Le vocabulaire politique des langues européennes devra désormais consacrer une entrée au mot « islam ». En effet, ce mot ne renvoie plus simplement à l’un des trois grands monothéismes (à une religion à proprement parler) ou encore à la foi d’à peu près un quart de la population de la Terre. Au nom de l’islam se commet tout un ensemble d’actes dont la provenance, la nature ou les conséquences sont indiscutablement politiques. Mais au nom « islam » est aussi associé tout un faisceau de problèmes, de malaises ou de crises qui sont intrinsèques au champ politique de l’Europe d’aujourd’hui, avec ses implications socio-historiques, culturelles et, bien sûr, économiques. A cela il faut sans doute ajouter l’action — pacifiste ou belliqueuse, égalitaire ou oppressive, droit-de-l’hommiste ou émancipatrice, etc. — qui est celle de l’Europe démocratique ailleurs, dans un espace à la fois si loin et si proche dans le monde qui est le nôtre : c’est cette action qui vient surdéterminer en quelque sorte cet avers et ce revers politiques du mot « islam ».
Entendons-nous bien : qu’il y ait un problème théologico-politique au sein du discours de l’islam ne fait guère de doute. C’est notre point de départ et les pages qui suivent ont essentiellement pour tâche de mettre en lumière le mode particulier — plus exactement, les modes — dont le politique s’articule avec le théologique dans ce discours. Mais il n’en faut pas moins remarquer que, dans son usage actuel, le mot « islam » intervient souvent, dans les analyses ou les discours politiques, pour remplacer des référents réels par un produit imaginaire, fantasmagorique, à la fois malléable et hermétique…