Changer le monde. Une idée, un projet, des organisations, pendant un moment il a été même question de victoire. L’histoire semblait enceinte de vérité. Nous sommes venus après, enfants de la désillusion et des mauvais rêves. Le renversement du capitalisme était avorté, son désir même rentrait en phase de désintégration symbolique. Les mots étaient trop usés quand ils n’étaient pas trop sages. Alors ils nous ont appris à crier. Après l’extrême violence d’Etat dans laquelle ont sombré les expériences communistes du xxe siècle, ce n’est pas qu’on ne pouvait plus rêver tranquille ; c’est que la possibilité même du rêve pour un changement radical de société semblait forclos. Il fallait arrêter avec les expérimentations. Les rêves se terminant toujours en cauchemar, le changement radical pouvant accoucher le mal radical, il fallait juste travailler pour ajuster ce qu’il y a afin que tout se passe au mieux. Bienvenue dans les jardins désenchantés de la reforme perpétuelle et des ajustements structurels.
Depuis ce qui a reçu le nom de modernité, le multiple des politiques comme champ de conflictualité n’existe pas sans maintenir ouverte la question de la révolution. Celle-ci n’est pas juste une espèce ou une région de la politique, si on entend par là quelque chose qui excède le simple devoir éthique ou la microphysique des formes de vie. Le temps des émeutes est revenu, et depuis quelque temps une nouvelle séquence paraît s’ouvrir pour les politiques d’émancipation et les émergences collectives à grande échelle…