Fascistes, terroristes, traîtres à la patrie, vendus, ennemis du peuple, saboteurs, valets de l’Empire : ce ne sont là que quelques-uns des cent quarante qualificatifs insultants que, ces dernières années, on a pu relever dans les déclarations, allocutions et discours présidentiels ainsi que dans ceux de ministres, de députés et de hauts fonctionnaires. Le grand Discours de la Révolution bolivarienne, répété par son fondateur et ses acolytes d’une manière univoque et ininterrompue durant dix-sept années, est un discours de dénigrement systématique de tous ceux qui ne sont pas ses fidèles. Pour Hugo Chávez, à l’exception de la guerre d’Indépendance, tout dans l’histoire du Venezuela a été une grande erreur qu’il faut éradiquer. Tout : la démocratie représentative, les institutions, les gouvernements successifs, les partis politiques, l’Eglise, les universités, la grande, la moyenne et la petite industrie, les médias, les intellectuels, les commerçants, les professionnels et les syndicats ouvriers. Tout cela, absolument tout, ne mérite rien d’autre que d’être condamné par le peuple qui, depuis l’origine des temps, est victime des élites nationales et des empires. Tout, en somme, n’aurait été qu’une apocalypse continuelle dont cet homme nous aurait finalement sauvés. On sait la destruction économique et sociale, abondamment documentée, que connaît le pays. Mais on sait moins le dommage symbolique, intangible, inchiffrable, irréparable qu’il subit. Nous voulons parler des blessures infligées à la mémoire et à l’identité d’une nation, à son histoire et à sa culture…