Comment faire pour trancher entre les différentes prétentions à dire la vérité de la situation présente de la France, et plus largement de l’Europe, dans leur rapport à l’islam et aux violences qui se réclament de lui ? De toutes parts du débat intellectuel, les prétendants ne manquent pas. Etre capable de « voir ce qu’on voit », déciller le public, risque pourtant de n’être qu’un mot d’ordre si l’exercice de sincérité ne trouve pas sa mise à l’épreuve. Qui ne prétend pas être sincère, le plus sincère de tous, lorsqu’il pose son diagnostic ? Les titres de créance, les différences d’accent ou de ton, s’ils peuvent aiguiller le jugement, ne suffisent évidemment pas. Deux traits, toutefois, peuvent servir de critère : d’une part l’adoption d’un point de vue fondé en raison, l’exhibition aussi claire et complète que possible des principes à partir desquels la situation est analysée ; d’autre part la capacité à tirer des conséquences pratiques, le passage du diagnostic à la thérapie assumée, l’aptitude à se prononcer sur ce qu’il convient de faire étant donné la situation décrite.
L’intervention de Pierre Manent dans Situation de la France satisfait à ces deux exigences, quant aux principes et quant aux conséquences. Si bien que, lorsqu’il invite l’homme européen à scruter le fond de son âme avec sincérité et qu’il se réclame de cette introspection pour parler, ce n’est pas qu’on le croit : c’est plutôt qu’on l’écoute. Quoi qu’il en soit des objections qui viennent à l’esprit, on accepte le plan de discours qu’il a dégagé…