S’agissant de caractériser les changements importants du capitalisme au cours des trente dernières années et leurs effets politiques et sociaux, les sciences sociales ont mis principalement l’accent soit sur la dégradation des conditions d’emploi et le réaménagement des dispositifs de travail et de management, soit sur le développement de la sphère financière, soit enfin sur le rôle de l’innovation technologique dans la concurrence économique entre firmes et entre Etats. Toutefois, ces perspectives, aussi pertinentes soient-elles, n’épuisent pas l’analyse des transformations en cours. Les réflexions qui suivent prendront surtout appui sur le cas de la France, mais on peut penser qu’elles sont susceptibles d’éclairer des évolutions indissociablement économiques, sociales et politiques qui — à des degrés divers — affectent notamment d’autres Etats d’Europe de l’Ouest.
Pour donner un premier signalement des phénomènes qui retiendront notre attention, nous partirons de deux évolutions dont les manifestations sont peu contestables, mais dont les relations et les effets font l’objet d’un intérêt croissant de la part de sociologues, particulièrement dans le domaine de la socio-économie, ainsi que de géographes. Il s’agit d’abord de ce que l’on a appelé la désindustrialisation. Par là, nous n’entendons pas le passage à une « société postindustrielle », qui a été souvent prophétisé par la sociologie dans les années 1960. Cette prophétie ne s’est pas réalisée car nos sociétés font un usage plus élevé que jamais de produits d’origine industrielle…