvoir placer un discours à caractère religieux.
Travail de réflexion sur l’esprit de la pratique sportive
11Une deuxième étape s’avère nécessaire, toujours avant la construction effective de l’activité catéchétique, du moins lorsqu’on entreprend pour la première fois une recherche de ce genre. Il s’agit pour l’équipe d’animation de s’apprivoiser l’esprit qui devrait présider à toute activité sportive et que le sport-spectacle professionnel a, en partie, oblitéré, voire corrompu.
12L’esprit sportif est fait de connaissance de soi (ses limites et ses possibilités), de dépassement de soi (« Citius, altius, fortius », « plus vite, plus haut, plus fort », Pierre de Coubertin utilisait volontiers le mot perfectionnement), d’humilité tant dans la victoire que dans la défaite, de fair-play, de respect de règles, de respect des adversaires, de droiture (Pierre de Coubertin parlait même de chevalerie), d’épanouissement de la personne (« mens sana in corpore sano », « un esprit sain dans un corps sain »), de participation (l’important est de participer), de participation à des compétitions pacifiques (au lieu d’affrontement agressif, voire guerrier), d’ouverture à tous (au-delà des origines, des sexes, des handicaps, des nationalités, des religions et options philosophiques…), de la recherche de l’excellence (donner le meilleur de soi). Les sports d’équipe cultivent en outre, le don de soi pour la collectivité, le sens du service et de l’abnégation pour que l’autre soit en position de réussite, l’entraide du plus fort en faveur du plus faible, etc.
13Il tombe sous le sens qu’un tel esprit est un terreau totalement compatible avec la spiritualité chrétienne. Il est un substrat pouvant éventuellement y conduire pour celui qui la cherche et le désire. Livrons ici quelques exemples de compatibilité (trop) rapidement esquissés entre l’esprit sportif et l’esprit évangélique :
- Chacun est appelé à participer, compte tenu de ses limites et de ses possibilités. Cela se retrouve dans : « Il remit à l’un cinq talents, à un autre deux, à un troisième un, chacun selon ce qu’il peut porter » (Mt 25, 15).
- L’ouverture à tous est évoquée par l’apôtre Paul : « Il n’y a plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, ni homme, ni femme » (Ga 3, 28) et aussi « Je me dois aux grecs comme aux barbares, aux gens cultivés comme aux ignorants » (Rm 1, 14).
- Le service à autrui est évidemment une caractéristique fondamentale de la posture christique : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20, 28). Le lavement des pieds le souligne opportunément (Jn 13,1-16). De même, Jésus déclara : « Si quelqu’un veut être le premier, il doit être le dernier et le serviteur de tous » (Mc 9, 35).
- Le respect des règles. La rencontre entre Jésus et l’homme riche est, à ce sujet, éloquente surtout chez Marc : « J’ai obéi à tous ces commandements depuis ma jeunesse. Jésus le regarda avec amour » (Mc 10, 20-21).
- L’humilité est bien sûr présente chez Paul : « Soyez toujours humbles, doux et patients » (Ep 4, 2). Jésus n’est-il pas la figure humble par excellence ?
- L’esprit d’équipe et d’entraide est souligné dans la même lettre aux Éphésiens : « Supportez-vous les uns, les autres avec amour. Efforcez-vous de maintenir l’unité » (Ep 4, 2-3).
14Il est assez curieux de constater, d’autre part, que plusieurs expressions chères à l’esprit sportif et olympique proviennent de sources ecclésiastiques. Deux exemples parmi d’autres : c’est l’abbé Didon, créateur au collège dominicain Albert-le-Grand à Arcueil d’une des premières associations sportives et collaborateur du baron Pierre de Coubertin qui est à l’origine de l’expression « Citius, altius, fortius » ; et c’est le sermon d’un évêque de Pennsylvanie qui inspira la formule : « L’important est de participer ».
Travail de réflexion pour choisir l’activité sportive en adéquation
15On arrive ici au cœur du processus de création en ce qui concerne la pédagogie catéchétique d’une animation gymno-biblique. C’est l’étape la plus délicate, celle qui va engendrer une animation gymno-biblique valable ou, au contraire, va produire une activité spirituellement faible, voire stérile.
16Il s’agit de réussir à choisir une activité sportive qui permette aux membres du groupe de vivre par le corps et l’esprit ce que le récit biblique (ou par extension la dimension de vie chrétienne choisie) veut permettre de découvrir et d’approfondir. Il s’agit de vivre une activité importante pour chacun des participants dans son chemin d’humanité, dans son rapport à soi et aux autres, au Tout-Autre. L’activité gymnique et plus largement sportive permet justement à l’être humain d’être totalement parce qu’aussi corporellement engagé dans une démarche, pas seulement d’y réfléchir. Le secret de réussite du choix de l’activité gymnique consiste dans le fait que les personnes qui vivront l’activité vont réellement se retrouver dans la situation que l’on désire faire explorer.
17Je choisis d’illustrer cette étape par trois exemples concrets.
18- Premier exemple : L’animateur en catéchèse désire faire vivre la dimension de la confiance, par exemple dans la mouvance de la découverte des psaumes de confiance en Dieu (Ps 39/38, 8 ; Ps 40/39,4 ; Ps 130/129, 5 ; Ps 143/142, 8…). Pour cela, l’animateur ou l’animatrice envisage d’installer (ou de faire installer) un parcours, dans une salle de gymnastique, à partir d’engins habituels (poutres d’équilibre, cadre ou mur d’escalade, tapis de sol, bancs de gymnastique, etc.). Chaque membre du groupe sera appelé à travailler en binôme (c’est-à-dire avec un partenaire). Un des membres du binôme aura les yeux bandés. L’autre va le guider uniquement par la voix (donc sans pouvoir toucher son partenaire) afin qu’il puisse accomplir son parcours sans danger de chute, de blessure ou qu’il ne se cogne pas. Le premier devra vraiment faire confiance à son binôme. Celui-ci devra mériter cette confiance en l’exerçant réellement. À l’issue du parcours, les rôles seront inversés.
19- Deuxième exemple : L’animateur en catéchèse choisit de faire vivre à son groupe une expérience qui ouvre à la découverte de la patience de Dieu à notre égard. Cette catéchèse peut être construite dans le cadre d’une découverte biblique ou aussi, par exemple, à l’occasion d’une réflexion abordant le sacrement de réconciliation. Cette fois, ce seront des engins de gymnastique qui vont mettre en œuvre la faculté d’équilibre des membres de son groupe : poutres d’équilibre parallèles au sol, mais aussi ascendantes et descendantes, à largeurs différentes, non placées de manière rectiligne, mais avec des trajectoires changeantes à négocier au cours de la progression. Dans un premier temps de l’activité, chaque membre du groupe sera tenu de réaliser le parcours d’équilibre dans un temps fixé. La règle est qu’en cas de chute (veiller à la sécurité !) ou de dépassement du temps fixé, on soit immédiatement éliminé. Beaucoup le seront, sans doute. Dans un deuxième temps, l’animateur modifiera la règle en admettant que celui qui est tombé puisse recommencer l’ensemble du parcours. Dans un troisième temps, l’animateur stipulera que celui qui chute pourra continuer là où il était tombé et même qu’il puisse se faire aider par d’autres pour le tenir, le conseiller…
20- Troisième exemple : Dans un bassin de natation, l’animateur catéchétique choisit de faire affronter des équipes en course-relais. Le deuxième nageur de l’équipe ne pourra s’élancer en se jetant à l’eau que lorsque celui qui le précédait aura terminé sa longueur de bassin en touchant le bord, et ainsi de suite pour tous les nageurs de chaque équipe. Une seule équipe gagnera le trophée. La catéchèse portera cette fois sur la découverte, dans les évangiles synoptiques de la réaction des Douze à partir de l’annonce de la passion lors de la Cène par Jésus jusqu’à sa mise au tombeau, par rapport à la réaction des saintes femmes (Mt 26, 20 – 27, 56 ; Mc 14, 17-25, 41 ; Lc 22, 14 – 23, 56). C’est la question de la solidarité mutuelle qui est ici en jeu. L’animateur/trice laissera les membres de chaque équipe gérer le résultat de la course-relais. Les vainqueurs exulteront et célébreront sans doute leur victoire, éventuellement se moqueront-ils des perdants. Ces derniers se feront peut-être des reproches, accusant les moins bons nageurs d’être cause de leur échec…
21Afin de ne pas s’égarer sur de fausses pistes en opérant des choix d’activités gymno-bibliques erronés, l’expérience montre qu’il est sage pour des animateurs catéchétiques néophytes en la matière, de se faire assister, lors de leurs premières expériences d’animation pour ces trois premières étapes et spécialement pour cette troisième (celle du choix), par des personnes compétentes (animateurs/trices pastoraux, prêtres ou diacres spécialistes en catéchèse, animateurs ayant déjà pratiqué et évalué des activités gymno-bibliques, responsables diocésains…).
Préparation concrète du lieu et du matériel nécessaire
22L’animateur catéchétique veillera évidemment pour cette nouvelle étape à préparer le lieu où se déroulera l’activité gymno-biblique en rassemblant et disposant le matériel selon son schéma de préparation. Il peut évidemment se faire aider par des personnes compétentes (moniteurs ou entraîneurs sportifs, professeurs de gymnastique, préposés au matériel…), mais éventuellement aussi par certains membres ou par tous les membres de son groupe de catéchèse. Dans ces deux derniers cas, il peut choisir, soit de leur révéler dès cette phase préparatoire les tenants et aboutissants, les motivations, objectifs et enjeux de l’activité, faisant ainsi de certains (ou de tous) des membres actifs, participatifs, conscients, dès avant l’activité ; soit de leur demander de collaborer à la préparation matérielle de l’activité sans encore leur en révéler le fonctionnement et/ou les motivations profondes. L’expérience montre que dès la deuxième activité gymno-biblique, dès que les membres du groupe sont confrontés au matériel, plusieurs (parfois tous !) s’interrogent déjà sur ce qui les attend et sur ce qui motive l’activité. On touche ici à un des ressorts majeurs de la pédagogie participative.
Animation gymno-biblique
23Les quatre étapes préparatoires étant accomplies, l’animation gymno-biblique elle-même peut être mise en œuvre.
Invitation et présentation lointaine de l’activité
24L’animateur catéchétique invite les personnes attendues à l’activité gymno-biblique. Divers médias sont possibles selon les habitudes et les moyens pratiqués dans le groupe (courrier postal, courriel, page Facebook, SMS, annonces verbales, affiches…). On sait qu’une communication est d’autant plus efficace qu’elle est répétée plusieurs fois, par des médias et des personnes et à des moments différents.
25Il nous faut insister sur le fait qu’une annonce, qu’une invitation, est en soi déjà une catéchèse. Elle offre et révèle déjà une part du contenu (avec illustrations adaptées), elle invite chacun en montrant l’importance de la rencontre communautaire, tout en laissant libre d’y venir. L’absent ne peut se sentir rejeté. La catéchèse se vit toujours dans une pédagogie de la proposition. Le ton donné dès ce moment révèle quelque chose de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle, il souligne le climat communautaire, il offre une invitation à découvrir et approfondir toujours davantage sa spiritualité. Il s’agit bien d’un cheminement.
26Pour une activité gymno-biblique, il est parfois important de signaler dans l’invitation un matériel, un type de chaussures ou de vêtement adéquats.
Présentation de l’activité au groupe
27Lorsque le moment de l’animation gymno-biblique est arrivé, l’accueil doit également être chaleureux. L’animateur prend des nouvelles de chacun et de ses proches, l’accueil peut se vivre autour d’un verre de l’amitié. Ce moment informel est pour les membres du groupe, une deuxième catéchèse après celle de l’invitation. Celle de la joie de la vie communautaire.
28Vient alors le moment de la présentation de l’activité, sur le lieu même de son déroulement ou du départ de celui-ci s’il s’agit d’une randonnée, d’un rallye, d’un parcours extérieur. L’animateur doit avoir soigneusement préparé cette présentation. Trois critères entrent en ligne de compte : le contenu thématique, les règles à observer, l’organisation du groupe.
29- Le contenu thématique : Pour que l’activité gymno-biblique ait du sens pour les participants, l’animateur doit avoir réfléchi à ce qu’il va dévoiler et annoncer en présentant l’activité et en montrant l’éventuel matériel, l’éventuel parcours… Que va-t-il dire d’emblée ? Que va-t-il au contraire ne pas dévoiler pour qu’au cours de l’animation les membres du groupe aient l’occasion, chacun à son rythme et à sa manière, d’opérer des découvertes, la plupart du temps différenciées, de se poser des questions, d’entrer en dialogue de recherche avec d’autres membres du groupe… ? On est ici dans la pratique de la pédagogie différenciée et de la pédagogie du questionnement. Un texte biblique sera-t-il lu en tout ou en partie dès ce moment ? Des photos de rites ou pratiques chrétiennes seront-elles montrées (sur écran ou passant de main en main) ? Une enveloppe contenant des documents (mots-clés, illustrations, citations bibliques…) est-elle à remettre à chacun ou par équipe, à ouvrir et regarder immédiatement ou plus tard, au cours de l’animation ? Tout cela est à penser dès la phase de préparation, évidemment.
30- Les règles à observer : Toute activité de groupe se vit selon un déroulement prévu, des normes établies, des règles à respecter, a fortiori s’il s’agit d’une activité sportive. On a vu précédemment que les règles peuvent évoluer au cours de l’animation, permettant d’autres découvertes, de nouvelles relations, un rebondissement dans les questions et réflexions, un approfondissement dans le contenu… Là encore l’animateur doit s’être interrogé au préalable. Que va-t-il donner comme règle dès le départ ? S’il y a évolution ou changement des règles à suivre, va-t-il d’emblée l’annoncer ou, au contraire, va-t-il créer la surprise de ce changement en cours d’animation ? Et pourquoi ce choix ?
31Dans l’énoncé des règles à suivre, l’animateur va également inclure la bonne utilisation du matériel. Attention à ne pas procéder à un interminable et ennuyeux exposé. Mieux vaut communiquer l’essentiel tout en montrant soi-même (ou en faisant montrer par un membre du groupe) ce qu’il convient de faire et de ne pas faire. La brièveté du propos, la démonstration effective de ce qu’il y a à exécuter et l’utilisation de l’humour sont trois clés de réussite d’une présentation efficace et qui donne le goût de pratiquer l’activité.
32- L’organisation du groupe : L’activité gymno-biblique sera-t-elle pratiquée par chacun en solitaire, l’un après l’autre ou tous au même moment ? Requiert-elle la constitution de différentes équipes ? Les équipes vont-elles réaliser l’activité l’une après l’autre ou, au contraire, simultanément ? Tout cela doit évidemment être pensé et prévu à l’avance, mais aussi être présenté et organisé efficacement et brièvement. Doit-on rappeler que la mission d’animateur en catéchèse requiert aussi des compétences en dynamique de groupe ?
Vécu de l’activité gymno-biblique proprement dite
33La présentation de l’activité étant faite, l’activité elle-même commence le plus rapidement possible. L’animateur se fait serviteur du groupe pour que chacun réussisse le mieux possible à vivre l’événement que constitue une telle animation. La qualité de la relation entre l’animateur et les membres du groupe est gage de la qualité des découvertes spirituelles et cognitives que chacun pourra vivre. Répondre à des questions des participants, mais aussi s’interroger avec eux, en cours d’activité, encourager, soutenir, réexpliquer, donner un ton profond et joyeux, féliciter… sont des attitudes élémentaires de l’animateur, serviteur du groupe.
34Pendant l’activité elle-même, l’animateur catéchétique doit au maximum favoriser la réflexion en profondeur des membres du groupe. Une question posée, un petit mot-clé distillé au bon moment, un très court rappel d’un des enjeux de l’activité… sont des outils à leur disposition. Le moment n’est pas encore venu, au cours de l’activité, pour mener une large réflexion qui constituerait une synthèse des découvertes effectuées. Il s’agit à ce stade de permettre de vivre consciemment cette animation, d’ouvrir une piste de réflexion future, de donner potentiellement accès à une dimension insoupçonnée.
Catéchèse mystagogique suite à l’activité
35Lorsque l’activité sportive est achevée, il est alors temps de prendre du recul, en deux temps : tout d’abord, par une évaluation immédiate (à chaud) ; de manière plus approfondie et systématique par la suite (à froid). Ce qu’on appelle « catéchèse mystagogique » est loin d’être une nouveauté. C’est au contraire une des grandes traditions catéchétiques qui remonte aux Pères de l’Église. C’est déjà saint Ambroise de Milan (ive siècle) qui disait : « Tu voyais ce qui est corporel, avec les yeux de ton corps, mais tu ne pouvais pas encore voir avec les yeux de ton cœur [1]. » Et le théologien Paul De Clerck commente : « Toute la catéchèse des Pères, à partir de là, consiste à faire passer de la vision sensible au mystère invisible […] La catéchèse ne consiste pas à apprendre des notions dont on trouverait ensuite des applications dans l’action. Le processus n’est pas de nature intellectuelle, il est beaucoup plus profondément corporel [2]. » Une catéchèse mystagogique consiste à d’abord faire une expérience sensorielle, à vivre une activité corporelle qui marque les sens, et par la suite « à tirer la leçon de l’expérience », comme l’écrit justement Dom Robert Le Gall [3]. C’est ce type de catéchèse post-expérientielle qui est pratiquée ici de diverses façons : par le partage de ce qui a été vécu et ressenti, par les questions qui se sont posées, par les rapports établis entre le texte biblique (ou par extension le domaine de vie chrétienne) et le vécu de l’activité gymno-biblique proposée, par l’analyse des vidéos tournées et/ou des photos prises pendant l’activité… Et rien n’interdit à l’animateur catéchétique, bien au contraire, de poser des questions, partager son ressenti, signaler ses observations, compléter l’exposé des objectifs de l’activité… Tout cela concourt à entrer dans le Mystère !
36Cette catéchèse, expérience faite, se situe la plupart du temps lors de la rencontre catéchétique du groupe qui suit l’activité gymno-biblique, parfois quelques jours ou quelques semaines plus tard.
Florilège d’animations gymno-bibliques vécues
- Parcours d’engins en salle de gymnastique qui reprend la dynamique et soutient les récits de la sortie d’Égypte dans le livre de l’Exode. Une autre fois, avec d’autres groupes, même activité qui reprend le texte de la Pentecôte dans les Actes des Apôtres.
- Rallye pédestre à travers bois avec diverses étapes qui font découvrir la figure de saint Paul (selon des textes des Actes des Apôtres scénarisés à chaque étape par des comédiens). Même type de rallye où chaque étape fait découvrir un épisode de la passion du Christ ou un moment de l’histoire d’une communauté chrétienne.
- Jeu inter-équipes de flag-football (sorte de rugby sans contacts physiques, utilisé pour ceux qui s’initient au football américain) qui permet de prendre des bandelettes de tissu attachées à la ceinture des joueurs du camp adverse. Sur ces bandelettes sont écrits des indices relatifs à des personnages bibliques qui, sans les nommer, permettent de les découvrir [4].
- Concours de construction de châteaux de sable sur la plage d’après les plans de lieux bibliques (Temple de Jérusalem à l’époque de Salomon ou d’Hérode, Ziggourat de Babylone, Village de Palestine, Port de Césarée, Synagogue de Capharnaüm, Piscine de Siloé…).
- Baseball en plaine ou en cour de récréation, sur le thème des premiers chrétiens. Le joueur qui termine son tour doit restituer fidèlement à l’animateur une phrase qui lui a été communiquée avant son départ.
- Course-relais inter-équipes où chaque coureur qui rejoint son camp après un parcours reçoit une pièce d’un puzzle montrant un sacrement ou une image biblique ou un personnage de l’histoire de l’Église.
- Parcours d’obstacles en forêt, en salle ou plaine de jeux, où des grands doivent aider les plus petits, les moins costauds ; mais aussi passage par des obstacles plus étroits où les plus petits peuvent facilement passer et non les plus grands. Donc entraide mutuelle. Chacun des obstacles doit être franchi au moins par deux membres du groupe ou de l’équipe.
- Marche-recherche dans le quartier ou le village du plus grand nombre de lieux à connotation chrétienne (plaques de rue, statues, noms de bâtiments, lieux de culte, crucifix…).
- Plogging Laudato si’ avec découverte, lors d’étapes, de passages de cette lettre encyclique [5]. Le mot plogging est une contraction de plocka upp (« ramasser », en suédois) et de jogging [6]. Il s’agit de ramasser le plus de déchets possible au cours d’un parcours de jogging et de les placer dans son sac. Cette activité permet, en vraie grandeur, de pratiquer un acte citoyen responsable tout en découvrant le message écologique unanimement salué du Saint-Père.
- Parcours sur échasses qui permet l’entraide.
- Course-relais aquatique où il s’agit de remplir des bassines avec des gobelets ou des seaux d’eau pour atteindre un niveau donné ; à partir des récits de l’arche de Noé (Gn 6 – 9).
- Tir à la corde inter-équipes qui fait intervenir solidarité, force, courage et stratégie de groupe.
Technologie d’avenir pour personnes immobilisées
38Dans l’avenir, on pourrait même envisager, grâce à des créateurs et des théologiens et grâce aux technologies de la réalité virtuelle, que des personnes dans l’impossibilité de se déplacer (personnes handicapées ou hospitalisées, prisonniers, séniors, enfants, jeunes et adultes dans le monde qui suivent l’enseignement à distance…) puissent vivre des activités à caractère gymno-biblique, tout en restant chez elles, comme cela existe déjà pour la visite virtuelle des musées, pour des voyages, pour des rencontres de personnalités et dans divers domaines scientifiques, tels que celui de la chirurgie. Certains modèles de masque de réalité virtuelle activent déjà une technologie passant de trois dimensions (le visionneur est statique, mais peut tourner la tête dans tous les sens et être immergé dans un environnement virtuel) à six dimensions (en outre, le visionneur peut lui-même se déplacer dans l’espace réel) [7].
39Il est évident que de telles technologies pourront à l’avenir servir à de nombreux usages en catéchèse et plus largement dans divers domaines religieux et spirituels.
Conclusion
40La présentation des animations gymno-bibliques qui vient d’être faite a peut-être donné à penser et à agir à des animateurs en catéchèse qui n’avaient jusqu’à présent envisagé la catéchèse autrement que de manière sédentaire et sans activité corporelle soutenue.
41À l’expérience, de telles animations permettent aux communautés chrétiennes de nouveaux rapports interpersonnels, mais aussi intrapersonnels, le rapport au corps au cours d’activités catéchétiques étant souvent bien pauvre.
42Les communautés chrétiennes qui s’y sont essayées ont généralement apprécié le champ créatif tout nouveau qui s’offrait à ses membres.
Notes
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[1]
Dom Bernard Botte, Ambroise de Milan, Des mystères, 2, Cerf, Paris, 1961, p. 157.
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[2]
Paul De Clerck, L’intelligence de la liturgie, Cerf, Paris, 1995, p. 38-39.
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[3]
Dom Robert Le Gall, Dictionnaire de la liturgie, Éd. CLD, Chambray, 1982, p. 174.
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[4]
Cette activité est parue dans Luc Aerens, Jean-Philippe Deprez et Danielle Yannart, Qui est le plus grand ? Guide pédagogique 3, Lumen Vitae/De Boeck, coll. Champs de Grâce, Bruxelles, 1995, p. 225-230.
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[5]
Pape François, Lettre encyclique Laudato si’, Fidélité, Namur, 2015.
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[6]
Une présentation du plogging est parue dans le Lulu Magazine no 15 du printemps 2019, p. 60-61.
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[7]
Le plus grand parc européen actuel de réalité virtuelle se trouve à Mouscron, en Belgique, tout près de la frontière française (Hauts de France).