Il y eut en France, sous la Ve République, au moins deux types d’élections présidentielles. Les premières sont celles où le mode de scrutin paraît jouer correctement son rôle et où tous semblent pouvoir se satisfaire sinon du résultat du moins de la manière dont il a été obtenu. Ainsi en va-t-il de 1981, quand le premier tour confirme Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand en champions de leurs camps respectifs et que le second tour voit celui-ci l’emporter sur celui-là ; ou de 1995, lorsque le premier tour tranche entre les candidatures d’Edouard Balladur et de Jacques Chirac, lequel l’emportera face à Lionel Jospin. Mais il y a d’autres élections présidentielles où le mode de scrutin paraît au contraire montrer ses limites, quoi que l’on pense du résultat. Ainsi de 2002, quand la dispersion des voix de gauche au premier tour (dira-t-on) envoie Jean-Marie Le Pen au second tour et fait l’élection de Jacques Chirac ; ou de 2017, lorsque la victoire d’Emmanuel Macron se joue lors du premier tour, avec quelques points d’avance sur Jean-Luc Mélenchon et François Fillon. Dans ces deux derniers cas, l’insatisfaction tient à un certain sentiment d’arbitraire, car la victoire finale semble devoir au moins autant aux règles du jeu qu’aux préférences des électeurs. C’est particulièrement net en 2002 : le duel entre Lionel Jospin et Jacques Chirac n’a pas lieu, celui-ci fut élu sans qu’on sache jamais si les électeurs le préféraient réellement à Lionel Jospin. La situation en 2017 est plus complexe, mais le second tour interdit de même de savoir si Emmanuel Macron l’aurait emporté face au candidat des Républicains ou de la France Insoumise…