Partons d’une œuvre ancienne. D’un roman poussiéreux. D’un roman tellement lu, étudié, expliqué, analysé, foré, qu’on a le sentiment d’en avoir fait le tour, au point même de ne plus lui trouver la moindre saveur. D’un roman publiquement méprisé par Nicolas Sarkozy et qui suscita en retour une telle réaction d’indignation qu’on en fit le totem de la belle littérature, la marque de la grande culture, mais pour le remiser aussitôt au grenier. Ainsi, Nicolas Sarkozy avait-il apparemment raison : non seulement La Princesse de Clèves ne présente aucune utilité pour les candidates aux concours de catégorie B, mais ce roman est aussi devenu illisible.
Illisible pour les jeunes, en tout cas, pour autant qu’ils en aient entendu parler. Et même au-delà d’eux, il n’intéresse plus grand monde, j’ai eu l’occasion de le vérifier récemment. La littérature classique en général, d’ailleurs, n’intéresse plus grand monde, et cela aussi, lors des dernières années de la carrière universitaire que je viens de terminer par choix, j’ai eu l’occasion de le vérifier. Trop loin de nous, de nos préoccupations, de nos façons de lire, trop loin du roman contemporain.
Récemment, oui : ayant publié en septembre dernier un essai sur le chef-d’œuvre de Mme de Lafayette (l’appellation « chef-d’œuvre » équivaut ici à un constat de décès), le peu d’échos rencontrés m’a surpris. En particulier de la part du corps enseignant. Il est vrai que l’ouvrage est paru sous le titre Passions avec pour sous-titre La princesse de Clève…