1L’épuisement des laïcs assurant une mission ecclésiale n’est pas un sujet nouveau. Mais il est clair que ce constat se renforce au fil des ans, questionnant de plus en plus la manière dont ces laïcs, appelés pour rendre un service d’Église, sont accompagnés, soutenus et formés.

2Pour achever son parcours de formation à l’ISPC, Sr Élisabeth Lemière s’est penchée pendant une année sur cette question pastorale. Après avoir pris le temps d’assimiler les travaux déjà effectués en ce domaine et réalisé la complexité des champs à articuler, elle a concentré sa recherche sur l’accompagnement de la vie spirituelle des laïcs en mission ecclésiale, et plus spécifiquement sur la question de l’articulation entre mission et vie spirituelle. Le mémoire qu’elle nous livre et tient à la disposition des personnes qui pourraient être intéressées par cette question [1], est intéressant à plus d’un titre. Il présente tout d’abord un état des lieux pertinent de cette question pastorale actuelle dans le milieu ecclésial français, réalisé à partir d’entretiens semi-directifs. Il interroge ensuite la responsabilité de l’Église institution, sans dégager chaque individu de sa propre responsabilité, dans la manière de prendre soin de la dimension spirituelle dans la vie de chacun. Enfin, il dégage quelques propositions pastorales pour améliorer l’accompagnement des personnes en mission ecclésiale. Une contribution intéressante, donc, à verser à la recherche actuelle en ce domaine.

Mission ecclésiale et vie spirituelle

3A priori, dans l’idéal, la mission ecclésiale confiée devrait pouvoir également nourrir la vie spirituelle de la personne missionnée. C’est parfois le cas, c’est parfois aussi l’effet inverse qui est constaté. Comment s’articulent ces deux éléments de la vie d’une personne, quelles joies, quelles difficultés et quels soutiens entrent ici en jeu ? Voilà ce que Sr Élisabeth Lemière a pu préciser au terme d’un long travail d’entretiens auprès d’un panel diversifié de laïcs en mission ecclésiale.

4Pour la grande majorité des personnes rencontrées, la mission « est avant tout “relation“, tant avec le Seigneur, qu’avec ceux avec lesquels la mission est partagée ainsi qu’avec ceux vers lesquels elle envoie, mais aussi avec l’Église tout entière. Cette dimension relationnelle crée la richesse de la mission mais révèle aussi combien l’intégralité de la personne est touchée par la mission [2] ». Si l’intégralité de la personne missionnée est transformée par la mission reçue, alors il devient évident que mission ecclésiale et vie spirituelle sont indissociables. Ceci appelle même la mise en place de « soutiens » pour que la maturation de la vie spirituelle soit impactée positivement par le déploiement de la mission.

Relecture pastorale et accompagnement spirituel

5Dans une deuxième partie de son mémoire, Sr Élisabeth Lemière aborde deux pratiques usuellement mises en place dans le milieu ecclésial pour soutenir les personnes envoyées en mission. Constatant le flou avec lequel les notions de « relecture » et d’« accompagnement spirituel » sont employées, elle effectue un travail de précision et d’explicitation de ces pratiques pastorales.

6Il ne s’agit pas ici de rendre compte de l’ensemble de son exposé, mais il me paraît intéressant de souligner les questions renvoyées à l’institution ecclésiale à l’issue de ce travail :

7Sachant que l’accompagnement spirituel relève du for interne, comment l’institution ecclésiale peut-elle se positionner pour inviter les personnes qu’elle missionne à y recourir ? Est-il possible, par exemple, d’indiquer dans une lettre de mission la nécessité d’être accompagné spirituellement ?

8L’évaluation professionnelle est-elle correctement assurée par les employeurs (diocèses, établissements, congrégations…), sans confusion avec la relecture de vie ou avec la relecture pastorale telle que Christoph Theobald ou Jean Rigal ont pu en parler ?

Propositions pastorales

9Effectuer un entretien annuel avec la personne missionnée, ne pas hésiter à la questionner sur sa pratique de l’accompagnement spirituel, assurer une formation tant initiale que permanente ajustée à la mission donnée, envoyer officiellement la personne en mission à l’occasion d‘une célébration eucharistique au cours de laquelle sera remise la lettre de mission, voilà autant de suggestions qui sont le fruit de ce travail de recherche.

10Mais un des intérêts principaux de ce mémoire réside dans la mise en lumière de la responsabilité personnelle à la fois de celui qui est envoyé en mission, mais aussi de celui qui est désigné comme personne référente pour cette mission. En effet, le laïc en mission ecclésiale se voit la plupart du temps attribuer un référent avec lequel il sera amené à relire régulièrement sa mission. Sr Élisabeth Lemière montre, dans la dernière partie de son mémoire, que la responsabilité de cette personne référente est plurielle et comprend également le souci de la vie spirituelle de la personne missionnée, sans déresponsabiliser cette dernière.

11Au final, la vie spirituelle des laïcs en mission ecclésiale devient un défi et un enjeu, celui du témoignage évangélique dont chacun doit se sentir responsable, en assumant là où il est, sa part d’accompagnement et de prise en charge.