TEMPS MODERNES — « Pourquoi avez-vous fait ce numéro ? », demandez-vous. C’est que nous pensons qu’il est temps de revenir sur cette notion un peu vague de « formalisme », qui fonctionne de manière trop systématique comme une sorte de repoussoir facile tant dans les milieux de la théorie de la littérature que dans ceux de la création littéraire. D’un côté, certains résultats du formalisme historique ont été intégrés à la culture scolaire, comme les outils de la narratologie ; de l’autre, on veut que la littérature renoue avec la vie, avec la politique, etc. Le « formalisme » semble porter sur lui tous les maux imputés à la modernité littéraire.
OLIVIER CADIOT — C’est vrai que cette notion est confuse. Si on sort de l’étude de mouvements littéraires précis, on ne sait pas si on parle de dispositifs d’écriture, d’un moment de la modernité, d’une tendance conceptuelle, ou d’œuvres à contraintes ! Il faudrait établir une cartographie complexe, suivre des lignées, soupeser les contradictions, sortir de l’histoire littéraire… française et comprendre que l’art ou la musique — on pourrait mentionner aussi l’architecture ou le design — viennent, à leur rythme, influencer, infirmer, poursuivre, bouleverser cette notion. Pour y voir plus clair il nous faudrait une histoire totale, anthropologique, des idées et des techniques artistiques. Et si l’on veut gagner du temps et confondre rapidement formalisme et modernité, en décidant que le premier est l’une des caractéristiques de la seconde, on ne résout rien et on se perd davantage…