La nouvelle avait surpris : Werner Herzog, un des cinéastes les plus austères qui soient, tournait un film faisant appel à la technologie « 3D », technologie qui, depuis Avatar de James Cameron, semble être devenue la marque de fabrique et l’instrument de renouvellement de la grande industrie du spectacle hollywoodienne. Il avait obtenu l’autorisation exceptionnelle de filmer la grotte Chauvet, découverte en 1994 en Ardèche, décorée de peintures pariétales datant d’il y a trente ou trente-cinq mille ans. D’un film en relief sur le premier chef-d’œuvre connu de l’art figuratif, dont on savait qu’il resterait désormais fermé non seulement au public, mais encore à la plupart des scientifiques, le spectateur devait attendre une véritable fête visuelle. Mais l’audace de Herzog est allée plus loin et a pris une autre voie. On devinait qu’il ne se contenterait pas de montrer des images romantiques des mystérieux dessins de la grotte, sur fond de musique wagnérienne, mais qu’il aille jusqu’à utiliser l’effet stéréoscopique uniquement pour filmer des paysans et des chercheurs expliquant, parfois avec embarras, le maigre savoir dont ils disposent sur la grotte, devant des genévriers secs, voilà qui aura fait passer de la surprise à la réflexion.
Herzog n’est pas de ces cinéastes prostitués qui fabriquent des images comme d’autres font des caresses. Ses images sont toujours adressées, et adressées à l’esprit. Elles ne courent pas superficiellement sur le grain de l’iris ; elles s’insinuent subtilement par les convolutions du cerveau…